đâđš Les vieux amis en froid : Trump zappe Netanyahu & redistribue les cartes au Moyen-Orient
Comme en amour, une politique trop agressive peut vous valoir d'ĂȘtre ignorĂ©. Netanyahu en veut trop & trop vite. IsraĂ«l a lâair dâun ex plein d'amertume, voyant la signature des accords lui Ă©chapper.
đâđš Les vieux amis en froid : Trump zappe Netanyahu & redistribue les cartes au Moyen-Orient
Par Anis Raiss, le 14 mai 2025
Trump est en train de redessiner l'Asie occidentale sans Israël, et Netanyahu n'arrive pas à le joindre au téléphone.
Le président américain Donald Trump est actuellement en visite officielle dans le golfe Persique, et non à Tel-Aviv. Des milliers de milliards sont en jeu, le dossier nucléaire avance et Gaza est au centre d'un accord secret excluant Israël. Pour la premiÚre fois depuis des années, la chorégraphie du pouvoir américain en Asie occidentale se déroule sans qu'Israël et son Premier ministre Benjamin Netanyahu n'en soient l'élément central.
Les mĂ©dias israĂ©liens, notamment Israeli Army Radio, Channel 12 et Israel Hayom, confirment les retombĂ©es : Trump a rompu toute communication directe avec le Premier ministre israĂ©lien. Un membre haut placĂ© de l'entourage de Trump aurait dĂ©clarĂ© au ministre israĂ©lien des Affaires stratĂ©giques, Ron Dermer, que le pire pour le prĂ©sident est d'ĂȘtre perçucomme naĂŻf ou manipulable, et que c'est exactement ce qu'a fait Netanyahu.
Washington ne perd pas de temps. Un plan pour Gaza est dĂ©jĂ en cours d'Ă©laboration avec Le Caire, Doha et Abu Dhabi, et le Hamas a Ă©tĂ© appelĂ© au Caire. Comme l'a dĂ©clarĂ© sans dĂ©tour l'envoyĂ© amĂ©ricain Steve Witkoff Ă la presse israĂ©lienne : âNous voulons ramener les otages, mais câest IsraĂ«l qui ne veut pas mettre fin Ă la guerreâ. ParallĂšlement, un accord nuclĂ©aire saoudien, autrefois subordonnĂ© Ă la normalisation des relations avec IsraĂ«l, avance sans l'avis de Netanyahu.
Il ne s'agit pas seulement d'un changement de ton, mais d'une guerre d'ego. Trump tire sa popularitĂ© de son rĂŽle exclusif de maĂźtre d'Ćuvre de la politique rĂ©gionale. Ă ses yeux, laisser Netanyahu se servir de lui ou tenter de lui dicter son discours est intolĂ©rable. Pour âBibiâ, c'est une question de survie.
AprĂšs s'ĂȘtre maintenu au pouvoir plus souvent que n'importe quel autre dirigeant israĂ©lien, souvent malgrĂ© la menace d'inculpations, Netanyahou ne se voit pas comme un homme d'Ătat comme les autres, mais comme le dernier rempart contre l'effondrement d'IsraĂ«l. Pour les deux dirigeants, le contrĂŽle n'est pas seulement une question de pouvoir, mais aussi d'identitĂ©.
La rupture entre Kushner & Netanyahou
Il n'y a pas si longtemps, Netanyahu pouvait appeler la Maison Blanche et obtenir ce qu'il voulait. Trump a transfĂ©rĂ© l'ambassade amĂ©ricaine Ă JĂ©rusalem, coupĂ© les fonds de l'UNRWA, retirĂ© les Ătats-Unis de l'accord sur le nuclĂ©aire iranien, dĂ©voilĂ© le soi-disant âaccord du siĂšcleâ et favorisĂ© la normalisation des relations entre les pays arabes et l'Ătat occupant.
Jared Kushner, gendre de Trump et responsable de la politique américaine en Asie occidentale, était plus qu'un simple intermédiaire avec Israël : il entretenait des relations privilégiées avec Netanyahu.
Comme l'ont rapporté les médias israéliens et américains, Netanyahu a déjà passé une nuit chez les Kushner, dans le New Jersey. Jared, alors adolescent, avait cédé sa chambre à Netanyahu. Cette anecdote n'était pas anodine, mais révélatrice. Les Kushner, en particulier le pÚre de Jared, Charles, ont brouillé les frontiÚres entre diplomatie et loyauté familiale.
Lorsque Trump est arrivĂ© au pouvoir, cette proximitĂ© s'est traduite en politique. L'AIPAC, la famille Adelson, la ZOA [Zionist Organisation of America] et un rĂ©seau de think tanks bellicistes et de mĂ©ga-donateurs ont dĂ©fini la stratĂ©gie. Les objectifs rĂ©gionaux de Netanyahu â isoler l'Iran, Ă©carter les Palestiniens et officialiser la normalisation avec les pays arabes â ont Ă©tĂ© incorporĂ©s dans la doctrine de Trump.
Mais des fractures sont apparues. Les responsables israéliens ont discrÚtement reproché à Kushner d'avoir fait pression en faveur des accords d'Abraham, qui exigeaient qu'Israël suspende l'annexion de la Cisjordanie occupée. Toutefois, la rupture la plus grave s'est produite lorsque Trump a finalement refusé d'autoriser une frappe militaire contre l'Iran, malgré ses discours incendiaires.
Netanyahu, politiquement assiĂ©gĂ© âchez luiâ et obsĂ©dĂ© par TĂ©hĂ©ran, estimait l'escalade Ă la fois nĂ©cessaire et politiquement bĂ©nĂ©fique. Trump est restĂ© sceptique, prĂ©fĂ©rant prĂ©server son image de nĂ©gociateur plutĂŽt que celle d'un prĂ©sident belliciste.
L'obsession de Netanyahu pour l'Iran
Peu de dirigeants modernes ont fondĂ© leur identitĂ© politique de maniĂšre aussi obsessionnelle sur une seule menace. Pour Netanyahu, câest le programme nuclĂ©aire iranien. Entre les caricatures de bombes brandies Ă l'ONU et les campagnes de pression menĂ©es depuis des dĂ©cennies Ă Washington, il s'est donnĂ© pour mission Ă vie d'empĂȘcher l'Iran de se doter de l'arme nuclĂ©aire.
Son discours n'a pas changé.
âNous ferons tout pour empĂȘcher l'Iran de devenir une puissance nuclĂ©aire, pas pour les autres, mais pour nous-mĂȘmesâ,
a déclaré le premier ministre israélien en mars 2024. Pendant ce temps, les fuites provenant des services du renseignement israéliens se poursuivent.
Le Jerusalem Post a rapportĂ© en mars que le chef d'Ă©tat-major de l'armĂ©e israĂ©lienne rĂ©cemment nommĂ©, Eyal Zamir, a dĂ©clarĂ© que 2025 serait âl'annĂ©e des guerresâ contre Gaza et l'Iran, et que l'armĂ©e est prĂȘte Ă tous les scĂ©narios.
Trump, cependant, semble prendre ses distances. Des sources politiques américaines affirment que le limogeage de Mike Waltz, membre du CongrÚs américain, du cercle de Trump, aurait été provoqué par une réunion secrÚte entre Waltz et Netanyahu, destiné à synchroniser leur message et pousser Trump à la guerre. Mais Trump s'y est opposé.
Il se pourrait plutĂŽt qu'il se prĂ©pare Ă laisser IsraĂ«l frapper seul. Ou bien il garde ses distances pour pouvoir clamer qu'il est hors de cause si Netanyahu passe Ă l'action unilatĂ©ralement. Comme l'a dit un jour l'ancien chef du renseignement militaire Amos Yadlin : âIsraĂ«l n'aura pas besoin des Ătats-Unis le jour J. Il peut se dĂ©brouiller seulâ.
Les escales de Trump dans le Golfe persique sans passer par Jérusalem
AprĂšs Riyad, Trump se rendra Ă Abu Dhabi et Ă Doha, mais pas Ă JĂ©rusalem. Son Ă©quipe ambitionne de ramener plus d'un billion de dollars d'accords. L'ordre du jour comprend Ă©galement un cessez-le-feu Ă Gaza et un plan de reconstruction Ă©laborĂ© en coordination avec l'Ăgypte, le Qatar et les Ămirats arabes unis, sans participation directe d'IsraĂ«l.
Un responsable amĂ©ricain qui a rencontrĂ© les familles des otages Ă Gaza a dĂ©clarĂ© que Trump est âde plus en plus frustrĂ©â par le refus d'IsraĂ«l de mettre fin Ă la guerre. Comme l'a rapportĂ© Al Jazeera, ce responsable a ajoutĂ© :
âSi IsraĂ«l ne reprend pas ses esprits, mĂȘme l'âaccord du millĂ©naireâ se fera sans luiâ.
De son cĂŽtĂ©, Oman a repris son rĂŽle d'intermĂ©diaire discret entre les Ătats-Unis et l'Iran. La diplomatie en coulisses a contribuĂ© Ă un accord de cessez-le-feu bilatĂ©ral entre Washington et le gouvernement de Sanaa au YĂ©men afin de rĂ©duire les tensions dans la mer Rouge. âLes Ătats-Unis n'ont pas besoin de l'autorisation d'IsraĂ«lâ pour conclure un accord avec le gouvernement yĂ©mĂ©nite alignĂ© sur Ansarallah, a dĂ©clarĂ© un responsable amĂ©ricain, citĂ© par la presse israĂ©lienne.
L'accord nucléaire saoudien, mais sans Israël
Pendant des annĂ©es, IsraĂ«l a exigĂ© que tout programme nuclĂ©aire saoudien approuvĂ© par les Ătats-Unis soit soumis Ă Tel-Aviv. Ce veto informel s'inscrivait dans un compromis plus large : la normalisation en Ă©change du droit Ă l'Ă©nergie nuclĂ©aire civile, mais ce scĂ©nario est en train de voler en Ă©clats.
Selon Israel Hayom et l'Arab Weekly, Trump n'a plus le soutien du Sénat pour faire de la participation israélienne une condition préalable à l'accord avec l'Arabie saoudite. Son équipe élabore actuellement un cadre permettant au royaume d'enrichir de l'uranium sans aucune condition.
L'urgence est réelle. Dans une interview de CBS largement citée en 2018, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MbS) a lancé cette mise en garde :
âSi l'Iran dĂ©veloppe l'arme nuclĂ©aire, nous ferons de mĂȘme dans les plus brefs dĂ©laisâ.
Alors que l'Iran aurait atteint un niveau d'enrichissement de l'uranium proche de celui requis pour fabriquer une arme nucléaire, Riyad couvre ses arriÚres. La capacité de Tel-Aviv à bloquer cette initiative s'amenuise.
De l'allié au parent pauvre
Tout avait pourtant si bien commencĂ©. Netanyahu avait qualifiĂ© Trump de âmeilleur ami qu'IsraĂ«l ait jamais eu Ă la Maison Blancheâ. Il a obtenu des bombes antibunker, une invitation Ă la Maison Blanche et a vĂ©cu son heure de gloire. Il a publiĂ© sur X que cette alliance est renforcĂ©e, et plus forte que jamais.
Comme en amour, une approche trop agressive en politique peut aussi vous valoir d'ĂȘtre ignorĂ©. Netanyahu en a trop voulu, et trop vite. Aujourd'hui, Trump ne rĂ©pond plus au tĂ©lĂ©phone. Les appels sonnent dans le vide. Et IsraĂ«l, autrefois confortablement installĂ© Ă la table des nĂ©gociations, ressemble dĂ©sormais Ă un ex plein d'amertume, condamnĂ© Ă voir la signature des accords lui Ă©chapper.
Et ce que l'Ătat occupant redoute le plus, ce n'est pas seulement l'exclusion, mais ce qui sera signĂ© en son absence, sans pouvoir s'y opposer.
Traduit par Spirit of Free Speech
https://thecradle.co/articles/from-bffs-to-blocked-trump-ghosts-netanyahu-in-redrawing-the-region