đâđš Les violences se poursuivent sans relĂąche en Syrie, alors quâIsraĂ«l frappe Damas
Le chef druze libanais Joumblatt accuse IsraĂ«l dâexploiter les divisions pour briser la Syrie. âIsraĂ«l ne protĂšge personne. Il ne rĂ©pand que la violence & le chaos Ă Sweida & dans toute la Syrieâ.

đâđš Les violences se poursuivent sans relĂąche en Syrie, alors quâIsraĂ«l frappe Damas
Par Murtaza Hussain, le 17 juillet 2025
Plus de 500 combattants et civils ont été tués durant quatre jours de combats entre le gouvernement syrien, Israël, les milices druzes et les tribus bédouines à Sweida, en Syrie.
Sweida, Syrie â Mercredi aprĂšs-midi, des sites emblĂ©matiques de la capitale syrienne Damas ont Ă©tĂ© le théùtre d'un carnage lorsque des frappes aĂ©riennes israĂ©liennes ont visĂ© d'importants bĂątiments gouvernementaux au cĆur de la ville. Parmi les sites touchĂ©s par une vague d'attaques israĂ©liennes figuraient le quartier gĂ©nĂ©ral de l'Ă©tat-major de la nouvelle armĂ©e syrienne, situĂ© sur la place emblĂ©matique de la ville, la place des Omeyyades, ainsi qu'un bĂątiment situĂ© Ă la pĂ©riphĂ©rie du complexe prĂ©sidentiel syrien.
Hassan Al-Mukhtar, un journaliste syrien de 29 ans travaillant pour la Syrian Radio and Television Corporation, se trouvait dans le quartier général de l'état-major lorsque les frappes aériennes israéliennes ont eu lieu.
âQuand je suis arrivĂ© devant la porte principale du quartier gĂ©nĂ©ral de l'Ă©tat-major Ă Damas, j'ai Ă©tĂ© choquĂ© par la deuxiĂšme frappe aĂ©rienne qui a frappĂ© le bĂątiment du ministĂšre de la DĂ©fense, situĂ© Ă quelques mĂštres seulement de l'endroit oĂč je me trouvais quelques secondes auparavantâ, raconte Al-Mukhtar. âLa puissance des explosions m'a dĂ©sĂ©quilibrĂ© sur ma moto et je suis tombĂ© », a-t-il ajoutĂ©. Des pierres et des Ă©clats d'obus ont commencĂ© Ă me tomber dessus et Ă se disperser tout autour de moiâ.
Des images dramatiques du bombardement du quartier général de l'état-major ont été diffusées en direct sur plusieurs chaßnes d'information syriennes. Les présentateurs ont été coupés en plein direct par une série d'explosions puissantes qui ont détruit une partie du bùtiment, provoquant la fuite des civils et des piétons. De la fumée était également visible dans les collines surplombant la ville, aprÚs une nouvelle vague de frappes israéliennes qui auraient touché un bùtiment situé à proximité du complexe présidentiel. Les premiers rapports ont fait état d'au moins trois morts et de dizaines de blessés dans les bombardements israéliens à Damas.
Al-Mukhtar a Ă©tĂ© lĂ©gĂšrement blessĂ© et a inhalĂ© de la fumĂ©e, mais il a dĂ©clarĂ© que l'impact psychologique de l'attaque contre ce site emblĂ©matique du centre de Damas a Ă©tĂ© terrible. âOn lisait la terreur dans les yeux des civils pris dans l'attaqueâ, a-t-il dĂ©clarĂ©.
Le gouvernement israélien a affirmé que ses attaques contre Damas visaient à défendre la communauté druze syrienne. Ces derniers jours, des affrontements meurtriers ont opposé des milices druzes, des tribus bédouines et des groupes armés liés au gouvernement syrien dans le gouvernorat méridional de Suweida. Dans un communiqué expliquant les raisons de son offensive sur la capitale, l'armée israélienne a déclaré que
âle quartier gĂ©nĂ©ral militaire de Damas est le lieu d'oĂč les commandants du rĂ©gime syrien dirigent les opĂ©rations de combat et dĂ©ploient les forces du rĂ©gime dans la rĂ©gion d'As-Suwaydaâ, ajoutant que l'armĂ©e israĂ©lienne âse tient prĂȘte Ă plusieurs scĂ©nariosâ.
Mercredi soir, le gouvernement syrien de M. al-Sharaa a publié un communiqué qualifiant ces violences de tentative israélienne de diviser le pays entre communautés.
âL'entitĂ© israĂ©lienne, qui cherche Ă nous dĂ©stabiliser et Ă semer la discorde depuis la chute de l'ancien rĂ©gime, tente une fois de plus de transformer notre terre sacrĂ©e en un champ de bataille sans finâ, a dĂ©clarĂ© M. Sharaa dans un discours. âElle cherche Ă fracturer l'unitĂ© de notre peuple et Ă affaiblir notre capacitĂ© Ă poursuivre sur la voie de la reconstruction et du renouveau nationalâ.
Avant de frapper Damas mercredi, l'armée israélienne a également bombardé les forces syriennes prÚs de Sweida en début de semaine, tuant plusieurs soldats. AprÚs ces attaques, le gouvernement syrien a publié une déclaration dans laquelle il
âcondamne avec la plus grande fermetĂ© l'agression lĂąche perpĂ©trĂ©e aujourd'hui par IsraĂ«l, par le biais d'attaques coordonnĂ©es de drones et de frappes aĂ©riennes militairesâ, ajoutant qu'âun certain nombre de membres de nos forces armĂ©es et de nos forces de sĂ©curitĂ©â ainsi que âplusieurs civils innocentsâ ont Ă©tĂ© tuĂ©s.
Les affrontements à Sweida, qui ont précédé l'assaut israélien sur Damas, ont éclaté aprÚs l'envoi de troupes par le gouvernement, cette semaine, pour réprimer les combats entre les milices druzes et bédouines dans la région. Ces combats ont été déclenchés par l'enlÚvement d'un marchand druze par des groupes bédouins, puis par les attaques en représailles des milices druzes, qui maintiennent une présence autonome dans la région. Des milices pro-gouvernementales auraient ensuite attaqué des groupes druzes ayant précédemment rejeté l'autorité imposée par le gouvernement à Sweida.
Ces affrontements ont chassĂ© des milliers de personnes de leurs foyers et ont entraĂźnĂ© des coupures de rĂ©seau, d'Ă©lectricitĂ©, voire d'eau dans cette rĂ©gion situĂ©e Ă la frontiĂšre sud de la Syrie, non loin d'IsraĂ«l. Le militant civil Mulehm Alabaza a dĂ©clarĂ© que cette semaine infernale dans la rĂ©gion a rĂ©sumĂ© âl'humiliation et l'impuissanceâ ressenties par de nombreux habitants druzes, qui, selon lui, sont âincapables de dĂ©fendre leurs habitationsâ.
ĂgĂ© de 37 ans, il a quittĂ© le Liban quelques mois plus tĂŽt pour rendre visite Ă sa famille et faire ses adieux avant de rejoindre sa femme en Italie. Il s'est retrouvĂ© pris au piĂšge dans un cauchemar. Avec neuf autres familles, il n'a pas pu s'Ă©chapper du complexe rĂ©sidentiel des enseignants alors que des militants empĂȘchaient tout civil de quitter son domicile en toute sĂ©curitĂ©.
âIl n'y avait ni Ă©lectricitĂ© ni eau, et le carburant pour les gĂ©nĂ©rateurs Ă©tait rare dans toute la ville. Il Ă©tait dangereux de se dĂ©placer d'une maison Ă l'autre mardi et mercrediâ,
a déclaré Alabaza à Drop Site News. Son témoignage s'ajoute à ceux de nombreux résidents druzes de la région qui ont dénoncé les exactions commises par les milices pro-gouvernementales et bédouines, notamment une attaque contre une maison d'hÎtes appartenant au beau-frÚre d'Alabaza, qui a fait neuf morts. Drop Site News n'a pas pu vérifier ces informations de maniÚre indépendante.
Jeudi, un cessez-le-feu provisoire a semblé s'installer dans la région, avec le retrait des troupes gouvernementales. Mais le bilan des combats est dévastateur pour Sweida. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, au moins 516 combattants et civils ont trouvé la mort des deux cÎtés au cours des quatre jours de violence. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des combattants druzes et pro-gouvernementaux morts ou blessés, ainsi que des scÚnes d'humiliation, comme le rasage forcé de la barbe et de la moustache de Druzes syriens faits prisonniers. AprÚs le recul du gouvernement, des milices druzes auraient également, en guise de représailles, tué des civils bédouins.
Mercredi soir, M. Sharaa a tenté d'envoyer un message rassurant à la communauté druze de Syrie, aprÚs les attaques sectaires rapportées à Sweida.
âJ'adresse un message tout particulier Ă nos frĂšres druzes, qui font partie intĂ©grante du tissu de cette nation : la Syrie ne sera jamais une terre de partition, de fragmentation ou de division entre ses fils. La protection de vos droits et libertĂ©s est une prioritĂ© absolue pour nousâ.
Ces attaques et cette intervention font suite aux incursions rĂ©pĂ©tĂ©es d'IsraĂ«l dans le sud de la Syrie depuis la chute du gouvernement prĂ©cĂ©dent. L'armĂ©e israĂ©lienne a Ă©tendu son occupation militaire dans la rĂ©gion afin de crĂ©er une âzone tamponâ de plus en plus vaste sur le territoire syrien. Elle invoque la protection de la minoritĂ© druze basĂ©e Ă Sweida pour justifier son intrusion.
Ces tentatives ont Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©es par le gouvernement syrien et ses soutiens comme faisant partie d'un plan de partition du pays selon des lignes ethniques. Toutefois, les raisons qui poussent IsraĂ«l Ă intensifier ses attaques pourraient tout autant ĂȘtre liĂ©es Ă sa propre politique intĂ©rieure. IsraĂ«l abrite en effet une minoritĂ© druze, petite mais trĂšs influente, qui sert dans son armĂ©e et dont le gouvernement cherche Ă s'attirer les faveurs.
En réponse à ce qu'ils ont présenté comme des appels de la minorité druze d'Israël en faveur d'une intervention en Syrie, les responsables israéliens ont promis d'intensifier leurs attaques.
âFrĂšres druzes d'IsraĂ«l, vous pouvez compter sur l'armĂ©e israĂ©lienne pour protĂ©ger vos frĂšres druzes de Syrie. Le Premier ministre Netanyahou et moi-mĂȘme, en tant que ministre de la DĂ©fense, avons pris un engagement et le respecteronsâ,
a déclaré le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux annonçant que les attaques israéliennes contre la Syrie se poursuivraient.
D'autres responsables israéliens sont allés encore plus loin, suggérant que le véritable objectif des opérations israéliennes est d'anéantir le nouveau gouvernement. Mardi, le ministre israélien de la Diaspora et de la Lutte contre l'antisémitisme, Amichai Chikli, a appelé Israël à assassiner le président par intérim syrien, Ahmad al-Sharaa, déclarant :
âQuiconque pense qu'Ahmad al-Sharaa est un dirigeant lĂ©gitime se trompe lourdement. C'est un terroriste, un meurtrier barbare qui doit ĂȘtre Ă©liminĂ© sans dĂ©laiâ.
Le ministre israĂ©lien de la SĂ©curitĂ© nationale, Itamar Ben-Gvir, a fait Ă©cho Ă ces propos dans une vidĂ©o, affirmant que âla seule chose Ă faire avec Jolani est de l'Ă©liminerâ.
L'opération contre la Syrie présente également un avantage personnel pour Netanyahu. Le bombardement de Damas, mercredi, a en effet entraßné l'ajournement soudain de son procÚs pour corruption et abus de confiance en cours.
Les divisions druzes
Depuis la chute du prĂ©cĂ©dent gouvernement syrien, les dirigeants de la communautĂ© druze sont divisĂ©s quant Ă leurs positions vis-Ă -vis du nouveau gouvernement. Si la majoritĂ© des factions druzes en Syrie se sont alignĂ©es sur le nouveau gouvernement de Damas, les factions du sud, dirigĂ©es par le chef spirituel druze influent Cheikh Hikmat al-Hijri, ont exigĂ© l'autonomie administrative et refusĂ© de dĂ©poser les armes ou de s'intĂ©grer au gouvernement central. En mars dernier, al-Hijri a dĂ©noncĂ© le nouveau gouvernement syrien comme Ă©tant un âgouvernement extrĂ©miste dans tous les sens du termeâ et a appelĂ© Ă plusieurs reprises IsraĂ«l Ă apporter son soutien et Ă intervenir Ă Sweida.
Bien que la situation se soit provisoirement stabilisée, avec un cessez-le-feu et le retrait des troupes gouvernementales de Sweida, les violences de cette semaine risquent d'exacerber les divisions dans la région et d'entraver la capacité du gouvernement à rétablir son autorité.
Hassan al-Atrash, professeur de biologie à la retraite ùgé de 77 ans, a déclaré avoir été témoin d'attaques menées par les forces gouvernementales à proximité d'un hÎpital local, alors qu'il était pris au piÚge avec sa famille durant les combats.
âLes forces armĂ©es Ă©taient prĂ©cisĂ©ment stationnĂ©es Ă proximitĂ© de l'hĂŽpitalâ,
raconte al-Atrash, la voix encore chargée d'incrédulité, car il habite à proximité de l'hÎpital.
âOn a tentĂ© d'empĂȘcher les gens d'accĂ©der aux urgences. Plus d'une personne a Ă©tĂ© tuĂ©e par des tirs visant la zone des urgences. Nous n'avions jamais entendu parler de telles choses, sauf Ă Gazaâ.
En réponse à ces attaques, des dirigeants druzes israéliens proches d'Al-Hijri ont organisé des manifestations publiques pour demander au gouvernement israélien d'intervenir en Syrie afin de soutenir Al-Hijri et la communauté druze de Sweida dans son ensemble. Toutefois, d'autres personnalités druzes de la région ont des opinions partagées sur la question. Le chef druze libanais Walid Joumblatt, qui a tissé des liens avec le nouveau gouvernement de Damas, a appelé au dialogue pour mettre fin aux combats, accusant Israël de chercher à exploiter les divisions pour provoquer le démantÚlement de la Syrie.
âIsraĂ«l ne protĂšge personneâ, a dĂ©clarĂ© Joumblatt mercredi. âIl ne cherche qu'Ă provoquer davantage de violence et de chaos Ă Sweida et dans toute la Syrieâ.
Les attaques israĂ©liennes de cette semaine ne sont que les derniĂšres d'une longue sĂ©rie de frappes aĂ©riennes et d'opĂ©rations terrestres menĂ©es par IsraĂ«l dans le sud de la Syrie depuis la chute du rĂ©gime d'Assad, en dĂ©cembre dernier. Pour l'instant, les attaques Ă Sweida ont peut-ĂȘtre aidĂ© le gouvernement israĂ©lien Ă renforcer le soutien de sa propre communautĂ© druze, tandis que les bombardements contre des sites gouvernementaux Ă Damas ont envoyĂ© un message aux nouvelles autoritĂ©s syriennes : leur gouvernement peut ĂȘtre renversĂ© Ă tout moment.
Alors que les mĂ©dias israĂ©liens font Ă©tat de pourparlers secrets entre la Syrie et IsraĂ«l sur des questions de sĂ©curitĂ©, voire sur la normalisation de leurs relations, la violence ne cesse de s'intensifier depuis dĂ©cembre, parallĂšlement Ă l'occupation croissante du sud de la Syrie par IsraĂ«l. Les attaques contre Damas ont Ă©tĂ© condamnĂ©es par le gouvernement syrien ainsi que par de nombreux pays de la rĂ©gion, dont l'Arabie saoudite, les Ămirats arabes unis, l'Ăgypte et la Turquie, qui ont dĂ©noncĂ© ces violations de la souverainetĂ© syrienne par IsraĂ«l.
Les Ătats-Unis ont cherchĂ© Ă se prĂ©senter comme mĂ©diateurs entre la Syrie et IsraĂ«l dans ce conflit toujours plus prĂ©occupant. Lors d'une confĂ©rence de presse Ă la Maison Blanche, le secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricain Marco Rubio a dĂ©clarĂ© qu'un âmalentenduâ entre les gouvernements syrien et israĂ©lien serait Ă l'origine de la vague de frappes aĂ©riennes israĂ©liennes sur la capitale syrienne.
Mais pour certains habitants de Suwayda, la violence dĂ©passe le cadre du territoire et de la politique, et nâest quâune attaque existentielle contre l'identitĂ© druze elle-mĂȘme. âOn ne peut pas entrer dans la ville de Suwayda par la forceâ, a dĂ©clarĂ© Al-Atrash Ă propos de la dĂ©cision des milices pro-gouvernementales de se dĂ©ployer dans la rĂ©gion Ă la suite d'affrontements avec des groupes bĂ©douins.
âLes habitants du djebel druze n'ont jamais acceptĂ© de telles pratiques. Le gouvernement aurait dĂ» parvenir Ă un accord avec les habitants de Suwayda par le biais de nĂ©gociations, et non par la forceâ.
Traduit par Spirit of Free Speech
Cet article a été publié en collaboration avec Egab.
Les terroristes...terrorisĂ©s par...dâautres terroristes! Il reste des syriens en Syrie ?