đâđš Lâesprit des dĂ©sespĂ©rĂ©s
La semaine derniÚre, le président français Emmanuel Macron a suggéré l'idée suicidaire d'envoyer des troupes de l'OTAN en Ukraine pour affronter militairement la Russie.
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Par Scott Ritter pour Consortium News, le 5 mars 2024
â O mal, tu es prompt Ă entrer dans les pensĂ©es de l'homme au dĂ©sespoir! â RomĂ©o et Juliette, acte 5, scĂšne 1
Par ces mots, William Shakespeare, l'immortel poÚte, capte toute la psychologie des hommes qui, se pensant confrontés à une situation sans espoir de dénouement, entreprennent des actions qui les conduiront inévitablement à leur perte.
Bien qu'elle se dĂ©roule Ă Mantoue, en Italie, au XIVe siĂšcle, la tragĂ©die de Shakespeare aurait facilement pu ĂȘtre transposĂ©e dans la France d'aujourd'hui, oĂč le prĂ©sident français Emmanuel Macron, dans le rĂŽle d'un RomĂ©o moderne, aprĂšs avoir appris la disparition de son vĂ©ritable amour, l'Ukraine, dĂ©cide de se suicider en encourageant l'envoi de troupes de l'OTAN en Ukraine pour affronter militairement la Russie.
La semaine derniĂšre, M. Macron a organisĂ© une rĂ©union de crise pour discuter de la dĂ©gradation des conditions sur le champ de bataille en Ukraine aprĂšs la prise par les Russes de la ville forteresse d'Adviivka. Des hauts reprĂ©sentants des Ătats membres de l'OTAN, dont les Ătats-Unis et le Canada, ont participĂ© Ă cette rĂ©union.
âNous ne devons pas exclure qu'il puisse y avoir un besoin de sĂ©curitĂ© justifiant alors certains types de dĂ©ploiementâ, a dĂ©clarĂ© M. Macron lors d'une confĂ©rence de presse organisĂ©e Ă l'issue de la rĂ©union. âMais je vous ai indiquĂ© trĂšs clairement quelle est la position de la France, c'est-Ă -dire une ambiguĂŻtĂ© stratĂ©gique que je maintiens.â
Les autres participants Ă la rĂ©union se sont immĂ©diatement prĂ©cipitĂ©s pour annoncer que, de leur point de vue, il n'y avait pas d'âambiguĂŻtĂ© stratĂ©giqueâ - l'envoi de forces de l'OTAN en Ukraine n'Ă©tait pas Ă l'ordre du jour.
Le chancelier allemand Olaf Scholz, qui a participé aux négociations de Paris, a rejeté en bloc la proposition de M. Macron.
âCe qui a Ă©tĂ© convenu dĂšs le dĂ©part entre nous et rĂ©ciproquement vaut Ă©galement pour l'avenirâ, a dĂ©clarĂ© M. Scholtz, âĂ savoir qu'il n'y aura pas de soldats sur le sol ukrainien envoyĂ©s par des Ătats europĂ©ens ou des Ătats membres de l'OTANâ.
La dĂ©claration de M. Scholz a Ă©tĂ© reprise par d'autres dirigeants de l'OTAN, laissant la France seule Ă supporter les consĂ©quences de l'âambiguĂŻtĂ© stratĂ©giqueâ de M. Macron.
Alors mĂȘme que l'OTAN se prĂ©cipitait pour clarifier la position de M. Macron, la Russie a clairement fait savoir quelles seraient les consĂ©quences d'un dĂ©ploiement prĂ©cipitĂ© des forces de l'OTAN en Ukraine. Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a dĂ©clarĂ© qu'en cas de dĂ©ploiement de l'OTAN en Ukraine,
ânous ne devrions pas parler de probabilitĂ©, mais d'inĂ©vitabilitĂ© [d'une guerre directe avec l'OTAN]. C'est ainsi que nous l'Ă©valuonsâ.
M. Peskov a noté que la plupart des pays de l'OTAN participant à la conférence de Paris
âĂ©valuent avec suffisamment de luciditĂ© les dangers potentiels d'une telle action et le danger potentiel d'ĂȘtre directement impliquĂ© dans un conflit ouvert, les impliquant sur le champ de batailleâ.
Il a Ă©galement notĂ© la position de M. Macron concernant âla nĂ©cessitĂ© d'infliger une dĂ©faite stratĂ©gique Ă la Russieâ, un objectif partagĂ© par les Ătats-Unis et le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'OTAN.
La réponse de Poutine
Dans son discours annuel devant le Parlement russe, prononcé quelques jours aprÚs la conférence de presse de M. Macron, le président russe Vladimir Poutine a levé toute ambiguïté sur les conséquences d'une éventuelle intervention de l'OTAN en Ukraine.
âNous nous souvenons du sort de ceux qui ont un jour envoyĂ© leurs contingents sur le territoire de notre paysâ, a dĂ©clarĂ© M. Poutine, faisant rĂ©fĂ©rence aux invasions passĂ©es de la Russie par Hitler et NapolĂ©on. âMais aujourd'hui, les consĂ©quences pour les interventionnistes potentiels seront bien plus tragiques.â
Et pour enfoncer le clou, M. Poutine a poursuivi en décrivant les avancées les plus récentes de la Russie dans le domaine des armes nucléaires stratégiques : un nouveau missile de croisiÚre à propulsion nucléaire, le Burevestnik, en phase finale de conception, et le déploiement de missiles balistiques intercontinentaux lourds Sarmat et d'ogives hypersoniques Avangard, immunisés contre les défenses antimissiles occidentales.
M. Poutine a souligné que deux de ces nouvelles armes russes - le Zircon et le Kinzhal - ont été utilisées au combat dans le conflit ukrainien.
Les dirigeants de l'OTAN âdoivent bien saisir que nous disposons Ă©galement d'armes capables de frapper des cibles sur leur territoireâ, a dĂ©clarĂ© M. Poutine. âTout ce qu'ils Ă©laborent actuellement, en effrayant le monde avec la menace d'un conflit impliquant des armes nuclĂ©aires, qui signifierait potentiellement la fin de la civilisation, ne s'en rendent-ils pas compte ?â
La preuve la plus Ă©vidente que les dirigeants de l'OTAN ne se rendent pas compte des consĂ©quences de leurs actes est la transcription d'une conversation, publiĂ©e par la rĂ©dactrice en chef de RT, Margarita Simonyan, sur sa page du rĂ©seau social VK, dans laquelle quatre officiers supĂ©rieurs allemands discutent de la maniĂšre dont ils prĂ©voient de mettre en Ćuvre les instructions qui leur ont Ă©tĂ© donnĂ©es par le ministre allemand de la dĂ©fense, Boris Pistorius, concernant la livraison du missile de croisiĂšre Taurus Ă l'Ukraine.
Comme le montre la transcription, les assurances données par le chancelier allemand Scholz selon lesquelles l'Allemagne ne s'impliquerait pas directement dans le conflit ukrainien n'étaient guÚre plus qu'un mensonge.
Outre les problÚmes logistiques liés au transfert de ces armes, les officiers allemands ont discuté de leur utilisation possible, notamment pour attaquer le pont de Crimée reliant la péninsule de Crimée au sud de la Russie.
âLe pont [de CrimĂ©e] Ă l'est est difficile Ă atteindre, car il constitue une cible assez rĂ©duite, mais le Taurus peut le faire, et il peut Ă©galement atteindre des dĂ©pĂŽts de munitionsâ, a notĂ© l'un des officiers allemands, suscitant la rĂ©ponse d'un autre, qui dĂ©clare que âcertains pensent que le Taurus peut le faire (atteindre le pont de CrimĂ©e) si l'avion de chasse français Dassault Rafale est utilisĂ©â.
M. Scholz s'est montré réticent à l'idée de rejoindre la Grande-Bretagne et la France, qui ont transféré des missiles à longue portée Storm Shadow et Scalp, respectivement, à l'Ukraine.
âCe qui est fait en matiĂšre de contrĂŽle et de suivi des cibles par les Britanniques et les Français ne peut pas ĂȘtre fait en Allemagneâ,
a déclaré M. Scholz aprÚs la réunion de Paris, en faisant référence au rÎle indirect joué par la Grande-Bretagne et la France pour permettre aux pilotes ukrainiens de lancer les missiles Storm Shadow et Scalp à partir d'avions SU-24 modifiés.
âTous ceux qui ont eu affaire Ă ces systĂšmes le saventâ, a notĂ© M. Scholz, ce qui implique la nĂ©cessitĂ© pour le personnel militaire allemand de jouer un rĂŽle direct dans le ciblage et l'utilisation du missile Taurus.
âLes soldats allemands ne doivent Ă aucun moment et en aucun point ĂȘtre liĂ©s aux cibles que ce systĂšme (Taurus) atteintâ, a dĂ©clarĂ© M. Scholz, ajoutant âni en Allemagne, ni ailleursâ.
M. Scholz semble comprendre les conséquences potentielles de l'implication de l'Allemagne dans la visée et le fonctionnement de tout missile Taurus utilisé par l'Ukraine contre la Russie.
âCette clarification est nĂ©cessaireâ, a dĂ©clarĂ© M. Scholz. âJe suis surpris de constater que cela n'Ă©meut personne, et que l'on ne se demande mĂȘme pas si ce que nous faisons ne pourrait pas dĂ©boucher sur un engagement dans la guerreâ.
Il est clair qu'il y a un décalage entre le chancelier allemand et son ministre de la Défense.
Au cas oĂč les officiers allemands et leur ministre n'auraient pas ârĂ©alisĂ©â les consĂ©quences potentielles de leurs actes, l'armĂ©e russe a procĂ©dĂ©, un jour aprĂšs le discours de Poutine devant le Parlement russe, Ă ce qu'elle a appelĂ© âun tir d'entraĂźnement au combat d'un missile balistique intercontinental mobile Ă propergol solide PGRK Yars, Ă©quipĂ© d'ogives multiplesâ.
Le missile Yars, lancĂ© depuis le centre d'essai de Plesetsk, situĂ© au sud de Saint-PĂ©tersbourg, peut transporter entre trois et six ogives nuclĂ©aires pouvant ĂȘtre pointĂ©es sĂ©parĂ©ment.
Selon le ministĂšre russe de la DĂ©fense,
âles ogives d'entraĂźnement ont atteint la zone dĂ©signĂ©e sur le terrain d'entraĂźnement de Kura, dans la pĂ©ninsule du Kamtchatkaâ, aprĂšs avoir parcouru une distance de prĂšs de 6 700 km.
Lorsque j'Ă©tais inspecteur en armement, en 1988-1990, et que je travaillais Ă l'usine de production de missiles de Votkinsk, nous avons inspectĂ© le missile balistique intercontinental SS-25 âTopolâ, le prĂ©dĂ©cesseur du missile âYarsâ rĂ©cemment testĂ© par la Russie.
Lorsque les trois premiers missiles inspectés sont sortis du site, les inspecteurs américains leur ont donné le nom de villes américaines qui pourraient vraisemblablement constituer leurs cibles : Pittsburgh, Des Moines et Chicago. Les autorités de Washington ont rapidement dissuadé les inspecteurs de recourir à cette pratique, compte tenu du caractÚre sensible de la question de la guerre thermonucléaire.
On peut se demander si les soldats russes responsables du lancement du missile Yars ont pris le temps de donner un nom à leurs ogives et, dans l'affirmative, quelles villes auraient été choisies pour les baptiser.
Il ne fait aucun doute que si les soldats russes s'Ă©taient tournĂ©s vers l'ancien prĂ©sident Dmitri Medvedev pour lui demander conseil aprĂšs avoir Ă©tĂ© informĂ©s de la conversation interceptĂ©e, les ogives auraient probablement Ă©tĂ© baptisĂ©es d'aprĂšs des villes allemandes - Munich, Berlin, Francfort, Hambourg, Nuremberg, DĂŒsseldorf.
âLes ennemis Ă©ternels, les Allemands, de nouveau nos ennemis jurĂ©sâ, s'est indignĂ© M. Medvedev dans un message publiĂ© sur sa chaĂźne Telegram.
Les Allemands seraient bien avisĂ©s de rĂ©flĂ©chir longuement Ă leurs dĂ©cisions, qui pourraient prĂ©cipiter un conflit qui, comme l'a fait remarquer Poutine, âpourrait vouloir dire la fin de la civilisation - ne s'en rendent-ils donc pas compte ?â
Vraiment pas ?
âO mal, tu es prompt Ă entrer dans les pensĂ©es de l'homme au dĂ©sespoir!
* Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines amĂ©ricains qui a servi dans l'ex-Union soviĂ©tique pour mettre en Ćuvre les traitĂ©s de contrĂŽle des armements, dans le golfe Persique pendant l'opĂ©ration TempĂȘte du dĂ©sert et en Irak pour superviser le dĂ©sarmement des armes de destruction massive. Son dernier ouvrage est Disarmament in the Time of Perestroika, publiĂ© par Clarity Press.
https://consortiumnews.com/2024/03/05/scott-ritter-the-minds-of-desperate-men/