đâđš Lettre Ă mes bĂ©bĂ©s : Je pleure d'avoir rĂȘvĂ© d'un avenir meilleur Ă Gaza
Ici, les bébés entendent le son des missiles avant les mélodies de l'enfance. Ici, l'espoir d'un avenir meilleur est rare - et l'avenir ne semble promettre que davantage de souffrances.
đâđš Lettre Ă mes bĂ©bĂ©s : Je pleure dâavoir rĂȘvĂ© un avenir meilleur Ă Gaza
Par Maram Humaid, le 18 novembre 2023
La vie Ă Gaza a toujours Ă©tĂ© dure, mais nous nous sommes efforcĂ©s de vivre, de rĂȘver et de prospĂ©rer. Aujourd'hui, mĂȘme espĂ©rer est un luxe.
Bande de Gaza - Mon bébé Iyas a eu trois mois, et mon neveu Ezz un mois.
Voici le message que je leur adresse :
Chers petits Iyas et Ezz,
Je sais que vous sentez que quelque chose ne va pas. Vos réactions aux explosions sont palpables - vous tremblez et pleurez à chaque bruit.
Parfois, vous cherchez des réponses sur nos visages, perturbés par les bombardements constants et les avions qui nous survolent pendant la nuit.
Mes chers petits,
Je vous écris cette lettre dans l'espoir que vous grandirez dans un monde sûr, et que vous la lirez. Mais, hélas, cette issue est incertaine. La situation actuelle m'oblige à consigner ce témoignage pour votre génération.
En vous regardant dans les yeux, je pense aux bébés prématurés déplacés de l'hÎpital al-Shifa, au péril de leur vie.
Le monde s'est métamorphosé en cimetiÚre pour les plus innocents. Je songe aux histoires monstrueuses de parents incapables de rejoindre leurs enfants qui attendent à cause de l'invasion terrestre ou, pire encore, à ceux qui ont été déplacés ou tués.
Mes bĂ©bĂ©s, mon cĆur est en larmes. Chaque jour, je pleure les enfants qui grandissent dans ce chaos. Je pleure quand je les vois rire dans les tentes de fortune, inconscients de la tragĂ©die qui les entoure - une rĂ©alitĂ© qu'ils ne comprendront sans doute que plus tard.
Mes bien-aimés,
Votre bien-ĂȘtre dans ces circonstances tragiques nous inquiĂšte profondĂ©ment, nous, vos parents.
La semaine derniĂšre, vos pleurs incessants et votre souffrance nous ont laissĂ©s perplexes jusqu'Ă ce que les douleurs rĂ©nales de votre grand-mĂšre en rĂ©vĂšlent la cause : de l'eau insalubre. MĂȘme si nous en Ă©tions conscients, nous n'avions pas d'autre choix, nous poussant Ă nous mettre en quĂȘte de bouteilles d'eau minĂ©rale pour votre sĂ©curitĂ©.
Chaque jour, nous nous rendions Ă l'hĂŽpital, qui est aussi mon lieu de travail actuel en tant que journaliste, Ă la recherche d'informations sur les sources d'eau disponibles.
Rentrer à la maison avec de l'eau, c'était comme détenir un trésor, un rappel brutal du chaos autour d'un produit de premiÚre nécessité : l'eau.
La pénurie ne se limite pas à l'eau ; nous nous inquiétons de la diminution des réserves de lait maternisé et de couches pour bébé. Malgré les difficultés, Ezz, ton pÚre a réussi à te procurer du lait maternisé. Mais pour toi, Iyas, nous avons dû en changer en raison de sa non-disponibilité, au risque de troubles temporaires.
Alors que nous menons cette vĂ©ritable bataille de la soif et de la faim, discuter du lait maternisĂ© le plus appropriĂ© pour toi semble ĂȘtre un luxe. Tout tourne dĂ©sormais autour de la prĂ©vention de la faim.
Je veux vous faire connaĂźtre ce monde âmerveilleuxâ, tĂ©moin de notre lutte contre les gĂ©nocides successifs.
Au-delà des pénuries d'eau et de nourriture, nous sommes privés depuis plus d'un mois d'électricité, d'internet, de réseaux de communication, de supermarchés, de pain et de carburant.
Les frappes aériennes incessantes engendrent des carnages sans fin, ciblant toute forme de vie, rendant ce monde dangereux pour les petits innocents comme vous.
Chaque jour Ă l'hĂŽpital, je vois des corps enveloppĂ©s de linceuls ensanglantĂ©s - des femmes, des hommes et des anciens - mais ce sont surtout les corps dâenfants qui me brisent le cĆur. Ici, les bĂ©bĂ©s entendent le sifflement des missiles avant les mĂ©lodies de l'enfance.
Déplacés, déconnectés, endeuillés et assiégés, c'est ainsi que les habitants de Gaza subissent l'agression israélienne permanente.
Mes petits, mes amours,
Ceci est peut-ĂȘtre ma derniĂšre lettre. N'oubliez pas de ne pas pardonner Ă ceux qui sont restĂ©s silencieux face Ă nos souffrances. La vie Ă Gaza a toujours Ă©tĂ© un dĂ©fi, mais nous nous sommes efforcĂ©s de vivre, de rĂȘver et de prospĂ©rer. Aujourd'hui, les regrets assombrissent chaque instant oĂč nous avons imaginĂ© vous faire entrer dans un monde meilleur.
Observer vos sourires et vos petites mains au cĆur du chaos me brise le cĆur. Ici, l'espoir d'un avenir meilleur est rare - l'avenir ne semble promettre que davantage de souffrances.