đâđš Lettre Ă Refaat Alareer
Vous nous appelez Ă compatir aux vies perdues, y compris la vĂŽtre. Vous y ĂȘtes parvenu. La mort vous a emportĂ©. Mais pas votre voix ni celles de ceux que vous honorez. Vous & eux ĂȘtes toujours vivants
đâđš Lettre Ă Refaat Alareer
Par Chris Hedges, le 10 décembre 2024
Il y a un an, le 6 décembre 2023, Israël a assassiné le poÚte palestinien Refaat Alareer à Gaza. Ses poÚmes, cependant, demeurent, condamnant ses assassins et nous appelant à honorer notre humanité commune.
Cher Refaat,
Nous ne nous taisons pas. Nous sommes réduits au silence. Les étudiants qui, au cours de la derniÚre année universitaire, ont installé des campements, occupé des salles, entamé des grÚves de la faim et dénoncé le génocide, ont été confrontés cet automne à une série de réglementations qui ont transformé les campus universitaires en goulags académiques. Parmi la minorité d'universitaires ayant osé s'exprimer, beaucoup ont été sanctionnés ou licenciés. Lesprofessionnels de la santé qui ont critiqué la destruction massive par Israël d'hÎpitaux et de cliniques et les assassinats ciblés d'agents de santé à Gaza ont été suspendus ou renvoyés des facultés de médecine, certains d'entre eux ont été menacés de se voir retirer leur diplÎme professionnel.
Les journalistes qui détaillent les massacres et dénoncent la propagande israélienne ont été écartés des ondes ou remerciés par leurs publications. Des emplois sont supprimés pour des messages postés sur les réseaux sociaux. La petite poignée de politiciens condamnant le massacre voient des millions de dollars dépensés pour les chasser de leur poste. Les algorithmes, interdictions d'accÚs, déplatformisation et démonétisation - dont j'ai fait l'expérience - sont là pour nous marginaliser ou nous interdire l'accÚs aux plates-formes de médias numériques. Un simple murmure est suffisant pour nous faire taire.
Aucune de ces mesures ne sera levĂ©e une fois le gĂ©nocide terminĂ©. Le gĂ©nocide est le prĂ©texte. Le rĂ©sultat de ce processus marquera un Ă©norme bond vers lâĂtat autoritaire, surtout avec l'arrivĂ©e au pouvoir de Donald Trump. Le silence va grossir, comme un Ă©norme nuage de gaz sulfureux. Nous sommes asphyxiĂ©s par les mots interdits. Ils vous ont tuĂ©. Ils nous Ă©touffent. Le but est le mĂȘme. L'effacement. Votre histoire, l'histoire de tous les Palestiniens, ne doit pas ĂȘtre racontĂ©e.
Les sionistes et leurs alliĂ©s ont pour seul arsenal le mensonge, la censure, les campagnes de diffamation et la violence, instruments brutaux des maudits. Mais j'ai en main l'arme qui, Ă terme, les vaincra. Votre livre, âIf I must Die : Poetry and Proseâ.
âLes histoires enseignent la vieâ, Ă©crivez-vous, âmĂȘme si le hĂ©ros souffre ou finit par mourirâ.
L'Ă©criture, avez-vous dit Ă vos Ă©tudiants,
âest un tĂ©moignage, le lien qui survit Ă toute expĂ©rience humaine, et lâobligation de communiquer avec nous-mĂȘmes et le monde. Nous n'avons vĂ©cu que pour cette unique raison : raconter les histoires de la perte, de la survivance et de l'espoirâ.
VoilĂ un an qu'un missile israĂ©lien a frappĂ© l'appartement du deuxiĂšme Ă©tage oĂč vous vous abritiez. Pendant des semaines, vous avez reçu des menaces de mort en ligne et par tĂ©lĂ©phone provenant de comptes israĂ©liens. Vous avez dĂ©jĂ dĂ» vous dĂ©placer Ă plusieurs reprises. Vous avez fini par vous rĂ©fugier chez votre sĆur, dans le quartier d'Al-Sidra, dans la ville de Gaza. Mais vous n'avez pas Ă©chappĂ© Ă vos prĂ©dateurs. Vous avez Ă©tĂ© assassinĂ© avec votre frĂšre Salah et l'un de ses enfants, ainsi que votre sĆur et trois de ses enfants.
Vous avez Ă©crit votre poĂšme âIf I Must Dieâ [Si je devais mourir] en 2011. Vous l'avez Ă nouveau publiĂ© un mois avant votre assassinat. Il a Ă©tĂ© traduit dans des dizaines de langues. Vous l'avez Ă©crit pour votre fille Shymaa. En avril 2023, quatre mois aprĂšs votre assassinat, Shymaa a Ă©tĂ© tuĂ©e par une frappe aĂ©rienne israĂ©lienne avec son mari et leur fils de deux mois, votre petit-fils, que vous n'aurez jamais rencontrĂ©. Ils avaient trouvĂ© refuge dans le bĂątiment de l'organisation caritative internationale Global Communities.
Vous Ă©crivez Ă Shymaa :
âSâil est Ă©crit que je dois mourir,
il tâappartiendra de vivre
pour raconter mon histoire
pour vendre mes affaires
pour acheter un bout de tissu
et quelques bouts de ficelle,
(quâil soit blanc avec une longue traĂźne)
pour quâun enfant, quelque part Ă Gaza
en regardant droit vers le ciel
alors quâil attend son pĂšre parti dans une explosion â
sans faire dâadieux Ă quiconque
ni Ă sa chair
ni Ă lui-mĂȘme â
voie le cerf-volant, mon cerf-volant, celui que tu auras fait,
prendre son envol
et quâil pense alors quâun ange est lĂ
venu ramener lâespoir
Sâil est Ă©crit que je dois mourir
que ma mort ramĂšne lâespoir
et devienne lĂ©gendeâ.
Vous avez rejoint les poĂštes martyrs. Le poĂšte espagnol Federico GarcĂa Lorca. Le poĂšte russe Osip Mandelstam. Le poĂšte hongrois MiklĂłs RadnĂłti, qui a Ă©crit ses derniers strophes lors d'une marche de la mort. Le chanteur et poĂšte chilienVĂctorJara. Le poĂšte noir Henry Dumas, abattu par la police de New York.
Dans votre poĂšme âAnd We Live OnâŠâ [Et nous vivronsâŠ], vous Ă©crivez :
âMalgrĂ© les oiseaux de mort d'IsraĂ«l
Qui volent au bout de notre souffle, Ă deux mĂštres tout juste
De nos rĂȘves et de nos priĂšres
Leur barrant le chemin vers Dieu
Malgré tout
Nous rĂȘvons et prions,
Nous accrochant plus encore Ă la vie
Chaque fois quâun ĂȘtre cher
Est déraciné de force
Nous vivons
Nous vivrons
Notre vieâ.
Pourquoi les tueurs ont-ils peur des poÚtes ? Vous n'étiez pas un combattant. Vous ne portiez aucune arme. Vous avez couché des mots sur le papier. Mais toute la puissance de l'armée et des services du renseignement israéliens a été déployée pour vous traquer.
Dans les moments de dĂ©tresse, quand la cruautĂ© et la souffrance envahissent le monde, quand les vies sont suspendues au bord de l'abĂźme, la poĂ©sie est la triste complainte des opprimĂ©s. Elle nous permet de ressentir la souffrance. Elle est intuitive. Elle saisit ce mĂ©lange d'Ă©motions complexes - joie, amour, disparition, peur, mort, traumatisme, chagrin - lorsque le monde s'Ă©croule. Il crĂ©e par sa beautĂ© le sens salvateur du dĂ©sespoir. C'est un acte d'espoir absurde, un acte de rĂ©sistance et de dĂ©fi, qui nargue ceux qui vous dĂ©shumanisent avec Ă©loquence et sensibilitĂ©. La fragilitĂ© et la beautĂ© de l'Ćuvre, la sacralisation de la mĂ©moire, de l'expĂ©rience et de l'intellect, sa musicalitĂ©, se moquent des slogans rĂ©ducteurs et de la langue de bois des assassins.
L'Ă©criture, comme le rappelle Edward SaĂŻd, est âlâultime rĂ©sistance aux pratiques inhumaines et aux injustices dĂ©figurant l'histoire de l'humanitĂ©â.
La violence n'est pas créatrice. Elle ne fait que détruire. Elle ne laisse rien de bon en héritage.
âN'oubliez pas que la Palestine a Ă©tĂ© avant tout occupĂ©e dans la littĂ©rature et la poĂ©sie sionistesâ, avez-vous dĂ©clarĂ© lors d'une confĂ©rence donnĂ©e Ă vos Ă©tudiants en cours avancĂ© de poĂ©sie anglaise Ă l'universitĂ© islamique de Gaza. âLorsque les sionistes ont envisagĂ© de revenir en Palestine, ils n'ont pas dit : âOh, allons en Palestineââ.
Vous avez claqué des doigts :
âIl leur a fallu des annĂ©es, plus de cinquante ans de rĂ©flexion, de planifications, de politiques, d'argent et tout le reste. Mais la littĂ©rature a jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant. C'est notre mĂ©tier. Si je vous dis âallons dans l'autre salleâ, vous avez besoin dâĂȘtre sĂ»rs qu'en y allant, nous trouverons des chaises, n'est-ce pas ? Que l'autre classe sera plus agrĂ©able, plus paisible. Que nous avons une connexion, un droit particulier.
âAinsi, pendant les cinquante annĂ©es qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l'occupation de la Palestine et la crĂ©ation de ce qu'on a appellĂ© IsraĂ«l en 1948, la Palestine, dans la littĂ©rature juive sioniste, Ă©tait prĂ©sentĂ©e au peuple juif du monde entier comme... âune terre sans peuple [pour] un peuple sans terreâ. En Palestine coulent le lait et le miel. âIl n'y a personne lĂ -bas, alors allons-yââ.
Les tueurs sont piĂ©gĂ©s dans un monde littĂ©ral. Leur imagination est calcifiĂ©e. Leur empathie s'est Ă©teinte. Ils savent le pouvoir de la poĂ©sie, mais ils ne comprennent pas d'oĂč vient ce pouvoir, comme un public bouche bĂ©e face Ă l'habiletĂ© du magicien. Et ce qu'ils ne peuvent comprendre, ils le dĂ©truisent. Ils n'ont pas la capacitĂ© de rĂȘver. Le rĂȘve les terrorise.
Le gĂ©nĂ©ral israĂ©lien Moshe Dayan a dĂ©clarĂ© que les poĂšmes de Fadwa Tuqan, qui a fait ses Ă©tudes Ă Oxford, âvalaient vingt combattants ennemisâ.
Dans âMartyrs de l'Intifadaâ, Taqan parle de jeunes qui lancent des pierres sur des soldats israĂ©liens lourdement armĂ©s :
âIls sont morts debout, embrasĂ©s sur la route
Brillant comme des Ă©toiles, leurs lĂšvres sur les lĂšvres de la vie
Ils se sont levés face à la mort
Puis ils ont disparu avec le soleilâ.
De nombreux Palestiniens peuvent rĂ©citer de mĂ©moire des passages des poĂšmes âĂ ma mĂšreâ et âInscris, je suis Arabeâ du poĂšte palestinien le plus cĂ©lĂšbre, Mahmoud Darwish. Les autoritĂ©s israĂ©liennes ont persĂ©cutĂ©, censurĂ©, emprisonnĂ© et assignĂ© Ă rĂ©sidence Darwish avant de le pousser Ă l'exil. Ses vers ornent les murs de bĂ©ton Ă©rigĂ©s par IsraĂ«l pour isoler les Palestiniens en Cisjordanie et sont repris dans les chansons populaires de contestation.
âInscris, je suis Arabeâ
âInscris
Je suis Arabe
Le numéro de ma carte est cinquante mille
Jâai huit enfants
Et le neuviĂšme viendra⊠aprĂšs lâĂ©tĂ©
Te mettras-tu en colĂšre ?
Inscris
Je suis Arabe
Je travaille avec mes camarades de peine
Dans une carriĂšre
Jâai huit enfants
Pour eux jâarrache du roc
La galette de pain
Les habits et les cahiers
Et je ne viens pas mendier Ă ta porte
Je ne me rabaisse pas
Devant les dalles de ton seuil
Te mettras-tu en colĂšre ?
Inscris
Je suis Arabe
Mon prénom est commun
Je suis patient dans un pays
Bouillonnant de colĂšre
Mes racinesâŠ
Fixées avant la naissance du temps
Avant lâĂ©closion des siĂšcles
Avant les cyprĂšs et les oliviers
Avant la croissance végétale
Mon pĂšreâŠ
De la famille de lâaraire
Et non des seigneurs de Noujoub
Mon grand-pĂšre, un paysan
Sans arbre généalogique
Il mâa appris les mouvements du soleil
Avant la lecture
Ma maison
Une hutte de gardien
Faite de roseaux et branchages
Es-tu satisfait de ma condition ?
Mon nom est commun
Inscris
Je suis Arabe
Cheveux⊠noirs
Yeux⊠marron
Signes distinctifs
Sur la tĂȘte un keffieh tenu par une cordelette
Ma paume, rugueuse comme le roc
Ăcorche la main quâelle empoigne
Mon adresse :
Je suis dâun village perdu, sans dĂ©fense
Et tous ses hommes sont au champ et Ă la carriĂšreâŠ
Te mettras-tu en colĂšre ?
Inscris
Je suis Arabe
Tu mâas spoliĂ© des vignes de mes ancĂȘtres
Et de la terre que je cultivais
Avec tous mes enfants
Et tu ne nous as laissé
Ainsi quâĂ notre descendance
Que ces cailloux
Votre gouvernement les prendra-t-il aussi
Comme on le dit ?
Alors
Inscris
En tĂȘte de la premiĂšre page
Moi je ne hais pas mes semblables
Et je nâagresse personne
Mais⊠si jamais on mâaffame
Je mange la chair de mon spoliateur
Prends garde⊠prends garde
Ă ma faim
Et Ă ma colĂšre !â
Vous avez Ă©crit sur vos enfants. Vos mots allaient ĂȘtre leur hĂ©ritage.
Ă votre fille Linah, alors ĂągĂ©e de huit ans, ou comme vous le dites âĂ l'heure de Gaza, vieille de deux guerresâ, vous avez racontĂ© des histoires, Ă l'heure du coucher, quand IsraĂ«l bombardait Gaza en mai 2021, quand vos enfants âĂ©taient tous assis dans le lit, tremblant, sans rien direâ. Vous n'avez pas quittĂ© votre maison, une dĂ©cision prise pour que ânous mourions ensembleâ.
Vous Ă©crivez :
âMardi, Linah a renouvelĂ© la question Ă laquelle nous n'avions pas rĂ©pondu la premiĂšre fois, ma femme et moi, en disant : âEst-ce qu'ils peuvent dĂ©truire notre immeuble si le courant est coupĂ© ?â J'ai voulu rĂ©pondre : âOui, petite Linah, IsraĂ«l peut toujours dĂ©truire le magnifique bĂątiment d'al-Jawharah, ou n'importe lequel de nos Ă©difices, mĂȘme dans le noir. Chacune de nos maisons est peuplĂ©e de contes et d'histoires Ă raconter. Nos maisons gĂȘnent la machine de guerre israĂ©lienne, la narguent, la hantent, mĂȘme dans le noir. Elle ne peut supporter leur existence. Et, avec l'argent des contribuables amĂ©ricains et l'immunitĂ© internationale, IsraĂ«l continuera sans doute Ă dĂ©truire nos Ă©difices jusqu'Ă ce qu'il n'en reste plus rienâ.
âMais je ne peux rien dire de tout cela Ă Linah. Alors je mens : âNon, ma chĂ©rie, ils ne peuvent pas nous voir dans le noirââ.
Le meurtre de masse ne vous Ă©tait pas inconnu. Quand vous Ă©tiez adolescent, des soldats israĂ©liens ont tirĂ© sur vous trois balles de mĂ©tal recouvertes de caoutchouc. En 2014, Hamada, votre frĂšre, le grand-pĂšre de votre femme, son frĂšre, sa sĆur et les trois enfants de sa sĆur ont tous Ă©tĂ© tuĂ©s dans une attaque israĂ©lienne. Pendant le bombardement, des missiles israĂ©liens ont dĂ©truit les bureaux du dĂ©partement d'anglais de l'universitĂ© islamique de Gaza, oĂč vous gardiez âdes histoires, des devoirs et des copies d'examen pour d'Ă©ventuels projets de livresâ.
Le porte-parole de l'armĂ©e israĂ©lienne a affirmĂ© avoir bombardĂ© l'universitĂ© pour dĂ©truire un âpĂŽle de fabrication d'armesâ, une dĂ©claration modifiĂ©e plus tard par le ministre israĂ©lien de la DĂ©fense qui a dĂ©clarĂ© que âl'UniversitĂ© islamique de Gaza mettait au point des agents chimiques, destinĂ©s Ă ĂȘtre utilisĂ©s contre nousâ.
Vous Ă©crivez :
âMes confĂ©rences sur la tolĂ©rance et la connaissance, le Boycott, DĂ©sinvestissement et Sanctions (BDS) et la rĂ©sistance non-violente, ainsi que la poĂ©sie, les rĂ©cits et la littĂ©rature ne nous ont ni aidĂ©s, ni protĂ©gĂ©s contre la mort et la destruction. Ma devise âCela passera aussiâ est devenue une plaisanterie pour beaucoup. Mon mantra âUn poĂšme est plus redoutable qu'un fusilâ a Ă©tĂ© tournĂ© en dĂ©rision. Mon propre bureau ayant Ă©tĂ© dĂ©truit sans raison par IsraĂ«l, les Ă©tudiants n'ont cessĂ© de plaisanter sur mes PMD, âPoĂšmes de destruction massiveâ, ou TMD, âThĂ©ories de destruction massiveâ. Les Ă©tudiants disaient en plaisantant qu'ils voulaient qu'on leur enseigne la poĂ©sie chimique en plus de la poĂ©sie allĂ©gorique et narrative. Ils ont demandĂ© des histoires Ă court terme et Ă long terme au lieu de termes normaux tels que nouvelles et romans. Et on m'a demandĂ© si mes examens comporteraient des questions capables de porter des ogives chimiques !
âMais pourquoi IsraĂ«l bombarderait une universitĂ© ? Certains disent qu'IsraĂ«l a attaquĂ© l'UGGI pour punir ses vingt mille Ă©tudiants ou pousser les Palestiniens au dĂ©sespoir. Bien que cela soit vrai, le seul danger que reprĂ©sente l'IUG pour l'occupation israĂ©lienne et son rĂ©gime d'apartheid Ă mes yeux tient Ă ce qu'elle reprĂ©sente le principal lieu de Gaza oĂč l'esprit des Ă©tudiants se dĂ©veloppe et devient une arme indestructible. La connaissance est le pire ennemi d'IsraĂ«l. La conscience le plus haĂŻ et le plus redoutĂ© par IsraĂ«l. VoilĂ pourquoi IsraĂ«l bombarde une universitĂ© : il veut dĂ©truire l'ouverture d'esprit et sa dĂ©termination Ă refuser de vivre sous le joug de l'injustice et du racisme. Mais encore une fois, pourquoi IsraĂ«l bombarde-t-il une Ă©cole ? Ou un hĂŽpital ? Ou une mosquĂ©e ? Ou un immeuble de vingt Ă©tages ? Serait-ce, comme l'a dit Shylock, âun divertissementâ ?â
La lutte existentielle des Palestiniens repose sur le rejet de la barbarie de l'occupant israĂ©lien, sur le refus de dupliquer sa haine ou de reproduire sa barbarie. Ils n'y parviennent pas toujours. La rage, l'humiliation et le dĂ©sespoir sont des forces puissantes qui nourrissent la soif de vengeance. Mais vous avez hĂ©roĂŻquement menĂ© cette bataille pour votre humanitĂ©, et la nĂŽtre, jusqu'au bout. Vous avez incarnĂ© la dĂ©cence qui fait dĂ©faut Ă vos oppresseurs. Vous avez trouvĂ© le salut et l'espoir dans les mots qui ont su capter la rĂ©alitĂ© d'un peuple en proie Ă l'effacement et Ă la mort. Vous nous avez demandĂ© de compatir Ă ces vies, y compris la vĂŽtre, ces vies perdues. Vous saviez qu'un jour viendrait, un jour dont vous ne seriez sans doute jamais tĂ©moin, oĂč vos mots dĂ©nonceraient les crimes de ceux qui vous ont assassinĂ©s, et ressusciteraient les vies perdues de ceux que vous avez honorĂ©s et aimĂ©s. Vous y ĂȘtes parvenu. La mort vous a emportĂ©. Mais pas votre voix ou celles de ceux que vous avez honorĂ©s.
Vous, et eux, ĂȘtes toujours vivants.
La poĂ©sie demeure lâarme ultime des Justes car, elle est gravĂ©e dans la mĂ©moire des gĂ©nĂ©rations successives, survivant Ă leurs auteurs, ceux-ci devenant dĂšs lors, des cibles privilĂ©giĂ©es de lâoppresseurâŠ.Ă lâombre des poĂštes se dĂ©veloppent lâhumus fertile qui nourrira les rĂ©volutionnaires de demainâŠ