đâđš Lettre ouverte : Publier n'est pas un crime
Demander des comptes aux gouvernements fait partie de la mission essentielle d'une presse libre en démocratie. Il est plus que temps que le gouvernement US mette fin aux poursuites contre Assange.
đâđš Lettre ouverte d'Ă©diteurs et de rĂ©dacteurs en chef : Publier n'est pas un crime
Par The New York Times, the Guardian, Le Monde, El Pais et DER SPIEGEL, le 18 février 2024
Voici une lettre du New York Times, du Guardian, du Monde, d'El Pais et de Der Spiegel exhortant le gouvernement américain à mettre fin aux poursuites engagées contre Julian Assange pour avoir publié des secrets. (2022)
âIl y a douze ans, le 28 novembre 2010, nos cinq mĂ©dias internationaux - le New York Times, le Guardian, Le Monde, El Pais et Der Spiegel - ont publiĂ©, en coopĂ©ration avec Wikileaks, une sĂ©rie de rĂ©vĂ©lations qui ont fait la une des journaux du monde entier.
Le âCable gateâ, un ensemble de 251 000 cĂąbles confidentiels du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, a rĂ©vĂ©lĂ© la corruption, les scandales diplomatiques et les affaires d'espionnage Ă l'Ă©chelle internationale.
Selon le New York Times, ces documents racontent âl'histoire sans fard de la maniĂšre dont le gouvernement prend ses dĂ©cisions les plus capitales, celles qui coĂ»tent le plus cher au pays en vies humaines et en argentâ. Aujourd'hui encore, en 2022, des journalistes et des historiens continuent de publier de nouvelles rĂ©vĂ©lations en s'appuyant sur ce fonds documentaire unique.
Pour Julian Assange, Ă©diteur de Wikileaks, la publication du âCable Gateâ et de plusieurs autres fuites connexes a eu les consĂ©quences les plus graves. Le 11 avril 2019, Assange a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© Ă Londres sur la base d'un mandat d'arrĂȘt amĂ©ricain. Il est dĂ©tenu depuis trois ans et demi dans une prison britannique de haute sĂ©curitĂ©, habituellement utilisĂ©e pour les terroristes et les membres de groupes criminels organisĂ©s. Il risque d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis et d'ĂȘtre condamnĂ© Ă une peine pouvant aller jusqu'Ă 175 ans dans une prison amĂ©ricaine de haute sĂ©curitĂ©.
Ce groupe de rédacteurs et d'éditeurs, qui ont tous travaillé avec M. Assange, a ressenti le besoin de critiquer publiquement sa conduite en 2011 lorsque des copies non expurgées des cùbles ont été publiées, et certains d'entre nous sont préoccupés par les allégations de l'acte d'accusation selon lesquelles il a tenté d'aider à l'intrusion informatique d'une base de données classifiée. Mais nous nous réunissons aujourd'hui pour exprimer nos vives inquiétudes quant à la poursuite de Julian Assange pour avoir obtenu et publié des documents classifiés.
L'administration Obama-Biden, en place lors de la publication de Wikileaks en 2010, s'est abstenue d'inculper Julian Assange, expliquant qu'elle aurait dû également inculper des journalistes de grands organes de presse. Cette position mettait l'accent sur la liberté de la presse, en dépit de ses conséquences désagréables. Sous Donald Trump, cependant, la position a changé. Le ministÚre de la Justice s'est appuyé sur une ancienne loi, l'Espionage Act de 1917 (conçue pour poursuivre les espions potentiels pendant la PremiÚre Guerre mondiale), qui n'a jamais été utilisée pour poursuivre un éditeur ou un diffuseur.
Cet acte d'accusation crée un dangereux précédent et menace de saper le Premier Amendement américain et la liberté de la presse.
Demander des comptes aux gouvernements fait partie de la mission essentielle d'une presse libre dans une démocratie.
L'obtention et la divulgation d'informations sensibles lorsque l'intĂ©rĂȘt public l'exige font partie intĂ©grante du travail quotidien des journalistes. Si ce travail est criminalisĂ©, notre discours public et nos dĂ©mocraties s'en trouveront considĂ©rablement fragilisĂ©s.
Douze ans aprĂšs la publication du âCable gateâ, il est temps que le gouvernement amĂ©ricain mette fin aux poursuites engagĂ©es contre Julian Assange pour avoir publiĂ© des secrets.
Publier n'est pas un crime.â
Les rédacteurs et éditeurs de The New York Times, The Guardian, Le Monde, Der Spiegel, El Pais