đâđš LâEurope, continent piĂ©gĂ© par le carcan nĂ©olibĂ©ral, peut faire une croix sur son avenir
L'Europe a besoin d'une nouvelle boussole. Si Trump veut vraiment rééquilibrer les relations commerciales transatlantiques, l'approche la plus efficace consiste à soutenir le démantÚlement de l'UE.
đâđš LâEurope, continent piĂ©gĂ© par le carcan nĂ©olibĂ©ral, peut faire une croix sur son avenir
Par Thomas Fazi, le 5 février 2025
Il y a plus de vingt ans, l'UE dévoilait sa stratégie de Lisbonne, censée faire de l'Union
âl'Ă©conomie la plus dynamique, la plus compĂ©titive et la plus durable, fondĂ©e sur la connaissance, capable du plein emploi et d'une cohĂ©sion Ă©conomique et sociale renforcĂ©eâ.
On connaĂźt la suite. Peu dynamique et certainement pas compĂ©titive, l'UE a toujours Ă©tĂ© Ă la traĂźne des autres nations pour pratiquement tous les indicateurs Ă©conomiques clĂ©s. Alors que les Ătats-Unis et la Chine intensifient leur course Ă la suprĂ©matie technologique du XXIe siĂšcle, l'Europe reste sur la touche, accablĂ©e par la stagnation Ă©conomique, les coĂ»ts Ă©levĂ©s de l'Ă©nergie, les turbulences politiques et l'inertie bureaucratique.
Et voilĂ qu'elle cĂšde Ă la panique face Ă la menace de tarifs douaniers Ă l'importation brandie par Donald Trump. Mais le rĂ©Ă©quilibrage de l'Ă©conomie europĂ©enne, qui enregistre actuellement un excĂ©dent commercial massif par rapport aux Ătats-Unis, serait-il une si mauvaise chose ?
En réalité, la croissance des exportations ne témoigne pas d'une économie prospÚre. Bien au contraire, comme l'illustre l'exemple de l'Allemagne. L'UE a toujours été un moteur de l'exportation, précisément en raison de l'affaiblissement de son économie, dû à une consommation intérieure et à des investissements insuffisants.
Les Ătats-Unis expriment depuis longtemps leur crainte face aux politiques mercantilistes de l'UE, axĂ©es sur une logique de sollicitation, et ce bien avant que Trump ne fasse son entrĂ©e sur la scĂšne politique. Il y a plus de dix ans, le ministĂšre amĂ©ricain des Finances a reprochĂ© aux autoritĂ©s europĂ©ennes de tirer l'Ă©conomie mondiale vers le bas. âLe redressement global de l'Europe repose essentiellement sur la demande Ă©manant de l'extĂ©rieur de l'Europe plutĂŽt que sur la prise en compte des dĂ©ficits de la demande en Europeâ, Ă©crivaient-ils. Depuis, rien n'a changĂ©.
La guerre commerciale de Trump, en d'autres termes, a Ă©tĂ© longue Ă venir. Et ses tarifs douaniers pourraient en fait s'avĂ©rer bĂ©nĂ©fiques pour l'UE, s'ils forcent les EuropĂ©ens Ă renoncer Ă leur modĂšle dĂ©fectueux axĂ© sur les exportations, qui repose fondamentalement sur la suppression de la demande et des investissements nationaux en faveur de la demande Ă©trangĂšre, principalement celle des Ătats-Unis.
En effet, la menace trumpienne a dĂ©jĂ suscitĂ© des rĂ©actions au sein de l'UE pour remĂ©dier Ă ses faiblesses structurelles. L'une de ces initiatives a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e l'autre jour par la prĂ©sidente de la Commission, Mme von der Leyen. Son nouveau âplanâ promet de rĂ©Ă©quilibrer l'Europe et d'en faire
âle lieu oĂč les technologies, les services et les produits non polluants de demain sont inventĂ©s, fabriquĂ©s et commercialisĂ©sâ - et tout cela âen devenant le premier continent climatiquement neutreâ.
Ce projet, baptisĂ© âLa Boussole pour la compĂ©titivitĂ©â, s'appuie largement sur les recommandations du rapport Draghi de l'annĂ©e derniĂšre. Bruxelles considĂšre qu'il s'agit d'une avancĂ©e significative pour remettre l'Ă©conomie de l'UE sur les rails.
Toutefois, Ă y regarder de plus prĂšs, le plan de la Commission n'est guĂšre plus qu'un cocktail familier de termes en vogue - IA, matĂ©riaux de pointe, informatique quantique, biotechnologie, robotique - associĂ© Ă des images dĂ©concertantes, dont une boussole qui, de maniĂšre rĂ©vĂ©latrice, pointe dans huit directions diffĂ©rentes Ă la fois. Il s'agit d'une prĂ©sentation PowerPoint dĂ©guisĂ©e en stratĂ©gie, comme l'a si bien dĂ©crit Wolfgang MĂŒnchau.
L'âeffort de simplification sans prĂ©cĂ©dentâ prĂ©vu, qui s'ouvrira par une rĂ©vision majeure des rapports sur le dĂ©veloppement durable et de la vigilance, offrirait aux entreprises europĂ©ennes, s'il est menĂ© Ă bien, un peu de rĂ©pit dans le cadre rĂ©glementaire omniprĂ©sent et sans cesse croissant de l'UE, lequel est dĂ©sormais un obstacle dissuasif Ă la croissance et Ă l'innovation, en particulier dans le secteur des technologies.
Mais cela ne résoudra pas les problÚmes économiques sous-jacents de l'Union : son manque chronique d'investissements productifs, en particulier dans le domaine de la recherche et du développement, ses faibles niveaux de consommation, son parti pris bien ancré contre la politique industrielle, les coûts élevés de l'énergie et la nature fondamentalement bureaucratique et à plusieurs niveaux du régime de gouvernance de l'Union. Sur ces questions, on ne trouve que de vagues engagements en faveur de stratégies et de propositions d'avenir, qui mettront probablement des années à se frayer un chemin dans la complexité du processus législatif de l'UE.
En rĂ©alitĂ©, bon nombre des problĂšmes fondamentaux de l'UE ne dĂ©coulent pas de simples âerreurs politiquesâ ou, encore moins, de la nature prĂ©tendument âincomplĂšteâ de l'Union. Au contraire, ces problĂšmes sont profondĂ©ment ancrĂ©s dans la conception supranationale de l'UE. En d'autres termes, la seule façon de s'attaquer vĂ©ritablement aux dĂ©fis Ă©conomiques de l'UE est de reconnaĂźtre que le problĂšme central est l'UE elle-mĂȘme.
âLa seule façon de s'attaquer vĂ©ritablement aux dĂ©fis Ă©conomiques de l'UE est de reconnaĂźtre que le problĂšme central est l'UE elle-mĂȘmeâ.
L'euro est l'une des contraintes les plus importantes - et les plus souvent nĂ©gligĂ©es - pesant sur l'Ă©conomie de l'UE. La perte de souverainetĂ© monĂ©taire qu'entraĂźne cette devise, associĂ©e aux rĂšgles strictes en matiĂšre de dĂ©ficit et de dette inscrites dans les traitĂ©s de l'UE, reste l'un des plus grands obstacles Ă la croissance en Europe, car elle entrave la capacitĂ© des Ătats membres Ă stimuler leur Ă©conomie par des investissements publics et des politiques industrielles dynamiques.
De plus, l'UE n'a pas rĂ©ussi Ă compenser cette renonciation Ă la souverainetĂ© par des outils fiscaux et d'investissement adĂ©quats au niveau europĂ©en, se limitant Ă des mesures temporaires telles que le fonds de relance Covid-19. Cette faiblesse structurelle est l'une des principales raisons pour lesquelles les investissements du secteur public dans l'UE ont toujours Ă©tĂ© infĂ©rieurs Ă ceux des Ătats-Unis et d'autres Ă©conomies Ă©voluĂ©es.
En outre, mĂȘme si l'UE devait rĂ©ussir Ă Ă©tendre sa capacitĂ© fiscale et d'investissement âfĂ©dĂ©raleâ, comme l'envisage la Boussole pour la compĂ©titivitĂ©, elle ne ferait que crĂ©er plus de problĂšmes qu'elle n'en rĂ©soudrait. PlutĂŽt que de s'attaquer aux problĂšmes structurels de l'UE, une telle dĂ©marche ne ferait que renforcer le pouvoir de ses institutions supranationales, en particulier de la Commission, et accentuerait la gouvernance technocratique et antidĂ©mocratique de l'Union.
Un autre problĂšme est le parti pris historique de l'UE contre une politique industrielle robuste. Depuis sa crĂ©ation, l'UE a Ă©tĂ© profondĂ©ment influencĂ©e par les doctrines Ă©conomiques nĂ©olibĂ©rales soulignant la nature prĂ©tendument âdĂ©formanteâ des politiques industrielles. Des rĂšgles strictes en matiĂšre d'aides d'Ătat interdisent de maniĂšre gĂ©nĂ©rale tout soutien accordĂ© par les Ătats membres susceptible de favoriser certaines entreprises ou industries, Ă moins que des exceptions spĂ©cifiques ne l'autorisent explicitement. L'idĂ©e est que permettre aux Ătats membres de soutenir leurs industries nationales pourrait crĂ©er des conditions de concurrence inĂ©quitables, c'est-Ă -dire des conditions oĂč les entreprises bĂ©nĂ©ficiant d'un soutien de l'Ătat seraient avantagĂ©es par rapport aux autres. L'Europe est donc trĂšs mal prĂ©parĂ©e Ă rivaliser avec des pays comme la Chine et les Ătats-Unis, qui s'appuient fortement sur des politiques industrielles menĂ©es par l'Ătat, telles que le CHIPS and Science Act et l'Inflation Reduction Act (IRA), pour bĂ©nĂ©ficier d'un avantage concurrentiel, en particulier au cours des derniĂšres annĂ©es.
En rĂ©ponse, les dirigeants de l'UE ont davantage Ă©voquĂ© la nĂ©cessitĂ© d'une stratĂ©gie âMade in Europeâ pour contrebalancer les effets Ă©conomiques potentiels des politiques âAmerica Firstâ. Mais en rĂ©alitĂ©, le cadre institutionnel de l'UE ne lui permet pas de faire face au nouveau paysage gĂ©opolitique du XXIe siĂšcle, caractĂ©risĂ© par une rĂ©organisation Ă©conomique menĂ©e par les Ătats. Dans ce contexte, mĂȘme si la Boussole pour la compĂ©titivitĂ© reconnaĂźt la nĂ©cessitĂ© de stimuler la souverainetĂ© technologique ou de renforcer l'industrie manufacturiĂšre europĂ©enne, les Ătats membres auront du mal Ă mettre en Ćuvre le type de mesures ciblĂ©es et spĂ©cifiques Ă l'industrie Ă mĂȘme de stimuler vĂ©ritablement l'innovation ou de renforcer les chaĂźnes d'approvisionnement.
Le cadre de gouvernance complexe de l'UE constitue un dĂ©fi supplĂ©mentaire. Le bloc europĂ©en fonctionne selon plusieurs niveaux de prise de dĂ©cision, impliquant non seulement les Ătats membres, mais aussi plusieurs institutions clĂ©s. Cette structure hautement bureaucratisĂ©e Ă plusieurs niveaux se traduit par un processus dĂ©cisionnel trĂšs lent et tortueux, qui dĂ©bouche souvent sur des rĂ©ponses politiques fragmentĂ©es et incohĂ©rentes. VoilĂ pourquoi, par exemple, les investissements limitĂ©s et les politiques industrielles mises en Ćuvre restent fragmentĂ©s et divisĂ©s suivant les lignes nationales, ainsi qu'entre les Ătats membres et l'UE.
En outre, lorsque l'UE dĂ©ploie une nouvelle politique telle que la Boussole pour la compĂ©titivitĂ©, elle est confrontĂ©e Ă de multiples points de veto institutionnels, chacun ayant ses propres prioritĂ©s et contraintes. La politique ainsi Ă©laborĂ©e est inĂ©vitablement Ă©dulcorĂ©e ou dĂ©connectĂ©e des besoins locaux, affaiblissant ainsi son impact et ne rĂ©pondant pas aux besoins rĂ©els des citoyens et des Ătats membres. En outre, les processus lĂ©gislatifs de mise en Ćuvre peuvent s'Ă©tendre sur des annĂ©es, faisant de l'action politique une rĂ©alitĂ© Ă la traĂźne.
Face à ces défis systémiques, les limites de la Boussole pour la compétitivité sont évidentes. Bien qu'il définisse des objectifs de relance de l'investissement, d'encouragement de l'innovation et d'amélioration des compétences, toutes ces actions sont en réalité asphyxiées par le carcan de l'euro, les contraintes de l'UE en matiÚre de stratégie industrielle, et la lourdeur du modÚle de gouvernance. En outre, toute solution consistant à centraliser davantage la politique industrielle ne ferait que renforcer les institutions qui exacerbent souvent ces problÚmes structurels par le biais de politiques inadaptées. Un exemple évident est l'augmentation des prix de l'énergie résultant de décisions peu judicieuses prises par l'UE, sous la pression de la Commission, pour se dissocier du gaz russe. Le rapport Draghi et la Boussole pour la compétitivité soulignent tous deux que cette décision est l'une des principales causes de perte de compétitivité de l'UE.
En fin de compte, rĂ©soudre les problĂšmes Ă©conomiques de l'UE signifie reconnaĂźtre que ceux-ci sont imputables aux contraintes Ă©conomiques et politiques du modĂšle supranational lui-mĂȘme. Alors que l'industrie et l'Ă©conomie europĂ©ennes tournent toujours plus au ralenti, il semble de plus en plus Ă©vident que ni les rĂ©formes de façade, ni les initiatives trop ciblĂ©es ne peuvent remĂ©dier aux problĂšmes fondamentaux en cause. L'Europe a sans aucun doute besoin d'une nouvelle boussole, mais la solution passe par une rĂ©vision radicale de la collaboration intra-europĂ©enne. Si Trump veut vraiment rĂ©Ă©quilibrer les relations commerciales transatlantiques, l'approche la plus efficace consiste donc Ă soutenir le dĂ©mantĂšlement de l'UE.
* Thomas Fazi est chroniqueur et traducteur pour UnHerd. Son dernier livre est The Covid Consensus, coécrit avec Toby Green.
https://unherd.com/2025/02/europe-cant-escape-economic-malaise/
Le 'dĂ©mantĂšlement' de l'UE ne viendra pas des politiques agressives du gouvernement US. Bien au contraire. Le traitĂ© de Maastricht est un vĂ©ritable carcan Ă multiples cadenas. F. Asselineau lâexplique trĂšs bien dans ses interventions. Chaque pays devra nĂ©gocier son dĂ©part en travaillant la jurisprudence crĂ©Ă©e par le Royaume-Uni naguĂšre. Pays qui sâen sort pas trop mal Ă©conomiquement dâailleurs et qui a cessĂ© de nous pomper de l'argent en contrepartie depuis la mĂšre Tatcher....
Mais le principal problĂšme pour la France qui est le membre le plus impliquĂ© dans cette machinerie diabolique, cnest quâelle nâa pas sauvegardĂ© son ancienne monnaie comme certains (R-U, Danemark, etc...). RecrĂ©er le franc pour assurer une indĂ©pendance monĂ©taire et financiĂšre sera une gageure! D'autant plus quâil faudra lâadosser Ă quelque chose...Le gnome qui a fait flinguer son donateur Ă coup de mirage en Lybie a revendu un stock important dâor national (aux anglo-saxons principalement). Câetait pour obĂ©ir trĂšs certainement. Et câĂ©tait bien calculĂ© pour scier la branche...
La France, cancre de l ÌEurope est aussi la premiĂšre Ă se dĂ©lecter de la bureaucratie qui lâa tuĂ©e . ProblĂšme de mentalitĂ© depuis lâempire NapolĂ©onien qui sâest aggravĂ© avec la 5e rĂ©publique.
Lâavenir est sombre car personne dâautres que nous ne pourra nous renouveler . Câest une lente agonie pour un pays qui nâa plus de systĂšme nerveux, ni de dopamine...