👁🗨 L'extrémisme juif est le nouveau visage d'Israël
Les extrémistes religieux d'Israël aspirent à un virage radical & irréversible de la politique israélienne, sont en passe de redéfinir l'État, ainsi que son idéologie. Et ils sont en train de gagner.
👁🗨 L'extrémisme juif est le nouveau visage d'Israël
Par Ramzy Baroud*, le 26 avril 2024
Tout au long de l'histoire, les partis sionistes religieux marginaux ont peiné à remporter des victoires électorales de nature à leur permettre de participer réellement à la prise de décision politique dans le pays.
Les 17 sièges remportés par le parti religieux extrémiste israélien Shas lors des élections de 1999 ont marqué un tournant dans l'histoire de ces partis, dont les racines idéologiques remontent à Avraham Itzhak Kook et à son fils Zvi Yehuda Hacohen.
L'historien israélien Ilan Pappé a qualifié l'influence idéologique des Kooks de “fusion de messianisme dogmatique et de violence”.
Au fil des ans, ces partis religieux ont lutté sur plusieurs fronts, pour pallier à leur incapacité à fédérer leurs bases, à séduire la société israélienne dans son ensemble et à trouver un équilibre entre leurs discours politiques messianiques et le type de langage - pas nécessairement de comportement - que les alliés occidentaux d'Israël attendent d'eux.
Bien qu'une grande partie du soutien financier et politique des extrémistes israéliens provienne des États-Unis et, dans une moindre mesure, d'autres pays européens, Washington a été clair quant au regard qu'il porte sur les extrémistes religieux d'Israël.
En 2004, les États-Unis ont interdit le parti Kach, considéré comme la manifestation moderne des Kooks et des premiers idéologues sionistes religieux d'Israël.
Le fondateur du groupe, Meir Kahane, a été assassiné en novembre 1990 alors que le rabbin fanatique - responsable de multiples violences à l'encontre de Palestiniens innocents au fil des ans - prononçait un discours empreint de haine à Manhattan.
La mort de Kahane n'a marqué que l’aube des nombreuses violences perpétrées par ses disciples, au premier rang desquels un médecin américain, Baruch Goldstein, qui a abattu, le 25 février 1994, des dizaines de fidèles musulmans palestiniens à la mosquée Ibrahimi d'Hébron.
Le nombre de Palestiniens tués par des soldats israéliens alors qu'ils protestaient contre le massacre était presque aussi élevé que celui des Palestiniens tués par Goldstein plus tôt dans la journée, tragique mais parfaite illustration du lien entre l'État israélien et les colons violents qui agissent dans le cadre d'un programme étatique bien plus vaste.
Ce massacre a dopé l'histoire du sionisme religieux. Au lieu de saisir l'occasion de marginaliser leur influence croissante, les sionistes supposés plus libéraux ont accru leur pouvoir et, de fait, leur influence politique au sein de l'État israélien.
Goldstein lui-même est devenu un héros, dont la tombe, dans la colonie illégale la plus extrémiste de Cisjordanie, Kiryat Arba, est aujourd'hui un célèbre sanctuaire, un lieu de pèlerinage pour des milliers d'Israéliens.
Il est particulièrement révélateur que le sanctuaire de Goldstein ait été construit en face du Mémorial de Meir Kahane, preuve des liens idéologiques évidents entre ces individus, ces groupes, et leurs bailleurs de fonds.
Ces dernières années, cependant, l’influence relative des sionistes religieux israéliens s’est étendue, menant à l'élection d'Itamar Ben-Gvir à la Knesset israélienne en 2021 et, par la suite, à sa nomination au poste de ministre de la Sécurité nationale du pays en décembre 2022.
Ben-Gvir est un disciple de Kahane.
“Il me semble qu'en fin de compte, le rabbin Kahane parlait d'amour. L'amour d'Israël sans compromis, sans condition”,
a-t-il déclaré en novembre 2022.
Mais, contrairement à Kahane, Ben-Gvir n'était pas satisfait du rôle des sionistes religieux cantonnés au mouvement de colonisation, aux incursions quasi quotidiennes à Al-Aqsa et aux attaques sporadiques contre les Palestiniens. Il voulait être au centre du pouvoir politique israélien.
On peut se demander si le statut de Ben-Gvir résulte du succès de l'action de terrain du sionisme religieux ou si les événements politiques d'Israël ont joué en sa faveur. La vérité, en fait, doit se situer quelque part entre les deux. L'échec historique de la prétendue “gauche” israélienne - à savoir le parti travailliste - a, ces dernières années, favorisé l'émergence d'un phénomène relativement peu connu : les partisans du centre politique.
Par ailleurs, la droite traditionnelle israélienne, le Likoud, s'est affaiblie, non seulement parce qu'elle n'a pas réussi à séduire les jeunes électeurs du sionisme religieux, toujours plus nombreux, mais aussi après la vague de scissions qui a suivi la scission du parti par Ariel Sharon et la création de Kadima en 2005 - un parti depuis longtemps dissous.
Pour assurer sa survie, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a redéfini son parti dans son acception la plus extrémiste de tous les temps, et s'est attaché à recruter des sionistes religieux dans l'espoir de combler le vide laissé par les querelles intestines au sein du Likoud.
Ce faisant, M. Netanyahou a offert aux sionistes religieux la chance de leur vie.
Peu après l'opération “Al-Aqsa Flood” du 7 octobre et dans les premiers jours du génocide israélien à Gaza, Ben-Gvir a créé sa Garde nationale, un groupe qu'il avait tenté, mais sans succès, de constituer avant la guerre.
Grâce à Ben-Gvir, Israël est devenu, selon les propres dires du leader de l'opposition Yair, un pays doté d'une “milice privée”.
Le 19 mars, Ben-Gvir a annoncé que 100 000 permis de port d'armes avaient été délivrés à ses militants. C'est au cours de cette période que les États-Unis ont commencé à imposer quelques sanctions à une poignée d’individus affiliés au mouvement extrémiste des colons israéliens, une légère tape sur les doigts compte tenu des ravages considérables déjà commis et de toute la violence qui allait s'ensuivra les mois suivants, et plus encore.
Contrairement à Netanyahou, le raisonnement de Ben-Gvir ne se limite pas à son désir d'atteindre une position spécifique au sein du gouvernement. Les extrémistes religieux israéliens aspirent à un virage radical et irréversible de la politique israélienne.
Les pressions exercées récemment pour modifier les rapports entre pouvoir judiciaire et pouvoir exécutif étaient aussi cruciales pour ces extrémistes que pour M. Netanyahou lui-même. Toutefois, ce dernier ne s'est fait le champion d'une telle stratégie que pour se mettre à l'abri des poursuites judiciaires. Les partisans de Ben-Gvir poursuivent un objectif tout autre : ils veulent contrôler le gouvernement et l'armée sans devoir rendre de comptes ni subir une quelconque forme de surveillance.
Les sionistes religieux d'Israël s'inscrivent dans la durée et ne sont pas attachés à une quelconque élection, à quelque personnalité que ce soit ou à une coalition gouvernementale. Ils sont en train de redéfinir l'État, ainsi que son idéologie. Et ils sont en train de gagner.
Ben-Gvir et sa menace de renverser le gouvernement de coalition de Netanyahou est le principal moteur du génocide de Gaza.
Si Meir Kahane était encore en vie, il aurait été fier de ses disciples. L'idéologie du rabbin extrémiste, autrefois marginalisé et exécré, est aujourd'hui l'épine dorsale de la politique israélienne.
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de The Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six livres. Son dernier livre, co-édité avec Ilan Pappé, est « Notre vision pour la libération : les dirigeants et intellectuels palestiniens engagés s'expriment ». Ses autres livres incluent « Mon père était un combattant de la liberté » et « La dernière Terre ». Baroud est chercheur principal non-résident au Centre pour l'Islam et les Affaires mondiales (CIGA). Son site Web est www.ramzybaroud.net
https://mintpressnews.fr/how-jewish-extremists-became-new-face-israel/287288/
Ben Gvir a récemment eu un accident de voiture...Prions pour qu'il ait des séquelles irréversibles et que cela paralyse un moment ses actions. Mais ça peut aussi liberer Netanyahou pour reprendre le contrôle à son avantage. Ca ne changera pas grand chose pour le sort des palestiniens, hélas...