đâđš L'heure de vĂ©ritĂ© pour Julian Assange
Si le gouvernement norvégien prend au sérieux la défense des journalistes persécutés, il doit soulever le cas au sein du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Avant qu'il ne soit trop tard.
đâđš L'heure de vĂ©ritĂ© pour Julian Assange
Par Rune Ottosen, le 8 septembre 2023 - English version below
Si le gouvernement norvégien prend au sérieux la défense des journalistes persécutés, il doit soulever la question au sein du Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Avant qu'il ne soit trop tard.
Julian Assange n'est pas le seul à faire face à un jugement britannique dramatique. La décision de la High Court pourrait signifier un coup fatal à l'indépendance et aà la liberté de la presse.
Si Julian Assange est extradĂ© du Royaume-Uni vers les Ătats-Unis, il risque d'ĂȘtre poursuivi en vertu de lâEspionage Act, et d'ĂȘtre condamnĂ© Ă 175 ans de prison pour avoir publiĂ© en 2010, par l'intermĂ©diaire de WikiLeaks, des documents sur les crimes de guerre commis par les Ătats-Unis en Irak et en Afghanistan. L'extradition n'est pas seulement une attaque contre Assange, l'Ă©diteur, et l'ensemble de la communautĂ© des lanceurs d'alerte. Le jugement pourrait avoir des consĂ©quences majeures pour l'avenir du journalisme.
Plusieurs organisations de dĂ©fense de la libertĂ© d'expression, telles que Reporters sans frontiĂšres, Amnesty International et PEN International, ont soulignĂ© la gravitĂ© des consĂ©quences de l'extradition d'un citoyen australien, qui n'a commis aucune infraction pĂ©nale aux Ătats-Unis, vers un pays tiers pour des faits publiĂ©s sur Internet. Un certain nombre d'organisations de journalistes et les organisations de presse norvĂ©giennes ont exprimĂ© leur inquiĂ©tude quant Ă l'effet dissuasif de sanctions telle quâun emprisonnement Ă vie pour des documents divulguĂ©s par un journaliste.
Il est courant dans le milieu journalistique de publier des documents classifiĂ©s provenant de sources qui souhaitent que des vĂ©ritĂ©s gĂȘnantes soient rendues publiques. Les Panama Papers en sont un exemple actuel et les Pentagon Papers, un exemple historique. Daniel Ellsberg, rĂ©cemment disparu, Ă©tait l'un des plus fervents dĂ©fenseurs de Julian Assange. Il a dĂ©clarĂ© qu'Assange avait agi comme lui lorsque la vĂ©ritĂ© sur la prĂ©paration de la guerre du ViĂȘt Nam avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e grĂące Ă ses fuites.
Le prĂ©sident Obama a consultĂ© ses conseillers juridiques, qui ont dĂ©clarĂ© que si Julian Assange Ă©tait poursuivi, tous les mĂ©dias ayant publiĂ© ces donnĂ©es devraient Ă©galement ĂȘtre poursuivis sur le fondement du Premier Amendement. Obama a abandonnĂ© l'affaire, mais l'administration Trump est revenue sur cette apprĂ©ciation, et a engagĂ© des poursuites. Depuis, les Ătats-Unis ont reculĂ© dans le classement de la libertĂ© d'expression Ă©tabli par Reporters sans frontiĂšres. L'administration Biden a maintenu les poursuites, et les dĂ©clarations du secrĂ©taire d'Ătat Blinken lors d'une confĂ©rence de presse cet Ă©tĂ© n'offrent que peu d'espoir de dĂ©nouement.
Il ne fait aucun doute que les autoritĂ©s et les services secrets amĂ©ricains veulent faire un exemple. Documenter des crimes de guerre comme l'a fait WikiLeaks place les Ătats-Unis, en tant que grande puissance, sous un jour peu favorable. Parmi les nombreuses rĂ©vĂ©lations tirĂ©es des dossiers de WikiLeaks figurent les milliers de victimes civiles de la guerre d'Irak. Aujourd'hui, il semble que ce soit une fin en soi pour dissuader d'autres personnes susceptibles d'ĂȘtre tentĂ©es de divulguer des documents donnant une image peu flatteuse des dĂ©tenteurs du pouvoir. Ensuite, qui osera divulguer des rĂ©vĂ©lations classifiĂ©es ?
Les principes juridiques ordinaires ont Ă©tĂ© ignorĂ©s dans cette affaire. Les rĂ©vĂ©lations de Yahoo News montrent que la CIA a prĂ©vu de violer l'institution de l'asile en planifiant l'enlĂšvement, et mĂȘme le meurtre d'Assange alors qu'il Ă©tait rĂ©fugiĂ© dans l'ambassade d'Ăquateur de 2012 Ă 2019. Son droit de communiquer librement avec ses avocats a Ă©tĂ© violĂ© par la surveillance systĂ©matique de ses communications et de ses rĂ©unions avec son Ă©quipe juridique pendant qu'il Ă©tait dans l'ambassade. Ces circonstances devraient en elles-mĂȘmes contribuer au classement de l'affaire. Mais cette affaire n'a rien de banal.
Le fait qu'Assange ait purgé plus de quatre ans sans avoir été condamné pour autre chose qu'une violation de la clause de libération sous caution, qui a été purgée depuis longtemps, fait de lui, de l'avis de la plupart des organisations de défense des droits de l'homme, un prisonnier politique. Cela s'applique également à un certain nombre d'organes des Nations unies et de rapporteurs sur les droits de l'homme, qui ont constaté que la SuÚde et le Royaume-Uni ont violé les droits de l'homme depuis 2015, et sont particuliÚrement critiques quant à la détention et à l'isolement pratiqués par le Royaume-Uni depuis 2019. Nils Melzer, ancien rapporteur des Nations unies sur la torture, montre dans son livre Fallet Julian. A History of Persecution qu'il y a eu une coopération abusive entre les tribunaux britanniques et suédois pour que l'affaire des allégations d'agression sexuelle contre deux femmes suédoises se poursuive pendant des années sans qu'aucune plainte ne soit jamais déposée contre lui, avant que l'affaire ne soit abandonnée en 2019. Mais l'affaire a sans aucun doute eu pour effet de discréditer Julian Assange.
Melzer montre également qu'Assange est en trÚs mauvaise santé aprÚs des années passées à l'isolement et dans des conditions de détention éprouvantes. Les médecins qui l'ont examiné soutiennent l'affirmation de Melzer selon laquelle il est soumis à la torture psychologique. En tant que spectateur de l'une des nombreuses audiences du tribunal, j'ai vu en personne qu'il était traité comme un terroriste, placé dans un box de verre à distance de ses avocats, et que sa plainte selon laquelle il n'était pas autorisé à assister à la procédure n'avait pas été prise en compte. Sa derniÚre chance de faire appel sera entendue par deux juges, la défense d'Assange ne pouvant présenter qu'un maximum de 20 pages de documents et de 30 minutes de plaidoyer. Ils ne seront pas autorisés à présenter de nouveaux éléments de preuve, tels que le traitement infligé à M. Assange dans l'ambassade.
Il s'agit d'une affaire Ă forte connotation politique, et c'est l'une des raisons pour lesquelles l'extradition aurait dĂ» ĂȘtre annulĂ©e. Le traitĂ© d'extradition entre les Ătats-Unis et le Royaume-Uni interdit l'extradition de prisonniers condamnĂ©s pour des dĂ©lits politiques.
Si la Cour confirme la dĂ©cision prise en juin 2022 par la ministre de l'intĂ©rieur Priti Patel, selon laquelle il peut ĂȘtre extradĂ©, un recours devant la Cour europĂ©enne des droits de l'homme reste possible. Le gouvernement norvĂ©gien a adoptĂ© une stratĂ©gie de politique Ă©trangĂšre dans laquelle la dĂ©fense des journalistes persĂ©cutĂ©s est centrale. Si la NorvĂšge veut rester crĂ©dible sur ce point, Anniken Huitfeldt doit envoyer un message sans Ă©quivoque aux Ătats-Unis et au Royaume-Uni pour leur dire que trop, c'est trop.
L'ancien Premier ministre, ministre des affaires étrangÚres et secrétaire général du Conseil de l'Europe, ThorbjÞrn Jagland, a souligné que le traitement réservé à M. Assange violait plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l'homme, en particulier l'article 10 relatif à la liberté d'expression. L'article 3 stipule une interdiction absolue de la torture, et l'article 6 garantit à tous un procÚs équitable.
Les gouvernements europĂ©ens sont collectivement responsables de la mise en Ćuvre du respect du droit europĂ©en tel qu'il est exprimĂ© dans la Convention europĂ©enne des droits de l'homme. Si le gouvernement norvĂ©gien prend au sĂ©rieux la dĂ©fense des journalistes persĂ©cutĂ©s, il doit soulever la question au sein du ComitĂ© des ministres du Conseil de l'Europe, Ă©ventuellement avec d'autres gouvernements. Avant qu'il ne soit trop tard.
* Rune Ottosen est président du comité Assange au sein du PEN norvégien.
đâđš Time for truth for Julian Assange
By Rune Ottosen, September 8, 2023
If the Norwegian government is serious about defending persecuted journalists, it must raise the issue in the Council of Europe's Committee of Ministers. Before it's too late.
Julian Assange is not the only one facing a dramatic British ruling. The High Court's decision could mean a fatal blow to the independence and freedom of the press.
If Julian Assange is extradited from the UK to the US, he could face prosecution under the Espionage Act, and 175 years in prison for publishing documents on US war crimes in Iraq and Afghanistan through WikiLeaks in 2010. The extradition is not just an attack on Assange, the publisher, and the entire whistleblowing community. The ruling could have major consequences for the future of journalism.
Several freedom of expression organizations, such as Reporters Without Borders, Amnesty International and International PEN, have stressed the seriousness of the consequences of extraditing an Australian citizen, who has committed no criminal offence in the USA, to a third country for facts published on the Internet. A number of journalists' organizations and Norwegian press organizations have expressed concern about the deterrent effect of penalties such as life imprisonment for documents leaked by a journalist.
It is common practice in the journalistic world to publish classified documents from sources who want inconvenient truths to be made public. The Panama Papers are a current example, and the Pentagon Papers a historical one. Daniel Ellsberg, who recently passed away, was one of Julian Assange's most fervent supporters. He declared that Assange had acted like him when the truth about the preparation of the Vietnam War was revealed thanks to his leaks.
President Obama consulted his legal advisors, who said that if Julian Assange was prosecuted, all media outlets that had published the data should also be prosecuted under the First Amendment. Obama dropped the case, but the Trump administration reversed this assessment, and filed suit. Since then, the United States has fallen back in the Reporters Without Borders freedom of expression rankings. The Biden administration has maintained the prosecutions, and Secretary of State Blinken's statements at a press conference this summer offer little hope of a resolution.
There can be no doubt that the American authorities and secret services want to set an example. Documenting war crimes as WikiLeaks has done places the USA, as a great power, in an unfavorable light. Among the many revelations drawn from the WikiLeaks files are the thousands of civilian victims of the Iraq war. Today, this seems to be an end in itself, to deter others who might be tempted to divulge documents that paint an unflattering picture of those in power. Secondly, who will dare to divulge classified revelations?
Ordinary legal principles have been ignored in this case. The Yahoo News revelations show that the CIA planned to violate the institution of asylum by planning to kidnap and even murder Assange while he was a refugee in the Ecuadorian embassy from 2012 to 2019. His right to communicate freely with his lawyers was violated by the systematic surveillance of his communications and meetings with his legal team while he was in the embassy. These circumstances should in themselves contribute to the closure of the case. But there is nothing trivial about this case.
The fact that Assange has served more than four years without being convicted of anything other than a violation of the long-served bail clause makes him, in the opinion of most human rights organizations, a political prisoner. This also applies to a number of UN bodies and human rights rapporteurs, who have found that Sweden and the UK have violated human rights since 2015, and are particularly critical of the detention and isolation practiced by the UK since 2019. Nils Melzer, former UN rapporteur on torture, shows in his book Fallet Julian. A History of Persecution that there was improper cooperation between the British and Swedish courts so that the case of alleged sexual assault against two Swedish women went on for years without any complaint ever being made against him, before the case was dropped in 2019. But the affair undoubtedly had the effect of discrediting Julian Assange.
Melzer also shows that Assange is in very poor health after years spent in solitary confinement and harsh prison conditions. The doctors who examined him support Melzer's assertion that he is being subjected to psychological torture. As a spectator at one of the many court hearings, I saw first-hand that he was treated like a terrorist, placed in a glass box at a distance from his lawyers, and that his complaint that he was not allowed to attend the proceedings had been ignored. His last chance to appeal will be heard by two judges, as Assange's defense can only present a maximum of 20 pages of documents and 30 minutes of argument. They will not be allowed to present new evidence, such as Assange's treatment in the embassy.
This is a highly political case, and one of the reasons why the extradition should have been cancelled. The extradition treaty between the United States and the United Kingdom prohibits the extradition of prisoners convicted of political offenses.
If the Court upholds Home Secretary Priti Patel's June 2022 decision that he can be extradited, an appeal to the European Court of Human Rights remains possible. The Norwegian government has adopted a foreign policy strategy in which the defense of persecuted journalists is central. If Norway is to remain credible on this issue, Anniken Huitfeldt must send an unequivocal message to the United States and the United Kingdom that enough is enough.
The former Prime Minister, Foreign Minister and Secretary General of the Council of Europe, ThorbjĂžrn Jagland, pointed out that Assange's treatment violated several articles of the European Convention on Human Rights, in particular Article 10 on freedom of expression. Article 3 stipulates an absolute ban on torture, and article 6 guarantees a fair trial for all.
European governments are collectively responsible for ensuring respect for European law as expressed in the European Convention on Human Rights. If the Norwegian government is serious about defending persecuted journalists, it must raise the issue within the Council of Europe's Committee of Ministers, possibly together with other governments. Before it's too late.
https://www.dagogtid.no/ordskifte/skjebnetime-for-assange-6.130.30505.49b9742432