👁🗨 L’horreur & l’humiliation près de l'hôpital principal de Gaza
“J'ai été choqué par l'état de la maison. Tous les murs étaient criblés d'impacts de balles. Tout ce à quoi nous tenions est désormais anéanti. Il ne nous reste plus rien.”
👁🗨 L’horreur & l’humiliation près de l'hôpital principal de Gaza
Par Sara Nabil Hegy, 16 avril 2024
Les livraisons d'aide sont devenues des “pièges mortels” à Gaza.
Karam al-Shawwa en sait quelque chose.
Le 29 février, il a été témoin du “massacre de la farine”. Ce jour-là, Israël a ouvert le feu sur des Palestiniens qui attendaient pour manger dans la rue al-Rashid, au sud-ouest de la ville de Gaza.
Ce jour-là, 118 personnes ont été tuées.
Karam était présent dans la foule. Lui et son ami Muhammad ont quitté les lieux après avoir entendu un soldat israélien les sommer de se disperser.
Peu après avoir commencé à s'éloigner, ils ont vu l'armée israélienne attaquer la foule.
Cet horrible incident a convaincu Karam qu'il était trop dangereux de faire la queue pour obtenir de l'aide. Pourtant, quelques jours plus tard, il s'est retrouvé à courir vers un endroit où, selon des informations diffusées de bouche à oreille, de la farine était disponible en quantité.
Comme sa famille n'avait plus rien à manger, Karam s’est dit qu'il fallait aller récupérer un peu de farine.
“Malheureusement, certains d'entre nous sont arrivés trop tard. J'ai vu des gens désespérés ramasser de la farine par terre. La farine était mélangée au sable. Mais ils ont préféré prendre cette farine plutôt que de retourner dans leur famille les mains vides.
Karam a assisté à certains des événements les plus terribles de l'actuelle guerre génocidaire d'Israël.
Sa maison se trouve près d'al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza.
Lorsque les troupes israéliennes ont assiégé l'hôpital en mars (après l'avoir attaqué à plusieurs reprises), Karam a eu l'impression de vivre un “cauchemar sans fin”.
Il était très inquiet de ce qui pourrait arriver à sa sœur et à leur mère, en particulier lorsque l'armée israélienne a investi un bâtiment situé en face de l'endroit où elles vivaient.
D'après ce que la famille al-Shawwa pouvait voir, les forces israéliennes ont commencé à utiliser ce bâtiment à des fins de coordination pendant le siège d'al-Shifa et de ses environs.
Le 20 mars, la famille a passé une nuit extrêmement éprouvante.
C'était le Ramadan et bien qu'ils aient jeûné toute la journée, ils n'avaient pas faim le soir. Ils ont rompu leur jeûne avec de l'eau et des dattes.
“Le fracas des tirs de l'occupation israélienne était assourdissant”, raconte Karam.
“Sous le choc”
Karam a appris que les Israéliens étaient entrés par effraction dans la maison de son oncle, qui vivait à côté. Manal, la mère de Karam, s'est empressée de dissimuler l'argent et les bijoux de sa famille pour ne pas avoir à les donner aux soldats israéliens.
Le lendemain matin, la famille a tenté de contacter l'oncle de Karam, mais n'a pas réussi à le joindre. Ils se sont alors rendus dans sa maison, après s'être assurés que les soldats israéliens n'y étaient plus.
“J'ai été choqué par l'état de la maison”, raconte Karam. “Tous les murs étaient criblés d'impacts de balles”.
Il a fallu près d'une journée à la famille pour réussir à avoir enfin des nouvelles de l'oncle de Karam. Lorsque les Israéliens ont fait irruption dans sa maison, ils lui ont ordonné de partir.
Quelques jours plus tard, les troupes israéliennes ont à nouveau investi leur rue à bord de chars d'assaut.
Les six membres de la famille se sont couchés par terre dans l’appartement, alors que des coups de feu retentissaient alentour. Ils ont rampé pour passer d'une pièce à l'autre et se sont tenus à distance des fenêtres.
Bientôt, la famille a entendu les soldats israéliens pénétrer dans les appartements de l'immeuble.
Elle avait entendu divers conseils sur la manière de réagir face aux troupes israéliennes. Le premier était de se soumettre sous peine d'en subir les conséquences mortelles.
Raed, le père de Karam, a une bonne connaissance de l'hébreu. Il a appris la langue après s'être rendu fréquemment en Israël pour se faire soigner après avoir été diagnostiqué d'un cancer en 2007.
Lorsque Raed a compris que les soldats israéliens étaient tout proches, il s'est placé derrière la porte et a parlé d'une voix forte.
“Nous sommes des civils, une famille de six personnes”, a-t-il déclaré. “Moi-même, ma femme, trois fils et une fille. Dois-je ouvrir la porte ?”
Après que Raed a ouvert la porte, les soldats l'ont emmené à l'extérieur de l'appartement. Ils lui ont ordonné de s'asseoir par terre, mains levées.
Les soldats ont ensuite demandé aux autres membres de la famille de quitter l'appartement. L'un après l'autre.
Tout le monde s'est exécuté, sauf Majed, le fils aîné.
Majed, qui souffre d'une infirmité motrice cérébrale, a eu très peur et a refusé de bouger.
Son père, Raed, a essayé de dire aux soldats que Majed souffrait d'une maladie. Il ne bougeait pas sous l'effet de la peur, et non parce qu'il voulait désobéir, a expliqué Raed.
Obligés de se déshabiller
Les soldats ont séparé la famille en deux.
Majed, sa sœur Intisar et leur mère ont été retenus dans le salon. Karam, son jeune frère Amr et leur père ont été emmenés dans la cuisine.
“Ils nous ont dit de nous déshabiller”, raconte Karam. “Un soldat s'est approché de moi et a pris ma carte d'identité. Après une fouille humiliante, ils nous ont fait nous agenouiller, les mains en l'air.”
Les soldats ont fouillé l'appartement.
Ils ont trouvé une boîte de vieilles munitions. La famille avait ramassé ces balles dans les rues après que les forces israéliennes eurent mené une première invasion terrestre.
“Les soldats ont pointé leurs armes sur la tête de mon père”, raconte Karam. “Et j'ai été frappé dans le dos par un autre soldat”.
Les soldats ont accusé la famille de stocker des armes pour le Hamas. Raed, le père de Karam, a tenté de leur assurer que les balles étaient déjà utilisées et qu'elles avaient en fait été tirées par des soldats israéliens.
Mais les soldats ont continué à se comporter de manière agressive.
Les soldats ont ensuite attaché les mains des trois hommes dans la cuisine et leur ont bandé les yeux. Ils ont été contraints de rester debout face au mur pendant environ une heure, au cours de laquelle les soldats ont fouillé l'appartement une nouvelle fois.
Les hommes ont été emmenés au premier étage de l'immeuble.
On leur a ordonné, ainsi qu'aux membres d'une autre famille, de présenter leurs papiers d'identité pour être contrôlés.
Karam n'a pas pu s’y conformer car le soldat qui l'avait ordonné avait déjà pris sa carte d'identité et ne l'avait pas rendue.
Le soldat a nié avoir pris la carte d'identité “et m'a accusé de mentir”, a déclaré Karam.
Lorsque le soldat lui a demandé son numéro d'identité, Karam n'a pas pu le fournir car il ne l'avait pas mémorisé. Il n'avait jamais eu besoin de le mémoriser avant.
Le soldat lui a alors demandé son nom. Dix fois de suite.
Après que Karam a répété son nom complet dix fois, le soldat lui a rendu sa carte d'identité.
La famille avait décidé de rester dans la ville de Gaza. Aujourd'hui, ils n'ont d'autre choix que de partir vers le sud.
On leur a dit qu'ils devraient être torse nu pendant l'évacuation.
Les soldats ont tenté de faire valoir que cette mesure était destinée à assurer leur propre sécurité. Cela montrerait aux troupes israéliennes en chemin qu'ils sont des civils.
Ils ont ensuite été emmenés à l'entrée du bâtiment. Là, ils ont trouvé Majed, le frère de Karam, ainsi que les femmes de leur famille et d'une famille voisine, assis sur le sol.
Les soldats leur ont donné plusieurs torches. L'une des torches a été placée sur la tête de Karam.
Les soldats leur ont ordonné de suivre l'itinéraire défini. S'ils s'en écartaient, ils seraient abattus.
Une petite victoire
Karam sentait sa mère préoccupée. Il a découvert que ses efforts pour cacher les objets de valeur de la famille avaient échoué.
Les soldats l'ont forcée à leur remettre “ses bijoux et les économies de la famille, accumulées au fil d'années de dur labeur”, explique Karam. Les soldats ont même insisté pour que la famille leur remette leurs téléphones.
Il y avait beaucoup de cadavres le long de la route que la famille a dû emprunter à pied. La marche était difficile, car le terrain était jonché de décombres.
Ils ont rencontré des chars israéliens à plusieurs reprises.
Peu avant d'atteindre le Wadi Gaza - la réserve naturelle qui traverse la bande de Gaza - Karam s'est fait remonter le moral par sa sœur Intisar.
Elle avait remporté une petite victoire sur les militaires israéliens en conservant le téléphone portable de Karam. Les soldats israéliens lui avaient ordonné de leur remettre six téléphones pour la famille. Ils ignoraient qu'elle avait réussi à en dissimuler un septième.
Raed, leur père, a alors contacté un de ses amis dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de Gaza. Cet ami a accueilli la famille à Nuseirat avec des vestes et des couvertures.
Depuis, la famille vit à Nuseirat. La maison dans laquelle ils ont d'abord trouvé refuge a ensuite été attaquée.
Ils ont donc dû déménager dans un autre quartier de Nuseirat.
Avant qu'Israël ne déclenche l'offensive actuelle, la famille possédait quelques biens immobiliers. Tout a été détruit.
“Tout ce à quoi nous tenions est désormais anéanti”, a déclaré Karam al-Shawwa. “Il ne nous reste plus rien.”
* Sara Nabil Hegy est écrivain à Gaza.
https://electronicintifada.net/content/horror-and-humiliation-near-gazas-main-hospital/45781
Quand je compare avec les témoignages qui portent sur la fin du ghetto de Varsovie et le comportement des nazis envers les juifs polonais piégés, je ne peux que me révolter contre cette aberration qui voudrait justifier le sionisme et son horreur actuel par un mécanisme moral des plus douteux...
La famine, la terreur, la menace, le vol, le meurtre gratuit, le racket, la déshumanisation...tout est identique ! Après la 'race' élue, voici le 'peuple' élu en action. Le devoir de 'mémoire' inculqué après la seconde guerre mondiale est un piège inique. Les peuples sans histoire comme la Palestine (à part les croisades!) qui dort en paix depuis que les légions de Rome l'ont déserté n''ont pas le droit d'exister ? Alors les afro-américains vont aussi massacrer tous les blancs sous ce prétexte qu'ils portent en eux le gène de l'esclavagisme ? La vengeance est laide surtout quand elle est instrumentée et soutenue par l'appât du gain des marchands d'armes on le sait. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'être humain peut être manipulé si facilement au point de faire souffrir son voisin et de le detruire sans aucun état d'âme...