👁‍🗨 “Liberté d'expression”, le mantra à géométrie variable

Washington n'a aucun droit à s'exprimer sur la détention de prisonniers dans d'autres pays, quand ils fait taire Mumia, Peltier et Assange pour avoir contesté son autorité et exposé ses mensonges.

(Photo: Guy Smallman/Getty Images)

👁‍🗨 “Liberté d'expression”, le mantra à géométrie variable

Par Otis Grotewohl, le 29 février 2024

---

Le contraste entre le traitement et la couverture occidentaux des cas de Julian Assange et d'Alexei Navalny illustre l'hypocrisie impérialiste. Il y a deux poids, deux mesures dans la façon dont les officiels de Washington et les médias corporatistes discutent de la “liberté d'expression” et de la “liberté de la presse”, ou justifient qui ils soutiennent et qui ils dénigrent.

Le fondateur de WikiLeaks et journaliste Julian Assange a déposé son dernier recours devant la High Court de justice d'Angleterre et du Pays de Galles (EWHC) à Londres contre la procédure d'extradition engagée par les États-Unis. Lors des audiences des 20 et 21 février, les avocats et conseillers de Julian Assange ont présenté leurs arguments à deux juges. Pendant ce temps, les partisans de M. Assange se sont rassemblés devant le palais de justice britannique pour exprimer leur solidarité. Son épouse Stella Assange, entre autres, s'est adressée à la foule.

M. Assange doit répondre de 17 chefs d'accusation en vertu de la loi américaine sur l'espionnage. Citoyen australien, il est le premier journaliste à faire face à des accusations similaires. Il pourrait être condamné à 175 ans de prison, voire pire. Les défenseurs de M. Assange s'inquiètent à voix haute du fait qu'il sera probablement tué s'il est extradé vers les États-Unis.

En mauvaise santé, M. Assange n'a pas pu assister aux audiences. Il est resté incarcéré à la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres, où il est détenu depuis 2019. Les juges ont ajourné leur décision, qui ne devrait pas être rendue avant le début du mois de mars. Cette décision est préjudiciable à la cause d'Assange, ainsi qu'à sa santé.

Pourquoi les impérialistes détestent Assange

M. Assange est persécuté parce que, par l'intermédiaire de sa plateforme d’édition, WikiLeaks, il a pu contribuer à la publication de documents dénonçant les crimes de guerre commis par les États-Unis, en particulier en Afghanistan, en Irak et à la prison de Guantanamo Bay. Il les a divulgués aux grands médias, notamment aux publications de l'establishment telles que The Guardian en Grande-Bretagne, The New York Times aux États-Unis et Der Spiegel en Allemagne.

Des journalistes du monde entier admirent et respectent M. Assange pour avoir montré comment le véritable journalisme devrait être pratiqué. Mais avoir dénoncé les crimes de guerre et les violations des droits de l'homme commis par les États-Unis a fait de lui un ennemi de l'impérialisme américain.

La vidéo “Collateral Murder”, l'une des plus célèbres publications de WikiLeaks, contient des images rares filmées à partir d'un hélicoptère américain Apache, qui montrent l'équipage d'un hélicoptère américain abattant 11 civils en Irak en 2007. Un journaliste-photographe employé par l'agence Reuters figurait parmi les victimes de ce massacre.

À la suite de la fuite de la vidéo “Collateral Murder”, le chef du bureau de Reuters à Bagdad à l'époque, Dean Yates, a déclaré :

“Ce qu'il (Assange) a fait est à 100 % un acte de vérité, exposant au monde à quoi ressemble la guerre en Irak et comment l'armée américaine a menti. Les États-Unis savent à quel point “Meurtre collateral” est embarrassant, à quel point il est honteux pour l'armée - ils savent qu'il y a des crimes de guerre potentiels sur cette cassette”. (The Guardian, 14 juin 2020).

Pourquoi les impérialistes ont adoré Navalny

Contrairement à Julian Assange, le défunt Alexei Navalny avait été soutenu par l'administration de Joe Biden et la presse d'entreprise américaine comme un héraut de la “liberté d'expression”. À la mort inattendue de Navalny dans une prison russe le 16 février, les responsables américains et les experts des médias ont immédiatement crié à l'injustice, et accusé le gouvernement russe d'avoir causé sa mort.

Le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, a préparé les journalistes à l'action des États-Unis :

“Quelle que soit l'histoire que le gouvernement russe décide de raconter au monde, il est clair que le président Poutine et son gouvernement sont responsables de la mort de M. Navalny”. (New York Times, 20 février)

Quelques jours plus tard, Washington annonçait 500 nouvelles sanctions contre la Russie.

Dans leur deuil et leur martyre de Navalny, ni l'administration Biden ni les médias américains n'ont pris la peine de mentionner le fait que Navalny était un fanatique xénophobe qui a aidé à organiser la “Marche russe” suprématiste blanche dans les années 2000. Navalny a collaboré avec des néo-nazis en appelant à l'expulsion violente des peuples opprimés de Russie. En 2007, ses affiliations fascistes ont conduit à son expulsion du parti d'opposition modéré Yoblako.

Navalny était un partisan de la privatisation, du démantèlement des syndicats et du capitalisme de “libre entreprise”, ce qui explique pourquoi il était le chouchou des États-Unis et d'autres dirigeants occidentaux qui ont évité de mentionner ses politiques réactionnaires et l'ont plutôt dépeint comme une “victime” et un “dissident politique”. Netflix a même publié un documentaire soigneusement élaboré sur lui en 2022.

Les États-Unis et l'Occident ont ignoré le passé de Navalny en tant que sympathisant nazi. Avant la guerre par procuration soutenue par l'OTAN contre la Russie en Ukraine, Washington avait désespérément besoin d'un “héros” pour contrer le “méchant” président russe Vladimir Poutine, et Navalny a été le seul candidat en lice.

Les fonctionnaires américains présentent un faux récit qui dépeint Navalny comme un pourvoyeur de libre pensée, alors qu'ils cherchent à extrader un véritable journaliste pour avoir dénoncé leurs crimes de guerre meurtriers.

Autres exemples d'hypocrisie impérialiste

Il existe des milliers de prisonniers politiques et de guerre de classe aux États-Unis et dans le monde entier, dont l'administration Biden et la presse corporatiste refusent de parler.

Le 11 janvier 2024, le commentateur de guerre américano-chilien Gonzalo Lira est mort mystérieusement aux mains des forces ukrainiennes. Gonzalo Lira était un détracteur virulent du régime de Kiev. Il a été arrêté arbitrairement au moins deux fois après l'intervention russe de février 2022, et n'a jamais été libéré après sa deuxième arrestation en mai 2023.

Le père de Gonzalo Lira, Gonzalo Lira Sr, accuse les régimes américain et ukrainien d'être responsables de ce qui s'est passé. Dans un courriel annonçant la mort de son fils, Gonzalo Lira Sr. a écrit :

“Je ne peux pas accepter la façon dont mon fils est mort. Il a été torturé, menacé, détenu au secret pendant huit mois et onze jours, et l'ambassade des États-Unis n'a rien fait pour l'aider”. (Helsinki Times, 13 janvier)

Il existe d'autres exemples de personnes arrêtées sans inculpation, voire assassinées en Ukraine pour avoir exprimé leur opposition au président Volodynyr Zelensky et à la guerre par procuration menée par les États-Unis contre la Russie.

Mikhail et Aleksander Kononovich sont un autre exemple. Ces frères ukrainiens sont incarcérés à tort depuis 2022, simplement parce qu'ils sont des leaders de la jeunesse communiste en Ukraine. Les frères Kononovich ont lancé un appel à la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique en juillet 2023, qui a été reproduit dans Workers World. Ils y déclarent que le régime Zelensky prépare leur assassinat.

Les politiciens américains sont obsessionnellement hostiles au mouvement de résistance islamique Hamas, tout en refusant de reconnaître le génocide et les crimes de guerre perpétrés par le gouvernement raciste israélien. Près de 3 000 prisonniers palestiniens sont détenus sans inculpation et aucun membre de l'administration Biden n'a dit un mot sur leur détention injustifiée. Depuis le 7 octobre, au moins 10 détenus palestiniens sont morts dans les prisons israéliennes. [tinyurl.com/4vj5pe7t]

Les représentants de Washington n'ont aucun droit à s'exprimer sur les conditions de détention des prisonniers dans d'autres pays. Les États-Unis comptent plus de prisonniers que n'importe quel autre pays du monde, même là où la population est beaucoup plus nombreuse. Parmi les personnes incarcérées, il y a des prisonniers politiques détenus en raison de leurs convictions profondes. Deux des prisonniers politiques américains les plus connus sont Mumia Abu-Jamal et Leonard Peltier. Mumia et Peltier sont tous deux incarcérés à tort depuis plus de 40 ans et souffrent de graves problèmes de santé.

Les dirigeants américains ne se soucient de la “liberté d'expression” et de la “liberté de la presse” que lorsque cela arrange leur discours. Les représentants du pouvoir et les propagandistes pro-impérialistes qui versent des larmes de crocodile sur la mort de Navalny sont ceux-là mêmes qui souhaitent réduire au silence les prisonniers politiques tels que Mumia, Peltier et Assange parce qu'ils contestent leur autorité et exposent leurs mensonges.

https://www.workers.org/2024/02/77237/