👁‍🗨 “L’impunité en Cisjordanie”

Le corps fragile d'un enfant se remet-il jamais vraiment des dégâts infligés par la balle d'un sniper, sans parler des blessures à l’âme ?

Les jeunes victimes sont nombreuses. Fresque de Milad al-Raee, 16 ans, abattu dans le dos par un sniper israélien, septembre 2023. Camp de réfugiés d'Al-Arroub, Palestine occupée. (photo, C.M.)

👁‍🗨 “L’impunité en Cisjordanie”

La guerre des sept fronts d'Israël.

Par Cara Marianna, le 14 juillet 2024

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14 juillet - Cela faisait un mois que j'étais rentrée de Cisjordanie lorsque j'ai appelé une amie à al-Bireh, une amie que je ne peux pas nommer. C'était le vendredi 14 juin. J'étais inquiète et ce fut un soulagement d'entendre sa voix. Lorsque j'ai demandé des nouvelles de sa famille, elle m'a répondu :

“Nous nous portons aussi bien qu'il est possible”. Puis elle a ajouté : “La situation empire ici. Il y a deux heures, ils ont abattu un jeune garçon à Al-Amari. Ils n'ont pas encore quitté la ville.”

Al-Amari est un camp de réfugiés situé dans la commune d'al-Bireh. Il fait partie des plus petits camps de Cisjordanie. “Ils”, ce sont les forces d'occupation israéliennes. Comme tous les camps de réfugiés, Al-Amari est officiellement sous le contrôle de l'Autorité nationale palestinienne. Et comme tous les camps, il fait l'objet de raids incessants et aveugles de la part de l'armée occupante israélienne. Les habitants sont régulièrement arrêtés et emprisonnés sans inculpation. Parfois, ils sont abattus. La plupart des victimes sont de jeunes hommes et de jeunes garçons.

Tout cela s'est passé il y a plusieurs semaines. J'en parle maintenant, pour ma première série sur la Cisjordanie, parce qu'en Palestine occupée, c'est à la fois du vécu, et l’actualité.

Ce qui est nouveau - et ce dont très peu d'Occidentaux sont conscients - c'est que la Cisjordanie est l'un des fronts d'une stratégie de guerre plus étendue. Si les médias occidentaux n'en ont pas ou peu parlé, le gouvernement israélien a toujours été très clair sur ses intentions.

Fin décembre, le Times of Israel et Anadolu, l'agence de presse turque, ont cité Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, déclarant qu'Israël est “engagé dans une guerre sur plusieurs fronts”. Voici ce qu'Anadolu a rapporté le 26 décembre,

“Israël a été attaqué sur sept fronts depuis le déclenchement du conflit à Gaza”,

a déclaré mardi le ministre de la Défense Yoav Gallant.

Israël est “engagé dans une guerre sur plusieurs fronts”, a-t-il déclaré lors d'une audition de la commission des affaires étrangères et de la défense à la Knesset.

“D’emblée, nous avons été attaqués sur sept fronts : par Gaza, le Liban, la Syrie, la Cisjordanie, l'Irak, le Yémen et l'Iran. Nous avons déjà réagi et opéré sur six de ces fronts”, a-t-il ajouté, sans donner plus de détails.

“Personne ne s’en tirera à bon compte”,

a déclaré M. Gallant, citant un communiqué du ministère de la Défense.

Pas d'immunité. En tout cas, pas pour le jeune garçon d'al-Am`ari.

S'exprimant devant des officiels lors d'une allocution télévisée le 27 juin, le Premier ministre Netanyahu a enfoncé le clou, plaidant pour une guerre régionale totale dans laquelle il veut clairement entraîner les États-Unis et l'Europe. Écrivant pour Consortium News, Patrick Lawrence - mon collègue et compagnon - soutient que c'est maintenant que “Netanyahu passe à l'acte”.

Il cite le premier ministre israélien,

“L'Iran nous livre une guerre sur sept fronts. Le Hamas et le Hezbollah, bien sûr. Les Houthis, les milices en Irak et en Syrie. La Judée et la Samarie en Cisjordanie. Et l'Iran lui-même.

Ils aimeraient faire basculer la Jordanie. Leur objectif est de mener une offensive terrestre conjointe à partir de leurs différents fronts, couplée à des bombardements de missiles coordonnés. Nous avons la possibilité de faire échouer ce projet. Et nous le ferons.”

Faisant référence au Hamas et aux événements du 7 octobre, Netanyahu a déclaré que

“ceux qui nous ont fait ça vont disparaître. La bataille sera longue, ou peut-être pas si longue que cela, mais nous nous en débarrasserons. Nous devons également dissuader les autres entités de l'axe terroriste iranien. Nous devons nous occuper de l'axe.

“L'axe ne menace pas que nous. Il vous menace. Il est en marche pour conquérir le Moyen-Orient - conquérir le Moyen-Orient - conquérir. Cela signifie conquérir l'Arabie saoudite, la Péninsule arabique, ce n'est qu'une question de temps.”

Jamais Netanyahu n'a été plus proche de déclarer une guerre ouverte à la Cisjordanie. Croyons-le sur parole, et ne nous trompons pas : les forces d'occupation israéliennes en Cisjordanie sont engagées dans une campagne militaire contre ses habitants, même si nous ne pouvons pas ou ne voulons pas la voir.

En tant que principal bailleur de fonds d'Israël et plus grand fournisseur d’armes, les États-Unis sont les complices de ce qui est en fait une guerre furtive non déclarée menée contre la population civile de Cisjordanie. Furtive parce qu'elle est menée dans le contexte du génocide de Gaza et d'une manière qui n'a rien à voir avec une guerre conventionnelle.

Contrairement à Gaza, qu'Israël a presque totalement détruite à coups de bombes, ce front de la guerre d'agression israélienne est le théâtre d'actes de terreur permanents : raids et fusillades au quotidien, destruction d'habitations et d'infrastructures, dévastation de terres agricoles, vol de terres et déplacements massifs, arrestation et incarcération systématique de Palestiniens dans des centres où la famine, les coups et la torture sont désormais monnaie courante.

Une des caractéristiques de la guerre contre les civils de Cisjordanie tient au fait qu'un grand pourcentage de ces violences sont le fait de colons israéliens, équipés d'armes militaires par le gouvernement - une milice citoyenne de facto sous l'œil vigilant et la protection même de l'armée israélienne.

Voilà à quoi ressemble la guerre d'Israël contre la Cisjordanie. C'est tout simplement un nettoyage ethnique et une guerre d'annexion où des enfants sont régulièrement abattus. Et où la violence infligée à une population civile est perversement éclipsée, voire effacée, par celle, exponentielle, qui sévit à Gaza.

Il y a quelques jours, j'ai envoyé un SMS à mon amie d'al-Bireh pour savoir ce qu'il était arrivé au garçon. Sa réponse, par-delà les neuf fuseaux horaires qui nous séparent, a été presque immédiate : “Il a survécu, Dieu merci”. Mais elle n'en savait pas plus.

D'une manière ou d'une autre, ce garçon, dont je n'ai jamais su le nom, son fils et peut-être un frère ou une sœur, vivra désormais avec d'innombrables autres comme lui. Le corps fragile d'un enfant se remet-il jamais vraiment des dégâts infligés par la balle d'un sniper, sans parler des blessures à l’âme ?

Si les citoyens en Occident ne comprennent pas qu'Israël mène une guerre contre les habitants de la Cisjordanie, les Palestiniens qui y vivent, eux, le saisissent parfaitement. Ils savent pertinemment qu'Israël a l'intention de mener à bien son offensive sur les terres et sur le peuple palestiniens.

Comme on me l'a maintes fois répété en avril, “Quand ils en auront fini avec Gaza, ce sera notre tour”. Et c’est déjà en cours.

C'est pour cette raison que je publierai des alertes sur la Cisjordanie - des mises à jour sur la guerre d'Israël contre la Cisjordanie. Chacune d'entre elles, comme celle-ci, sera un véritable témoignage du front.

"Impunity in the West Bank."