đâđš L'inaction bipartite vis-Ă -vis d'Assange se poursuit ainsi que la persĂ©cution de McBride et Boyle
En réalité, force est de constater sur le terrain que dans ce pays, la disparition de la transparence gouvernementale et judiciaire est une volonté partagée par les deux grands partis.
đâđš L'inaction bipartite vis-Ă -vis dâAssange se poursuit ainsi que la persĂ©cution de McBride et Boyle
Par Paul Gregoire, le 12 septembre 2023
Le 6 septembre, Andrew Wilkie, dĂ©putĂ© indĂ©pendant de Clark, a dĂ©posĂ© une motion Ă la Chambre des reprĂ©sentants australienne, demandant au gouvernement d'utiliser les pouvoirs dont il dispose pour âmettre fin aux poursuites Ă motivation politiqueâ engagĂ©es contre les lanceurs d'alerte David McBride et Richard Boyle.
ConsidĂ©rĂ©s comme des hĂ©ros par l'opinion publique, David McBride et Richard Boyle continuent d'ĂȘtre poursuivis avec acharnement par le gouvernement Albanese, comme ce fut le cas sous l'administration Morrison avant lui.
En effet, ces poursuites politiques visent non seulement à punir les deux hommes, mais aussi à en dissuader d'autres de dénoncer la corruption du gouvernement.
Le procureur général Mark Dreyfus a promis une réforme sur la dénonciation lorsqu'il a été réélu au poste de législateur en chef alors qu'il était dans l'opposition, et ces déclarations ont coïncidé avec l'indignation que suscitaient ces poursuites, ainsi qu'une troisiÚme impliquant l'avocat Bernard Collaery de l'ACT [Territoire de la Capitale Australienne - Canberra].
Mercredi dernier, Wilkie a dĂ©clarĂ© Ă la Chambre que le bien-fondĂ© de sa motion Ă©tait âĂ©videntâ, car les deux hommes, plutĂŽt que d'avoir commis des crimes atroces, ont dĂ©noncĂ© la corruption dans le secteur public : McBride a rĂ©vĂ©lĂ© des crimes de guerre, tandis que Boyle a mis au jour une pratique illĂ©gale du bureau des impĂŽts.
Mais aprÚs qu'un certain nombre d'indépendants se soient exprimés pour soutenir la motion, celle-ci a été soumise à la chambre des représentants et rejetée à une écrasante majorité par les deux grands partis, révélant ainsi que le parti travailliste est tout aussi soucieux que la coalition de faire de ces hommes un exemple pour aider à réduire au silence les futurs divulgateurs.
"Injuste, jusqu'au bout"
Lors de la prĂ©sentation de la motion, M. Wilkie a citĂ© les propos tenus par l'actuel Premier ministre Anthony Albanese Ă propos de l'affaire Collaery au dĂ©but de l'annĂ©e derniĂšre. Le chef de l'opposition de l'Ă©poque avait dĂ©clarĂ© : âL'idĂ©e qu'un lanceur d'alerte puisse ĂȘtre poursuivi pour cet Ă©pisode honteux de l'histoire australienne est tout simplement injusteâ.
âĂ la lecture de ces propos, je pense Ă M. McBride, le lanceur d'alerte qui a fait la lumiĂšre sur les crimes de guerre prĂ©sumĂ©s commis en Afghanistan. Le fait qu'il soit poursuivi en justice est tout simplement inacceptableâ, a dĂ©clarĂ© M. Wilkie. "Le fait que M. Boyle soit poursuivi est tout simplement injusteâ.
M. McBride doit rĂ©pondre de cinq infractions liĂ©es Ă la sĂ©curitĂ© nationale en lien avec des fuites de documents classifiĂ©s rĂ©vĂ©lant des crimes de guerre australiens perpĂ©trĂ©s en Afghanistan, tandis que M. Boyle doit rĂ©pondre de 24 chefs dâinculpation concernant des mesures prises pour recueillir des Ă©lĂ©ments prouvant que le bureau des impĂŽts accĂ©dait illĂ©galement Ă des comptes de particuliers.
M. Dreyfus continue d'affirmer que âle gouvernement respecte son engagement de veiller Ă ce que l'Australie dispose de cadres efficaces pour protĂ©ger les lanceurs d'alerteâ. Et s'il a commencĂ© Ă modifier la loi l'annĂ©e derniĂšre, il ne l'a fait qu'aprĂšs que McBride et Boyle aient tentĂ© de l'appliquer pour se dĂ©fendre.
âJ'ai le sentiment que le gouvernement et le procureur gĂ©nĂ©ral nous laissent tomber en refusant d'abandonner les poursuites contre David McBride et Richard Boyleâ, a ajoutĂ© M. Wilkie. Il a ajoutĂ© que, bien que le procureur gĂ©nĂ©ral insiste sur le fait qu'il ne peut intervenir que dans des âcas exceptionnelsâ, ces poursuites constituent l'exception.
Un déni de justice
L'article 71 du Judiciary Act 1903 (Cth) permet au procureur gĂ©nĂ©ral fĂ©dĂ©ral d'intervenir dans une procĂ©dure et d'y mettre fin avant que l'affaire ne soit finalisĂ©e. Mais l'interprĂ©tation que fait Dreyfus de cette loi, uniquement dans des âcirconstances exceptionnellesâ, relĂšve de son interprĂ©tation personnelle.
M. Dreyfus a effectivement appliqué le pouvoir conféré par l'article 71 aux poursuites engagées contre Bernard Collaery en juillet de l'année derniÚre.
Une distinction évidente entre les trois affaires réside en ce que Collaery luttait contre les ordonnances de suspension prononcées à son encontre et était sur le point de révéler publiquement six affaires cachées par le biais d'une ordonnance judiciaire, ce qui se serait avéré embarrassant pour des personnalités de haut rang, ainsi que pour le gouvernement dans son ensemble.
Le Public Interest Disclosure Act 2013 (Cth) (PID Act) est la loi fĂ©dĂ©rale censĂ©e protĂ©ger les personnes du secteur public qui dĂ©noncent des pratiques gouvernementales corrompues. Toutefois, le rapport d'enquĂȘte Moss de 2016 sur cette loi a conclu qu'elle Ă©tait alambiquĂ©e et pleine de lacunes.
M. Dreyfus a en fait rĂ©digĂ© ces lois et supervisĂ© leur mise en Ćuvre il y a dix ans, lors de son prĂ©cĂ©dent mandat de lĂ©gislateur en chef. L'actuel procureur gĂ©nĂ©ral a admis en octobre 2021 qu'il savait que les lois prĂ©sentaient des lacunes au moment de leur adoption et qu'il avait l'intention d'y remĂ©dier s'il Ă©tait rĂ©Ă©lu.
La discussion sur la réforme de la loi PID avant les derniÚres élections avaitnourri comme les espoirs de pouvoir mettre un terme à ces trois affaires trÚs médiatisées lors de l'entrée en fonction du gouvernement fédéral travailliste. Au lieu de cela, si Collaery a été sauvé, les deux autres hommes ont dû tenter de se défendre en vertu d'une loi déjà amendée.
Comme Dreyfus l'a dit au parlement la veille de la motion de Wilkie, et en réponse aux questions de l'indépendant pour Clark, il a veillé à ce que les amendements prioritaires du PID soient promulgués en juin, et un processus de consultation publique concernant une révision complÚte de la loi sur le PID est en cours.
Réprimer les diseurs de vérité
McBride et Boyle ont tous deux dĂ©noncĂ© la situation en sachant qu'il existait des lois destinĂ©es Ă les protĂ©ger en cas de divulgation d'informations d'intĂ©rĂȘt public. Les deux hommes sont aujourd'hui inculpĂ©s, et pourraient passer le reste de leur vie derriĂšre les barreaux pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des actes rĂ©prĂ©hensibles dans l'intĂ©rĂȘt public.
En octobre dernier, M. Boyle a plaidĂ© sa cause en faveur de la divulgation de l'intĂ©rĂȘt public. Pourtant, il a Ă©tĂ© Ă©tabli que les lois ne lui confĂ©raient pas d'immunitĂ© concernant les mesures qu'il a prises pour rassembler les preuves nĂ©cessaires Ă la constitution de son dossier. Et ce, bien que l'Australian Tax Office [le TrĂ©sor Public australien] ait mis fin Ă la pratique illĂ©gale de saisie-arrĂȘt qu'il avait dĂ©noncĂ©e.
L'ancien agent des impÎts a fait appel de cette décision le mois dernier, et l'issue de cette procédure n'a pas encore été annoncée.
En ce qui concerne la défense de M. McBride, il a été victime d'une autre grave injustice lorsqu'il s'est présenté au tribunal pour plaider sa cause.
L'ancien avocat des Forces de DĂ©fense Australiennes (ADF) savait dĂ©jĂ que l'accusation allait contester le fait que ses deux seuls tĂ©moins puissent ĂȘtre entendus, mais en plus, une ordonnance d'immunitĂ© d'intĂ©rĂȘt public ayant Ă©tĂ© Ă©mise dans le cadre de l'affaire, l'accusation a le champ libre pour supprimer n'importe lequel de ses Ă©lĂ©ments de preuve.
Face Ă cette situation, l'Ă©quipe de dĂ©fense de M. McBride n'a eu d'autre choix que de mettre fin Ă la procĂ©dure d'immunitĂ© d'intĂ©rĂȘt public, et l'homme qui a servi deux fois en tant que juriste en Afghanistan pour le compte de son pays devrait ĂȘtre jugĂ© Ă partir du 13 novembre.
Comme en témoignent ces faits, la dérive autoritaire amorcée au cours de la décennie de gouvernement de la Coalition n'a pas été enrayée, bien au contraire, par un changement de gouvernement au sein du parti travailliste.
En réalité, force est de constater sur le terrain que dans ce pays, la disparition de la transparence gouvernementale et judiciaire est une volonté partagée par les deux grands partis.
* Paul Gregoire est un journaliste et écrivain basé à Sydney. Il est le lauréat du prix 2021 du Conseil des libertés civiles de la Nouvelle-Galles du Sud pour l'excellence dans le journalisme sur les libertés civiles. Avant de rejoindre Sydney Criminal LawyersŸ, Paul a écrit pour VICE et a été rédacteur en chef du City Hub de Sydney.