👁🗨 L'incident d'Ispahan : un clou dans le cercueil d'Israël
Pour l'instant, Tel-Aviv n'ose pas porter atteinte à la sécurité de l'Iran, préférant retourner sa rage sur Rafah, où plus d'un million de civils palestiniens sont bloqués sans nourriture & sans eau.
👁🗨 L'incident d'Ispahan : un clou dans le cercueil d'Israël
Par Khalil Harb, le 23 avril 2024
La riposte militaire dérisoire de Tel-Aviv à l'attaque militaire iranienne du 13 avril a réduit à néant des décennies de dissuasion soigneusement entretenue par Israël.
Les frappes iraniennes du 13 avril dans le cadre de l'opération True Promise ont rouvert les profondes blessures subies par Israël lors de l'attaque du Hamas le 7 octobre. Alors que l'opération Al-Aqsa Flood a ébranlé la bulle sécuritaire de l'État d'occupation, une seule nuit de roquettes et de drones iraniens a laissé les Israéliens dans l'incapacité de conserver ne serait-ce qu'une parcelle de leur fameuse posture de dissuasion.
Comme l'a souligné le porte-parole militaire des Brigades Qassam du Hamas, Abu Obeida, dans son discours du 23 avril :
“La réponse de l'Iran, par son ampleur et sa nature, a établi de nouvelles règles et perturbé les plans de l'ennemi.”
C'est le nouveau statu quo de la région. Et la mystérieuse “attaque contre Ispahan” par Israël n'a pas entamé la confiance de l'Iran. En bref, la prétendue riposte israélienne a réaffirmé la perception régionale - du moins sur le plan militaire - selon laquelle Téhéran a mis Tel-Aviv en échec et a réécrit les règles d'engagement.
Après des années de provocations, et pour la première fois de son histoire, l'Iran a lancé une offensive directe contre Israël, affirmant qu'il n'a utilisé qu'une fraction de ses capacités militaires, dont un grand nombre de missiles “obsolètes” faisant partie de son arsenal en évolution constante.
L'Iran a ciblé avec précision les bases aériennes israéliennes de Nevatim et de Ramon, malgré le spectacle des explosions de leurres interceptés qui ont illuminé le ciel. Nombreux sont ceux qui, prompts à juger, ont interprété cette salve massive comme le signe d'une offensive stratégique plus large de l'Unité des fronts - l'alliance de la Résistance qui pose à Tel-Aviv un dilemme sur plusieurs fronts - visant à dévaster Israël d'un seul coup.
Un camouflet
En fait, l'Iran a mené l'opération seul, ce qui rend la “gifle” iranienne d'autant plus sévère.
La nuit de l'attaque des missiles iraniens a également montré les limites de la patience iranienne et le passage stratégique de Téhéran de la prudence à un acte calculé, nécessitant l'intervention de trois puissances nucléaires occidentales et de la “feuille de vigne arabe” - la Jordanie - pour contrecarrer le raid.
Les Iraniens ont accompagné leurs actions militaires de déclarations publiques et ont diffusé des images de leurs commandants orchestrant les opérations. À l'inverse, la réaction d'Israël aux événements d'Ispahan a été ambiguë et peu diffusée, seules des informations sporadiques ayant filtré dans la presse américaine et israélienne, dans une piètre tentative pour afficher sa détermination.
Le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, s'est moqué de la réaction israélienne lors d'une interview accordée à NBC News, dans laquelle il a qualifié les drones israéliens de banals, les comparant à des “jouets avec lesquels s'amusent nos enfants”.
La riposte “ridicule” d'Israël
La riposte militaire d'Israël est aujourd'hui largement perçue comme un échec, tournée en dérision au sein même du pays par des personnalités telles que le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, qui la qualifie de “ridicule”.
Malgré le formidable arsenal militaire de Tel-Aviv, qui comprend des armes nucléaires non déclarées, et sa position historique d'allié occidental dans la région, les événements du 13 avril ont révélé des failles béantes dans sa capacité à répondre à des menaces sérieuses, en particulier de la part de l'Iran.
Cette inefficacité a été mise en évidence par la symbolique de la ville d'Ispahan - où se trouve l'installation nucléaire iranienne de Natanz - où le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui s'est longtemps positionné comme un bastion contre les ambitions nucléaires de l'Iran, a fait preuve d'une passivité inattendue.
L'absence de réponse tangible du Premier ministre israélien rompt avec son exagération habituelle et donne l'image d'un Israël mal préparé et indécis, battant en retraite au lieu de faire face à la situation.
En outre, le programme nucléaire iranien est paradoxalement devenu un outil puissant dans l'arsenal stratégique de Téhéran. L'avertissement explicite de la République islamique concernant la révision éventuelle de sa doctrine nucléaire en réponse à une escalade de la menace israélienne suggère une nouvelle position audacieuse, malgré la fatwa (décret islamique) du guide suprême Ali Khamenei contre les armes nucléaires.
La dissuasion israélienne est-elle révolue ?
L'incident d'Ispahan n'a guère contribué à renforcer la position dissuasive d'Israël, affaiblie depuis l’opération “Al-Aqsa Flood” et encore davantage par les opérations du Hezbollah dans le nord du pays et par l'opération “True Promise” de l'Iran. Ces événements ont profondément marqué le psychisme israélien, remettant en cause le sentiment fondamental de sécurité qui sous-tend la vision sioniste d'un “État juif sûr” établi sur les terres de Palestine.
Dans ce contexte, les règles d'engagement conventionnelles qui ont longtemps régi les interactions régionales sont en train d'être revues. Les actions audacieuses de l'Iran - malgré les avertissements des États-Unis et d'Israël - marquent un rééquilibrage de la dynamique du pouvoir, indiquant une période potentiellement transformatrice dans la géopolitique de l'Asie de l'Ouest.
La réponse israélienne, actuelle et future, doit désormais envisager la possibilité d'un front uni de l'Axe de la Résistance s'il choisit de poursuivre l'escalade. La complexité de toute planification militaire contre l'Iran s'en trouve accrue, ce qui incitera probablement Israël à reprendre son approche habituelle, à savoir les opérations secrètes. Celles-ci pourraient impliquer des sabotages ou des assassinats ciblés attribués à des agents locaux plutôt que des frappes militaires directes.
Entre-temps, les États-Unis, confrontés à leurs propres problèmes politiques internes et aux élections de novembre prochain, joueront probablement un rôle à deux niveaux. Ils surveilleront de près les actions de leur allié tout en essayant de modérer les tensions régionales afin d'éviter toute escalade significative qui pourrait déstabiliser leurs intérêts stratégiques plus étendus.
Le point de non-retour
Aujourd'hui, c'est l'Iran - et non les États-Unis, ni Israël, et certainement pas les attaques d'Ispahan - qui a stabilisé l'équilibre régional, même temporairement, en attente de concrétisation des nouvelles règles d'engagement.
La contre-attaque de Tel-Aviv s'est efforcée d'atténuer la possibilité de nouvelles représailles iraniennes, d'autant que la prochaine action de Téhéran surviendra probablement sans avertissement, avec les missiles de pointe de l'Iran et, éventuellement, la mobilisation des alliés iraniens vers les frontières d'Israël.
L'Axe de la Résistance était satisfait de voir son allié iranien occuper le devant de la scène le 13 avril et riposter au bombardement de la mission diplomatique iranienne à Damas par Israël le 1er avril. Toute autre initiative audacieuse de Tel-Aviv risquerait d'entraîner une mobilisation de l'Axe sur tous les fronts pour assaillir Israël.
Pour l'instant, Tel-Aviv n'ose donc pas porter atteinte de façon frontale à la sécurité de l'Iran, préférant concentrer sa rage impuissante sur la zone vulnérable de Rafah, où plus d'un million de civils palestiniens sont bloqués, sans nourriture, sans abri et sans eau.
Les médias israéliens s'en donnent déjà à cœur joie pour vanter les “mérites” de Tel-Aviv dans sa démonstration de retenue à l'égard de l'Iran, qu'il s'agisse du veto du Conseil de sécurité de l'ONU à la création d'un État palestinien, du nouveau programme d'aide de 26 milliards de dollars que le Congrès américain vient d'approuver pour Israël, ou de l'obtention du soutien de la Maison Blanche à l'invasion de Rafah par l'armée d'occupation.
Le Dr Hussein al-Musawi, porte-parole de l'organisation irakienne Harakat al-Nujaba, déclare à The Cradle qu'Israël a, en fait, reçu un chèque en blanc de Washington pour ses agissements :
Il n'est pas surprenant que les États-Unis soutiennent et défendent Israël, indépendamment de ses violations des normes internationales, ce qui embarrasse sans aucun doute le gouvernement irakien, qui cherche à adopter une position claire sur la présence militaire américaine en Irak.
Pour ces raisons et bien d'autres encore, les dirigeants israéliens sont aujourd'hui parfaitement conscients que toute action ouvertement agressive dans le climat géopolitique actuel ne restera pas lettre morte. La région est plongée dans ce que l'on pourrait appeler une "mini-guerre internationale-régionale", caractérisée par des flambées intermittentes et des périodes de calme relatif.
True Promise, tout comme Al-Aqsa Flood auparavant, est sur le point d'entrer dans l'histoire comme un moment charnière, voire décisif, de la brève histoire de l'État d'occupation israélien, qui se retrouve aujourd'hui plus isolé que jamais et confronté à un avenir de plus en plus incertain.
https://thecradle.co/articles/the-isfahan-incident-a-nail-in-israels-coffin