👁🗨 L’Iran désormais en première ligne de défense des BRICS & du Sud global
Le Sud observe le ping-pong mortelle entre Israël & l'Iran, toujours plus conscient que l'Occident acculé est un animal de plus en plus dangereux, menant une guerre totale sous couvert de paix.
👁🗨 L’Iran désormais en première ligne de défense des BRICS & du Sud global
Par Pepe Escobar, le 17 juin 2025
La situation est on ne peut plus grave. Examinons l'échiquier, du micro au macro.
L'ombre éplorée dans la danse funèbre, La plainte lancinante désespérée de la chimère en perdition. — T. S. Eliot, Burnt Norton
La stratégie “choc et effroi” d'Israël contre l'Iran, directement inspirée de la stratégie américaine, a essentiellement échoué, malgré la combinaison initiale de rapidité, de planification militaire méticuleuse et d'effet de surprise, notamment le piratage du réseau de communications électroniques de l'armée iranienne, la décapitation de la nomenklatura verticale du CGRI, la stratégie d'attaque par drones en réseau et le bombardement, finalement inefficace, de sites clés de l'infrastructure nucléaire iranienne.
Il a fallu des heures aux meilleurs techniciens iraniens pour rétablir leur réseau. Une fois cela fait, le vent a commencé à tourner, à tel point qu'après des salves de missiles d'une précision chirurgicale lancées dans la nuit de dimanche, le CGRI a annoncé sa capacité à perturber gravement les systèmes de commandement et de contrôle d'Israël grâce à des “services du renseignement améliorés”, perforant ainsi le Dôme de fer – ou le Dôme de carton
Des points névralgiques de l'infrastructure de Tel-Aviv et de Haïfa ont été détruits, du complexe militaire Rafael (spécialisé dans les missiles, les drones, la cyberguerre et les composants du Dôme de fer) à la centrale électrique et à la raffinerie de pétrole de Haïfa. Cet événement est historique à plus d'un titre.
Ajoutez à cela les cris de joie qui retentissent dans tous les pays islamiques et le traumatisme psychologique massif infligé à Israël. Le mythe de l'invincibilité israélienne est définitivement brisé. Déchaîner l'enfer depuis les airs, tuer des femmes et des enfants et se comporter comme si demain n'existait pas ne permet pas de gagner une guerre contre un véritable adversaire.
La stratégie modifiée du CGRI – appliquée par une direction instantanément remaniée – est affinée jour après jour de manière calibrée et chirurgicale. Il n'est pas si difficile pour le CGRI de paralyser totalement l'économie israélienne. Israël ne dispose que d'une seule raffinerie de pétrole (déjà bombardée), de trois ports, dont l'un est déjà en faillite (Eilat) et un autre en feu (Haïfa), et d'un aéroport (déjà au bord du gouffre).
Le retour de bâton sur l'initiative désespérée, voire suicidaire, de Tel-Aviv – qui n'a rien d'une partie d'échecs – est en cours. Téhéran prouve que toutes les prévisions de l'axe sioniste selon lesquelles l'Iran pourrait être – et a été – saigné à blanc en quelques heures étaient, comme on pouvait s'y attendre, complètement fausses.
Le président américain, pour sa part, est tombé dans un piège vorace. Sa base MAGA est déjà profondeément divisée. Les MAGA non sionistes constituent la grande majorité. Il a admis dans un post infantile stupéfiant avoir tout su, dès le départ, de la stratégie israélienne “choc et effroi”.
Il y a moins de 10 jours, lors d'une réunion à New York où se trouvaient les milliardaires habituels, Steve Witkoff lui-même – le Talleyrand de Trump – a explicitement déclaré que les missiles balistiques iraniens constituent “une menace pour l'Amérique”. Compte tenu de leurs performances au cours des dernières 48 heures, tout indique que Washington est entré de facto en guerre contre l'Iran.
Des sources diplomatiques à Téhéran soulignent que les dirigeants travaillent dans cette optique. Voilà pourquoi ils conservent l'essentiel de leurs capacités et calibrent minutieusement les prochaines étapes clé de l'escalade. Une fois de plus, l'Iran fait preuve de son immense patience stratégique.
La question est donc de savoir, dans un scénario de guerre de facto des États-Unis, ce qui poussera la Russie et la Chine, de concert, à perdre leur propre patience stratégique.
La fierté perse – et sa confiance en ses propres capacités, comme j'ai pu l'observer le mois dernier en Iran – lui fait dire qu'elle dispose de toutes les ressources nécessaires pour survivre à l'axe sioniste, États-Unis inclus. Après tout, elle commence seulement à employer ses missiles les plus perfectionnés – du Kheybar-Shekan 2 au Fattah-1 en passant par le Haji Qassem.
La véritable guerre, celle déclarée aux BRICS
Pour résumer, la réponse iranienne a totalement bouleversé la donne. Le directeur du cirque, qui a même organisé un défilé militaire pathétique à Washington, est désormais démasqué.
Il mène désormais non pas une, mais deux guerres par procuration : contre la Russie et contre l'Iran, avec les néonazis de Kiev et les génocidaires de Tel Aviv en première ligne. Tout cela s'inscrit dans le cadre d'une guerre plus large contre les BRICS.
À présent, même les sourds, les muets et les aveugles comprennent qu'il n'a jamais été question du programme nucléaire iranien ou de l'« effort » visant à mettre en place un JCPOA 2.0 contrôlé par Trump. Il s'agit de l'obsession de toute une vie de l'axe sioniste : le changement de régime à Téhéran.
C'est le Saint Graal, fanstamé depuis la fin des années 1990, capable d'ouvrir la porte de l'Empire du Chaos profondément troublé aux immenses richesses naturelles de l'Iran – de l'énergie aux gisements de terres rares –, prolongeant ainsi la vie de l'Empire endetté à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars.
Les bonus supplémentaires sont encore plus séduisants : priver la Chine d'une question de sécurité nationale - les importations d'énergie - et des couloirs de connectivité cruciaux de la nouvelle route de la soie, tout en creusant un monstrueux abcès au flanc de la Russie. Un triple coup fatal, asséné d'un seul coup, aux trois principaux pays des BRICS – l'Iran, la Russie et la Chine –, à l'intégration eurasienne et à l'élan vers un système de relations internationales multinodale (c'est moi qui souligne) et multipolaire.
Alors même que les plus grands États civilisés font des pirouettes pour survivre à l'Empire du Chaos et aux efforts de ses maîtres pour déclencher la Troisième Guerre mondiale, Moscou et Pékin ne se font aucune illusion : pour faire face à ce scénario, il est impératif d'agir de manière asymétrique, avec la plus grande ruse, au lieu de se contenter de répondre aux provocations (stratégie prédominante de la Russie dans la guerre par procuration en Ukraine).
Les services du renseignement russes, quant à eux, ont déjà étudié l'effet miroir de l'opération Spiderweb menée par Israël, qui a eu recours au même modus operandi que celui utilisé par le SBU ukrainien – qui sert de façade au MI6 et au Mossad – contre les bombardiers stratégiques russes de la triade nucléaire.
L'implication directe de Tel Aviv dans le sabotage de Moscou soulève de sérieuses questions. Des questions tout aussi sérieuses se posent désormais concernant la piste ukrainienne. Les services du renseignement à Moscou considèrent que le processus de “cessez-le-feu” de Trump n'est qu'un camouflage grossier visant à forcer la Russie à battre en retraite pendant un certain temps, pendant que les chihuahuas de l'OTAN, à la botte de l'État profond, préparent une première frappe (du moins dans leurs rêves les plus fous)
Ce qui est donc susceptible de se produire, et plutôt tôt que tard, c'est que la Russie étende sa stratégie actuelle à l'Iran : une guerre massive contre les infrastructures, plongeant l'Ukraine dans un black-out total, métaphorique ou non – tout comme le bombardement d'une centrale électrique à Haïfa a plongé la ville dans un black-out total.
Pourquoi il ne faut pas laisser l'Iran échouer
Bien sûr, l'escalade actuelle, aussi insensée soit-elle, n'existerait pas si Trump avait été assez mature pour accepter l'offre d'Ali Shamkhani – assassiné par la suite par Israël : l'Iran pouvait se débarrasser de son uranium hautement enrichi et signer un nouvel accord nucléaire si les sanctions étaient levées. Téhéran n'aurait alors enrichi l'uranium qu'à de faibles niveaux pour son programme civil.
En parallèle, Téhéran a même suggéré un programme conjoint d'enrichissement nucléaire avec des investissements américains, saoudiens et émiratis. Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi l'a personnellement présenté à l'envoyé spécial américain Steve Witkoff à Oman, avant que les négociations n'échouent.
Pendant ce temps, le Sud observe la partie de ping-pong mortelle entre Israël et l'Iran, toujours plus conscient que l'Occident acculé est un animal de plus en plus dangereux, menant une guerre totale sous couvert de paix.
La destruction de Tel Aviv marque le début d'une nouvelle ère. Fous de rage, ils menacent désormais Téhéran du “modèle Beyrouth”, à savoir la destruction aveugle de quartiers civils. Une fois de plus, ils se livrent à ce qu'ils font le mieux : le terrorisme.
Et pourtant, l'impunité ne sera plus de mise pour le régime génocidaire. Les conséquences seront inévitablement discutées cette semaine au Forum économique de Saint-Pétersbourg, jusqu'au discours de Poutine lors de la session plénière vendredi, et tout au long du sommet des BRICS à Rio de Janeiro début juillet.
En prenant le pouls du Sud global, on sent que l'Iran est en train de restaurer de facto l'éthique et l'autorité géopolitique dans toute l'Asie occidentale, comme l'empire perse l'a exercée pendant des siècles. C'est le rôle des États-civilisations : leur rôle de gardiens privilégiés de leur sphère d'influence sera toujours essentiel.
Il est peu probable que cela se produise sous la présidence brésilienne, mais tôt ou tard, les BRICS devront opérer une transition stratégique pour passer du statut de “machine à déclarations ultra-courtoises” à celui de véritable épine dorsale solide et indestructible du Sud global et de l'Axe de la résistance mondiale.
Car l'Occident enragé et déboussolé n'est plus en mode guerre hybride ; il est passé à la Totalen Krieg – la guerre totale. Le Sud global doit donc passer en mode post-hybride de La Fureur de Vivre.
L’Iran devient le rempart des BRICS et du Sud
Du Nigeria à l'Indonésie en passant par le Vietnam, les membres et partenaires des BRICS s'accordent majoritairement à dire qu'il ne faut pas laisser tomber l'Iran. La situation est grave. Le sortilège du diktat occidental sans limites est enfin rompu : tout seules survivront “la plainte lancinante désespérée de la chimère en perdition”. Il aura fallu une stratégie “choc et effroi” pour briser l'échine de la bête.
Traduit par Spirit of Free Speech