đâđš LâIran soupçonne Trump de saboter les nĂ©gociations
Un universitaire iranien influent Ă TĂ©hĂ©ran mâa dit s'attendre Ă ce que lâIran soit la cible de sabotages & provocations israĂ©liens cet Ă©tĂ©, mais que True Promise III reste une option envisageable.
đâđš LâIran soupçonne Trump de saboter les nĂ©gociations
Par Max Blumenthal pour The Grayzone, le 23 mai 2025
AprÚs chaque échange encourageant, les Iraniens ont vu les principaux négociateurs de Trump faire des déclarations belliqueuses aux médias à Washington, renversant ainsi la position adoptée à Oman.
Alors que les négociations nucléaires entre l'administration Trump et le gouvernement réformiste iranien sont au point mort, j'ai eu deux longues conversations séparées à Téhéran la semaine derniÚre avec deux diplomates iraniens expérimentés ayant une connaissance approfondie des pourparlers à Mascate, à Oman.
Comme la plupart des Iraniens, les diplomates étaient impatients de conclure un accord durable assorti d'un allÚgement des sanctions. Mais ils ont déclaré que leur camp semble impuissant à percer les défenses de l'équipe Trump, qu'ils décrivent comme indécise, divisée, préoccupée par d'autres conflits et incapable de maintenir une position cohérente.
Pire encore, alors que les nĂ©gociations s'Ă©ternisent, l'administration Trump se range par dĂ©faut derriĂšre la position intransigeante d'IsraĂ«l, qui rejette tout enrichissement d'uranium, mĂȘme Ă des fins civiles, violant ainsi un droit que TĂ©hĂ©ran considĂšre comme sacro-saint.
Les diplomates iraniens soupçonnent désormais l'administration Trump de poursuivre un objectif inavoué derriÚre ces négociations, et d'utiliser les réunions d'Oman comme un moyen de créer de l'instabilité pour affaiblir l'économie iranienne et fomenter des troubles sociaux.
Leurs commentaires font Ă©cho Ă l'avertissement lancĂ© par le guide suprĂȘme de la RĂ©publique islamique d'Iran, l'ayatollah Khamenei, alors que TĂ©hĂ©ran examinait la demande de pourparlers sur le nuclĂ©aire formulĂ©e par le prĂ©sident Donald Trump en mars dernier.
âNĂ©gocier avec cette administration amĂ©ricaine ne conduira pas Ă la levĂ©e des sanctionsâ, a dĂ©clarĂ© Khamenei. âCela ne fera qu'envenimer la situation et accroĂźtre les tensionsâ.
AprĂšs deux mois de confusion politique et une escalade significative de la guerre financiĂšre menĂ©e par les Ătats-Unis, les paroles de l'ayatollah se sont avĂ©rĂ©es prĂ©monitoires.
Le gouvernement rĂ©formiste iranien risque dĂ©sormais de reproduire la folie du Plan d'action global conjoint (JCPOA) de 2015, qui n'a pas permis d'obtenir dâallĂšgement significatif des sanctions dans la brĂšve pĂ©riode prĂ©cĂ©dant l'annulation de l'accord par Trump, menant finalement Ă un rĂ©gime de âpressions maximalesâ culminant avec l'assassinat par les Ătats-Unis du gĂ©nĂ©ral iranien Qasem Soleimani.

Le gouvernement iranien est entré dans le dernier cycle de négociations sous pressions, Trump ayant déployé une force de frappe composée de bombardiers B-2 sur la base aérienne de Diego Garcia pour faire respecter ses exigences.
Les négociations se sont également déroulées dans le climat tendu des opérations militaires menées par Israël contre le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien aprÚs le 7 octobre, qui se sont soldées par de lourdes pertes humaines et matérielles pour les deux mouvements.
Selon les deux diplomates rencontrés à Téhéran, l'équipe de négociation iranienne est arrivée à Oman avec une certaine dose de pessimisme, mais elle s'est rapidement montrée plus positive en réalisant que les Américains n'exigeaient pas de l'Iran qu'il rompe ses relations avec ses alliés au Liban et au Yémen, qu'il se débarrasse de ses missiles balistiques à longue portée ou qu'il détruise ses réacteurs de Natanz et Fordow.
Mais aprĂšs chaque Ă©change encourageant, ils ont entendu les principaux nĂ©gociateurs de Trump faire des dĂ©clarations belliqueuses aux mĂ©dias dĂšs leur retour Ă Washington, contredisant ainsi les positions exprimĂ©es Ă Mascate. Les Iraniens soupçonnent l'Ă©quipe de Trump, menĂ©e par l'avocat immobilier Steve Witkoff, de s'incliner devant les intĂ©rĂȘts israĂ©liens, notamment la Fondation for the Defense of Democracies et sa principale donatrice, Miriam Adelson.
Durant chaque cycle de négociations, l'équipe iranienne a présenté des propositions concrÚtes pour surmonter les désaccords et maintenir la dynamique. Mais selon les diplomates qui m'ont parlé, ils ont dû attendre une semaine ou plus pour recevoir une réponse des Américains. Ils ont décrit Witkoff comme étant préoccupé par d'autres missions diplomatiques, et ont déclaré qu'il relÚgue l'Iran au second plan pour se concentrer sur les négociations entre l'Ukraine et la Russie, ou encore la guerre à Gaza.
Les diplomates se sont montrĂ©s particuliĂšrement prĂ©occupĂ©s par l'apparente lutte de pouvoir entre Witkoff et le secrĂ©taire d'Ătat Marco Rubio. Ils pensent que Rubio exploite ses apparitions dans les mĂ©dias amĂ©ricains pour afficher son contrĂŽle sur les nĂ©gociations, et craignent que sa rivalitĂ© apparente avec Witkoff empĂȘche l'Ă©quipe de Trump de parvenir Ă un consensus sur la question nuclĂ©aire.
Un diplomate iranien a fait référence au livre de l'historien Robert Dallek, The American Style of Foreign Policy, pour expliquer son point de vue selon lequel l'approche contre-productive de l'administration Trump traduit une crise en réalité plus profonde au sein de l'establishment américain.
PubliĂ© en 1983, cet ouvrage soutient que les pressions internes et les changements sociaux aux Ătats-Unis ont placĂ© les dĂ©cideurs de la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine sur une trajectoire irrationnelle persistante.
Le diplomate a citĂ© l'ancien secrĂ©taire d'Ătat Antony Blinken Ă titre d'exemple de la thĂšse de Dallek, rappelant comment Blinken a rĂ©guliĂšrement modifiĂ© les termes des accords prĂ©cĂ©dents avec l'Iran afin d'empĂȘcher les nĂ©gociations de se concrĂ©tiser durant les annĂ©es Biden.
Selon moi, il sous-entend que l'influence prépondérante du lobby israélien et de l'industrie militaire a été trop lourde pour permettre à l'administration Biden ou Trump de conclure un accord durable.
Mes deux interlocuteurs ont évoqué de récents rapports révélant que Witkoff avait promis au Hamas de forcer Israël à lever le blocus de la bande de Gaza s'il libérait le prisonnier américano-israélien Edan Alexander. Ils ont été consternés d'apprendre que Witkoff est revenu sur sa promesse et a laissé Israël massacrer des centaines de civils dans une fureur apocalyptique ces derniÚres semaines.
Les tactiques déloyales de Trump avec le Hamas ont jeté une ombre sur les négociations à Oman, alimentant le pessimisme iranien quant à la possibilité d'un accord viable.
Mais aucune dĂ©claration n'a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© plus prĂ©judiciable Ă la perspective d'un accord que la proclamation de Witkoff sur ABC dans l'Ă©mission This Week :
âNotre ligne rouge est trĂšs, trĂšs claire, et c'est l'enrichissement. Nous ne pouvons pas autoriser ne serait-ce que 1 % de capacitĂ© d'enrichissementâ.
Ces commentaires s'inscrivent dans la logique des négociateurs de Trump qui sabotent les progrÚs réalisés à Oman en formulant exigences et menaces abusives à peine rentrés à Washington. Et rares sont les questions plus centrales pour le sentiment d'indépendance de la République islamique que son programme nucléaire civil.
Visite du rĂ©acteur nuclĂ©aire de TĂ©hĂ©ran et âguerre des volontĂ©sâ

L'Organisation iranienne de l'Ă©nergie atomique (AEOI) a invitĂ© un petit groupe de journalistes et d'universitaires Ă visiter le Centre de recherche nuclĂ©aire de la ville, un rĂ©acteur actif construit Ă l'origine avec l'aide des Ătats-Unis sous le rĂ©gime du shah.
Une fois dans l'immense installation (sans nos téléphones, car les appareils d'enregistrement sont strictement interdits), nous avons pu découvrir de nombreux produits issus du programme nucléaire iranien qui sauvent des vies, allant des avancées en radiothérapie à la production de médicaments anticancéreux, en passant par la stérilisation d'appareils médicaux et la protection de l'agriculture.
La visite était clairement destinée à illustrer l'importance de l'énergie nucléaire pour le développement national de l'Iran, et l'engagement absolu de ses dirigeants à poursuivre le projet malgré la menace permanente d'assassinats, de sabotages et d'une guerre totale.
AprÚs la visite, nous avons rencontré Beyrouz Kamalvandi, un diplomate iranien expérimenté qui occupe actuellement le poste de porte-parole de l'AEOI. Comme les autres diplomates iraniens à qui j'ai parlé, M. Kamalvandi a affirmé que son pays souhaite respecter toutes ses obligations au titre du Traité de non-prolifération. Mais il considÚre le programme nucléaire civil iranien comme la clé de la consolidation de son avance technologique et comme un droit absolu en vertu du droit international.
âIls veulent nous faire ce qu'ils ont fait Ă Gaza, oĂč toute la sociĂ©tĂ© est sous blocusâ, a dĂ©clarĂ© M. Kamalvandi. âMais nous sommes une grande civilisation, et ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne rĂ©alisent que nous ne nous soumettrons pas. Ce n'est pas seulement une bataille sur l'enrichissement, c'est une bataille des volontĂ©sâ.
Pendant la réunion, Kamalvandi a désigné un jeune homme assis au dernier rang de la salle de conférence, lui a demandé de se lever et l'a présenté comme étant le fils du théoricien iranien du champ quantique Massoud Ali-Mohammadi, assassiné par un agent du Mossad en 2010.
Dix ans plus tard, l'Iran a perdu le parrain de son programme nucléaire, Mohsen Fakrizadeh, lorsque le Mossad a infiltré un drone équipé d'une mitrailleuse dans le pays et l'a positionné le long d'une route pour attaquer le convoi de Fakrizadeh.
Kamalvandi, pour sa part, a été blessé et hospitalisé en 2021 alors qu'il inspectait une partie du réacteur de Natanz endommagée par une attaque israélienne.
Aux yeux des dirigeants iraniens, l'exigence de Witkoff de mettre fin Ă l'enrichissement nâĂ©tait pas seulement de nature Ă rĂ©duire Ă nĂ©ant des dĂ©cennies de progrĂšs technologiques, mais constitue un affront envers les scientifiques de haut niveau Ă©liminĂ©s par les assassins israĂ©liens. Si telle est la nouvelle base de nĂ©gociation, les pourparlers sont vouĂ©s Ă l'Ă©chec. Et pourtant, la comĂ©die continue.
Sabotage économique sous couvert de négociations

Depuis le début des négociations, la valeur du rial iranien a fluctué de maniÚre spectaculaire par rapport au dollar, augmentant aprÚs la premiÚre série d'échanges positifs, puis se dépréciant à chaque vague de menaces belliqueuses de Trump et de son équipe.
J'ai personnellement été témoin du chaos financier qui rÚgne en Iran chaque fois que j'ai tenté de changer des dollars en rials, les commerçants consultant leur téléphone pour connaßtre le nouveau taux, qui semble varier d'un jour à l'autre en fonction des déclarations du président américain. Un ami m'a dit en plaisantant que j'aurais payé beaucoup moins cher pour réserver une chambre d'hÎtel pour ma famille si les négociations n'étaient pas en cours.
Les dĂ©clarations de Trump sur les nĂ©gociations ont Ă©galement perturbĂ© les marchĂ©s pĂ©troliers. Le 16 mai, lorsque Trump a dĂ©clarĂ© qu'il Ă©tait âproche d'un accordâ avec l'Iran, le prix du pĂ©trole a chutĂ© de 3,4 %.
Puis Witkoff a appelé à la cessation de l'enrichissement, et le 20 mai, les services du renseignement américains ont laissé filtrer une information selon laquelle Israël prévoit d'attaquer les installations pétroliÚres iraniennes, provoquant une hausse soudaine des prix du pétrole.
La capacité du président américain à manipuler les marchés financiers tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran avec à ses fanfaronnades a renforcé le sentiment que la participation aux négociations a affaibli la position politique de l'Iran. De plus, les affronts grossiers de Trump à l'honneur national et à la souveraineté de l'Iran ont détruit le peu de bonne volonté existant au début des pourparlers.
L'annonce faite par le prĂ©sident le 7 mai dernier, selon laquelle il envisage de renommer le golfe Persique et de le rebaptiser âgolfe Arabiqueâ, a suscitĂ© l'indignation dans tout le pays, fĂ©dĂ©rant aussi bien les partisans du gouvernement, les rĂ©formateurs et les monarchistes favorables Ă un changement de rĂ©gime, qui dĂ©noncent tous cette insulte Ă la dignitĂ© nationale. TĂ©hĂ©ran a rĂ©agi en lançant une campagne d'affichage condamnant ce changement et en poursuivant Google en justice pour avoir appliquĂ© cette nouvelle dĂ©nomination dans ses applications cartographiques.
Le discours de Trump à Riyad a exacerbé les tensions, en tentant de monter le peuple iranien contre ses dirigeants, vantant les mérites de ses hÎtes monarchiques non élus pour avoir prétendument
âtransformĂ© des dĂ©serts arides en terres agricoles fertilesâ, tout en accusant les dirigeants iraniens de âtransformer des terres agricoles verdoyantes en dĂ©serts arides, tandis que leur mafia corrompue de l'eau... provoque des sĂ©cheresses et vide les lits des riviĂšres. Ils s'enrichissent, mais ils ne laissent rien au peupleâ.
Deux jours aprĂšs le discours de Trump Ă Riyad, des tempĂȘtes de poussiĂšre provenant des dĂ©serts en expansion d'Arabie saoudite ont soufflĂ© sur l'Iran, obscurcissant le ciel de TĂ©hĂ©ran et obligeant de nombreux habitants Ă rester confinĂ©s chez eux. L'ironie n'a pas Ă©chappĂ© Ă ceux qui ont entendu Trump louer le prĂ©tendu miracle vert des Saoudiens. Pendant ce temps, l'impression que les nuĂ©es de guerre s'amoncellent gagne du terrain.
Un universitaire iranien influent à Téhéran m'a confié s'attendre à ce que son pays soit la cible de sabotages et de provocations israéliens tout au long de l'été. Les deux diplomates m'ont affirmé qu'une telle hypothÚse n'est pas exclue et que True Promise III demeure une option envisageable.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Rédacteur en chef de The Grayzone, Max Blumenthal est un journaliste primé et l'auteur de plusieurs livres, dont les best-sellers Republican Gomorrah, Goliath, The Fifty One Day War et The Management of Savagery. Il a rédigé des articles pour diverses publications, réalisé de nombreux reportages vidéo et plusieurs documentaires, dont Killing Gaza. Blumenthal a fondé The Grayzone en 2015 afin de mettre en lumiÚre, à travers le journalisme, l'état de guerre perpétuelle dans lequel se trouve l'Amérique et ses dangereuses répercussions sur le plan intérieur.
Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflÚtent pas nécessairement celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2025/05/23/max-blumenthal-iran-suspects-trump-talks-as-sabotage/
Il ne reste plus aux Iraniens quâĂ adopter la mĂ©thode yemenite. La seule qui fonctionne. Pas de nĂ©gociations inutiles.