👁🗨 L'Irgoun de 1948 est-elle en train de renaître ?
Une secte existentielle de droite détient aujourd'hui la majorité au sein du gouvernement et dispose d'une milice de justiciers prête à s'attaquer à l'establishment militaire et à l'État israélien.
👁🗨 L'Irgoun de 1948 est-elle en train de renaître ?
Par Alastair Crooke, le 5 août 2024
Ne serait-il pas temps que les instances dirigeantes occidentales sortent de leur léthargie et déchiffrent les runes qui se profilent tout autour d'elles ?
Les signaux sont là, à la portée de tous : l'Occident, en ignorant délibérément ces signes explicites, ne pourra pas ni se plaindre ni échapper aux conséquences induites.
Non, la “sourde oreille” n'est pas le nouveau trouble occidental - un effondrement massif et inédit de la santé mentale - que nous sommes en train de vivre. Il s'agit de quelque chose de bien pire : un retour à une version dogmatique et autoritaire des vérités qui , selon le physicien dissident Eric Weinstein , a (en Occident) également détruit la vraie science - en ignorant et en réduisant au silence ses voix dissidentes les plus marquantes, tout en récompensant amplement les imposteurs de la science.
Prenons un exemple : le Premier ministre Netanyahu s'est adressé au Congrès américain le 24 juillet en déclarant, sur un mode manichéen inchangé, que l'Occident est confronté à un “axe du mal” (l'Iran et ses alliés), que les États-Unis doivent s'employer à détruire. Il invite ainsi à participer à une guerre civilisationnelle.
Son appel a été salué par 58 ovations de la part des législateurs américains.
À son retour, Netanyahu a constaté le désastre dans la communauté druze du Golan. Des fragments de missiles ont frappé, tuant et blessant de nombreux enfants qui jouaient au football (les circonstances exactes ne sont toujours pas claires). La rationalité occidentale peut cependant parfaitement déduire, premièrement, que Majdal Shams se trouve en Syrie occupée, deuxièmement, que la communauté druze qui s'y trouve est très majoritairement syrienne (elle rejette la citoyenneté israélienne) et largement pro-syrienne. Et qu'ils ne sont ni juifs ni israéliens. L'Occident ne semble toutefois pas en mesure de parvenir à une autre conclusion pourtant évidente : pourquoi le Hezbollah voudrait-il se rendre coupable d'un crime contre l'humanité ? Pourquoi le Hezbollah attaquerait-il intentionnellement une communauté syrienne en territoire syrien largement acquise à la cause de la Résistance ?
Il ne le ferait pas. Pourtant, ces faits flagrants sont totalement ignorés par une logique qui, comme le suggère Weinstein, privilégie délibérément l'escroquerie à la réalité. Le porte-parole Kirby a déclaré que le Hezbollah avait attaqué des enfants dans le nord d'Israël.
Le ministre israélien de la défense ne cesse de répéter : “Nous ne voulons pas la guerre”. Les dirigeants occidentaux reprennent le même discours : personne ne veut la guerre. Nous sommes convaincus que la riposte d'Israël sera modérée et limitée à des cibles militaires ». Pour la Maison Blanche : “Selon nous, rien ne justifie une escalade dramatique au Sud-Liban et la diplomatie a encore du temps devant elle”.
Que se passe-t-il ensuite ? Deux assassinats majeurs : l'un à Beyrouth et l'autre à Téhéran ( un invité sur le territoire souverain iranien). Les dirigeants occidentaux expriment leur “préoccupation”. La cible du Hamas à Téhéran, Ismail Haniyeh, comme l'a fait remarquer le Premier ministre qatari, était le principal négociateur des otages de Gaza.
Cet aspect sera également négligé, bien que l'intention de Netanyahu de regrouper le Hamas, le Hezbollah et l'Iran en un seul “axe du mal” - rejoignant ainsi son discours devant la session plénière du Congrès - soit évidente, même pour les borgnes de Washington.
Rappelons la nouvelle “équation” consécutive à l'assassinat d'un haut responsable du CGRI dans le consulat iranien en avril 2024 : désormais, l'Iran répondra directement - et depuis l'Iran. Washington dit qu'il ne veut pas de guerre avec l'Iran, or celle-ci a été explicitement préconisée par Netanyahu. Les législateurs n'auraient-ils pas compris son intention ?
Depuis près de dix mois, Israël est incapable de stabiliser la situation le long de la frontière nord et de permettre le retour des Israéliens déplacés dans leurs foyers. Même si l'attaque de Beyrouth ne débouche pas sur une guerre plus élargie, la restauration d'une stabilité négociée à la frontière libanaise est désormais inenvisageable, tout comme un accord sur la prise d'otages dans la bande de Gaza. “Comment une médiation peut-elle aboutir lorsqu'une des parties assassine le négociateur de l'autre partie ?”, a ironisé le Premier ministre qatari al-Thani.
Ce qui s'est passé en Israël le jour même où les assassinats ont été perpétrés sera également “passé sous silence” en Occident : des groupes d'autodéfense d'extrême droite sont descendus de leurs colonies et ont pris d'assaut deux bases militaires de Tsahal. Les scènes anarchiques d'effractions massives, fomentées par plusieurs membres de la coalition au pouvoir, dont certains ont participé aux intrusions par la force, ont suscité la condamnation furieuse du ministre de la Défense, M. Gallant.
Les intrusions ont été soutenues par un ministre et plusieurs membres de la Knesset qui cherchaient à libérer des réservistes soupçonnés de violences aggravées et de sodomie par la force sur un détenu palestinien. Selon une source des services du renseignement, le détenu blessé a été transporté à l'hôpital avec de graves lésions, notamment sur une partie intime du corps, le rendant inapte à la marche.
“Le spectacle d'officiers de la police militaire venant arrêter nos meilleurs héros à Sde Teiman est tout simplement honteux”,
a déclaré Ben Gvir, dont le ministère contrôle la police israélienne et l'administration pénitentiaire israélienne, à propos de la prise d'assaut du poste de Tsahal.
Pourtant, comme le rapporte Yossi Melman [journaliste israélien], la situation est plus complexe :
“La droite messianique nationaliste, avec le soutien, la complicité ou le silence des ministres et des députés de droite, est en train de perpétrer un “putsch”. Les jeunes qui descendent des collines de “l'État de Juda” pour opérer avec les mêmes méthodes violentes - utilisées contre les Palestiniens - sont (maintenant) utilisées contre l'État d'Israël. Le député Limor Son Har-Malech (Otzma Yehudit) a déclaré : “Le peuple d'Israël se battra contre les ennemis de l'extérieur et les ennemis qui essaient de nous détruire chez nous” [ceux qui, comme l'avocat général, cherchent à enquêter sur les tortures pratiquées à Sde Teiman]. Le concept du coup de poignard dans le dos et de la trahison en interne fait écho aux voix qui s'élevaient en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale”.
Là encore, sans faire la une des journaux : la situation à Sde Teiman était largement connue et considérée comme “plus horrible que tout ce que nous avons entendu à propos d'Abu Ghraib et de Guantanamo”. Un rapport de l'ONU a détaillé comment les Palestiniens détenus arbitrairement étaient confrontés à la torture et aux mauvais traitements. Les justiciers des colonies ont néanmoins décrit les auteurs du viol comme des “héros” et ont qualifié les enquêteurs de Tsahal de cinquième colonne. Les rapports suggèrent que les coupables de Sde Teiman bénéficient d'une protection au plus haut niveau.
Ce rapport sur la torture systématique fait suite à des révélations antérieures selon lesquelles l'armée israélienne a désigné des dizaines de milliers d'habitants de Gaza comme étant suspectés d'assassinat, à l'aide d'un système de ciblage par intelligence artificielle, appelé Lavender, sans véritable supervision humaine et avec une politique permissive en termes de pertes humaines.
Dans le même ordre d'idées, les ministres de droite ont célébré l'assassinat d'Ismail Haniyeh à Téhéran sur les réseaux sociaux mercredi matin, en déclarant : “Enfin la bonne méthode pour purger le monde de ces ordure”, a tweeté le ministre du Patrimoine Amichay Eliyahu, membre du parti d'extrême droite Otzma Yehudit du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir :
“Plus d'accords imaginaires de “paix” ou de reddition, plus de pitié pour ces morts ambulants. La poigne de fer qui les frappera apportera le calme et un minimum de réconfort, et renforcera notre capacité à vivre en paix avec ceux qui recherchent la paix. La mort de Haniyeh rend le monde quelque peu meilleur”.
Quelle est donc cette “vérité” que l'Occident ignore et dont il tait toute réalité, tandis qu'il amplifie ses impostures narratives ? L'Israël qu'ils prétendent comprendre est bien différent aujourd'hui. Cet Israël obéit à une épistémologie contraire au rationalisme mécaniste.
Une secte existentielle de droite détient aujourd'hui la majorité au sein du gouvernement et dispose d'une milice de justiciers prête à s'attaquer à l'establishment militaire et à l'État israélien. Personne n'a été arrêté pour cette attaque et la prise de contrôle des deux bases. Ils n'osent pas.
Moshe “Bogie” Ya'alon, ancien chef d'état-major des forces de défense israéliennes, ancien ministre de la défense d'Israël, a déclaré lors d'une interview vidéo au sujet des forces qui prennent le contrôle d'Israël :
“Lorsque vous parlez de Smotrich et de Ben Gvir, pensez à leur rabbin. Il se nomme Dov Lior. C'est le rabbin du Jewish Underground [Le Jewish Underground, ou makhteret, était une organisation fondamentaliste radicale de droite considérée comme terroriste par Israël - 1979-1984], qui avait l'intention de faire exploser le Dôme du Rocher - et avant cela les bus de Jérusalem. Pourquoi ? Pour accélérer la ‘dernière bataille’.
“Ne les entendez-vous pas évoquer la dernière guerre ou du concept de “soumission” de Smotrich ? Lisez l'article qu'il a publié dans Shiloh en 2017. Tout d'abord, ce concept repose sur la suprématie juive : Mein Kampf à l'envers.
“j’ai les cheveux droits sur la tête quand je dis cela - comme il l'a formulé. J'ai appris et grandi dans la maison de survivants de l'Holocauste et j'ai dit ‘plus jamais ça’. C'est Mein Kampf à l'envers : la suprématie juive, et c'est pourquoi [Smotrich] dit : ‘Ma femme n'entrera jamais dans la même pièce qu'un Arabe’. C'est ancré dans l'idéologie. Ensuite, ce à quoi il aspire - au plus vite - c'est à une grande guerre. Une guerre de Gog et Magog. Comment mettre le feu aux poudres ? Un massacre comme celui du Caveau des Patriarches [1994] ? Baruch Goldstein a été l'élève de ce rabbin. Ben Gvir a accroché la photo de Goldstein [dans sa maison]. Voilà comment sont prises les décisions au sein du gouvernement israélien “.
Le rabbin Dov Lior a été décrit par Netanyahu comme “une unité d'élite dirigeant Israël”, en raison de son influence et de son contrôle sur les groupes de colons.
L'Irgoun de 1948 [organisation armée de la droite sioniste en Palestine mandataire, créée en 1931, Les anciens membres de l'Irgoun ont majoritairement fondé fin 1948 le parti Hérout (“Liberté”), matrice de l'actuel Likoud, parti de la droite israélienne] s'appuyant fortement sur les Mizrahim [Juifs orientaux], est-elle en train de renaître ?
Ne serait-il pas temps que les instances dirigeantes occidentales sortent de leur torpeur et déchiffrent les runes qui se manifestent tout autour d'elles ? Quelques protagonistes majeurs ne pensent pas comme vous, Occidentaux : ils visent Gog et Magog (la prophétie selon laquelle “les enfants d'Israël” seront victorieux lors du combat d'Armageddon). Tel est la chronique d’un risque annoncé.
https://strategic-culture.su/news/2024/08/05/the-1948-irgun-re-born/