đâđš L'obsession du gouvernement pour le secret au dĂ©triment de l'intĂ©rĂȘt public
Un juge de la Cour suprĂȘme a condamnĂ© le lanceur d'alerte militaire David McBride Ă cinq ans et huit mois de prison.
đâđš L'obsession du gouvernement pour le secret au dĂ©triment de l'intĂ©rĂȘt public
Par Kevin Gosztola, le 14 mai 2024
En Australie, un juge de la Cour suprĂȘme a condamnĂ© le lanceur d'alerte militaire David McBride Ă cinq ans et huit mois de prison pour avoir divulguĂ© des informations classifiĂ©es qui rĂ©vĂ©laient des crimes de guerre commis par des soldats australiens en Afghanistan.
La Media, Entertainment, and Arts Alliance (MEAA), un syndicat australien reprĂ©sentant journalistes, acteurs et divers professionnels de la crĂ©ation, a qualifiĂ© cette condamnation de âhonteuseâ, affirmant qu'elle montre
âla nĂ©cessitĂ© de rĂ©formes urgentes pour protĂ©ger les lanceurs d'alerte contre les poursuites judiciairesâ.
âCe reportage Ă©tait clairement dans l'intĂ©rĂȘt du public, mais la peine infligĂ©e aujourd'hui dĂ©passe de loin tout acte rĂ©prĂ©hensible prĂ©sumĂ©â, a dĂ©clarĂ© Michelle Rae, directrice des mĂ©dias de la MEAA. âL'accusation n'a jamais prouvĂ© que les rĂ©vĂ©lations avaient eu un impact prĂ©judiciable sur la sĂ©curitĂ© nationale de l'Australie ou sur ses relations de sĂ©curitĂ© avec d'autres pays.â
âSans lanceurs d'alerte travaillant avec des journalistes, la corruption et les actes rĂ©prĂ©hensibles peuvent prospĂ©rer et rester impunisâ, a ajoutĂ© Mme Rae.
M. McBride, qui a aujourd'hui 60 ans, a servi dans le Royal Australia Regiment et dans les Australia Special Forces. Il a été affecté à deux missions en Afghanistan et a ensuite déposé une plainte interne pour dénoncer ce dont il avait été témoin pendant la guerre. Cette plainte a donné lieu à des actes de harcÚlement et d'intimidation.
De 2014 Ă 2016, M. McBride a communiquĂ© Ă l'Australia Broadcasting Corporation (ABC) des documents classifiĂ©s sur le rĂŽle de l'Australie dans la guerre d'Afghanistan. Ces documents, intitulĂ©s âThe Afghan Filesâ, ont suscitĂ© de nombreuses rĂ©actions. Le gouvernement australien a rĂ©agi en faisant une descente dans les bureaux d'ABC et en poursuivant McBride pour espionnage.
Le juge David Mossop, de la Cour suprĂȘme du Australia Capital Territory, a refusĂ© Ă M. McBride la possibilitĂ© de prĂ©senter une dĂ©fense en affirmant qu'il avait l'obligation de contester une faute pĂ©nale.
McBride a choisi de ne pas aller jusqu'au procĂšs et a plaidĂ© coupable pour trois dĂ©lits le 17 novembre 2023, rĂ©sultant d'allĂ©gations selon lesquelles il aurait âvolĂ©â des documents. (Il prĂ©voit de faire appel de la dĂ©cision de Mossop).
Selon le Sydney Morning Herald, lors du prononcé de la sentence, Mossop a déclaré que McBride
âa trĂšs clairement manquĂ© Ă son devoir. Les dĂ©clarations contradictoires ne correspondent pas Ă la rĂ©alitĂ©â et âil est essentiel de dissuader quiconque d'adopter un tel comportementâ.
En faisant de McBride un exemple, le juge a exigé que le lanceur d'alerte militaire passe 27 mois en prison avant de pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle.
âLe niveau de prĂ©judice causĂ© Ă la communautĂ© par l'infraction est considĂ©rable. [(Et)] que l'auteur de l'infraction est jugĂ© coupable [...]â, a Ă©galement dĂ©clarĂ© M. Mossop, d'aprĂšs ABC.
AprĂšs le prononcĂ© de la sentence, l'avocat de McBride, Mark Davis, a dĂ©clarĂ© aux journalistes que la âseule perspective d'espoirâ pour McBride consiste Ă faire appel de la dĂ©cision du juge selon laquelle un officier de l'armĂ©e australienne n'aurait qu'un seul devoir, celui âd'obĂ©ir aux ordresâ.
âNous sommes fondamentalement en dĂ©saccord avec le contenu du verdict, et nous pensons que la dĂ©finition si restrictive du devoir par un pays occidental est une question d'importance nationale, voire internationaleâ.
Peter Greste, professeur de journalisme à l'université Macquarie de Sydney et directeur exécutif de l'Alliance pour la liberté des journalistes, a écrit que
âL'affaire McBride incite [les Australiens] Ă se demander comment nos propres troupes ont fait la guerre en Afghanistan, et dĂ©montre l'obsession permanente du gouvernement pour le secret au dĂ©triment de l'intĂ©rĂȘt publicâ.
La dĂ©cision de Mossop d'empĂȘcher McBride de prĂ©senter une dĂ©fense d'intĂ©rĂȘt public illustre bien pourquoi le syndicat de Greste a plaidĂ© en faveur d'une loi qui obligerait les tribunaux australiens Ă mettre en balance la ânĂ©cessitĂ© de secretâ et le âbesoin impĂ©rieux de publier et d'exposer les actes rĂ©prĂ©hensiblesâ.
âLe procureur gĂ©nĂ©ral Mark Dreyfus s'est engagĂ© Ă rĂ©former le rĂ©gime de protection des lanceurs d'alerte et, avant les derniĂšres Ă©lections, a promis de mettre en place une autoritĂ© indĂ©pendante de protection des lanceurs d'alerte. Ces engagements sont louables, mais sonnent creux alors que McBride est en prison et qu'un autre lanceur d'alerte de premier plan, Richard Boyle, de l'Australian Taxation Office, sera jugĂ© dans le courant de l'annĂ©eâ, a dĂ©clarĂ© M. Greste.
[Richard Boyle, un fonctionnaire australien du Bureau des impÎts, a remarqué des pratiques de recouvrement de dettes contraires à l'éthique et trop agressives de la part du gouvernement à l'encontre de propriétaires de petites entreprises].
Jen Robinson, avocate australienne spĂ©cialisĂ©e dans les droits de l'homme et bien connue pour avoir reprĂ©sentĂ© le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a soulignĂ© qu'âil s'agit du premier citoyen australien Ă ĂȘtre emprisonnĂ© pour avoir rĂ©vĂ©lĂ© des crimes de guerreâ et ânon pour les avoir commisâ.
Le Human Rights Law Center, âl'unique service juridique australien dĂ©diĂ© aux lanceurs d'alerteâ, a notĂ© que âMcBride devient le premier lanceur d'alerte Ă ĂȘtre emprisonnĂ© Ă ce jour en Australieâ. Le tĂ©moin K, qui a rĂ©vĂ©lĂ© l'espionnage de l'Australie contre le Timor-Oriental, a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă une peine avec sursis, et les poursuites contre son avocat, Bernard Collaery, ont Ă©tĂ© abandonnĂ©es aprĂšs l'entrĂ©e en fonction du gouvernement Albanese.
âNous avons vivement dĂ©noncĂ© ces poursuites parce que nous constatons l'effet dissuasif des poursuites intentĂ©es contre les lanceurs d'alerte, au lieu de les protĂ©gerâ, a dĂ©clarĂ© le centre juridique.
Les poursuites engagĂ©es contre M. McBride constituent un nouvel exemple de la maniĂšre dont les principaux alliĂ©s du gouvernement des Ătats-Unis imitent les procureurs amĂ©ricains pour criminaliser les lanceurs d'alerte qui divulguent des informations d'intĂ©rĂȘt public Ă la presse.
Refuser Ă M. McBride une dĂ©fense d'intĂ©rĂȘt public fait Ă©cho aux obstacles Ă une procĂ©dure Ă©quitable auxquels sont confrontĂ©s les lanceurs d'alerte de l'armĂ©e ou de la sĂ©curitĂ© nationale dans les tribunaux amĂ©ricains, et l'emprisonnement d'un lanceur d'alerte envoie au gouvernement amĂ©ricain le message que des mesures draconiennes de sauvegarde des informations partagĂ©es entre les agences amĂ©ricaines et l'Australie.
Le gouvernement australien, dirigĂ© par le Premier ministre Anthony Albanese, est peut-ĂȘtre du bon cĂŽtĂ© de la libertĂ© de la presse lorsqu'il s'agit d'appeler le gouvernement amĂ©ricain Ă mettre fin aux poursuites engagĂ©es contre M. Assange, lui-mĂȘme Australien. Mais M. Albanese et le gouvernement australien affichent un bilan mitigĂ© et dĂ©cevant lorsqu'il s'agit de faire respecter les droits des lanceurs d'alerte, et ont portĂ© atteinte Ă la libertĂ© de la presse dans le cadre de l'affaire McBride.
Ci-dessous une interview rĂ©alisĂ©e avec le lanceur d'alerte de l'armĂ©e australienne David McBride pour le podcast* âUnauthorized Disclosureâ en 2021.
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