👁🗨 L'opération Jupiter & la révolution en marche
Le climat anti-guerre refoulé en Europe risque finalement de déferler - pour à terme un rejet pur & simple de l'OTAN. Trump & son discours sur l'OTAN sera alors tenté d'enfoncer les portes ouvertes.
👁🗨 L'opération Jupiter & la révolution en marche
Par Alastair Crooke, le 15 juillet 2024
“Nouveau populisme” de gauche et de droite, et effondrement du cordon sanitaire “centriste”.
Les élites bruxelloises ont poussé un long soupir de soulagement : la tentative de la droite française est enrayée. Les marchés haussent complaisamment les épaules : “tout doit “changer” pour rester inchangé”. Le Centre trouvera bien une solution !
Macron a réussi à bloquer la droite et la gauche ‘populistes’ en prônant une ligne de défense tactique centriste à approfondir, entravant les deux pôles politiques. Et le blocus tactique a été un succès.
Le parti de “droite” de Le Pen - sur 32% des votes exprimés - a remporté 125 sièges (seulement 22% de la législature). La gauche a obtenu 180 sièges avec 26 % des voix, et le bloc Ensemble de Macron 159 sièges avec 25 % des voix.
Toutefois, aucun parti ne dispose d'un nombre suffisant de sièges pour gouverner (il faut généralement entre 240 et 250 sièges). Si ce résultat est considéré comme un succès, ce n'est là qu'un succès à la Pyrrhus. Les partis de gauche comprennent un large éventail de courants antagonistes - des libertaires aux léninistes contemporains - dont le noyau Mélenchon ne coopérera jamais avec les centristes de Macron, ni avec les partisans mécontents de Mme Le Pen.
L'historien Maxime Tandonnet estime que considérer que Macron a réussi autre chose qu'un fiasco relève d'une interprétation abusive et idéalisée des événements :
“L'opération Jupiter a dégénéré avec le pire des scénarios possibles. C'est une impasse totale”.
Il est impossible de former un gouvernement fonctionnel à partir de cette Assemblée brouillonne. (Macron a refusé la démission du Premier ministre battu, le priant de rester à son poste, ad interim).
Comme l'observe Henri Hude, ancien directeur de recherche à l'académie militaire de Saint-Cyr :
“Nul ne peut douter qu'une révolution se prépare en France. Les dépenses de l'État et de l'État-providence dépassent de beaucoup les ressources, lesquelles n'augmentent pratiquement plus, ni en croissance économique, ni en fiscalité [...].
“L'État ne peut joindre les deux bouts qu'en s'endettant toujours plus, endettement qui ne peut être supporté que par des taux d'intérêt très bas - mais surtout en émettant de la monnaie à l'infini, “à partir de rien”, grâce au lien privilégié de l'euro avec les Allemands [forte cote de crédit pour les Bunds sur 10 ans].”
Si ces facilités venaient à disparaître, “les financiers estiment que la France devrait réduire d'environ un tiers les salaires de ses fonctionnaires, ou en restreindre le nombre, et d'un cinquième les pensions de retraite des citoyens. C'est bien évidemment irréalisable”.
“Le déficit budgétaire et commercial est maquillé en dette et aurait été résorbé il y a trente ans par la dévaluation de la monnaie nationale - mais cet artifice de la dette [profite de plus en plus aux riches]... tandis que la population ne cesse de se plaindre, vivant son “rêve en rose” - et maintenue dans l'ignorance totale de l'état de nos finances... Cela étant, la classe dirigeante est bien consciente de la situation, mais préfère ne pas l'évoquer, faute de savoir ce qu'il faut faire…”.
“Il ne fait aucun doute que le moment de vérité venu, lorsque les Etats se déclareront en faillite ... l'Occident va être durement touché - et d'aucuns vont sauter comme des bouchons de champagne. L'économie devra être réorganisée. Nous assisterons peut-être aussi à une révolution culturelle. C'est la faillite de l'État français - ne l'oublions pas - qui a provoqué la Révolution française...
“Mais on peut se demander pourquoi cette [prodigalité monétaire] ne peut se prolonger indéfiniment. C'est ce que nous allons découvrir, mais pas pour l'instant”.
“Avant même que la faillite ne soit déclarée, la perte de confiance dans les institutions [...] est aujourd'hui une réalité : l'impuissance des pouvoirs publics, privés de prestige et d'autorité, et la détestation du Président - préfigurent la puissance de l'onde de choc que déclenchera alors la révélation du désastre. Un scénario “à la grecque” est peu probable en France. Mieux vaut miser sur autre chose (une inflation maîtrisée et une dévaluation de l'euro ?)”.
Bien sûr, la France n'est pas la seule dans ce cas. Le mécanisme de l'euro était censé contraindre les pays de la zone euro à être financièrement avisés et “vertueux”. Mais c'est tout le contraire qui s'est produit ». La solidité des finances de l'Allemagne a permis aux autres États membres de l'UE de s'appuyer fortement sur la cote privilégiée de l'Allemagne pour s'endetter à l'infini, en maintenant les niveaux de la dette souveraine de l'UE à un niveau artificiellement bas.
Tant que la prédominance du dollar américain perdurera, celui de l'euro devrait se maintenir, à ceci près que la guerre en Ukraine est en train de ruiner l'industrie allemande, notamment. La France fait déjà l'objet d'une procédure européenne pour déficit excessif. Il en va de même pour d'autres États membres. Un frein à l'endettement est en place en Allemagne, qui doit procéder à des compressions de 40 milliards d'euros. L'austérité est en cours dans la plupart des pays de la zone euro.
Le dollar américain - au faîte de la pyramide de la dette libérale - s'effondre, tout comme l'“ordre fondé sur des règles” occidental. Les “plaques” géostratégiques du monde - ainsi que son zeitgeist culturel - sont en train de changer [Zeitgeist, littéralement “esprit du temps”, terme emprunté à la philosophie allemande qui désigne “les grandes lignes de pensée”, les questions en débat et la sensibilité d'une époque].
En clair, la problématique involontairement présentée par Macron est insoluble.
“Nous pourrions appeler cet esprit émergent ‘le nouveau populisme’”, note Jeffrey Tucker :
“Il n'est ni de gauche ni de droite, mais il reprend les thèmes des deux mouvements dans le passé. De ce qu'on appelle la “droite”, il tire la conviction que les gens, dans leur vie et leur communauté, sont mieux à même de prendre des décisions judicieuses que les autorités au sommet. De l'ancienne gauche, le nouveau populisme tire la revendication de la liberté d'expression, des droits fondamentaux et une profonde méfiance à l'égard du pouvoir des entreprises et des gouvernements.
“Le thème du scepticisme à l'égard des élites habilitées et enracinées est le plus marquant. Cela s'applique à tous les domaines. Il ne s'agit pas seulement de politique. Il touche les médias, la médecine, les tribunaux, le monde universitaire et tous les autres secteurs de pointe. Et ce, dans tous les pays. Il s'agit véritablement d'un changement paradigmatique. Il ne semble pas temporaire, mais substantiel, et probablement durable”.
“Ce qui s'est passé en quatre ans a déclenché une vague massive de doute [et la conviction de l'illégitimité des élites] qui couvait depuis des décennies”.
Le philosophe Malebranche écrivait (1684) dans son Traité de morale : “Les hommes pardonnent tout, sauf le mépris” :
“Une élite qui manque à ses devoirs est dite élitiste. Dès lors, son activité paraît injuste et abusive, mais surtout son existence même est un outrage. D'où la haine, la mutation de l'émulation en envie, et de l'envie en soif de vengeance, et donc en guerres”.
Alors que faire ?
Pour rétablir l'ordre américain fondé sur les règles et faire taire les dissidents, on estime qu'une victoire de l'OTAN s'impose :
“Le plus grand risque et le plus grand coût pour l'OTAN aujourd'hui est celui de la victoire de la Russie en Ukraine. Nous ne pouvons pas laisser faire cela”,
a déclaré le secrétaire général Stoltenberg lors de l'anniversaire de l'OTAN à Washington.
“L'issue de cette guerre influera sur la sécurité mondiale pour les décennies à venir”.
Un tel scénario en Ukraine - contre la Russie - pourrait donc être considéré par certains à Washington comme suffisamment efficace pour ramener à la raison les États rebelles commerçant avec le dollar, et pour réaffirmer la primauté de l'Occident dans le monde entier.
Pendant longtemps, il était acceptable, voire avantageux, d'être un protectorat américain. Ce n'est plus le cas : l'Amérique ne fait plus “peur”. Les tabous tombent. La mutinerie contre l'Occident postmoderne est mondiale. Et il est clair pour la Majorité Mondiale que la Russie ne peut être vaincue militairement. C'est l'OTAN qui est en passe d'être vaincue.
Et maintenant, voici le “vide au cœur” du projet : Biden ne sera probablement plus là bien longtemps. Personne ne peut l'ignorer.
Certains dirigeants de l'UE - ceux dont le soutien politique se dégrade dangereusement sur le plan intérieur, au fur et à mesure que leurs cordons sanitaires contre la gauche et la droite se fracturent - peuvent également considérer la guerre comme une porte de sortie pour une UE en passe de vivre un naufrage fiscal insoluble.
Car un scénario de guerre, à l'inverse, permet d'enfreindre toutes les règles fiscales et constitutionnelles où les dirigeants politiques s’affublent soudainement le titre de commandants en chef.
L'envoi de troupes et la mise à disposition d'avions de chasse (et de missiles à plus longue portée) pourraient être interprétés comme une volonté délibérée de déclencher une guerre européenne de grande ampleur, et que les Etats-Unis pensent apparemment recourir aux bases de F-16 en Roumanie comme une façon de provoquer une guerre en Europe et de sauver diverses fortunes politiques atlantistes en perdition.
En revanche, les Européens (88 %) estiment clairement que
“les pays membres de l'OTAN [devraient] faire pression en faveur d'un règlement négocié en Ukraine”.
Seule une infime minorité des personnes interrogées pensent que l'Occident devrait donner la priorité à des objectifs tels qu’“affaiblir la Russie” ou “restaurer les frontières de l'Ukraine d'avant 2022”.
Au contraire, le public européen préfère de loin
“enrayer l'escalade” et “éviter une guerre ouverte entre des puissances dotées de l'arme nucléaire”.
Le plus probable, apparemment, va être un déchaînement du sentiment anti-guerre jusque là refoulé en Europe - menant en fin de compte au rejet de l'OTAN dans son intégralité. Trump pourrait alors enfoncer une porte ouverte avec sa position à l'égard de l'OTAN.
https://strategic-culture.su/news/2024/07/15/operation-jupiter-and-a-revolution-in-the-making/
Scénario optimiste ! Les mougeons (surtout en France) sont sagement attentifs aux ordres diffusés par les medias... Inutile de rêver à une nouvelle montée de gilets jaunes jusqu'à l'Elysée. Ceux qui ont donnés en 2017 ont de la rancoeur quand à leurs immondes concitoyens (et on les comprend !). Quand a cette lubie de croire que Trump lave plus blanc, c'est pitoyable ! Trump pour moi..c'est Churchill , une ordure qui préférera voir crever le 'vielle Europe' quand le choix tombera sur des frites pour MacDo où la paix entre la Russie et l'OTAN ? Il est bien gentil, le monsieur mais L'histoire ne colle pas avec la Providence mais plutôt avec le pragmatisme ! Si je ne crois mon sixième sens...dans quelques temps, on va vivre ce que les gens du Dombass (des héros) ont vécu depuis 2014! Ca va désillusionner beaucoup de mougeons! 😜