đâđš LâOTAN, lâorganisation la plus dangereuse du monde
LâOTAN protĂšge les intĂ©rĂȘts des Ătats membres aux dĂ©pens de l'intĂ©rĂȘt mondial & ne cherche quâĂ prĂ©server le systĂšme amĂ©ricain fondĂ© sur ses propres rĂšgles & entraver l'essor du reste du monde.

đâđš LâOTAN, lâorganisation la plus dangereuse du monde
Par Tricontinental : Institute for Social Research, le 15 juillet 2025
Lors de son intervention en Afghanistan, l'OTAN a dĂ©montrĂ© qu'elle avait dĂ©sormais la capacitĂ© et le feu vert pour agir en tant que gendarme de l'ordre dirigĂ© par les Ătats-Unis.
L'OTAN affirme qu'elle est confrontée à la plus grande crise existentielle de ses prÚs de quatre-vingts ans d'histoire.
Alors que le président américain Donald Trump et son équipe de sécurité nationale semblent avoir tourné le dos à l'Europe et déclaré ne plus vouloir financer sa sécurité, les dirigeants européens s'efforcent de réunir les fonds nécessaires pour accroßtre leur soutien à l'Ukraine et renforcer leur propre production et capacité militaire.
Pourtant, rien n'indique concrĂštement que les Ătats-Unis, puissance dominante au sein de l'OTAN, vont se retirer de cet organe militaire ou chercher Ă le dissoudre. L'OTAN sert en effet de nombreux objectifs aux Ătats-Unis depuis sa crĂ©ation en 1949.
Exercer une pression sur les Ătats europĂ©ens pour augmenter leurs dĂ©penses de dĂ©fense est une chose, affirmer qu'il s'agit d'un retrait stratĂ©gique plus large des Ătats-Unis de l'Europe en est une autre. MalgrĂ© la rhĂ©torique, la politique de Trump s'inscrit dans l'approche globale de l'Ă©lite amĂ©ricaine : maintenir la puissance mondiale grĂące Ă des institutions telles que l'OTAN et un systĂšme Ă©tatique europĂ©en docile, plutĂŽt qu'isoler les Ătats-Unis des autres rĂ©gions du monde.
L'OTAN restera un levier de pouvoir du Nord, quelles que soient les perturbations de surface inévitables dans les mois à venir.
Le titre de ce dossier, âL'OTAN : la plus dangereuse organisation au mondeâ, rejoint la conclusion du politologue Peter Gowan (1946-2009), qui Ă©crivait en 1999, au moment du bombardement de l'OTAN et de l'Ă©clatement de la Yougoslavie :
âNous devons garder Ă l'esprit deux faits regrettables : d'une part, que les Ătats membres de l'OTAN ont Ă©tĂ© et sont toujours dĂ©terminĂ©s Ă exacerber les inĂ©galitĂ©s de pouvoir et de richesse dans le monde, Ă dĂ©truire toute menace Ă leur puissance militaire et Ă©conomique Ă©crasante, et Ă subordonner presque toutes les autres considĂ©rations Ă ces objectifs ; et d'autre part, que les Ătats membres de l'OTAN manipulent extrĂȘmement facilement leurs Ă©lecteurs nationaux pour leur faire croire qu'ils conduisent effectivement la population mondiale vers un avenir plus juste et plus humain, alors qu'en rĂ©alitĂ©, ils ne font rien de telâ.1
L'OTAN dissimule ses motivations profondes de création et d'existence actuelle derriÚre le langage des droits de l'homme et de la sécurité collective. Pour mieux comprendre cette alliance militaire, il serait préférable de mettre de cÎté cette rhétorique et d'examiner son bilan réel, plutÎt que celui des droits de l'homme.
Ce dossier se compose de trois parties. La premiĂšre retrace l'histoire de l'OTAN et Ă©value son rĂŽle dans le systĂšme impĂ©rialiste dirigĂ© par les Ătats-Unis. La deuxiĂšme se concentre sur la façon dont l'OTAN s'est redĂ©finie en tant que gendarme mondial depuis la chute de l'Union soviĂ©tique, et sur les diffĂ©rentes maniĂšres dont elle est intervenue dans les pays du Sud â comme illustrĂ© dans la troisiĂšme partie.
1. Lâalliance agressive
L'idĂ©e de l'OTAN est nĂ©e durant les derniĂšres annĂ©es de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Ătats-Unis et le Royaume-Uni ont commencĂ© Ă envisager de nouveaux arrangements en matiĂšre de sĂ©curitĂ©, aprĂšs la dĂ©faite des puissances fascistes en Europe.2
En 1945, les Ătats-Unis ont accueilli la confĂ©rence de San Francisco, au cours de laquelle les Nations unies ont Ă©tĂ© créées. La Charte des Nations unies, ratifiĂ©e par les cinquante participants Ă la confĂ©rence, autorisait, dans son chapitre VIII, article 52, la crĂ©ation d'organisations rĂ©gionales de sĂ©curitĂ© et leur accordait le droit de prendre toute mesure coercitive, y compris des sanctions et des interventions militaires, mais uniquement avec l'autorisation du Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies (chapitre VIII, article 53).3
C'est sur la base de cette disposition de la Charte des Nations unies que les Ătats-Unis ont rĂ©uni dix pays europĂ©ens et le Canada pour signer le traitĂ© de Washington en 1949 et crĂ©er l'OTAN. Les pays europĂ©ens qui ont rejoint l'OTAN avaient des expĂ©riences diffĂ©rentes de la guerre : la plupart d'entre eux, comme la France et l'Allemagne, ont dĂ» reconstituer leur armĂ©e pratiquement Ă partir de rien ; d'autres, comme le Royaume-Uni, ont conservĂ© des armĂ©es relativement intactes ; et un seul, l'Islande, Ă©tait dĂ©pourvu d'armĂ©e permanente.
L'OTAN a fourni Ă ces pays un bouclier militaire et nuclĂ©aire amĂ©ricain. En 1949, la Central Intelligence Agency (CIA) a diffusĂ© un mĂ©morandum exposant que l'OTAN visait non seulement Ă dissuader l'Union soviĂ©tique de menacer l'Europe, mais aussi Ă assurer le âcontrĂŽle Ă long terme de la puissance allemandeâ et Ă rĂ©gler l'Ă©pineuse question de âqui contrĂŽlera le potentiel allemand et maintiendra ainsi l'Ă©quilibre des pouvoirs en Europeâ. Cette Ă©valuation sans concession offre une vision plus juste de l'OTAN qu'une analyse de sa charte.4
La CIA n'Ă©tait pas la seule Ă adopter cette vision des choses en Europe. Comme l'Ă©crivait Lord Hastings Lionel Ismay, premier secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'OTAN, dans un mĂ©morandum interne en 1952, l'organisation devait âmaintenir les SoviĂ©tiques Ă l'extĂ©rieur, les AmĂ©ricains Ă l'intĂ©rieur et les Allemands sous contrĂŽleâ.5
L'annĂ©e prĂ©cĂ©dant la crĂ©ation de l'OTAN, George Kennan, du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, s'interrogeait sur le fait que les Ătats-Unis dĂ©tenaient « environ 50 % des richesses mondiales, mais seulement 6,3 % de la population mondiale ». Selon lui, les implications de cette situation devaient ĂȘtre rĂ©glĂ©es. Comme l'Ă©crivait Kennan dans le vingt-troisiĂšme rapport du Policy Planning Staff :
âCette disparitĂ© est particuliĂšrement marquĂ©e entre nous et les peuples d'Asie. Nous ne pouvons manquer d'ĂȘtre l'objet de l'envie et du ressentiment en pareille situation. Notre vĂ©ritable mission dans les annĂ©es Ă venir sera de concevoir un modĂšle de relations nous permettant de maintenir cette disparitĂ© sans nuire Ă notre sĂ©curitĂ© nationaleâ.6
Le âmodĂšle de relationsâ destinĂ© Ă contrĂŽler l'âenvie et le ressentimentâ des peuples d'Asie et du Sud en gĂ©nĂ©ral a Ă©tĂ© mis en place l'annĂ©e prĂ©cĂ©dant la crĂ©ation de l'OTAN. En effet, les Ătats-Unis ont remodelĂ© les arrangements de sĂ©curitĂ© dans les AmĂ©riques avec le TraitĂ© interamĂ©ricain d'assistance rĂ©ciproque (ou TraitĂ© de Rio) de 1947, puis avec l'adoption d'une nouvelle charte pour l'Organisation des Ătats amĂ©ricains (OEA) Ă BogotĂĄ, en Colombie, en 1948.
Ces deux accords ont soumis les pays d'AmĂ©rique latine aux Ătats-Unis. Quelques annĂ©es aprĂšs la crĂ©ation de l'OTAN en 1949, les Ătats-Unis ont conclu des pactes de sĂ©curitĂ© en Asie de l'Est (le Pacte de Manille de 1954, donnant naissance Ă l'Organisation du traitĂ© du Sud-Est asiatique, ou SEATO) et en Asie centrale (le Pacte de Bagdad de 1955, crĂ©ant l'Organisation du traitĂ© central, ou CENTO).
ParallĂšlement, l'OEA, alors dirigĂ©e par les Ătats-Unis, a engagĂ© un combat anticommuniste avec la Commission consultative spĂ©ciale sur la sĂ©curitĂ© contre l'action subversive du communisme international en 1962.7
Les Ătats-Unis ont dĂ©ployĂ© cette stratĂ©gie de pactes militaires pour deux raisons : limiter le dĂ©veloppement de tout parti ou force communiste dans ces rĂ©gions et exercer l'influence des Ătats-Unis sur les gouvernements du monde entier.
Cette stratĂ©gie s'inscrivait dans une projection de puissance plus large qui a permis aux Ătats-Unis de dĂ©velopper et de maintenir des bases militaires, parfois dotĂ©es de capacitĂ©s nuclĂ©aires, Ă proximitĂ© de l'Union soviĂ©tique, de la CorĂ©e du Nord, du Vietnam du Nord et de la Chine, jetant ainsi les bases d'une prĂ©sence militaire mondiale.
Cependant, la nécessité de ces pactes militaires a commencé à s'estomper pour plusieurs raisons entre les années 1960 et 1980.
PremiĂšrement, les Ătats-Unis avaient dĂ©jĂ instaurĂ© une prĂ©sence militaire mondiale considĂ©rable, avec des bases s'Ă©tendant du Japon au Honduras, créées dans le cadre de traitĂ©s bilatĂ©raux.
DeuxiĂšmement, la technologie militaire ayant considĂ©rablement progressĂ©, les Ătats-Unis pouvaient dĂ©sormais faire preuve d'une grande flexibilitĂ© et mobilitĂ© grĂące Ă leur arsenal de missiles Ă moyenne portĂ©e, leurs sous-marins Ă propulsion nuclĂ©aire et leur imposante capacitĂ© aĂ©rienne.
TroisiĂšmement, les Ătats-Unis ont dĂ©veloppĂ© une stratĂ©gie d'« interopĂ©rabilitĂ© » leur permettant d'utiliser la vente de leur propre technologie militaire aux pays alliĂ©s pour promouvoir des exercices militaires conjoints menĂ©s de maniĂšre efficace sous le commandement amĂ©ricain, principalement dans l'intĂ©rĂȘt stratĂ©gique des Ătats-Unis.
Enfin, les Ătats-Unis avaient créé des structures de commandement rĂ©gionales, telles que le Commandement du Pacifique (Pacom) en 1947, le Commandement Sud (Southcom) en 1963 et le Commandement central (Centcom) en 1983. Ces structures avaient dĂ©jĂ conclu des accords bilatĂ©raux et multilatĂ©raux avec les armĂ©es alliĂ©es.
Il n'Ă©tait donc pas nĂ©cessaire de conclure de nouvelles alliances militaires rĂ©gionales. Ces nouveaux dispositifs, destinĂ©s Ă assurer la prĂ©sence militaire mondiale des Ătats-Unis, ont rĂ©duit la nĂ©cessitĂ© de conclure des pactes de sĂ©curitĂ© dans des rĂ©gions telles que l'Asie et le Moyen-Orient. L'OTASE a Ă©tĂ© dissoute en 1977, en grande partie en raison du dĂ©sintĂ©rĂȘt des pays d'Asie du Sud-Est, puis le CENTO a Ă©tĂ© dissous deux ans plus tard, aprĂšs la rĂ©volution iranienne.8
Ce ne fut toutefois pas le cas en AmĂ©rique latine, oĂč l'OEA continue d'opĂ©rer Ă ce jour, axant ses efforts avec une prĂ©cision chirurgicale sur la maniĂšre de minimiser l'influence de la gauche dans la rĂ©gion (Cuba a Ă©tĂ© suspendue de l'organisation en 1962, aprĂšs quoi Fidel Castro l'a qualifiĂ©e de âministĂšre des coloniesâ).
Outre l'OEA, l'OTAN fut l'autre exception cruciale. Elle n'a pas été dissoute. La vision de Lord Hastings est restée intacte.
Tenir l'Union soviétique à l'écart : conserver les bases militaires américaines et de l'OTAN en Europe, avec des armes nucléaires américaines, afin de dissuader toute initiative soviétique au-delà des lignes établies aprÚs la Seconde Guerre mondiale.
Garantir la prĂ©sence des Ătats-Unis : du point de vue amĂ©ricain, cela signifiait maintenir les EuropĂ©ens sous contrĂŽle, en veillant Ă ce qu'ils ne crĂ©ent jamais leur propre armĂ©e continentale, et Ă ce que l'Ă©largissement de l'OTAN aille de pair avec celui de l'UE, afin de maintenir l'influence amĂ©ricaine dans la rĂ©gion.
Maintenir les Allemands sous contrĂŽle : s'assurer que les anciennes puissances impĂ©rialistes n'aient d'autre ambition que d'ĂȘtre les alliĂ©s subordonnĂ©s des Ătats-Unis. Une vision que les Ătats-Unis ont maintenue non seulement Ă l'Ă©gard de l'Allemagne, mais aussi de toute l'Eurasie, en particulier du Japon. L'OTAN est donc restĂ©e un Ă©lĂ©ment clĂ© de la stratĂ©gie impĂ©rialiste amĂ©ricaine.
Indépendamment de ce que les responsables américains et de l'OTAN ont déclaré, ce pacte militaire poursuivait clairement trois objectifs :
empĂȘcher la gauche de se dĂ©velopper dans leurs propres pays (en dĂ©truisant les fronts populaires en France, en GrĂšce et en Italie Ă la fin des annĂ©es 1940 et dans les annĂ©es 1950, ainsi que le mouvement anti-guerre en Allemagne de l'Ouest dans les annĂ©es 1960 et 1970),
contenir et faire reculer le bloc socialiste (y compris) ; - contenir et faire reculer le bloc socialiste (y compris aprÚs 1959, face à la révolution cubaine), et
contrer les mouvements de libĂ©ration nationale en Afrique et en Asie (notamment en soutenant les guerres coloniales du Portugal en Afrique dans les annĂ©es 1960 et 1970, et en aidant les Ătats-Unis en CorĂ©e au dĂ©but des annĂ©es 1950, puis au Vietnam dans les annĂ©es 1960 et 1970).9
2. L'OTAN dans le monde
En novembre 1991, soit un mois avant la dissolution officielle de l'Union soviĂ©tique, l'OTAN a publiĂ© un rapport intitulĂ© âNouveau concept stratĂ©giqueâ, dans lequel elle admettait qu'une ânouvelle Ăšre plus prometteuse Ă©tait en train de voir le jour en Europeâ.10
Dans ce contexte, les membres de l'OTAN auraient pu prendre confiance et dĂ©cider de dissoudre l'alliance. Ils ont au contraire lĂ©gitimĂ© le maintien de l'OTAN, mettant en garde contre des menaces âmultidirectionnellesâ nĂ©cessitant des interventions coordonnĂ©es, y compris en dehors du territoire des Ătats membres.
En 1997, au siĂšge de l'OTAN Ă Bruxelles, la secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricaine Madeleine Albright a dĂ©clarĂ© :
âAvec la disparition de l'Union soviĂ©tique, beaucoup pensent que nous ne sommes plus confrontĂ©s Ă une menace aussi unificatrice, mais j'estime que c'est le casâ.
Quel était donc le but de l'OTAN ? Mme Albright expliquait alors :
âIl s'agit d'empĂȘcher la prolifĂ©ration des armes nuclĂ©aires, chimiques et biologiques. Notre objectif est de mettre fin Ă la combinaison explosive de technologie et de terreur, et d'empĂȘcher que des armes de destruction massive ne tombent entre les mains de personnes sans scrupules. Cette menace Ă©mane en grande partie du Moyen-Orient et de l'Eurasie, ce qui expose particuliĂšrement l'Europeâ.11
En d'autres termes, l'OTAN devait intervenir en dehors de l'Europe pour protĂ©ger cette derniĂšre. Telle pourrait ĂȘtre l'interprĂ©tation charitable et superficielle. Mais on peut interprĂ©ter les propos d'Albright de maniĂšre bien plus nuancĂ©e.
Depuis l'effondrement de l'Union soviĂ©tique, la Russie, sous la houlette d'un prĂ©sident docile, Boris Eltsine (dont la réélection en 1996 a Ă©tĂ© influencĂ©e par l'ingĂ©rence amĂ©ricaine), s'est en effet soumise aux Ătats-Unis, permettant Ă ces derniers d'utiliser leur puissance militaire Ă©crasante et celle de leur principal instrument mondial. L'OTAN a ainsi pu Ă©tendre sa domination sur l'Europe de l'Est et punir les âĂtats rebellesâ (terme utilisĂ© par Anthony Lake, du dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, en 1994) qui refusaient d'adopter les politiques de mondialisation, de nĂ©olibĂ©ralisme et de primautĂ© amĂ©ricaine.12
Les gouvernements du Nord ont besoin d'un âennemi menaçantâ pour lĂ©gitimer l'existence de l'OTAN. Qu'il s'agisse de la menace perçue du communisme (l'Union soviĂ©tique durant la guerre froide), des allĂ©gations de terrorisme (Al-QaĂŻda) ou d'autoritarisme (la Russie et la Chine plus rĂ©cemment), les Ătats membres de l'OTAN alimentent la peur des âennemis du monde libreâ pour convaincre leurs propres populations de la nĂ©cessitĂ© de militariser davantage leurs sociĂ©tĂ©s, en renforçant notamment leurs capacitĂ©s militaires et policiĂšres.13
Cette rhétorique démagogique permet également d'intégrer des mouvements et des syndicats progressistes à la dynamique guerriÚre de l'OTAN.

En 1991, il Ă©tait dĂ©jĂ clair que les Ătats-Unis utiliseraient l'OTAN pour subordonner l'Europe de l'Est et la Russie, puis pour servir de gendarme mondial contre tout âĂtat voyouâ qui oserait dĂ©fier la puissance amĂ©ricaine dans cette nouvelle Ăšre.
Les lignes d'engagement de l'OTAN suivraient Ă la lettre la politique amĂ©ricaine. Comme l'indiquait la StratĂ©gie de sĂ©curitĂ© nationale des Ătats-Unis d'AmĂ©rique de 2002 du prĂ©sident George W. Bush,
ânos forces seront suffisamment puissantes pour dissuader nos adversaires potentiels de poursuivre leur dĂ©veloppement militaire dans l'espoir de dĂ©passer ou d'Ă©galer la puissance des Ătats-Unisâ.14
Le concept d'âadversaires potentielsâ, initialement qualifiĂ©s d'âĂtats rebellesâ ou d'âĂtats voyousâ en 1994, puis de âterrorisme catastrophiqueâ en 1998, allait bientĂŽt dĂ©signer la Russie et la Chine.15
Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© motivĂ©e par des impĂ©ratifs gĂ©opolitiques, mais aussi par des considĂ©rations financiĂšres. En effet, lorsque l'Union soviĂ©tique s'est effondrĂ©e, l'industrie de l'armement a craint l'apparition d'un âdividende de paixâ qui aurait nui Ă ses profits, ceux-ci ayant considĂ©rablement augmentĂ© durant cette pĂ©riode.
C'est ce qui a poussé l'industrie de l'armement à créer le Comité américain pour l'élargissement de l'OTAN, présidé par Bruce Jackson (alors vice-président de Lockheed Martin), qui a exercé des pressions sur le CongrÚs américain afin qu'il adopte la loi de 1996 favorisant l'élargissement de l'OTAN. De 1996 à 1998, les six plus grands entrepreneurs militaires ont dépensé 51 millions de dollars pour faire pression sur le CongrÚs en faveur de l'élargissement de l'OTAN.16
Comme l'a dĂ©clarĂ© Joel Johnson, de l'Association de l'industrie aĂ©rospatiale : âLes enjeux sont Ă©levĂ©s. Le premier arrivant aura la mainmise pour le prochain quart de siĂšcleâ. (En effet, les ventes d'avions supposent l'achat de piĂšces de rechange et de nouveaux avions pour entretenir et agrandir les flottes.)17
Les nouveaux membres de l'OTAN ont Ă©tĂ© fortement encouragĂ©s Ă acheter Ă l'industrie amĂ©ricaine d'armement, ce qui a fait de l'Ă©largissement de l'OTAN un Ă©largissement du marchĂ© de l'armement pour Boeing, Lockheed Martin, McDonnell Douglas, Northrop Grumman, Raytheon et Textron (connus Ă l'Ă©poque sous le nom des âsix grandsâ, tous basĂ©s aux Ătats-Unis).18
Entre 2015-2019 et 2020-2024, les membres europĂ©ens de l'OTAN ont par exemple plus que doublĂ© leurs importations provenant de l'industrie de l'armement, dont 64 % provenaient des Ătats-Unis.19
La dépendance de l'Europe à l'égard des fabricants d'armes américains est un problÚme qui préoccupe les bureaucrates de la région depuis des décennies. En 2003, une étude de la Commission européenne indiquait par exemple
qu'âon peut craindre que l'industrie europĂ©enne soit rĂ©duite au statut de sous-traitant des principaux contractants amĂ©ricains, tandis que le savoir-faire essentiel serait rĂ©servĂ© aux entreprises amĂ©ricainesâ.20
Cette situation s'inscrivait dans une vision globale visant à subordonner l'Europe aux ambitions américaines.
En 1999, l'OTAN est entrée en guerre en Yougoslavie pour démanteler le pays, sans mandat de maintien de la paix de l'ONU. Durant ce conflit, l'OTAN a bombardé l'ambassade de Chine à Belgrade, un acte que les Chinois considÚrent toujours comme délibéré.21
Ce fut le premier signe de l'expansion de l'OTAN hors de sa zone initiale de responsabilitĂ©. Deux ans plus tard, l'OTAN menait une autre opĂ©ration « hors zone » en entrant dans la guerre contre l'Afghanistan dĂ©clenchĂ©e par les Ătats-Unis.
L'OTAN a alors acquis la certitude qu'elle pouvait dĂ©sormais agir en tant que gendarme de l'ordre dirigĂ© par les Ătats-Unis, comme l'ont Ă©crit Ivo H. Daalder, devenu ambassadeur des Ătats-Unis auprĂšs de l'OTAN en 2009, et James Goldgeier, dĂ©fenseur de longue date de l'Ă©largissement de l'OTAN, dans Foreign Affairs en 2006, Ă propos de l'âOTAN mondialeâ.22
Bien que l'OTAN n'ait pas officiellement participĂ© Ă la guerre illĂ©gale contre l'Irak en 2003, elle a tout de mĂȘme soutenu la Pologne et la Turquie en leur fournissant une aide logistique et des moyens de communication pendant le conflit. L'OTAN a alors commencĂ© Ă Ă©tendre ses relations aux armĂ©es du monde entier, notamment en Europe de l'Est et en Asie de l'Est, et a participĂ© de diffĂ©rentes maniĂšres Ă la guerre contre le terrorisme menĂ©e par les Ătats-Unis.23
Avant l'effondrement de l'Union soviétique, et afin de permettre l'annexion de la République démocratique allemande (RDA), le gouvernement américain a pris l'engagement auprÚs du gouvernement soviétique que l'OTAN ne s'étendrait pas au-delà de la frontiÚre orientale de l'Allemagne.24
AprĂšs la chute de l'Union soviĂ©tique, l'OTAN a pourtant fait exactement le contraire. Le bombardement de la Yougoslavie en 1999 a envoyĂ© un message clair aux nations d'Europe de l'Est : « Vous ĂȘtes soit avec nous, soit contre nous. » Dans les annĂ©es suivant cet Ă©vĂ©nement, les pays concernĂ©s ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s Ă l'OTAN :
La République tchÚque, la Hongrie et la Pologne en 1999 ; la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie en 2004 ; l'Albanie et la Croatie en 2009 ; le Monténégro en 2017 ; et la Macédoine du Nord en 2020.
Durant ce processus, les Ătats-Unis ont pris des mesures pour s'assurer que l'Allemagne, dĂ©sormais rĂ©unifiĂ©e, soit « maintenue Ă l'Ă©cart » et n'opĂšre que dans les limites fixĂ©es par Washington.25
L'expansion de l'UE vers l'est a été permise, mais elle a été précédée (ou du moins accompagnée) par l'expansion de l'OTAN. L'hégémonie américaine au sein du bloc occidental a ainsi été assurée, en particulier en Europe de l'Est.
Bien que quatre pays limitrophes de la Russie (l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne) aient déjà rejoint l'OTAN au milieu des années 2000, le gouvernement russe n'était pas disposé à autoriser l'adhésion de la Géorgie et de l'Ukraine, deux pays partageant des frontiÚres importantes avec la Russie.
Lors du sommet de l'OTAN Ă Bucarest, en avril 2008, dans un contexte de dĂ©pendance croissante de l'Europe Ă l'Ă©gard du gaz et du pĂ©trole russes, la France et l'Allemagne ont bloquĂ© l'adhĂ©sion de la GĂ©orgie et de l'Ukraine Ă l'OTAN. Le dĂ©ploiement de troupes russes aprĂšs un affrontement militaire entre la GĂ©orgie et la Russie en OssĂ©tie du Sud, la mĂȘme annĂ©e, a Ă©tĂ© le premier signe de la dĂ©termination de Moscou Ă empĂȘcher la GĂ©orgie de rejoindre l'UE ou l'OTAN.
Le renversement du gouvernement ukrainien en 2014 sous l'influence des Ătats-Unis, l'insistance des pays du Nord pour que l'Ukraine rejoigne l'OTAN, ainsi que le retrait des Ătats-Unis de traitĂ©s clĂ©s sur le contrĂŽle des armements â notamment le traitĂ© sur les missiles antibalistiques de 2002 et le traitĂ© sur les forces nuclĂ©aires Ă portĂ©e intermĂ©diaire de 2019 â ont fait comprendre Ă la Russie que Washington avait l'intention de dĂ©ployer des armes nuclĂ©aires Ă moyenne portĂ©e Ă ses frontiĂšres.26
Moscou a jugé ces exigences inacceptables et a envahi l'Ukraine en 2022.
Le financement
Depuis le dĂ©but des annĂ©es 1950, les Ătats-Unis se plaignent de devoir supporter le poids des dĂ©penses de l'OTAN, car les pays europĂ©ens ne consacrent pas suffisamment de moyens Ă leur capacitĂ© militaire.27
En 1952, le Parlement britannique a mĂȘme dĂ©battu de l'inĂ©galitĂ© des dĂ©penses militaires et du service militaire obligatoire dans les pays de l'OTAN.28
NĂ©anmoins, la faible proportion des dĂ©penses militaires dans le budget des pays europĂ©ens est restĂ©e inchangĂ©e, et on a mĂȘme pu observer un recul dans les annĂ©es 1970, en raison du processus de dĂ©tente qui a suivi la signature du traitĂ© sur les missiles antibalistiques en 1972 et des accords d'Helsinki en 1975, ainsi que de la stagflation qui a paralysĂ© l'Ă©conomie europĂ©enne Ă la mĂȘme pĂ©riode.
Dans les années 1980, l'administration du président américain Ronald Reagan a exercé des pressions sur l'Europe pour qu'elle augmente ses dépenses militaires. à la fin de la guerre froide, les responsables américains ont de nouveau insisté sur la nécessité d'augmenter les dépenses militaires européennes.
L'Europe a toutefois reconnu dans le mĂȘme temps que sa dĂ©pendance vis-Ă -vis des Ătats-Unis l'empĂȘchait de mener une politique indĂ©pendante. AprĂšs les guerres de Bosnie (1995) et du Kosovo (1999), des voix se sont Ă©levĂ©es dans les capitales europĂ©ennes pour dĂ©noncer cette dĂ©pendance.29
C'est cette inquiétude qui a largement motivé le projet de construction du systÚme européen de navigation par satellite, Galileo.
âSi l'UE estime nĂ©cessaire d'entreprendre une mission de sĂ©curitĂ© que les Ătats-Unis ne considĂšrent pas comme prioritaire, l'Europe sera impuissante si elle ne dispose pas de la technologie satellitaire dĂ©sormais indispensableâ,
indiquait un document de la Commission européenne en 2002.30
Lors du sommet de l'OTAN à Riga, en 2006, les membres ont convenu de porter leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, une norme réaffirmée lors du sommet de l'OTAN au Pays de Galles, en 2014.31
Conscients des problĂšmes liĂ©s Ă la dĂ©pendance militaire, les Ătats europĂ©ens souhaitaient nĂ©anmoins rester sous la protection militaire des Ătats-Unis. Les dirigeants europĂ©ens se sont prĂ©cipitĂ©s d'un sommet de l'OTAN Ă l'autre pour convenir d'augmenter leurs dĂ©penses militaires, sans se soucier des rĂ©percussions sur leurs sociĂ©tĂ©s et leur propre politique Ă©trangĂšre, de plus en plus militarisĂ©e.
En 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz a prononcĂ© un discours devenu cĂ©lĂšbre sous le nom de âZeitenwendeâ (soit âĂ©poque charniĂšreâ), dans lequel il s'est engagĂ© Ă crĂ©er un fonds de 100 milliards d'euros pour augmenter les dĂ©penses militaires.32
En 2025, lorsque le gouvernement amĂ©ricain a dĂ©cidĂ© de rĂ©duire son aide militaire Ă l'Ukraine, le gouvernement allemand (dirigĂ© par le chancelier Friedrich Merz) â qui avait tĂ©moignĂ© dâun mix dâarrogance et de prudence en matiĂšre budgĂ©taire envers son propre peuple et envers les peuples des pays europĂ©ens plus pauvres (comme la GrĂšce) â a ignorĂ© sa rĂšgle du frein Ă l'endettement (un plafond qui limite les emprunts publics et inscrit dans la constitution du pays en 2009) afin d'augmenter les dĂ©penses militaires.33
La mĂȘme annĂ©e, l'UE a Ă©galement annoncĂ© son intention d'approuver 800 milliards d'euros de crĂ©dits de guerre.34
En d'autres termes, on trouve de l'argent pour l'OTAN, mais aucun pour la protection sociale ou les infrastructures clés.35
3. L'OTAN et les pays du Sud
En 2023, soit un an aprÚs l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'ambassadeur allemand Christoph Heusgen a reproché à la PremiÚre ministre namibienne, Saara Kuugongelwa-Amadhila, de ne pas avoir condamné la Russie. Celle-ci a répondu posément que son pays « promeut une résolution pacifique de ce conflit afin que le monde entier et l'ensemble des ressources mondiales puissent contribuer à l'amélioration des conditions de vie de la population mondiale, plutÎt que de financer l'acquisition d'armes, de tuer la population et semer la discorde ».36
Les sommes utilisĂ©es pour faire l'acquisition d'armes, a ajoutĂ© Mme Kuugongelwa-Amadhila, pourraient ĂȘtre employĂ©es en Europe, « oĂč de nombreuses personnes traversent de grandes difficultĂ©s ». Le plus significatif dans cet Ă©change n'est pas ce que Mme Kuugongelwa-Amadhila a exprimĂ©, mais le fait qu'elle ait osĂ© s'opposer au consensus du Nord global.
La perplexité s'est répandue dans l'assemblée et au-delà . Pour quelles raisons ces dirigeants de petits pays pauvres du Sud s'élÚvent-ils contre le Nord et ne sont-ils plus aussi soumis qu'autrefois ? Comme l'a écrit le ministre japonais des Affaires étrangÚres, Yoshimasa Hayashi, dans la préface du Diplomatic Bluebook 2023 de son pays, consacré à l'émergence du Sud, « le monde vit aujourd'hui un moment charniÚre de son histoire ».37
Dans un rapport publiĂ© en novembre 2024, Audronius AĆŸubalis, ancien ministre des Affaires Ă©trangĂšres lituanien et rapporteur de l'OTAN, a reconnu les changements qui s'opĂšrent dans le monde avec la montĂ©e en puissance du Sud.
Il affirme que l'Occident n'a pas su s'adapter assez rapidement à cette nouvelle réalité, permettant ainsi à des puissances telles que la Russie et la Chine de réaliser des avancées significatives en Asie, en Afrique, en Amérique latine et dans le Pacifique, et d'en tirer des avantages économiques et géopolitiques considérables.38
L'analyse d'AĆŸubalis montre Ă quel point les dirigeants du Nord mondial comprennent mal la montĂ©e en puissance du Sud mondial. En effet, l'Ă©mergence d'un nouveau pĂŽle industriel et productif en Asie (de l'Inde et de la Chine au Vietnam et Ă l'IndonĂ©sie) ainsi que la crĂ©ation d'un nouveau systĂšme d'institutions de dĂ©veloppement (dont la Nouvelle Banque de dĂ©veloppement) ont permis aux Ătats les plus pauvres d'exercer une certaine influence sur le Fonds monĂ©taire international, jusqu'alors dominĂ© par le dĂ©partement du TrĂ©sor amĂ©ricain.
En d'autres termes, la Chine ne se contente pas de rĂ©aliser des âpercĂ©es significativesâ sur ces continents, elle est Ă©galement en mesure de soutenir les tentatives de dĂ©veloppement des nations les plus pauvres. Comme le Nord global ne s'en charge pas, ces pays ne lui sont plus âredevablesâ de rien.
Il serait imprudent de rejeter la Chine et la Russie comme de simples âpuissances autoritairesâ et de supposer que la rhĂ©torique Ă©culĂ©e du libĂ©ralisme et de la dĂ©mocratie occidentaux va attirer les pays dĂ©sireux de dĂ©velopper leur Ă©conomie.
Il est tout aussi absurde d'accuser la Chine et la Russie d'autoritarisme, alors que les pays occidentaux s'allient réguliÚrement avec des monarchies. L'incapacité à comprendre le cours réel de l'histoire paralyse les analystes de l'OTAN, qui avancent l'hypothÚse que les peuples d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et du Pacifique seraient simplement dupés par la Russie et la Chine, et qu'ils prendraient la bonne décision en se soumettant au Nord s'ils étaient informés de la vérité sur le libéralisme et la démocratie occidentaux.
NĂ©anmoins, l'OTAN est trĂšs prĂ©sente dans la rĂ©gion mĂ©diterranĂ©enne, sur le continent africain et en Asie (son rĂŽle est plus limitĂ© en AmĂ©rique latine, oĂč son principal alliĂ© est la Colombie). Cette section est consacrĂ©e aux trois rĂ©gions oĂč l'OTAN est trĂšs active.
Méditerranée, guerre contre le terrorisme & instrumentalisation des migrations
Dans les annĂ©es 1990, l'OTAN a Ă©tendu son influence Ă travers le monde, en commençant par ce qu'elle a qualifiĂ© de âvoisinage mĂ©ridionalâ (les pays situĂ©s au sud de la mer MĂ©diterranĂ©e).
En 1994, l'OTAN a lancĂ© le Dialogue mĂ©diterranĂ©en, un forum permettant aux pays extĂ©rieurs Ă la zone de l'OTAN d'Ă©changer avec les pays membres. Ceux-ci ont rejoint le dialogue par vagues, de l'AlgĂ©rie, l'Ăgypte et IsraĂ«l Ă la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie, dont beaucoup Ă©taient sans relations avec IsraĂ«l et ont pourtant siĂ©gĂ© Ă la mĂȘme table que son reprĂ©sentant.
En 2004, soit un an aprĂšs la participation des Ătats-Unis et de plusieurs de leurs alliĂ©s de l'OTAN Ă la guerre illĂ©gale contre l'Irak, l'OTAN a rĂ©uni quatre pays arabes du Golfe (BahreĂŻn, KoweĂŻt, Qatar et Ămirats arabes unis) dans le cadre de l'Initiative de coopĂ©ration d'Istanbul, afin de renforcer la coopĂ©ration militaire entre l'OTAN et le Golfe arabe.
Plusieurs des pays ayant participĂ© Ă ces initiatives (dont le Qatar, les Ămirats arabes unis, la Jordanie et le Maroc) ont pris part Ă l'opĂ©ration âUnified Protectorâ menĂ©e par l'OTAN en 2011 qui a dĂ©truit l'Ătat libyen.
En 2016, l'OTAN a ouvert
le Centre de direction stratégique sud prÚs de Naples, en Italie
en 2017, un Centre régional de l'Initiative de coopération d'Istanbul a été inauguré au Koweït puis, dans le cadre de ce processus de dialogue,
l'ouverture d'un bureau de liaison de l'OTAN à Amman, en Jordanie, a été suggérée.
Ce bureau a été annoncé lors du sommet de l'OTAN à Vilnius, en 2023, puis ouvert l'année suivante.
Ces déclarations et communiqués vantent les mérites des droits de l'homme et de la démocratie, mais les mots clés sont en réalité la lutte contre le terrorisme et l'interception des migrants en mer.
AprÚs les atrocités commises pendant la guerre de l'OTAN contre la Libye en 2011, alors que l'alliance était déjà enlisée dans le bourbier de la lutte contre le terrorisme, elle a engagé une guerre contre les migrants provenant de plusieurs régions du sud cherchant à traverser la mer pour rejoindre l'Italie depuis ce pays déchiré par la guerre.
Les dirigeants de l'OTAN ont commencĂ© Ă parler de cette tragĂ©die comme de âl'instrumentalisation des migrantsâ, suggĂ©rant ainsi que leurs ennemis utilisaient ces derniers comme âmenace hybrideâ pour submerger leurs pays (une expression Ă©galement utilisĂ©e lorsque la Russie a autorisĂ© des demandeurs d'asile de divers pays Ă franchir la frontiĂšre finlandaise en 2024).
Lors d'une rĂ©union Ă Washington en 2024, l'ancien secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a reconnu que âl'OTAN a un rĂŽle Ă jouerâ dans âl'instrumentalisation de la migrationâ.39
L'OTAN mobilise ainsi l'ensemble de son arsenal militaire pour dĂ©fendre la forteresse Europe, une idĂ©e chĂšre Ă l'extrĂȘme droite et aux partisans de la lutte contre l'immigration.
L'Afrique clame : âL'OTAN, dehors !â
L'action la plus importante de l'OTAN dans cette rĂ©gion a Ă©tĂ© le recours Ă la force pour dĂ©truire l'Ătat libyen en 2011. Cette intervention a ouvert la porte Ă la migration de populations africaines et d'autres vers l'Europe via la Libye, et a dĂ©clenchĂ© une vague d'attaques terroristes en AlgĂ©rie, au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Plus d'une dĂ©cennie plus tard, les consĂ©quences de cette intervention sont toujours visibles.
Cette intervention faisait valoir le principe de la âresponsabilitĂ© de protĂ©gerâ (R2P), une norme internationale Ă©laborĂ©e par une Organisation des Nations unies en difficultĂ©, qui
âvise Ă garantir que la communautĂ© internationale ne manque plus jamais Ă son devoir de prĂ©venir les crimes atroces de gĂ©nocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanitĂ©â.40
Si le ComitĂ© international sur l'intervention et la souverainetĂ© des Ătats a Ă©laborĂ© la R2P en 2001 en rĂ©ponse au gĂ©nocide rwandais de 1994 et au bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN en 1999, ce n'est qu'aprĂšs la guerre illĂ©gale des Ătats-Unis contre l'Irak en 2003 que des mesures plus concrĂštes ont Ă©tĂ© prises pour consolider la R2P en tant que norme internationale, jusqu'Ă son adoption officielle lors d'un sommet mondial des Nations unies en 2005.
La France, qui a participĂ© Ă la destruction de la Libye, a invoquĂ© les attentats terroristes survenus au Sahel pour justifier son intervention militaire dans la rĂ©gion, d'oĂč elle a Ă©tĂ© chassĂ©e par des coups d'Ătat populaires sous le slogan âLa France, dehors !â41
Ce sentiment, âLa France, dehors !â, s'Ă©tend au cercle plus large : âL'Europe, dehors !â & âOTAN, dehors !â
Pour la plupart des habitants du continent africain, il n'est pas si simple de faire la distinction entre l'UE, les Ătats-Unis et l'OTAN. La politique migratoire de l'UE, par exemple, relĂšve de la politique paramilitaire et a fait appel Ă l'Arma dei Carabinieri italien et Ă la Guardia Civil espagnole pour patrouiller dans le Sahel dans le cadre des Groupes d'action rapide pour le suivi et l'intervention au Sahel (GAR-SI) de 2017 Ă 2021. ParallĂšlement, les Ătats-Unis ont dĂ©ployĂ© des drones pour assurer la surveillance depuis l'AB 201, une immense base militaire amĂ©ricaine situĂ©e Ă Agadez, au Niger.42
Les interventions militaires françaises, les bases amĂ©ricaines dans la rĂ©gion, l'utilisation de technologies de surveillance au Sahel et au Sahara, strictement rĂ©glementĂ©es ou interdites en Europe : voilĂ comment l'Afrique du Nord perçoit le projet de l'OTAN, non pas en faveur des droits humains, mais au nom dâun pouvoir brutal.43
Pourtant, la prĂ©sence de l'OTAN en Afrique pose un dĂ©fi aux gouvernements du continent, qui continuent de chercher des fonds et une assistance technologique. En 2015, cette dynamique a permis Ă l'OTAN de crĂ©er un bureau de liaison au siĂšge de l'Union africaine (UA) Ă Addis-Abeba, en Ăthiopie.44
GrĂące Ă cette concession accordĂ©e Ă l'OTAN, les Ătats africains peuvent dĂ©sormais solliciter une formation et des fonds pour la toute nouvelle Force africaine en veille (dont l'une des cinq forces rĂ©gionales est la Force de rĂ©action rapide de la CommunautĂ© Ă©conomique des Ătats de l'Afrique de l'Ouest, qui a failli envahir le Mali, le Burkina Faso et le Niger Ă la suite des coups d'Ătat populaires successifs de 2021, 2022 et 2023).45
Les chefs militaires africains continuent de frĂ©quenter les quartiers gĂ©nĂ©raux militaires des pays de l'OTAN, une pratique dĂ©sormais officialisĂ©e sous le nom de âpourparlers entre Ă©tats-majors militaires de l'OTAN et de l'UAâ.46
Une telle complicitĂ© rĂ©duit Ă nĂ©ant la dĂ©claration de 2016 du Conseil de paix et de sĂ©curitĂ© de l'UA, qui appelait les Ătats membres Ă faire preuve de âcirconspectionâ Ă l'Ă©gard des bases militaires Ă©trangĂšres sur leur sol.47
L'OTAN face au défi chinois
Les guerres en ex-Yougoslavie, en Afghanistan et en Libye ont en effet fait sortir l'OTAN de sa zone habituelle d'intervention. Mais celle-ci est loin d'ĂȘtre la limite gĂ©ographique de l'impĂ©rialisme de l'OTAN. Comme l'Ă©crit Sten Rynning, de l'Institut danois d'Ă©tudes avancĂ©es, dans son livre publiĂ© en 2024, âNATO : From the Cold War to Ukraine, the Story of the World's Most Powerful Allianceâ,
âl'OTAN ne peut Ă©videmment pas se permettre dâignorer la rĂ©gion indo-pacifique, car elle est devenue la principale prĂ©occupation gĂ©opolitique des Ătats-Unisâ.48
Les linguistes s'intĂ©resseraient Ă cette formulation : l'OTAN âne peut se permettre d'ignorerâ les questions centrales qui prĂ©occupent non pas l'ensemble des membres de l'OTAN, mais les Ătats-Unis. En d'autres termes, Rynning, dont le livre est ce qui se rapproche le plus d'une Ă©tude officielle de l'OTAN, fait deux aveux :
PremiĂšrement, la politique de l'OTAN n'est pas dĂ©terminĂ©e par le Conseil de l'Atlantique Nord (l'organe dĂ©cisionnel principal de l'OTAN), mais par les Ătats-Unis. DeuxiĂšmement, depuis 2009, date Ă laquelle Barack Obama est devenu prĂ©sident des Ătats-Unis, l'administration amĂ©ricaine considĂšre de plus en plus la Chine comme son principal rival, poussant l'OTAN Ă Ă©tendre son influence pour menacer les Chinois et les remettre Ă leur place.
Jusqu'Ă rĂ©cemment, l'OTAN dĂ©peignait la Chine comme offrant Ă la fois « des opportunitĂ©s et des dĂ©fis », comme elle l'Ă©crivait dans la DĂ©claration de Londres de 2019. Deux ans plus tard, sous la pression des Ătats-Unis, l'OTAN a dĂ©cidĂ© que la Chine avait perdu son statut d'« opportunitĂ© » et que « ses ambitions dĂ©clarĂ©es et son comportement assertif constituaient des dĂ©fis systĂ©miques pour l'ordre international fondĂ© sur des rĂšgles et pour les domaines pertinents pour la sĂ©curitĂ© de l'Alliance » (selon la dĂ©claration de Bruxelles de 2021).49
Dans un essai publiĂ© sur le site web de l'OTAN en 2023, Luis SimĂłn, du Real Instituto Elcano (fondĂ© et financĂ© par l'Ătat espagnol) basĂ© Ă Madrid, affirme que « la Chine constitue un dĂ©fi pour un systĂšme international dont les valeurs et les intĂ©rĂȘts se rĂ©fĂšrent encore largement Ă l'Atlantique Nord ».50
Cette observation est juste : la Chine ne s'oppose pas seulement Ă âl'ordre international fondĂ© sur des rĂšglesâ, comme l'affirme le dĂ©partement d'Ătat amĂ©ricain, mais elle pourrait Ă©galement s'opposer Ă la domination transatlantique de ce systĂšme.
Simon souligne deux autres aspects importants faisant de la Chine un facteur âpertinentâ pour la sĂ©curitĂ© de l'OTAN. PremiĂšrement, la Chine dispose de systĂšmes d'armes capables d'atteindre l'Europe et possĂšde des infrastructures critiques sur le continent. DeuxiĂšmement, la nouvelle guerre froide contre la Chine ayant âde lourdes consĂ©quences pour les Ătats-Unisâ, l'OTAN doit s'impliquer dans la rĂ©gion indo-pacifique.
Cette analyse conforte l'argument de Rynning selon lequel, ce qui est important pour les Ătats-Unis doit l'ĂȘtre Ă©galement pour l'OTAN (SimĂłn, de nationalitĂ© espagnole, est d'accord avec Rynning, de nationalitĂ© danoise, sur les consĂ©quences de l'abandon de la souverainetĂ© de la politique Ă©trangĂšre de leur propre pays au profit de celle de Washington)
C'est pour cette raison que l'OTAN a utilisé son programme de partenariat sur mesure, créé en 2021, pour établir des liens étroits avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande (déjà membres de l'alliance des services du renseignement Five Eyes), le Japon et la Corée du Sud. Ces pays font désormais partie de l'Indo-Pacific 4 (IP4) et ont participé au sommet de l'OTAN de 2022 à Madrid en tant que membres associés.51
En septembre 2024, le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a ensuite appelĂ© Ă la formation d'une « OTAN asiatique ». Cependant, mĂȘme si l'OTAN a dĂ©jĂ envisagĂ© d'ouvrir un bureau de liaison Ă Tokyo, une telle alliance serait largement redondante au regard des Ă©lĂ©ments dĂ©jĂ en place dans la stratĂ©gie indo-pacifique des Ătats-Unis, tels que :
Five Eyes, un rĂ©seau d'agences du renseignement liĂ©es par des accords secrets, composĂ© de l'Australie, la Nouvelle-ZĂ©lande, du Canada, du Royaume-Uni et des Ătats-Unis.
Le Quadrilateral Security Dialogue (ou Quad), qui comprend l'Australie, l'Inde, le Japon et les Ătats-Unis.
The Squad, qui remplace l'Inde, moins enthousiaste, par les Philippines.
L'alliance Australie-Royaume-Uni-Ătats-Unis (AUKUS).
L'alliance Japon-CorĂ©e du Sud-Ătats-Unis (JAKUS).
En outre, le gouvernement amĂ©ricain associe de maniĂšre particuliĂšrement provocante la province chinoise de TaĂŻwan au rĂŽle croissant de l'OTAN en Asie. Le projet de loi du CongrĂšs amĂ©ricain sur la politique Ă l'Ă©gard de TaĂŻwan, par exemple, considĂšre TaĂŻwan comme un âalliĂ© majeur non membre de l'OTANâ, tandis qu'un amendement recommandĂ© Ă la loi de 1976 sur le contrĂŽle des exportations d'armes l'inclut dans la liste des âbĂ©nĂ©ficiaires de l'OTAN Plusâ, permettant ainsi Ă TaĂŻwan de contourner diffĂ©rentes rĂ©glementations en matiĂšre de non-prolifĂ©ration.52
En d'autres termes, plusieurs plateformes Ćuvrant comme une OTAN asiatique sont dĂ©jĂ en place, et l'OTAN est dĂ©jĂ pleinement impliquĂ©e dans la rĂ©gion indo-pacifique, comme en tĂ©moigne sa volontĂ© de participer au projet amĂ©ricain de patrouiller les eaux autour de la Chine et de mettre en place des dispositifs de sĂ©curitĂ©, tels que des bases et des alliances. L'OTAN a dĂ©jĂ pris la mer dans l'ocĂ©an Pacifique. C'est la diplomatie de la canonniĂšre du XXIĂš siĂšcle.
En 1839, les navires britanniques qui ont imposé l'opium aux Chinois portaient des noms évocateurs, tels que le HMS Volageet et le HMS Hyacinth. Le premier évoquait la versatilité, tandis que le second faisait référence à la mythologie grecque et à la jalousie.
Ces noms mĂ©ritent d'ĂȘtre gardĂ©s en mĂ©moire. Les alliances de l'OTAN sont, elles aussi, trĂšs versatiles. Ses intĂ©rĂȘts sont Ă©galement motivĂ©s par une forme de jalousie, car elle protĂšge les intĂ©rĂȘts de ses Ătats membres au dĂ©triment de l'intĂ©rĂȘt mondial, contrairement Ă ce qu'elle prĂ©tend. Elle cherche Ă prĂ©server le systĂšme amĂ©ricain fondĂ© sur ses propres rĂšgles et Ă entraver le dĂ©veloppement du reste du monde.
C'est ce qui fait de l'OTAN l'organisation la plus dangereuse et la plus réactionnaire au monde.
Rédigé et documenté en collaboration avec No Cold War et le Zetkin Forum For Social Research.
Traduit par Spirit of Free Speech


Notes
1Peter Gowan, « The NATO Powers and the Balkan Tragedy », New Left Review, n° I/234 (mars-avril 1999), 103.
2Sevim Dagdelen, NATO: A Reckoning with the Atlantic Alliance, (LeftWord Books, 2024) ; Sten Rynning, NATO: From Cold War to Ukraine, a History of the Worldâs Most Powerful Alliance (Yale University Press, 2024) ; Grey Anderson, Ă©d., Natopolitanism. The Atlantic Alliance Since the Cold War (Londres : Verso, 2023).
3Pour plus d'informations sur la Conférence de San Francisco, voir Tricontinental : Institute for Social Research, The New Cold War is Sending Tremors through Northeast Asia, dossier n° 75, mai 2024, https://thetricontinental.org/dossier-76-new-cold-war-northeast-asia/.
4« Review of the World Situation », Central Intelligence Agency, 17 mai 1949, https://nsarchive.gwu.edu/document/17548-document-03-central-intelligence-agency-review.
5« Lord Ismay », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, consulté le 16 mars 2024, https://www.nato.int/cps/ge/natohq/declassified_137930.htm.
6Bureau de l'historien, Institut du service diplomatique, DĂ©partement d'Ătat des Ătats-Unis, « Rapport du personnel chargĂ© de la planification politique », rapport n° 23, 24 fĂ©vrier 1948, dans Foreign Relations of the United States, 1948, GĂ©nĂ©ral ; The United Nations, Volume I, Part 2 (Washington, DC : U.S. Government Printing Office, 1976), https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1948v01p2/d4.
7Tricontinental : Institut de recherche sociale, « Le ministÚre américain des Colonies et son sommet », alerte rouge n° 14, 25 mai 2022, https://thetricontinental.org/red-alert-14-summit-of-the-americas/.
8« Le ministÚre américain des Colonies et son sommet ».
9Mascha Neumann, « Les armes est-allemandes dans la lutte contre le Portugal fasciste », Internationale Forschungsstelle DDR, 24 avril 2024, https://ifddr.org/en/east-german-weapons-in-the-fight-against-fascist-portugal/.
10« Le nouveau concept stratégique de l'Alliance (1991) », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, consulté le 1er juillet 2022, https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_23847.htm?selectedLocale=en.
11Madeleine K. Albright, « DĂ©claration de la secrĂ©taire d'Ătat Madeleine K. Albright durant la rĂ©union ministĂ©rielle du Conseil de l'Atlantique Nord », Organisation du TraitĂ© de l'Atlantique Nord, 16 dĂ©cembre 1997, https://www.nato.int/docu/speech/1997/s971216aa.htm.
12En 1997, Peter Gowan Ă©crivait : « En entrant en Pologne, l'OTAN renforce en fait l'insĂ©curitĂ© des pays baltes. La conclusion est inĂ©vitable : la premiĂšre et principale raison de cette avancĂ©e en Pologne n'est pas la menace russe, mais l'extrĂȘme faiblesse actuelle de la Russie. En raison de l'effondrement social et Ă©conomique catastrophique que connaĂźt la Russie et du fait que son Ătat est, pour l'instant, aux mains d'un clan de capitalistes gangsters autour du protĂ©gĂ© de l'Occident, Boris Eltsine, l'Ătat russe n'est actuellement pas en mesure de rĂ©sister Ă l'Ă©largissement. Cette faiblesse de la Russie sera trĂšs certainement temporaire. Nous devons partir du principe que l'Ă©conomie et l'Ătat russes vont se redresser. En termes de ressources, le pays pourrait facilement devenir dix fois plus puissant qu'il ne l'est aujourd'hui. L'OTAN exploite donc une « fenĂȘtre d'opportunitĂ© » qui ne restera pas ouverte trĂšs longtemps. Il s'agit donc d'Ă©tablir rapidement un fait accompli contre la Russie. Peter Gowan, « The Enlargement of NATO and the EU », dans The Global Gamble: Washington's Faustian Bid for World Dominance (Verso, 1999), 298-299.
13George Monastiriakos, « Invite Ukraine to Join NATO and Win the Peace in Europe », The Hill, 23 octobre 2024, https://thehill.com/opinion/international/4947010-ukraine-nato-membership-war-russia/.
14La Maison Blanche, « The National Security Strategy of the United States of America », septembre 2002, https://2009-2017.state.gov/documents/Organisation/63562.pdf, 39.
15Pour les « Ătats voyous » ou « Ătats rebelles », voir Anthony Lake, « Confronting Backlash States », Foreign Affairs, n° 2 (mars-avril 1994), p. 45-55. Sur le « terrorisme catastrophique », voir Ashton Carter, John Deutch et Philip Zelikow, « Catastrophic Terrorism: Tackling the New Danger », Foreign Affairs 77, n° 6 (novembre-dĂ©cembre 1998) : 80-95. Lorsque Lake a Ă©crit cet essai, il Ă©tait conseiller Ă la SĂ©curitĂ© nationale des Ătats-Unis, et Carter a ensuite Ă©tĂ© secrĂ©taire Ă la DĂ©fense des Ătats-Unis (2015-2017). Deutch avait Ă©tĂ© secrĂ©taire adjoint Ă la DĂ©fense des Ătats-Unis (1994-1995), puis directeur de la CIA (1995-1996), tandis que Zelikow Ă©tait l'auteur de la StratĂ©gie de sĂ©curitĂ© nationale de Bush en 2002.
16Katharine Q. Seele, « Arms Contractors Spend to Promote Expanded NATO », New York Times, 30 mars 1998, https://www.nytimes.com/1998/03/30/world/arms-contractors-spend-to-promote-an-expanded-nato.html.
17Jeff Gerth et Time Weiner, « Arms Makers See Bonanza in Selling NATO Expansion », New York Times, 29 juin 1997, https://www.nytimes.com/1997/06/29/world/arms-makers-see-bonanza-in-selling-nato-expansion.html.
18Seele, « Arms Contractors ».
19« L'Ukraine, premier importateur mondial d'armes ; la domination des Ătats-Unis sur les exportations mondiales d'armes s'accroĂźt tandis que les exportations russes continuent de baisser », Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, 10 mars 2025, https://www.sipri.org/media/press-release/2025/ukraine-worlds-biggest-arms-importer-united-states-dominance-global-arms-exports-grows-russian# :~:text=European%20NATO%20members%20increase%20dependence,19%20(52%20per%20cent); Sylvia Pfeifer, Jana Tauschinski et Charles Clover, « Les deux tiers des importations d'armes des pays de l'OTAN en Europe proviennent des Ătats-Unis », Financial Times, 9 mars 2025, https://www.ft.com/content/d3214157-639b-4743-ab29-9af662d47ec5.
20Union européenne, Vers une politique de l'Union européenne en matiÚre d'équipements de défense (Bruxelles : Commission des Communautés européennes, 2003), 11.
21Tom Stevenson, Someone Elseâs Empire. British Illusions and American Hegemony (Verso Books, 2023), 46â47.
22Ivo H. Daalder et James Goldgeier, « Global NATO », Foreign Affairs 85, n° 5 (septembre-octobre 2006) : 105-113.
23RenĂ©e De Nevers, « NATOâs International Security Role in the Terrorist Era », International Security 31, n° 4 (2007) : 34.
24Pour une évaluation de l'annexion de la RDA, voir Internationale Forschungsstelle DDR et Tricontinental : Institute for Social Research, Risen from the Ruins: The Economic History of Socialism in the German Democratic Republic, Studies on the DDR n° 1, 20 avril 2021, https://thetricontinental.org/studies-1-ddr/ ; pour la controverse sur l'expansion de l'OTAN vers l'Est, voir Mary Elise Sarotte, « A Broken Promise? What the West Really Told Moscow About NATO Expansion », Foreign Policy 93, n° 5 (septembre-octobre 2014): 90-97, et son livre Not One Inch: America, Russia, and the Making of Post-Cold War Stalemate (Yale University Press, 2021).
25Tricontinental : Institute for Social Research, Hyper-Imperialism: A Dangerous Decadent New Stage, Contemporary Dilemmas n° 4, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/studies-on-contemporary-dilemmas-4-hyper-imperialism/.
26Pour une compréhension globale de la mainmise néolibérale sur les structures ukrainiennes, voir Yuliya Yurchenko, Ukraine and the Empire of Capital: from Marketisation to Armed Conflict (Pluto Books, 2017) ; pour une évaluation du contexte de la guerre en Ukraine, voir John Bellamy Foster, John Ross, Deborah Veneziale et Vijay Prashad, « The United States is Waging a New Cold War: A Socialist Perspective », Tricontinental: Institute for Social Research, Monthly Review et No Cold War, septembre 2022, https://thetricontinental.org/the-united-states-is-waging-a-new-cold-war-a-socialist-perspective/.
27Un premier rĂ©sumĂ© est disponible dans Karen Busler, NATO Burden Sharing and the Three Percent Commitment(Congressional Research Service, 1985) et un autre plus rĂ©cent dans Assessing NATOâs Value (Congressional Research Service, 2019). La similitude du ton et des arguments avancĂ©s sur une pĂ©riode de trente-quatre ans et sous cinq prĂ©sidents diffĂ©rents est frappante.
28« Pays membres de l'OTAN (service militaire) », Parlement britannique Hansard, 30 May 1952, https://hansard.parliament.uk/commons/1952-05-30/debates/92c8849d-0446-49e0-91f9-034f3349e3dd/NatoCountries(MilitaryService).
29Pour plus d'informations, voir British House of Commons Defence Committee, Lessons of Kosovo: Fourteenth Reportof the Defence Select Committee (Londres : Parlement britannique, 24 octobre 2000) https://publications.parliament.uk/pa/cm199900/cmselect/cmdfence/347/34707.htm.
30Helen Caldicott et Craig Eisendrath, War in Heaven. The Arms Race in Outer Space (New York : The New Press, 2007), 31.
31« Point de presse du porte-parole de l'OTAN à l'issue de la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord au niveau des ministres de la Défense », Réunions des ministres de la Défense de l'OTAN, 8 juin 2006, https://www.nato.int/docu/speech/2006/s060608m.htm.
32Olaf Scholz, « Déclaration politique d'Olaf Scholz, chancelier de la République fédérale d'Allemagne et membre du Bundestag allemand, le 27 février 2022 à Berlin », Service de presse et d'information du gouvernement fédéral, 27 février 2022, https://www.bundesregierung.de/breg-en/news/policy-statement-by-olaf-scholz-chancellor-of-the-federal-republic-of-germany-and-member-of-the-german-bundestag-27-february-2022-in-berlin-2008378.
33David McHugh, « L'Allemagne assouplit les limites de la dette publique dans le cadre d'une mesure majeure visant à stimuler l'économie et les dépenses de défense », AP News, 5 mars 2025, https://apnews.com/article/germany-ukraine-debt-brake-economy-military-spending-74be8e96d8515ddddd53a99a69957651.
34Le Monde avec l'AFP, « Le chef de l'UE dévoile un plan de 800 milliards d'euros pour « réarmer » l'Europe », Le Monde, 4 mars 2025, https://www.lemonde.fr/en/european-union/article/2025/03/04/eu-chief-reveals-800-billion-plan-to-rearm-europe_6738782_156.html.
35Janan Ganesh, « L'Europe doit rĂ©duire son Ătat providence pour construire un Ătat guerrier », Financial Times, 5 mars 2025, https://www.ft.com/content/37053b2b-ccda-4ce3-a25d-f1d0f82e7989.
36Saara Kuugongelwa-Amadhila, « Main Stage I: Defending the U.N. Charter and the Rules-Based International Order », table ronde lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, Munich, 18 février 2023, https://securityconference.org/mediathek/asset/main-stage-i-defending-the-un-charter-and-the-rules-based-international-order-20230218-0917/.
37Tricontinental : Institut de recherche sociale, The Churning of the Global Order, dossier n° 72, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/dossier-72-the-churning-of-the-global-order/.
38Audronius AĆŸubalis, NATO and the Global South, (AssemblĂ©e parlementaire de l'OTAN, 2024), 13, https://www.nato-pa.int/document/2024-nato-and-global-south-report-azubalis-055-pcnp.
39« Discours du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, à l'auditorium du Wilson Center, suivi d'une séance de questions-réponses », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 17 juin 2024, https://www.nato.int/cps/en/natohq/226742.htm?selectedLocale=en.
40« Qu'est-ce que la R2P », Global Centre for the Responsibility to Protect, https://www.globalr2p.org/what-is-r2p/#:~:text=The%20Responsibility%20to%20Protect%20populations,Background%20Briefing%20on%20R2P.
41Vijay Prashad, « En Afrique, on dit : « France, dégage ! » : Dix-neuviÚme bulletin d'information (2024) », Tricontinental : Institut de recherche sociale, 9 mai 2024, https://thetricontinental.org/newsletterissue/the-sahel-seeks-sovereignty/.
42« Groupes d'action rapide â Surveillance et intervention au Sahel (GARSI) », CIVIPOL, 15 juin 2021, https://civipol.fr/fr/projets/groupes-daction-rapides-surveillance-et-intervention-au-sahel-garsi.
43Tricontinental : Institut de recherche sociale, DĂ©fendre notre souverainetĂ© : les bases militaires amĂ©ricaines et l'avenir de l'unitĂ© africaine, dossier n° 42, 5 juillet 2021, https://thetricontinental.org/dossier-42-militarisation-africa/, et Antonella Napolitano, Artificial Intelligence: The New Frontier of the EUâs Border Externalisation Strategy (Copenhague : EuroMed Rights, juillet 2023).
44« Coopération avec l'Union africaine », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 27 avril 2023, https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_8191.htm?selectedLocale=en.
45Hanna Eid, « Un nouveau monde né des cendres de l'ancien », Interventions n° 5, Tricontinental Pan Africa, 8 octobre 2024, https://thetricontinental.org/pan-africa/eid-interventions-5/.
46« La délégation de l'OTAN participe à la neuviÚme série de pourparlers entre les états-majors militaires avec l'Union africaine », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 28 novembre 2024, https://www.nato.int/cps/en/natohq/news_230897.htm.
47« 601e réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'UA sur l'alerte rapide et la veille stratégique », Union africaine, 8 juin 2016, https://www.peaceau.org/en/article/the-601th-meeting-of-the-au-peace-and-security-council-on-early-warning-and-horizon-scanning.
48Sten Rynning, NATO: From Cold War to Ukraine, a History of the Worldâs Most Powerful Alliance (Yale University Press, 2024), 275.
49« Déclaration de Londres », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 4 décembre 2019, https://www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_171584.htm ; « Communiqué du sommet de Bruxelles », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 14 juin 2021, https://www.nato.int/cps/en/natohq/news_185000.htm.
50Luis SimĂłn, « NATOâs China and Indo-Pacific Conundrum », NATO Review, 22 novembre 2023, https://www.nato.int/docu/review/articles/2023/11/22/natos-china-and-indo-pacific-conundrum/index.html.
51« Relations avec les partenaires de la région indo-pacifique », Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 24 octobre 2024, https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_183254.htm, et Tricontinental : Institute for Social Research, The Churning of the Global Order, dossier n° 72, 23 janvier 2024, https://thetricontinental.org/dossier-72-the-churning-of-the-global-order/.
52« Shigeru Ishiba on Japanâs New Security Era: The Future of Japanâs Foreign Policy », Hudson Institute, 25 septembre 2025, https://www.hudson.org/politics-government/shigeru-ishiba-japans-new-security-era-future-japans-foreign-policy ; Commission d'examen Ă©conomique et sĂ©curitaire Ătats-Unis-Chine, « Chapitre 9 : TaĂŻwan », dans Rapport annuel 2024 au CongrĂšs (Washington, DC : U.S. Government Publishing Office, novembre 2024), 443-485, https://www.uscc.gov/sites/default/files/2024-11/Chapter_9âTaiwan.pdf ; Commission des relations Ă©trangĂšres du SĂ©nat amĂ©ricain, Taiwan Policy Act of 2022 (Washington, DC : SĂ©nat amĂ©ricain, 2022), https://www.foreign.senate.gov/imo/media/doc/Taiwan%20Policy%20Act%20One%20Pager%20FINAL.pdf ; Clinton Fernandes, Sub-Imperial Power. Australia in the International Arena (Melbourne University Press, 2022) ; Clinton Fernandes, Island off the Coast of Asia. Instruments of Statecraft in Australian Foreign Policy (Monash University Press, 2018) ; Brendon Cannon et Kei Hakata, Ă©d., Indo-Pacific Strategies: Navigating Geopolitics at the Dawn of a New Age(Londres : Routledge, 2021) ; Nanae Baldauff, Japanâs Defence Engagement in the Indo-Pacific (Springer Nature, 2024).
https://consortiumnews.com/2025/07/15/nato-the-most-dangerous-organization/