👁🗨 Malgré la stratégie de déshumanisation, ceux pour qui nous souffrons gagneront la guerre
À Gaza on tue six enfants par heure. Le droit international reconnaît le droit à la résistance armée contre l'occupant. Par contre, il ne reconnaît pas le droit à la défense d'une puissance occupante.
👁🗨 Malgré la stratégie de déshumanisation, ceux pour qui nous souffrons gagneront la guerre
Par Ronnie Kasrils, le 2 novembre 2024
À Gaza, on assassine six enfants par heure.
Plus de 17 000 enfants ont été massacrés. Aucun d'entre nous, pas même un poète, ne peut trouver les mots pour exprimer l'horreur de la folie sanguinaire fasciste du régime israélien et la société qui le soutient.
Un an après le début de l'attaque sur Gaza, plus de 42 000 personnes ont été tuées. Ce chiffre n'inclut pas les disparus. Plus de 10 000 personnes sont présumées mortes, leurs corps étant ensevelis sous les décombres. Plus de 100 000 personnes sont blessées, souvent grièvement.
Une étude publiée en juillet de cette année dans la prestigieuse revue médicale The Lancet estimait que le nombre total de morts, dus à des causes directes et indirectes, pourrait dépasser 186 000 au 19 juin 2024. Plus de 70 % des morts sont des femmes et des enfants. Plus de 1 000 enfants sont aujourd'hui amputés, soit le nombre le plus important pour une période comparable de l'histoire.
Une étude de Sophia Stamatopoulou-Robbins de la Brown University, publiée le 7 octobre de cette année, montre que 90 % des habitants de Gaza sont déplacés, que 96 % d'entre eux n'ont pas assez à manger et à boire, que l'électricité fait défaut et qu'un peu moins de 90 % des hôpitaux ont été détruits, causant la mort de plus de 880 professionnels de la santé.
Quatre enfants sur cinq sont rongés par la dépression, le chagrin et la peur. Les maladies infectieuses sont omniprésentes.
La mort confirmée de 42 000 personnes, conséquence directe des attaques de l'armée israélienne, équivaut à près de deux massacres de Sharpeville par jour pendant un an [épisode de répression policière dans l'Afrique du Sud durant l'apartheid].
Après Sharpeville, un calme relatif a succédé à la tempête. Les blessés ont été transportés à l'hôpital et les morts enterrés dignement. Le régime a été momentanément ébranlé par la réprobation mondiale.
À Gaza, la tuerie est implacable.
Les sionistes et leurs alliés du libéralisme justifient cette déferlante de tueries comme la réponse légitime à l'opération “Al Aqsa Flood” du 7 octobre de l'année dernière.
Le droit international reconnaît le droit à la résistance armée contre l'occupation. En revanche, il ne reconnaît pas le droit à la défense d'une puissance occupante.
Il est vrai que le droit à la résistance armée contre l'occupation ne s'étend pas à la prise d'otages civils ou aux attaques délibérées contre des civils. Nous devons cependant être clairs sur trois points.
Premièrement, les Israéliens, soutenus par leurs alliés américains et autres, ont mené une campagne de propagande éhontée après l'opération “Al Aqsa Flood”. Les affirmations concernant les quarante bébés décapités et les viols collectifs organisés ont été complètement démenties.
Deuxièmement, plus de 300 des personnes tuées en Israël au cours de l'opération étaient des soldats en service actif et donc des cibles militaires légitimes. De nombreux civils tués faisaient partie de la réserve militaire israélienne et n'étaient donc pas en service. En outre, il est bien établi que nombre de ces civils ont été tués par des tirs de l'armée israélienne.
Troisièmement, il est toujours indispensable de tenir compte du contexte dans ces affaires. Le contexte, c'est 75 ans de dépossession coloniale et de nettoyage ethnique meurtrier dans toute la Palestine. Environ 80 % des habitants de Gaza sont des réfugiés du « nettoyage ethnique » israélien de 1948 et 1967.
Gaza subit un blocus sanglant depuis maintenant 17 ans. Les civils pris en otage l'ont été pour obtenir un accord d'échange avec les milliers d'otages détenus dans les prisons israéliennes.
Quiconque connaît l'histoire des révoltes contre l'esclavage et le colonialisme sait que des atrocités sont commises lorsque les opprimés se soulèvent. Une analyse sérieuse se doit de replacer les faits dans leur contexte. On sait que l'oppression est toujours la cause de la violence, et que mettre fin à l'oppression est la voie de la paix.
Chaque mort innocente est une tragédie. Nous sommes tous bouleversés par la mort de bébés dans un conflit, mais les gens honnêtes sont bouleversés par la mort de tous les bébés. Deux bébés israéliens sont morts le 7 octobre 2023.
En l'espace de quelques semaines, 70 nouveau-nés ont été tués à Gaza. Les Israéliens et leurs alliés du monde entier souhaitent que nous pleurions les deux bébés israéliens et que nous approuvions la mort des 70 bébés de Gaza comme étant la mission de “l'armée la plus morale du monde”.
Nous sommes censés convenir du caractère sacré des vies israéliennes, tandis que les Palestiniens sont l'Untermensch [littéralement “sous-homme”, est un terme utilisé par les nazis pour décrire des “êtres inférieurs” non aryens, souvent qualifiés de “hordes de l'Est”, c'est-à-dire les Juifs, les Roms et les Slaves]. Cette logique de déshumanisation a toujours été celle du fascisme et du colonialisme, et la décence des hommes doit y résister.
Partout dans le monde, des citoyens se sont mobilisés pour faire respecter des principes.
La colonisation par Israël et sa réponse génocidaire à la Résistance n'auraient pas été possibles sans le soutien des États-Unis.
Au cours de l'année qui a suivi l'opération Al Aqsa Flood, les États-Unis ont dépensé au moins 22,76 milliards de dollars pour l'aide militaire à Israël et les opérations américaines connexes dans la région. Mais sur les campus universitaires des États-Unis, des jeunes, dont beaucoup sont juifs, se sont courageusement mobilisés pour la justice.
Des enquêtes montrent que 40 % des Juifs américains de moins de 35 ans s'opposent au sionisme et soutiennent les Palestiniens. Ils savent que le judaïsme existait depuis des milliers d'années avant la création de l'État d'Israël et qu'il continuera d'exister bien après qu'Israël aura cessé d'exister sous sa forme actuelle.
Le mouvement international de boycott, de sanction et de désinvestissement d'Israël prend rapidement de l'ampleur, et des progrès significatifs ont été accomplis pour donner aux Nations unies et à ses cours suprêmes, la CPI et la CIJ, les moyens d'agir enfin avec l'urgence nécessaire.
L'État sud-africain a agi avec courage en traduisant Israël devant la Cour internationale de justice. Bien entendu, les États israélien et américain exercent une forte pression, notamment en tentant d'influencer l'opinion publique sud-africaine.
Le gouvernement américain finance des projets propageant l’idée que les fake news ne proviennent que de ses rivaux des BRICS et jamais des États-Unis ou d'Israël.
Fin novembre, le “World Movement for Democracy” [Mouvement mondial pour la démocratie], un projet de la National Endowment for Democracy, un organisme d'État américain associé à de nombreux coups d'État soutenus par les États-Unis contre des gouvernements élus, organisera à Johannesburg une conférence majeure sur la “société civile” qui présentera faussement les États-Unis et l'Occident comme les gardiens de la démocratie dans le monde entier.
La pression exercée sur les ONG sud-africaines pour qu'elles boycottent la conférence s'intensifie rapidement, certaines d'entre elles s'étant déjà désistées.
Les prétentions d'Israël, son sens messianique du droit à tuer et dominer, masquent son affaiblissement croissant. Alors qu'il a commencé à attaquer le Liban et l'Iran, après avoir bombardé la Syrie et le Yémen, son fascisme est de plus en plus perçu comme une menace pour l'ensemble de la région et, en fin de compte, pour la paix dans le monde.
En plus d'un an, Israël n'a pas réussi à atteindre les objectifs proclamés de sauvetage des otages et d'éradication du Hamas. Malgré des pertes importantes, la résistance héroïque à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et au Yémen ne désarme pas. L'armée israélienne dissimule le nombre de ses morts et blessés, mais Israël prend maintenant conscience que les pertes s'accumulent. Des milliers de soldats israéliens souffrent de traumatismes post-traumatiques qui les ont rendus inaptes au combat.
L'armée israélienne se félicite de ses victoires tactiques mais subit des défaites stratégiques. Avec la multipliant les fronts, les militaires israéliens sont à bout, et au fur et à mesure que la guerre s'intensifie, ils s'enlisent.
Israël n'est pas un État stable. Les divisions au sein de la société israélienne sont à leur point de rupture, et l'abandon effectif des otages par Netanyahu a fait chuter son soutien.
En outre, Israël ne peut pas poursuivre indéfiniment une guerre d'usure. L'économie est en crise, avec la fuite des capitaux, le tarissement des investissements étrangers et la chute rapide du PIB. L'année dernière, les pertes se sont élevées à 64 milliards de dollars. Cette année sera pire. Un demi-million de citoyens a fui le pays.
Les colonies et villes situées près de la frontière libanaise et dans le sud, près de Gaza, sont désertées. Les hôtels débordent de colons déplacés aux frais du gouvernement. Le port d'Eilat est vide de navires et s'est déclaré en faillite.
Les roquettes du Hezbollah frappent des cibles militaires à Haïfa et ailleurs, y compris des bases clés de l'armée et du Mossad, et la maison de Netanyahu a été touchée par un drone. L'opération Al-Aqsa Flood a prouvé qu'Israël n'est pas invincible, et le Dôme de fer et les défenses aériennes d'Israël s'avèrent inefficaces face aux assauts combinés de la région, de points aussi éloignés que l'Iran et le Yémen.
Israël a été sérieusement corrigé par le Hezbollah au Liban et échouera dans son invasion du pays, comme par le passé.
L'Iran, c'est tout autre chose. C'est un vaste pays, riche en ressources et un ennemi redoutable. Et contrairement à Israël, l'Iran vise des cibles militaires. Il ne frappe pas de civils à l'aveugle. Les peuples et les pays du monde entier en ont pris note.
Les temps sont terriblement durs à Gaza et dans les camps de Cisjordanie, où 11 500 personnes ont été emprisonnées. Mais la Résistance se poursuit, sa vaillance et son stoïcisme se sont manifestées à travers le défi de Yahya Sinwar dans ses derniers instants, à travers le courage de la petite fille qui porte ssur son dos sa petite sœur blessée au milieu des décombres et de la mort.
Les gens s'entraident et se réconfortent les uns les autres dans des conditions des plus cauchemardesques. Ils creusent dans les ruines à la recherche des survivants coincés sous les décombres. Ils se précipitent vers les hôpitaux bombardés, les mourants et les blessés dans les bras, les fragments de victimes déchiquetées dans des sacs en plastique. Ils enterrent leurs morts enveloppés d'un linceul avec la plus grande tendresse dans des fosses communes. Ils aiment leur terre, stupéfient le monde par leur dignité et n'abandonneront pas la terre de leurs ancêtres.
Le sionisme n'est pas mort, mais il est clairement moribond. Le prix à payer sera terriblement lourd, au-delà de toute mesure, mais ceux pour qui nous souffrons gagneront la guerre.
* Ronnie Kasrils est vétéran de la lutte anti-apartheid et ancien ministre sud-africain des services de renseignement.
Cet article a été publié pour la première fois dans Chronique de Palestine.
https://qudsnen.co/beyond-the-logic-of-dehumanization-those-for-whom-we-weep-will-win-the-war/
Admirable article sur des admirables et héroïques combattants!