👁🗨 Médiation américaine, ou les 1000 violations impunies d'Israël au Liban
Israël tire parti de ce qu'il perçoit comme son pouvoir suprême à manipuler l'accord de cessez-le-feu, agissant comme si l'équilibre des forces avait irréversiblement basculé en sa faveur.
👁🗨 Médiation américaine, ou les 1000 violations d’Israël impunies au Liban
Par le correspondant au Liban de The Cradle, le 2 janvier 2025
Lors d'une récente réunion de la commission du cessez-le-feu, les responsables israéliens ont nié toute violation et ont affirmé que le délai de 60 jours pour le retrait de leurs troupes n'était pas échu. Les responsables américains présents n'ont rien dit, mais ils pourraient être amenés à agir bientôt : le Hezbollah promet de “résister” aux violations une fois la trêve expirée.
Sous la supervision de l'envoyé spécial des États-Unis et ancien soldat israélien Amos Hochstein, Beyrouth et Tel-Aviv sont parvenus à un accord de cessez-le-feu le 27 novembre, après près de 14 mois de conflit intense sur fond de guerre contre Gaza.
L'armée israélienne s'est engagée à quitter le territoire libanais dans les 60 jours suivant l'entrée en vigueur de l'accord.
Pour garantir le respect de l'accord, un comité de surveillance dirigé par le général américain Jasper Jeffers a été mis en place. Il est chargé de faire respecter la cessation des hostilités et la mise en œuvre intégrale de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Violations israéliennes massives
Mais Israël a immédiatement saboté la trêve, commettant près de 1 000 violations au cours du seul premier mois - l'un des nombreux exemples du mépris de l'État d'occupation pour les accords internationaux.
En outre, les forces israéliennes d'occupation n'ont cessé d'entraver le déploiement de l'armée libanaise dans des points clés du Sud-Liban et ont divulgué des plans indiquant que Tel-Aviv entendait garder le contrôle de zones stratégiques dans le pays. Des rapports suggèrent d'ailleurs qu'Israël s'efforce d'établir une zone tampon de sécurité s'étendant d'Abbad aux villages d'Odaisseh et de Kfar Kila.
Carte montrant les zones de présence militaire israélienne (en jaune) au sud du fleuve Litani, dans le sud du Liban, après le cessez-le-feu déclaré.(Mise à jour décembre 2024)
Pendant ce temps, dès le début du cessez-le-feu, le Hezbollah a garanti au gouvernement libanais qu'il ne riposterait pas pendant la période de trêve de 60 jours, en se conformant strictement aux termes de l'accord et en laissant le gouvernement et l'armée affronter les provocations quotidiennes d'Israël.
Le cessez-le-feu fait suite à d'intenses pressions internes et internationales exercées sur le mouvement de résistance en vue de mettre fin à sa bataille contre Israël, d'autant que ce dernier a dangereusement élargi ses cibles de bombardement à travers le Liban. Les Israéliens, qui n'ont pas atteint les objectifs de guerre qu'ils s'étaient fixés, et dont l'invasion terrestre s'est soldée par des pertes considérables en soldats, ont réclamé une trêve en invoquant le risque d'une escalade qui pourrait s'étendre à Beyrouth et faire de nombreuses victimes parmi les civils.
Cet accord n'est peut-être pas idéal pour l'une ou l'autre des parties, mais il peut être appliqué. Israël a remporté quelques succès tangibles, mais n'a pas réussi à écraser le Hezbollah ni à l'éliminer en tant qu'organisation. Pour le Hezbollah, la priorité était de mettre fin à la guerre pour arrêter les destructions, malgré les préjudices qu'il a subis.
En conséquence, les deux parties sont parvenues à un accord que le Hezbollah a décrit comme une réitération de la résolution 1701. Il ne s'agissait pas d'un accord synonyme d'humiliation ou de défaite, contrairement à ce que les adversaires du groupe cherchent à démontrer.
Il faut souligner que le Hezbollah a choisi une voie médiane entre l'appel du Hamas à déclencher un conflit plus large sous la bannière d'“Al-Aqsa Flood” et une politique de non-intervention, la direction du mouvement palestinien n'ayant pas impliqué le Hezbollah dans sa décision d'entrer en guerre.
D'un point de vue éthique, le Hezbollah a opté pour l'ouverture d'un front de soutien limité, en définissant clairement ses objectifs : épuiser l'armée israélienne et faire pression pour faire cesser les assauts sur Gaza. Mais ce calcul s'est avéré erroné, a posteriori.
Lorsque le front de soutien s'est mué en une véritable guerre, le Hezbollah a déclaré que son objectif était de mettre fin au conflit. Lorsqu'Israël a appelé à la cessation des hostilités, le Hezbollah a accepté à des conditions raisonnables.
Finalement, après plus d'un an de conflit déclenché par l'opération Al-Aqsa Flood menée par le Hamas, le Hezbollah et Israël sont parvenus à un accord en 13 points sous la médiation des États-Unis et de la France. Alors que Tel Aviv a convenu de se retirer du territoire libanais dans un délai de 60 jours, ses actions pendant le cessez-le-feu témoignent de sa détermination à obtenir par les armes ce qu'il n'a pas pu obtenir durant les combats.
La destruction des maisons et des villes libanaises au cours du premier mois de la trêve dépasse déjà de loin celle causée pendant le conflit, des villages tels que Bani Hayyan, Markaba, Shama, Al-Bayada et Wadi al-Hujayr ayant subi des destructions dévastatrices.
Les violations insolentes d'Israël ne se limitent pas aux villes frontalières. Les violations de la trêve comprennent notamment le recours interdit à des drones de guerre au-dessus de Beyrouth et de sa banlieue sud, ainsi que des frappes militaires massives dans des villages de l'est de la vallée de la Bekaa.
Et les États-Unis regardent ailleurs
Le comité de surveillance du cessez-le-feu, dirigé par les plus fidèles alliés de Tel-Aviv, a été confronté à des difficultés de taille, principalement dues à la réticence d'Israël à respecter les termes de la trêve.
Des sources ont révélé à The Cradle que jusqu'à présent, deux réunions ont eu lieu au siège de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) à Naqoura, dans le sud du Liban, en présence d'officiers israéliens, suivies d'une troisième réunion à laquelle a assisté le Premier ministre libanais Najib Mikati - en l'absence d'Israéliens.
Les sources ont ajouté que la première réunion n'a duré que 40 minutes et s'est limitée à des discussions introductives sur des sujets essentiels. La deuxième session, cependant, a été marquée par la discorde, la partie israélienne n'ayant pas respecté les conditions convenues précédemment.
Au cours de cette réunion, tout le monde a pris conscience qu'alors que l'armée libanaise a finalisé et approuvé un plan de déploiement pour les axes occidental, central et oriental, les Israéliens ont refusé de présenter une quelconque stratégie de repli. Ils ont préféré rejeter la faute sur l'armée libanaise pour ce qu'ils ont appelé la “lenteur du déploiement”, suggérant en outre que le délai de 60 jours fixé pour la trêve était purement symbolique, qu'il n'était pas contraignant pour le retrait des forces israéliennes, et qu'il ne visait que le retrait des troupes du Hezbollah au sud du fleuve Litani.
Les représentants israéliens sont même allés jusqu'à prétendre, sans raison, que l'armée libanaise ne comptait pas mettre en œuvre les dispositions de l'accord relatives au retrait du Hezbollah du sud du Litani.
Au cours des discussions, le général libanais Edgar Lowndes aurait quitté la réunion après de vifs échanges avec la partie israélienne, qui a banalisé ses attaques répétées au Liban et refusé de les considérer comme des violations de l'accord. La délégation israélienne a notamment fait valoir que l'utilisation de drones dans l'espace aérien libanais ne constituerait pas de violation de la trêve, suggérant ainsi que les violations aériennes allaient se poursuivre sans aucun problème.
Le principal responsable américain - un général - a ramené Lowndes à la réunion et s'est efforcé de maintenir des procédures plus formelles. Après la séance, des rencontres au plus haut niveau ont eu lieu entre divers membres du comité, le Premier ministre intérimaire libanais Najib Mikati réunissant des officiers français et américains ainsi que le commandant de la FINUL pour insister sur la nécessité de voir Israël respecter l'accord signé, selon lequel l'armée israélienne se retirerait du territoire libanais dans les délais convenus.
Dans ce contexte, le général américain a confirmé que l'envoyé spécial Hochstein participerait à la prochaine réunion du comité, le 6 janvier, afin de clarifier les questions litigieuses. Il a également reconnu, comme ses homologues libanais, qu'Israël enfreint le cessez-le-feu par ses agissements.
Patience vs provocations
Alors que le Hezbollah a fait preuve de retenue et s'est abstenu de toute riposte significative hormis une unique réplique sur le “site de Ruwaisat al-Alam occupé par l'armée israélienne dans les collines libanaises occupées de Kfar Chouba”, les provocations israéliennes ont continué à défier les clauses du cessez-le-feu au quotidien. Comme en a témoigné une source proche du Hezbollah à The Cradle,
“Nous patienterons jusqu'à l'expiration du délai de 60 jours et l'épuisement des opportunités diplomatiques, et ensuite, la résistance sera l'unique solution”.
Les médiateurs internationaux font désormais face à une pression croissante pour faire respecter l'accord, le président du Parlement libanais Nabih Berri soulignant notamment l'importance de l'implication de la France dans le processus de surveillance, compte tenu de la partialité des États-Unis à l'égard d'Israël.
Le ministère des Affaires étrangères libanais a déposé une plainte officielle auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, faisant état de 816 violations entre le 27 novembre et le 22 décembre. Le Premier ministre Mikati a appelé à la mise en œuvre prompte et intégrale de la résolution 1701, mettant en garde contre les lenteurs qui pourraient déstabiliser davantage la région.
Beyrouth a également sollicité
“un soutien accru à la FINUL et à l'armée libanaise afin de garantir la protection de sa souveraineté, et de créer les conditions de sécurité nécessaires au rétablissement de la stabilité et de la normalité dans le sud du pays”.
Il est évident qu'Israël tire parti de ce qu'il perçoit comme son pouvoir suprême à manipuler l'accord de cessez-le-feu, en interprétant ses termes pour les aligner sur ses objectifs stratégiques. En agissant comme si l'équilibre des forces avait irréversiblement basculé en sa faveur, l'État hébreu ne se contente pas de défier le Liban, mais transgresse ouvertement l'accord par des actes tels des violations aériennes, justifiées sous couvert d'autodéfense.
Ces provocations, associées aux menaces de reprise des hostilités et d'expulsion forcée du Hezbollah, témoignent du souci calculé d'établir sur le terrain de nouveaux paramètres absents de l'accord initial.
https://thecradle.co/articles/what-us-mediation-1000-israeli-violations-in-lebanon-go-unchecked