đâđš MĂȘme en Palestine, les oiseaux reviendront
Alors que les horreurs Ă Gaza ne cessent d'empirer, le CongrĂšs US a applaudi Netanyahu pour avoir exigĂ© plus dâarmes. PĂ©kin, par contre, a reçu les factions palestiniennes prĂŽnant l'unitĂ© & la paix.
đâđš MĂȘme en Palestine, les oiseaux reviendront
Par Vijay Prashad, Tricontinental : Institute for Social Research, le 6 août 2024
De hauts fonctionnaires des Nations unies ont informé le Conseil de sécurité de l'ONU, le 26 juillet, de la terrible situation à Gaza.
âPlus de deux millions de personnes Ă Gaza restent prisonniĂšres d'un cauchemar sans fin de mort et de destruction Ă une Ă©chelle effaranteâ,
a déclaré la commissaire générale adjointe Antonia De Meo de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Ă Gaza, Ă©crivent les fonctionnaires de l'ONU, 625 000 enfants sont pris au piĂšge, âleur avenir est menacĂ©â. L'Organisation mondiale de la santĂ© a enregistrĂ© des âĂ©pidĂ©mies d'hĂ©patite A et d'une myriade d'autres maladies faciles Ă prĂ©venirâ et prĂ©vient que ce n'est âqu'une question de tempsâ avant qu'une Ă©pidĂ©mie de poliomyĂ©lite ne se propage parmi les enfants.
Début juillet, une lettre publiée dans The Lancet par trois scientifiques travaillant au Canada, en Palestine et au Royaume-Uni indique qu'en appliquant une
âestimation prudente de quatre dĂ©cĂšs indirects pour un dĂ©cĂšs direct aux 37 396 dĂ©cĂšs signalĂ©s, il n'est pas irrĂ©aliste de conclure que jusqu'Ă 186 000 dĂ©cĂšs, voire plus, pourraient ĂȘtre imputables au conflit actuel Ă Gazaâ.
Deux jours avant la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, le 24 juillet, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est adressé aux deux chambres du CongrÚs américain.
Deux mois avant ce discours, la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré qu' elle avait des
âmotifs raisonnables de penserâ que Netanyahu est âpĂ©nalement responsable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanitĂ©â.
Ce jugement a été totalement mis de cÎté par les élus américains, qui ont accueilli Netanyahu comme s'il s'agissait d'un héros victorieux. Le langage de Netanyahu a fait froid dans le dos :
âDonnez-nous les moyens plus vite, et nous finirons le travail sur-le-champâ.
Quel est le âtravailâ que Netanyahu veut que l'armĂ©e israĂ©lienne termine ?
En janvier, la Cour internationale de justice a fait Ă©tat d' une âallĂ©gation plausible d'actes gĂ©nocidairesâ de la part de l'armĂ©e israĂ©lienne. S'agit-il donc du âtravailâ qu'IsraĂ«l veut accomplir pour achever le gĂ©nocide du peuple palestinien, accĂ©lĂ©rĂ© par la multiplication des livraisons d'armes et des financements par les Ătats-Unis ?
Bien que Netanyahu se soit plaint que les Ătats-Unis n'envoient pas suffisamment d'armes, le gouvernement amĂ©ricain a approuvĂ© en avril la mise Ă disposition de 50 bombardiers F-15 Ă IsraĂ«l, d'une valeur de 18 milliards de dollars, et a dĂ©clarĂ© dĂ©but juillet qu'il compte acheminer prĂšs de 2 000 bombes de 250 kilos destinĂ©es Ă ĂȘtre dĂ©versĂ©es sur Gaza.
Netanyahu en voulait plus Ă l'Ă©poque, et il en veut toujours plus aujourd'hui. Il veut âfinir le travailâ. Ce langage gĂ©nocidaire est sanctifiĂ© par le gouvernement amĂ©ricain, dont les reprĂ©sentants ont accompagnĂ© l'appel au meurtre de masse d'une ovation.
Ă l'extĂ©rieur des salles du gouvernement, des dizaines de milliers de personnes ont protestĂ© contre la visite de Netanyahu au CongrĂšs. Elles font partie du groupe de âjeunes manifestantsâ qui ont participĂ© Ă un cycle de protestations contre le gĂ©nocide israĂ©lien des Palestiniens et contre le soutien total du gouvernement amĂ©ricain Ă cette violence.
Netanyahu a qualifiĂ© les manifestants d'âidiots utiles de l'Iranâ, une dĂ©claration Ă©trange faite par un invitĂ© Ă©tranger Ă des citoyens qui exercent leurs droits dĂ©mocratiques dans leur propre pays. La police a fait usage de gaz poivrĂ© et d'autres formes de rĂ©pression pour contenir les manifestations, pacifiques et lĂ©gitimes.
Tandis que Washington accueillait l'accusé de crime de guerre, Pékin recevait les représentants de 14 factions palestiniennes venues discuter de leurs divergences et trouver un moyen d'élaborer une unité politique contre le génocide et la colonisation israéliens.
Juste avant que Netanyahu n'entre dans la salle du CongrĂšs, les 14 reprĂ©sentants ont posĂ© pour une photo Ă la maison d'hĂŽtes de l'Ătat de Diaoyutai, Ă PĂ©kin. Leur accord, la DĂ©claration de PĂ©kin, souligne leur engagement Ă agir ensemble contre le gĂ©nocide et l'occupation, et confirme que leur division n'a fait que favoriser IsraĂ«l.
Lorsque l'Union soviétique s'est effondrée en 1991, plusieurs mouvements de libération nationale, comme ceux d'Afrique du Sud et de Palestine, ont été affaiblis et contraints de faire d'importantes concessions pour mettre fin aux conflits avec leurs colonisateurs.
AprĂšs plusieurs Ă©checs, le rĂ©gime d'apartheid en Afrique du Sud a rejoint le Forum de nĂ©gociation multipartite en avril 1993, oĂč les forces de libĂ©ration ont fait des concessions (compromises par l'assassinat du dirigeant communiste Chris Hani le mĂȘme mois et par les attaques du parti nĂ©o-nazi Afrikaner Weerstandsbeweging).
Le transfert négocié du pouvoir par le biais de la constitution provisoire de novembre 1993 n'a pas démantelé les structures du pouvoir blanc en Afrique du Sud.
Entre-temps, en 1993 et 1995, l'Organisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP) a signĂ© les accords d'Oslo, ratifiant l'Ătat d'IsraĂ«l et convenant de constituer un Ătat palestinien Ă JĂ©rusalem-Est, Ă Gaza et en Cisjordanie.
Edward Said a qualifiĂ© les accords d'Oslo de âVersailles palestinienâ, un jugement qui semblait sĂ©vĂšre Ă l'Ă©poque mais qui, rĂ©trospectivement, s'avĂšre fondĂ©.
Israël a exploité les accords d'Oslo à son avantage, principalement en implantant des colonies illégales sur les terres palestiniennes et en refusant aux Palestiniens le droit de circuler librement dans les trois territoires non contigus.
En 1994, les principaux groupes de l'OLP ont crĂ©Ă© l'AutoritĂ© nationale palestinienne pour rassembler les factions dans le nouveau projet d'Ătat, mais les groupes qui ont rejetĂ© les accords d'Oslo n'ont pas acceptĂ© de gĂ©rer l'occupation au nom d'IsraĂ«l.
En janvier 2006, le Hamas a remporté les élections législatives palestiniennes avec 74 siÚges sur 132. En juin 2007, le Fatah et le Hamas ont rompu leurs relations et mis fin à la tentative de construire un nouveau projet national palestinien post-Oslo.
En mai 2006, depuis les prisons israéliennes, cinq Palestiniens représentant les cinq principales factions ont rédigé le document des prisonniers: Abdel Khaleq al-Natsh du Hamas, Abdel Raheem Malluh du Front populaire de libération de la Palestine, Bassam al-Saadi du Jihad islamique, Marwan Barghouti du Fatah et Mustafa Badarneh du Front démocratique de libération de la Palestine.
Ces cinq factions comprennent deux formations de gauche, deux formations islamistes et la principale plate-forme de libĂ©ration nationale. Le document en 18 points appelait les diffĂ©rents groupes - y compris le Hamas et le Jihad islamique - Ă rĂ©activer l'OLP en tant que plate-forme commune, Ă accepter l'AutoritĂ© palestinienne comme ânoyau du futur Ătatâ et Ă prĂ©server le droit de rĂ©sister Ă l'occupation.
En juin, toutes les parties ont signĂ© une deuxiĂšme version du document. MalgrĂ© les tentatives d'unitĂ©, notamment lors de l'assaut israĂ©lien sur Gaza connu sous le nom d'opĂ©ration âSummer Rainsâ, de juin Ă novembre 2006, aucune convergence de ce type n'a Ă©tĂ© possible. L'animositĂ© entre les factions palestiniennes a perdurĂ©.
Cette dĂ©sunion a permis Ă l'occupation israĂ©lienne de s'intensifier et aux Palestiniens d'ĂȘtre privĂ©s d'un projet politique central. Plusieurs tentatives pour amener les groupes politiques palestiniens Ă un dialogue sĂ©rieux ont Ă©chouĂ© Ă faire avancer les choses, notamment au Caire en mai 2011 et en octobre 2017, ainsi qu'Ă Alger en octobre 2022.
Depuis l'annĂ©e derniĂšre, le gouvernement chinois a travaillĂ© avec divers Ătats de la rĂ©gion pour inviter les 14 principales factions palestiniennes Ă PĂ©kin pour des pourparlers de rĂ©conciliation. Ces factions sont les suivantes
1. Le Front de libération arabe
2. As-Sa'iqa
3. Front démocratique pour la libération de la Palestine
4. Fatah
5. Hamas
6. Mouvement du Jihad islamique
7. Front arabe palestinien
8. Union démocratique palestinienne
9. Front de libération de la Palestine
10. Initiative nationale palestinienne
11. Parti du peuple palestinien
12. Front de lutte populaire palestinien
13. Front populaire de libération de la Palestine
14. Front populaire de libération de la Palestine (commandement général)
La dĂ©claration de PĂ©kin, reprenant les formulations du document des prisonniers a appelĂ© Ă la crĂ©ation d'un Ătat palestinien, au respect du droit des Palestiniens Ă rĂ©sister Ă l'occupation, Ă la formation par les groupes politiques palestiniens d'un âgouvernement intĂ©rimaire de consensus nationalâ et au renforcement de l'OLP et de ses institutions afin de faire progresser leur engagement dans la lutte contre IsraĂ«l.
Bien que la déclaration ait évidemment appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la fin de l'implantation de colonies à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, elle s'est surtout concentrée sur l'unité politique.
Reste à savoir si ce processus négocié par la Chine donnera des résultats lorsque les Palestiniens seront confrontés aux Israéliens. Il marque néanmoins une avancée dans cette voie et un tournant possible dans la faillite d'un projet palestinien unifié qui a débuté dans le sillage de l'accord d'Oslo II de 1995.
La déclaration de Pékin est diamétralement opposée aux propos virulents tenus par Netanyahu devant le CongrÚs américain : ce dernier est génocidaire et dangereux, tandis que la déclaration de Pékin vise à instaurer la paix dans un contexte mondial trÚs complexe.
Fadwa Tuqan (1917-2003), un des plus merveilleux des poĂštes palestiniens, a Ă©crit âLe dĂ©luge et l'arbreâ. La chute de l'arbre, terrassĂ© par le dĂ©luge, ne marque pas sa perte, mais un nouveau commencement.
Lorsque l'arbre se relĂšvera, ses branches
s'Ă©panouiront, vertes et fraĂźches, sous le soleil,
les rires de l'arbre fleuriront
sous le soleil
et les oiseaux reviendront.
Sans aucun doute, les oiseaux reviendront.
Les oiseaux reviendront.
L'assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh (1962-2024), à Téhéran, a profondément assombri la situation, et les oiseaux vont avoir du mal à chanter.
* Vijay Prashad est un historien, éditeur et journaliste indien. Il est chargé d'écriture et correspondant en chef de Globetrotter. Il est éditeur de LeftWord Books et directeur de Tricontinental : Institute for Social Research. Il est chercheur principal non résident à l'Institut d'études financiÚres deChongyang, à l'université Renmin de Chine. Il a écrit plus de 20 livres, dont The Darker Nations et The Poorer Nations. Ses derniers ouvrages sont Struggle Makes Us Human : Learning from Movements for Socialism et, avec Noam Chomsky, The Withdrawal : Iraq, Libya, Afghanistan and the Fragility of U.S. Power.
https://consortiumnews.com/2024/08/06/vijay-prashad-even-in-palestine-the-birds-shall-return/
OLP signifie 'Organisation de LIBĂRATION de la Palestine ' donc si elle renaĂźt de ses cendres, son objectif est clair. Les Chinois sont, soit diplomates et dissimulent l'enjeu , soit de doux rĂȘveurs... Il n'y a pas d'autre solutions Ă la fin de ce conflit qui dure depuis 76 ans. La Palestine et son peuple doivent recouvrer l'intĂ©gralitĂ© de leur territoire d'avant 1948 et leur souverainetĂ© ! Cela sous-entend bien entendu la destruction complĂšte de l'Ătat d'occupation. Tant qu'il restera un semblant d'Ă©tat juif dans le territoire, la guerre et son cortĂšge d'horreur continuera. Le projet sioniste est mortifĂšre et une partie du Moyen-Orient en subit les consĂ©quences pendant que l'autre moitiĂ© prĂ©fĂšre pactiser avec l'ennemi pour sauvevarder ses intĂ©rĂȘt futiles alors que son tour viendra devant cet Ă©tat phagociteur...
Arafat avait réussi à fédérer. Les Chinois ont réussi, eux, à redonner de l'espoir. La troisiÚme étape sera d'enterrer la 'solution à 2 etats' , éternelle galéjade.
Et un jour, il n'y aura plus de check-point du nord au sud de la Palestine et les pelerins pourront revenir à Bethléem ou à Al-Aqsa...