👁🗨 Même sans le Hamas, la bande de Gaza ne serait pas libre
Israël, en tant qu'État colonisateur traditionnel, fait la seule chose qu'il sache faire. Tant que l'Occident continuera de l'encourager, le génocide en fera partie.
👁🗨 Même sans le Hamas, la bande de Gaza ne serait pas libre
Par Jonathan Cook, le 28 octobre 2023
Je suis choqué, dans mes fils de discussion, d’encore et toujours tomber sur des variantes du tweet suivant :
“Les Palestiniens ont la possibilité de se soulever contre le Hamas pour se libérer. Ou encore, le Hamas peut se rendre de son plein gré. Deux choix réels.”
Ce point de vue n'est pas seulement défendu par la mauvaise foi des apologistes d'Israël. Elle semble trouver un écho chez les citoyens ordinaires qui, vraisemblablement, connaissent trop peu l'histoire de la Palestine ou des mouvements coloniaux tels que le mouvement sioniste fondateur d’Israël.
Examinons donc brièvement ces deux aspects.
Tout d'abord, les mouvements coloniaux de peuplement se distinguent du colonialisme classique - comme la domination britannique en Inde - par le fait que la population de colons souhaite non seulement voler les ressources de la population autochtone, mais aussi remplacer la population autochtone elle-même.
Les exemples ne manquent pas : les colons européens ont dépossédé les populations autochtones de ce que nous appelons aujourd'hui les États-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, par exemple.
La définition du génocide dans le droit international décrit exactement ce que ces Européens ont fait aux populations locales : massacres, conditions visant à la destruction physique de la totalité ou d'une partie de la communauté autochtone, limitation des naissances au sein de la population locale et transfert forcé d'enfants autochtones vers la population colonisatrice.
Les colons européens qui se nomment aujourd'hui Américains, Canadiens, Australiens et Néo-Zélandais n'ont jamais eu à rendre compte des crimes commis à l'encontre de ces peuples autochtones. Cela explique peut-être pourquoi le tweet ci-dessus est si courant - et pourquoi les pays européens et leurs émanations coloniales s'alignent aujourd'hui contre le reste du monde pour soutenir Israël qui intensifie sa stratégie de génocide de masse dans la bande de Gaza.
La vérité est que l'ordre mondial “occidental” a été construit sur le génocide. Israël ne faisant que s'inscrire dans la continuité d'une longue tradition.
Les mouvements coloniaux ne finissent pas toujours par commettre un génocide. En Afrique du Sud, une population coloniale en forte infériorité numérique est parvenue à un “arrangement” avec la population autochtone, un système connu sous le nom d'apartheid.
Le groupe blanc s'est emparé de toutes les ressources et de tous les privilèges. Le groupe noir était autorisé à vivre, mais uniquement dans des ghettos, et dans la misère.
Dans de telles circonstances, la paix n'est possible que lorsque le projet colonial est abandonné, que le pouvoir est partagé, et que les ressources sont réparties plus équitablement. C'est ce qui s'est produit, de manière imparfaite, avec la chute de l'apartheid.
Le dernier modèle d’une population coloniale est de repousser la population autochtone au-delà des frontières, dans un acte de nettoyage ethnique. C'est l'option privilégiée par Israël en 1948, puis en 1967, lorsqu'il décide d'étendre ses frontières en occupant les terres palestiniennes restantes en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza.
Les Palestiniens de Gaza sont un exemple des différentes façons dont une population autochtone peut être malmenée par un mouvement de colonisation.
La plupart d'entre eux sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés des opérations de nettoyage ethnique menées par Israël en 1948. En d'autres termes, leurs lieux de résidence familiale se trouvent dans ce que nous nommons aujourd'hui Israël. Ils ont été chassés de leurs terres pour former une minuscule enclave gouvernée par l'Égypte pendant les 19 années suivantes.
Lorsqu'Israël s'est emparé de Gaza lors de la guerre de 1967, il a dû se rabattre sur la deuxième option de colonisation : l'apartheid. Il a donc transformé l'enclave en une prison à ciel ouvert ou, pour être plus juste, en un camp de concentration permanent.
Gaza était une version étendue - et, avec le siège israélien qui dure depuis 16 ans, de plus en plus brutale - des bidonvilles qui accueillaient les populations noires autochtones dans l'Afrique du Sud de l'apartheid.
Aujourd'hui, Israël reconnaît enfin que le modèle de l'apartheid n'a pas réussi à maîtriser les aspirations des Palestiniens à la liberté et à la dignité.
Contrairement à l'Afrique du Sud blanche, Israël ne recherche pas la paix et la réconciliation. Il réexamine d'autres options coloniales.
Dans l'attaque actuelle contre Gaza, il met en œuvre un modèle mixte : génocide pour ceux qui restent à Gaza, nettoyage ethnique pour ceux qui peuvent en sortir (en supposant que l'Égypte cède finalement et ouvre ses frontières).
Tout cela n'a rien à voir avec le Hamas. Tout au plus peut-on dire que la résistance du Hamas a forcé la main à Israël. Israël a dû abandonner son modèle de blocus et d'apartheid - l'emprisonnement à long terme d'une population sans ressources, sans liberté de mouvement, sans eau potable, sans emploi.
Au lieu de cela, il est revenu aux formules éprouvées du génocide et du nettoyage ethnique.
Le Hamas est la manifestation des traumatismes subis par les Palestiniens de Gaza depuis des décennies, et non la cause de ces traumatismes.
Le renversement du Hamas par les Palestiniens ou la capitulation du Hamas ne transformerait pas Gaza en un Dubaï sur Méditerranée. Les Palestiniens y seraient toujours prisonniers, même sous des conditions légèrement meilleures.
Si vous en doutez, regardez du côté de la Cisjordanie, qui n'est pas dirigée par le Hamas mais par l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Ce dernier qualifie de devoir “sacré” la coopération avec Israël en matière de sécurité, qui consiste à réprimer, au nom d'Israël, le désir de liberté des Palestiniens. Sa plus grande aspiration est une solution diplomatique qui crée un mini-État palestinien aux pouvoirs extrêmement limités.
Si Israël ne peut pas accorder la liberté à la Cisjordanie sous Abbas, comment pourra-t-il jamais accorder la liberté à la minuscule bande de Gaza, même sans le Hamas, surtout après que les Nations unies ont déclaré l'enclave fondamentalement “inhabitable” en 2020 ?
Israël n’autorisera jamais les Palestiniens à sortir de leur prison de Gaza parce que leur démographie élevée est considérée comme un danger pour la majorité juive d'Israël.
Rappelez-vous : les populations coloniales sont là pour remplacer la population indigène, pas pour faire la paix avec elle, pas pour partager les ressources, pas pour lui donner sa liberté.
Israël fait la seule chose qu'il sait faire. Et tant que l'Occident l'encouragera, le génocide en fera partie.