👁‍🗨 Menacé de prison en Allemagne pour avoir critiqué un journaliste israélien : le cas de Hüseyin Dogru

“La répression anti-palestinienne allemande n’est pas motivée par la culpabilité historique, ou contre la solidarité. Il s'agit de réduire au silence toute dissidence, et de mettre la société au pas”.

Illustration © MintPress News

👁‍🗨 Menacé de prison en Allemagne pour avoir critiqué un journaliste israélien : le cas de Hüseyin Dogru

Par Alan MacLeod, le 18 avril 2025

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Dans un contexte de répression des voix pro-palestiniennes en Allemagne, un journaliste régulièrement attaqué et accusé d'être un agent russe risque jusqu'à trois ans de prison pour diffamation envers un journaliste basé en Israël. Hüseyin Dogru, fondateur de red. media, a été accusé de diffamation pour des faits liés à un différend avec Nicholas Potter, un journaliste allemand financé par l'État et travaillant pour le journal israélien The Jerusalem Post.

En décembre, Potter, qui se présente comme un expert en lutte contre l'extrémisme, a publié un long article dans The Jerusalem Post, affirmant que red. media, MintPress News et The Grayzone feraient partie d'un réseau de médias d'extrême gauche relayant l'extrémisme et les théories antisémites du complot.

Pire encore, il a fortement insinué que ces trois médias sont soutenus et financés par les gouvernements russe, syrien et iranien.

Ces accusations sont mensongères (voir à ce sujet la réfutation de MintPress ici) et particulièrement cyniques, venant d'un journaliste financé par le ministère allemand des Affaires étrangères. Un journaliste qui, en pleine période de génocide, a déménagé en Israël, où il travaille pour un média dirigé par un ancien porte-parole de l’armée israélienne.

De plus, Potter lui-même a manifestement des opinions extrêmes sur le sujet. Quelques semaines seulement après nous avoir attaqués pour notre journalisme, il a rédigé un article intitulé “Les journalistes peuvent-ils être des terroristes ?”, qui tentait de justifier de nombreux assassinats de journalistes palestiniens par Israël.

Red et MintPress ont immédiatement relayé l'essentiel de ces faits importants, et notre contenu est devenu viral.

De la critique virale aux accusations criminelles

Un autocollant sur Potter, inspiré d'un graphique de red. media, a été repéré à Berlin. L'autocollant reprenait les critiques du média à son égard et y ajoutait la phrase “The German Hurensohn” [Le fils de pute allemand]. Cet autocollant est au cœur de l'accusation de “campagne de haine” concertée contre Potter menée par red. media. Potter affirme avoir été victime de harcèlement et de menaces de mort, et certains ont tenté d'établir un lien entre ces faits et l’illustration de red. media.

Ces accusations ont provoqué une avalanche d'articles dans les médias allemands, tous favorables à Potter. Beaucoup ont repris les affirmations du secrétaire d'État américain Antony Blinken selon lesquelles red. media serait une opération d'influence contrôlée par le gouvernement russe.

Une publication de red. media critiquant le journaliste Nicholas Potter, à gauche, apparaît sous forme d'autocollant modifié en Allemagne, à droite. Photo fournie à MintPress

M. Dogru nie ces allégations, bien qu'il ait auparavant joué un rôle clé au sein de Red Fish, une plateforme financée par Ruptly, un média basé en Allemagne et partiellement financé par le réseau RT, contrôlé par l'État russe. Après l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, M. Dogru a fermé Red Fish et a lancé son propre média indépendant. Il insiste sur le fait qu'il n'a aucun lien avec la Russie, et qu'il se consacre à la production de contenus démocratiques et éducatifs. Il nie également avoir eu connaissance ou participé à la production d'autocollants anti-Potter.

L’Allemagne criminalise la solidarité avec la Palestine

Le soutien de Potter à la politique israélienne a certainement suscité la colère de nombreux membres du mouvement pro-palestinien en Allemagne. Mais il est loin d'être le seul. Le gouvernement allemand a offert son soutien total à Israël et est allé jusqu'à interdire les manifestations pro-palestiniennes et emprisonner d'innombrables militants, y compris des Juifs. L'expression “Du fleuve à la mer” a été criminalisée de fait, Berlin ayant annoncé qu'il refusera la citoyenneté à toute personne y ayant recours. Les nouvelles lois allemandes sur la citoyenneté exigent que tous les candidats signent ce qui est, en fait, un serment d'allégeance à l'État d'Israël, reconnaissant son “droit à exister”.

Berlin est actuellement en train d'expulser des résidents étrangers pour leur participation à des manifestations légales en faveur des droits des Palestiniens. M. Dogru s'inquiète également pour la sécurité de sa famille :

“Le gouvernement allemand devenant de plus en plus répressif, en particulier dans le traitement qu'il réserve aux militants pro-palestiniens, dont certains sont menacés d'expulsion ou font l'objet de représailles, nous craignons que des mesures similaires ne soient prises, en particulier à l'encontre de ma femme et de mon enfant”.

Des commentateurs ont mis en garde contre une dérive autoritaire de l'Allemagne. Avec la montée en puissance du parti d'extrême droite AfD dans les sondages (un sondage récent révèle qu'il est désormais le parti le plus populaire en Allemagne), nombreux sont ceux qui tirent la sonnette d'alarme dans le pays.

“Pendant des décennies, l'Allemagne s'est rangée derrière Israël et son discours sur le Moyen-Orient”, a déclaré M. Dogru à MintPress, ajoutant : “Depuis le 7 octobre, le gouvernement allemand réprime violemment les militants afin de s'assurer qu'aucune voix critique envers Israël ne puisse s'élever en Allemagne. Les militants ici ont payé le prix fort pour pouvoir manifester”.

Selon M. Dogru, il s'agit bien d'un test. En fin de compte, la répression de la liberté d'expression vise non pas Israël, mais la société allemande elle-même.

“L'Allemagne est en train de s'affirmer comme une force militaire et politique de premier plan au sein de l'OTAN et de l'UE. Pour ce faire, elle doit éliminer toute résistance, non seulement à l'étranger, mais aussi sur son sol. Cette démarche n'est pas motivée par un sentiment de culpabilité historique ou de solidarité. Il s'agit de réduire au silence toute dissidence, et de mettre la société au pas. En ciblant les plus marginalisés, l'État allemand impose son autorité à la population et réduit au silence toute opposition avant qu'elle ne prenne de l'ampleur”.

Le message du gouvernement allemand est clair, affirme Dogru : Alignez-vous ou nous vous écraserons.

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Traduit par Spirit of Free Speech

Note de la rédaction | L'article a été mis à jour après sa publication. La référence à “l'illustration de M. Dogru” a été remplacée par “l'illustration de red.media” afin de mentionner correctement la source. De plus, l'une des citations a été modifiée afin de mieux rendre compte des préoccupations de M. Dogru concernant son éventuelle expulsion.

* Alan MacLeod est rédacteur en chef chez MintPress News. Après avoir obtenu son doctorat en 2017, il a publié deux livres : Bad News From Venezuela: Twenty Years of Fake News and Misreporting et Propaganda in the Information Age: Still Manufacturing Consent, ainsi qu'un nombre d'articles universitaires. Il a également contribué à FAIR.org, The Guardian, Salon, The Grayzone, Jacobin Magazine et Common Dreams.

https://www.mintpressnews.com/german-journalist-potter-israel/289421/