đâđš âMerci de m'avoir sauvĂ© la vieâ : les mots de Julian Assange Ă Anthony Albanese Ă sa libĂ©ration
Sa libération ne signifie pas la fin des défis posés au journalisme & à la liberté d'expression. Mme Robinson met en garde contre le dangereux précédent créé pour les journalistes du monde entier.
đâđš âMerci de m'avoir sauvĂ© la vieâ : les mots de Julian Assange Ă Anthony Albanese Ă sa libĂ©ration
Par Aimee Edwards, le 16 octobre 2024
âJe tiens Ă vous remercier, vous m'avez sauvĂ© la vieâ. Ce sont les termes forts que Julian Assange, fondateur deWikileaks, a adressĂ©s au Premier ministre Anthony Albanese alors qu'il posait le pied sur le sol australien plus tĂŽt cette annĂ©e.
Dans un vibrant appel à l'action au SXSW de Sydney [rassemblement annuel de talents émergents de la région Asie-Pacifique avec plus de 1 000 événements et sessions de réseautage autour des piliers clés de la technologie et de l'innovation, des jeux, de la musique et de l'écran], l'avocate en charge de la défense d'Assange depuis plus de 14 ans a partagé ces mots qui, jusqu'à présent, étaient restés confidentiels entre Albanese, Assange et ses soutiens et alliés les plus proches. Ce moment marque l'aboutissement de plus d'une décennie d'intenses batailles juridiques et de protestations publiques en faveur de la libération du fondateur de WikiLeaks aprÚs des années de détention et d'emprisonnement.
AprĂšs des annĂ©es d'assignation Ă rĂ©sidence, d'asile Ă l'ambassade d'Ăquateur et d'emprisonnement dans la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh au Royaume-Uni, le retour de M. Assange en Australie a Ă©tĂ© une expĂ©rience Ă©prouvante sur le plan Ă©motionnel et physique, Ă juste titre. La tension s'est intensifiĂ©e jusqu'au moment oĂč l'avion le transportant a atterri en Australie.
Mme Robinson a décrit la nature surréaliste de cette journée, révélant qu'au moment de la descente dans l'espace aérien australien, la premiÚre personne à accueillir M. Assange lors d'un appel FaceTime a été son pÚre, un éleveur de chevaux australien.
âNous Ă©tions en train d'atterrir quand mon pĂšre m'a contactĂ©e via FaceTimeâ, s'est souvenue Mme Robinson. Je lui ai passĂ© Julian, qui lui a dit : âSalut, Terryâ, et mon pĂšre lui a simplement rĂ©pondu : âAh, bravo, mon poteâ.
Cependant, c'est le coup de fil suivant qui a revĂȘtu une importance que peu de gens soupçonnent. Comme le raconte Robinson :
âL'appel suivant est venu du Premier ministre Anthony Albanese, qui a souhaitĂ© la bienvenue Ă Julian et s'est assurĂ© qu'il allait bien. C'est alors que Julian lui a dit : âJe tiens Ă vous remercier, vous m'avez sauvĂ© la vieââ.
âJe ne pense pas qu'il ait eu tortâ, a expliquĂ© M. Robinson. âPendant plus de 14 ans, la libertĂ© de Julian a Ă©tĂ© soumise Ă toutes sortes de restrictions : assignation Ă rĂ©sidence dans un premier temps, sept ans Ă l'ambassade d'Ăquateur, plus de cinq ans dans une prison de haute sĂ©curitĂ© pour avoir publiĂ© des preuves de crimes de guerre et de violations des droits de l'homme dans le monde entier, pour les mĂȘmes publications qui lui ont valu des prix de journalisme dans le monde entier et d'ĂȘtre nommĂ© pour le prix Nobel de la paixâ.
âEn fait, il a dĂ» plaider coupable d'avoir pratiquĂ© le journalisme et d'avoir Ă©tĂ© primĂ©, et le gouvernement amĂ©ricain a dĂ» reconnaĂźtre que ces publications n'avaient causĂ© aucun prĂ©judice. Je pense que notre retour en Australie a Ă©tĂ© une histoire tellement positiveâ, a-t-elle expliquĂ©.
Cet Ă©change privĂ© empreint d'Ă©motion a Ă©tĂ© jusqu'Ă prĂ©sent passĂ© sous silence. Il rĂ©sume le profond sentiment de soulagement et de gratitude ressenti par M. Assange aprĂšs avoir vĂ©cu pendant des annĂ©es, menacĂ© d'une Ă©ventuelle extradition vers les Ătats-Unis, oĂč il Ă©tait menacĂ© de prison Ă vie.
La libération de M. Assange, a souligné Mme Robinson, ne signifie pas la fin des défis posés au journalisme et à la liberté d'expression. Mme Robinson a profité de son discours pour mettre en garde contre le dangereux précédent que les poursuites engagées contre M. Assange créent pour les journalistes du monde entier.
âCe que les Ătats-Unis font avec la loi sur l'espionnage, c'est criminaliser le journalismeâ, a averti Mme Robinson. âJulian est peut-ĂȘtre le premier journaliste poursuivi en vertu de la loi sur l'espionnage, mais en fonction de l'issue des Ă©lections amĂ©ricaines, je ne pense pas qu'il sera le dernierâ.
Alors que M. Assange jouit d'une liberté recouvrée - il profite de sa famille et des plages australiennes -, Mme Robinson s'inquiÚte de savoir s'il pourra un jour se remettre complÚtement du traumatisme qu'il a subi.
âIl ne s'est toujours pas remis, et je ne sais pas s'il pourra un jour rĂ©cupĂ©rer de cette expĂ©rienceâ, a-t-elle admis.
Cependant, pour l'instant, la vie de M. Assange est redevenue ordinaire.
âJe suis trĂšs heureuse de voir des images de Julian Assange et de ses enfants Ă la plageâ,
a déclaré Mme Robinson, rappelant à quel point Julian Assange avait aspiré à ces plaisirs simples pendant ses années d'emprisonnement.
Au début du mois, Julian Assange s'est exprimé publiquement pour la premiÚre fois depuis sa sortie de prison. Dans un discours empreint d'émotion prononcé devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) à Strasbourg, M. Assange a donné un premier aperçu de ses années d'incarcération tout en défendant sa foi inébranlable en la liberté d'expression.
âJe ne suis pas lĂ aujourd'hui parce que le systĂšme a fonctionnĂ© : si je suis libre aujourd'hui aprĂšs des annĂ©es d'incarcĂ©ration, câest parce que j'ai plaidĂ© coupable de journalismeâ, a expliquĂ© M. Assange. âJ'ai plaidĂ© coupable d'avoir sollicitĂ© des informations auprĂšs d'une source, coupable de les avoir obtenues auprĂšs d'une source, et coupable d'avoir informĂ© le public de la nature de ces informations. Je n'ai plaidĂ© coupable de rien d'autreâ.
L'intervention de Julian Assange devant l'APCE, le principal organe européen de défense des droits de l'homme, a marqué sa premiÚre prise de parole publique depuis sa libération. Bien que l'événement ait été fortement encadré et que l'accÚs des médias ait été restreint, les propos de M. Assange ont eu des répercussions bien au-delà de l'enceinte de cette assemblée.
Entouré de sa femme Stella et de Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de WikiLeaks, M. Assange a évoqué avec simplicité les conséquences de ses cinq années passées dans une prison britannique de haute sécurité sur sa santé mentale et physique.
âLa transition entre des annĂ©es d'enfermement dans une prison de haute sĂ©curitĂ© et le fait d'ĂȘtre ici devant les reprĂ©sentants de 46 nations et de 700 millions de personnes est une transition aussi intense que surrĂ©aliste. L'expĂ©rience de l'isolement pendant des annĂ©es dans une petite cellule est difficile Ă dĂ©crire. Elle nous prive de notre identitĂ©, ne nous laissant que l'essence brute de l'existenceâ, a expliquĂ© M. Assange. âJe ne suis pas encore tout Ă fait en mesure de parler de ce que j'ai endurĂ© dans ma lutte incessante pour rester en vie, Ă la fois physiquement et mentalement. Je ne peux pas non plus parler des morts par pendaison, des meurtres et de la nĂ©gligence mĂ©dicale dont ont Ă©tĂ© victimes mes codĂ©tenusâ.
âJe m'excuse par avance si mes mots manquent de clartĂ© ou si mon exposĂ© n'a pas l'Ă©clat que l'on pourrait attendre d'un auditoire aussi prestigieux, car l'isolement a fait son Ćuvreâ.
Bien qu'il soit manifestement fragilisé par son temps d'incarcération, Julian Assange a continué à défendre ardemment la liberté de la presse - ses convictions n'ont jamais faibli.
âLa libertĂ© d'expression et toutes ses implications traversent une pĂ©riode sombreâ, a-t-il dĂ©clarĂ©. âLa criminalisation des activitĂ©s de collecte d'informations reste une menace pour le journalisme d'investigation partout dans le mondeâ.
âLes journalistes ne doivent pas ĂȘtre poursuivis pour faire leur travail. Le journalisme n'est pas un crime : c'est la pierre angulaire d'une sociĂ©tĂ© libre et informĂ©eâ.
Depuis sa libération, M. Assange se consacre à sa famille. Sa femme Stella a déclaré aprÚs l'audience :
âC'est tout ce que nous souhaitions depuis tant d'annĂ©es. C'est merveilleux. Nous prenons du temps pour nous et pour rĂ©flĂ©chir Ă tout celaâ.