đâđš Mort de Nasrallah, ce que la jubilation occidentale raconte
IsraĂ«l, soutenu Ă bout de bras par un Occident en dĂ©composition, a-t-il encore le temps de dĂ©montrer quâil peut ĂȘtre autre chose que ce quâil montre aujourdâhui ? Câest peu probable.
đâđš Mort de Nasrallah, ce que la jubilation occidentale raconte
Par RĂ©gis de Castelnau, le 29 septembre 2024
IsraĂ«l a donc tuĂ© le chef du Hezbollah. Provoquant un spasme dâexultation orgiaque en Occident en gĂ©nĂ©ral, et chez nous en particulier. Pour ce faire, IsraĂ«l a utilisĂ© le terrorisme et les crimes de guerre, câest-Ă -dire en dĂ©truisant des quartiers entiers et en massacrant des centaines de civils libanais innocents. Depuis toujours, câest ce quâIsraĂ«l fait le mieux.
Mais ce qui est terrible pour un occidental, pour un Français, câest ce que cette exultation raconte. Sur ce que nous sommes, sur notre racisme, notre sentiment de supĂ©rioritĂ©, notre absence de morale, notre goĂ»t du sang. Et nous continuons Ă pousser IsraĂ«l dans lâimpasse sanglante oĂč il est en train de se perdre.
Parce quâon va rappeler Ă ceux qui jubilent quâen juillet 2006, lâarmĂ©e de lâair israĂ©lienne, avait dĂ©truit 59 lance-roquettes fixes Ă moyenne portĂ©e positionnĂ©s dans tout le sud du Liban. Dan Halutz chef dâĂ©tat-major de lâarmĂ©e israĂ©lienne annonça alors Ă son gouvernement : âToutes les roquettes Ă longue portĂ©e ont Ă©tĂ© dĂ©truites. NOUS AVONS GAGNĂ LA GUERREâ. CâĂ©tait en 2006âŠ
Et câest le mĂȘme Halutz qui dit craindre aujourdâhui une guerre civile dans un IsraĂ«l dirigĂ© par Netanyahu et sa bande.
Il sâagirait, nous disent les extatiques dâune nouvelle dĂ©monstration, aprĂšs lâopĂ©ration terroriste des beepers, des formidables capacitĂ©s dâIsraĂ«l. Qui a fait savoir avec gourmandise que lâopĂ©ration des beepers avait pris 15 ans Ă prĂ©parer. Et tout cela pour quel rĂ©sultat stratĂ©gique ? Remplir les hĂŽpitaux du sang des victimes civiles non seulement nâapporte pas le moindre avantage stratĂ©gique mais au contraire contribue Ă enfoncer lâĂtat dâIsraĂ«l devenus paria dans le statut dâĂtat voyou dirigĂ© par des voyous. Le Hezbollah est Ă©videmment affaibli, lâIran peut ĂȘtre gĂȘnĂ©, mais la retenue de ce dernier dĂ©montre que âlâaxe de la rĂ©sistanceâ achĂšte du temps, ce dont dĂ©sormais IsraĂ«l ne dispose plus. Cela fait 80 ans que les IsraĂ©liens massacrent des civils, rasent des villages et tuent les dirigeants des mouvements qui sâopposent Ă eux.
Il y aura bientĂŽt un an quâils affrontent le Hamas Ă Gaza, en vain. Cela fait plus de 20 ans quâils essaient de se dĂ©barrasser du Hezbollah, en vain. 80 ans quâils essaient de se dĂ©barrasser du peuple palestinien, en vain. Le prix payĂ© par les Palestiniens, ceux qui les soutiennent et les civils arabes innocents est considĂ©rable. Mais IsraĂ«l, soutenu Ă bout de bras par un Occident en dĂ©composition a-t-il encore le temps de dĂ©montrer quâil peut ĂȘtre autre chose que ce quâil montre aujourdâhui ? Câest peu probable. Ce terrible Ă©chec Ă©tait-il inscrit dans le projet initial dâĂ©mancipation de Theodor Herzl ? La greffe de ce bout dâOccident impĂ©rialiste Ă cet endroit pouvait-elle prendre ? Nous nâen savons rien, mais la marche de lâHistoire nous a conduit Ă cet Ă©chec.
Les peuples de la rĂ©gion nâacceptent pas sa prĂ©sence et comme lâavait dit Ben Gourion Ă Nahum Goldmann :
âPourquoi les Arabes feraient-ils la paix ? Si jâĂ©tais, moi, un leader arabe, jamais je ne signerais avec IsraĂ«l. Câest normal : nous avons pris leur pays. [âŠ..] Certes, Dieu nous lâa promis, mais en quoi cela peut-il les intĂ©resser ? Ils ne voient quâune chose : nous sommes venus et nous avons volĂ© leur pays. Pourquoi lâaccepteraient-ils ? Ils oublieront peut-ĂȘtre dans une ou deux gĂ©nĂ©rations, mais, pour lâinstant, il nây a aucune chance. Alors, câest simple : nous devons rester forts, avoir une armĂ©e puissante. Toute la politique est lĂ . Autrement, les Arabes nous dĂ©truiront.â
Est-ce cette logique de âlâarmĂ©e puissanteâ qui a conduit au sionisme perverti des Netanyahu, Smotrich et autre Ben Gvir ? Les historiens en dĂ©cideront, en tout cas aujourdâhui IsraĂ«l nâest puissant que du soutien dâun Occident contestĂ© et trĂšs affaibli. Le confrontant Ă une contradiction insoluble entre les âvaleursâ quâil prĂ©tend porter et le soutien sans faille Ă une violence gĂ©nocidaire. JusquâĂ quand ?
Le sud global quant Ă lui se prĂ©pare mĂ©thodiquement, et se dirige vers ce qui constitue son objectif principal, la rĂ©organisation du monde sans lâOccident. Il est probable quâil ne sâen dĂ©tournera pas, et ne cĂ©dera pas aux objurgations des excitĂ©s qui souhaitent lâaffrontement. JusquâĂ Alexandre Douguine perdant son sang-froid :
âCâest dĂ©sagrĂ©able Ă admettre, mais la dĂ©termination radicale dâIsraĂ«l Ă dĂ©truire impitoyablement ses ennemis contraste clairement avec le comportement non seulement de ces ennemis, mais aussi de nous-mĂȘmes dans nos relations avec le rĂ©gime de Kiev. [âŠ.] Encore une fois, celui qui est le plus rapide a raison. Celui qui agit de maniĂšre plus dĂ©cisive et tĂ©mĂ©raire gagne. Mais nous, nous sommes prudents et constamment hĂ©sitantsâ.
Le problĂšme câest que les dirigeants de pays comme la Russie, lâIran et la Chine sont les âadultes dans la piĂšceâ : ils sont prudents et modĂ©rĂ©s, soucieux de la sĂ©curitĂ© du processus de transformation du monde quâils ont initiĂ©, et quâils conduisent. JusquâĂ prĂ©sent, ils Ă©vitent soigneusement de prendre des mesures qui constitueraient des rĂ©ponses aux provocations occidentales. Comme lâa rĂ©pĂ©tĂ© Poutine Ă plusieurs reprises, ils ne le feront que lorsquâelles atteindront des niveaux âexistentielsâ.
Câest un chemin dĂ©licat, mais qui pouvait penser que ça ne puisse pas ĂȘtre le cas ? Ils ont en face dâeux des fanatiques, des idĂ©ologues obtus, des enragĂ©s, des cinglĂ©s, des meurtriers, voire des criminels infĂąmes. Et pour corser le tout, il y a parmi eux, et en grand nombre, de parfaits imbĂ©ciles.
Dans ces conditions, garder son sang-froid nâest pas chose facile. Car ils ne jouent plus aux Ă©checs et sont confrontĂ©s Ă un dilemme. Soit une rĂ©ponse brutale aux provocations pourrait conduire Ă une escalade mortifĂšre. Soit lâabsence de rĂ©action peut elle aussi conduire Ă une escalade. Parce que les tarĂ©s dâen face, comme Netanyahu et sa bande en font la dĂ©monstration tous les jours, en dĂ©duisent que tout leur est permis.
Parmi ceux qui se rĂ©jouissent parfois bruyamment des coups portĂ©s au Hezbollah, certains ne sont pas des fanatiques ou des imbĂ©ciles amateurs de massacres, mais seulement viscĂ©ralement attachĂ©s Ă lâexistence de lâĂtat dâIsraĂ«l. Essayant probablement dâapaiser lâangoisse qui se fait insistante et se rattache Ă ce quâajoutait David Ben Gourion Ă son interlocuteur :
âMais si tu me demandes si mon fils Amos, qui aura cinquante ans Ă la fin de lâannĂ©e, a des chances de mourir et dâĂȘtre enterrĂ© dans un Etat juif, je te rĂ©pondrais : 50%.â
On aura une pensée pour eux.
https://www.vududroit.com/2024/09/mort-de-nasrallah-ce-que-la-jubilation-occidentale-raconte/