👁🗨 Nasrallah est mort, mais ce n'est pas pour autant que Bibi a gagné
Israël n'a rien gagné un an après le début du conflit sur 7 fronts de Bibi. C'est une certitude. Le temps joue en faveur de ceux qu'Israël a transformés en adversaires & ça aussi, c'est une certitude.
👁🗨 Nasrallah est mort, mais ce n'est pas pour autant que Bibi a gagné
Par Patrick Lawrence, Special Consortium News, le 30 septembre 2024
Beaucoup pleurent maintenant la mort de Nasrallah, au Liban et ailleurs, mais l'existence du Hezbollah est loin d'être remise en question.
Vous avez probablement déjà entendu le discours haineux de Bibi Netanyahu devant l'Assemblée générale de l'ONU de vendredi dernier, ou vous en avez entendu parler. Le Premier ministre israélien a fait savoir qu'il déteste à présent plus ou moins tout le monde, et notamment les membres de l'organisation qui l'accueille.
C'est que nous sommes tous antisémites, voyez-vous. Les Américains sont une exception. Bibi méprise les Américains, comme il l'a clairement indiqué à de nombreuses reprises, mais il ne peut pas se permettre de les haïr parce que ce sont eux qui signent les chèques et envoient ces bombes d'une tonne.
“Et j'ai un autre message pour cette assemblée et ceux qui se trouvent en dehors de cette salle”, a rugi Netanyahu vers la fin de ses 13 minutes à la tribune, dont la transcription est ici. “Nous sommes en train de gagner.”
Et c'est ainsi que Bibi a ponctué ses propos du poing gauche, comme il en a l'habitude.
Le Dr Lawrence nous fait parvenir une courte note. “Il demande s'il est nécessaire de dire que l'on gagne quand on gagne”, demande-t-il, “Ou est-il nécessaire de dire que l'on gagne quand on ne gagne pas ?”
Netanyahu a parlé juste au moment où les jets israéliens bombardaient Beyrouth, où, en larguant plus de 80 bombes de fabrication américaine d'une tonne, ils ont assassiné Hassan Nasrallah, le chef respecté et apprécié de nombreuses personnes au sein du Hezbollah au cours des 32 dernières années. Le Times of Israel a rapporté vendredi que Netanyahu a approuvé l'opération depuis son hôtel de New York, peu avant d'éructer ses exhortations à l'Assemblée générale de l'ONU.
Mais il s'est passé autre chose pendant que Bibi vantait de la victoire d'Israël dans sa guerre des sept fronts, comme il qualifie les agressions de l'État terroriste contre ses voisins. Moody's, l'agence d'évaluation de la dette, a abaissé la cote de crédit d'Israël de A2 à Baa1. Il s'agit d'une décote de deux crans, ce qui n'est pas anodin.
La dette notée A est considérée comme étant un actif de haute qualité et à faible risque. La dette notée B est classée “de qualité moyenne”, comporte plus de risques et “peut présenter des caractéristiques spéculatives”, comme le dit Moody's. “Les perspectives générales sont négatives”, ajoute l'agence.
On peut lire toutes sortes de choses dans la presse spécialisée sur les conséquences de l'assassinat de Nasrallah par Israël vendredi dernier : qui a gagné, qui a perdu. Une victoire décisive pour les Israéliens, le Hezbollah a été réduit à néant, le Hezbollah a été affaibli, Israël a renversé la vapeur dans sa guerre le long de sa frontière nord.
Tout cela “sans preuve”, cette détestable expression que le New York Times utilise chaque fois qu'il veut semer le doute sur un fait généralement exact, mais qui dérange.
Mon article préféré dans cette catégorie provient de Unherd [‘inédit’], le journal en ligne publié à Londres. “La mort de Hassan Nasrallah pourrait marquer la fin du Hezbollah”, titre un article de Kyle Orton, qui travaille pour la Henry Jackson Society, un nid d'islamophobes paranoïaques se faisant passer pour un think tank et opérant également à Londres.
“Déchaîné” serait plus juste.
Des perspectives défavorables
Je me range aux arguments de Moody's au milieu de tout ce triomphalisme de carton-pâte. Les perspectives pour l'Israël de l'apartheid sont extrêmement défavorables alors qu'il poursuit sa course effrénée. Alors que je tourne et retourne dans tous les sens la crise créée par l'État sioniste en Asie occidentale, je ne vois rien qui puisse suggérer qu'il est en train de gagner quoi que ce soit.
On devrait maintenant bien savoir que les Israéliens, ou n'importe qui d'autre d'ailleurs, peuvent tuer leurs adversaires, mais ne peuvent anéantir les courants qu'ils dirigent, ou les idées qui les animent. Il s'agit là d'un simple cas de compréhension ou d'incompréhension de la psychologie humaine élémentaire. Israël, qui a renoncé à son humanité, n'est tout simplement pas en mesure de le comprendre.
Le Hezbollah a été fondé en réponse à la présence israélienne au Liban il y a 42 ans, mais il représente - ou manifeste, si vous préférez - une identité et une aspiration qui remontent à plusieurs siècles. Nombreux sont ceux qui pleurent aujourd'hui la mort de Nasrallah, au Liban et ailleurs, mais l'existence du Hezbollah est loin d'être remise en question.
La semaine dernière, Alastair Crooke a accordé une interview intéressante à Andrew Napolitano dans le cadre de l'émission de ce dernier intitulée “Judging Freedom” [Juger la liberté]. Deux des points soulevés par Crooke méritent d'être mentionnés.
Premièrement, Nasrallah a obligé pendant des années tous les dirigeants du Hezbollah à former des successeurs afin de parer à des catastrophes imprévisibles comme celle qui vient de se produire. Peut-on être certains que Nasrallah a suivi ses propres consignes ? Deuxièmement, les attaques aériennes israéliennes contre les systèmes de lancement de roquettes et de missiles du Hezbollah dans le sud du Liban sont loin d'avoir affaibli les capacités militaires du groupe.
Un autre argument dans ce sens : Nasrallah était un dirigeant prudent, connu entre autres pour avoir revisité le manifeste du Hezbollah en 2009 dans le sens de la modération. [“Les temps ont changé et nous devons en faire autant”]. L'argument est que l'organisation va maintenant assumer ou reprendre une position plus radicale.
C'est ce que semble suggérer Jonathan Cook dans un bref article publié dimanche sur X sous l’intitulé “En tuant Nasrallah, Israël a choisi d'ouvrir les portes de l'enfer. Nous en paierons tous le prix”. Cook connaît l'Asie occidentale et ses habitants bien mieux que moi, mais je remets cette idée en question.
Depuis que les Israéliens ont assassiné Ismail Haniyeh, le chef du Hamas, à Téhéran, le dernier jour de juillet, nous avons eu une démonstration claire et simple de ce que les Iraniens appellent la “patience stratégique”. (J'ai également entendu parler de “patience révolutionnaire”, terme que je préfère à celui de “patience stratégique”). Cela signifie, si je ne simplifie pas à l'extrême, qu'il faut cultiver ses points forts tout en gardant le contrôle de la dynamique d'un conflit, en évitant les ripostes qui ont de bonnes chances de déclencher une guerre.
Mon hypothèse post-Nasrallah, en gardant à l'esprit l'exemple des Iraniens : les nouveaux dirigeants du Hezbollah ne renonceront pas à leur combat contre Israël, mais ils seront toujours aussi habiles qu'ils le furent à l'époque de Nasrallah. Ils ne perdront pas la tête, et n'auront pas recours au type de violence mal ou non ciblée que l'armée sioniste a manifestement l'intention de provoquer.
En outre, un autre facteur pourrait entrer en ligne de compte et nous ne devons pas le négliger. À vrai dire, le Hezbollah est susceptible de voir les choses comme les Iraniens semblent le faire : l'Israël sioniste est en train de s'autodétruire sur tous les plans. Le laisser faire constitue la meilleure stratégie de planification de sortie de crise.
La réalité à l'œuvre en Asie occidentale, autrement dit, est qu'Israël ne dispose d'aucune alternative qui ne soit pas autodestructrice.
Les stratégies et les objectifs qu'il s'est fixés, notamment depuis que le régime de Netanyahu a fait entrer au gouvernement des dirigeants de la droite extrémiste israélienne, mèneront inévitablement à la disparition de l'État israélien.
Aucune autre issue ne semble possible tant que Netanyahu permettra à des individus tels qu'Itamar Ben-Givr et Bezalel Smotrich, respectivement ministre de la Sécurité et ministre des Finances, d'influencer la politique au point où le Premier ministre les a laissés faire jusqu'à présent.
Ilan Pappé a publié un excellent article sur cette question dans l'édition du 21 juin de la rubrique “Sidecar” de la New Left Review. Dans “L'effondrement du sionisme”, l'universitaire israélien aujourd'hui en exil affirme que le projet sioniste est entré dans sa phase terminale avec la réponse d'Israël aux événements du 7 octobre dernier. Bien que l'on puisse se réjouir de cette évolution, M. Pappé ne dresse pas de tableau réjouissant de la situation :
“Nous assistons à un processus historique - ou, plus exactement, au début du processus - qui aboutira probablement à la chute du sionisme. Et si mon diagnostic est exact, nous entrons dans une conjoncture particulièrement dangereuse. Car une fois qu'Israël aura pris conscience de l'ampleur de la crise, il déploiera des efforts redoutables et sans retenue pour tenter de la contenir, comme l'a fait le régime d'apartheid sud-africain dans ses derniers jours”.
M. Pappé attribue cette situation à deux événements majeurs, le premier ayant un impact direct sur le second. Lorsque Netanyahu a nommé son cabinet de zélotes à la fin de l'année 2022, ce fut effectivement le triomphe de ceux qui considèrent Israël comme un projet religieux, “l'État de Judée”, comme le dit M. Pappé, sur ceux qui le considèrent comme une entreprise fondamentalement nationaliste, l'État d'Israël.
“Alors que l'identité juive en Israël a parfois semblé n'être guère plus qu'un sujet de débat théorique entre factions religieuses et laïques”, écrit Pappé, “elle est désormais devenue une lutte pour la nature de la sphère publique et de l'État lui-même. Cette lutte se déroule non seulement dans les médias, mais aussi dans la rue”.
Comme on l'a bien compris, la corruption des tribunaux israéliens a été l'un des théâtres de ce conflit. Une proportion considérable d'Israéliens applaudit aujourd'hui, sur la base des interprétations les plus racistes du sionisme, les agressions brutales et inadmissibles des troupes israéliennes contre les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.
M. Pappé semble penser qu'il n'y a pas de retour en arrière possible face aux horreurs - sociales, politiques, idéologiques, et bien sûr militaires - de l'Israël de l'après-7 octobre. Si j'ai bien interprété ses propos, je suis d'accord avec lui sans réserve. Il semble que ce ne soit qu'une question de temps avant que cette effroyable entreprise n'implose.
M. Pappé, qui enseigne et écrit à l'université d'Exeter, dans le sud-ouest de l'Angleterre, pense également que “l'effondrement des institutions publiques, qui deviennent incapables de fournir des services aux citoyens” entraînera - et entraîne déjà - l'effondrement de l'économie. C'est ce que constatent les gens de chez Moody's, le crayon à l'oreille.
L'économie en danger
La croissance économique s'est effondrée dès qu'Israël a débuté son assaut sur Gaza, le 8 octobre dernier. Leproduit intérieur brut a chuté de 21 % au cours des trois derniers mois de l'année passée. En juillet, la Banque d'Israël a réduit de près de moitié ses prévisions de croissance pour 2024, les ramenant à 1,5 % . Un mois plus tard, JPMorgan a fixé ce chiffre à 1,4 %. Et il est presque certain que ces prévisions sont optimistes.
Les investissements étrangers se sont taris, les dépenses de défense sont presque hors de contrôle et des dizaines de milliers d'entreprises ont fermé leurs portes parce que (1) il n'y a pas grand-chose à faire et (2) Tsahal a appelé trop de salariés à servir à Gaza.
Le Washington Post a publié un bon article sur le désespoir qui en résulte dans son édition du 26 septembre. “On dirait que si un changement significatif ne se produit pas bientôt, l'économie va s'effondrer”, a déclaré Shelley Lotan, propriétaire d'une startup technologique, à Rachel Chason du Post.
Ce qui nous amène à l'incompétence des dirigeants du régime de Netanyahu sur le plan économique. Smotrich - un sioniste formé à la yeshiva, un idéologue obsédé par l'expansion des colonies illégales et la consécration d'Eretz Israël [Le Grand Israël] - semble connaître l'économie et la finance à peu près aussi bien qu'un cadre débutant de Cleveland abonné à Forbes.
“L'économie est en grand danger à moins que le gouvernement ne se réveille”, a déclaré à Chason un chercheur d'un think tank du nom de Dan Ben-David.
“À l'heure actuelle, ils sont complètement déconnectés de tout ce qui n'est pas la guerre, et il n'y a aucune solution en vue.”
Ou comme le dit Ilan Pappé :
“La crise est encore aggravée par l'incompétence du ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui détourne constamment de l'argent vers les colonies juives de Cisjordanie, mais semble par ailleurs incapable de diriger son ministère. Le conflit entre l'État d'Israël et l'État de Judée, ainsi que les événements du 7 octobre, incitent une partie de l'élite économique et financière à déplacer ses capitaux hors de l'État. Ceux qui envisagent de délocaliser leurs investissements représentent une part importante des 20 % d'Israéliens qui paient 80 % des impôts”.
“La chose la plus responsable à faire est de commencer à planifier une issue”, a déclaré Shelley Lotan, chef d'entreprise, lorsque le Post l'a interviewée. Il ne s'agit pas d'une idée originale. Au printemps dernier, M. Pappé estimait qu'un demi-million d'Israéliens, jeunes pour la plupart, cadres, technocrates, s'étaient déjà expatriés.
Cela représente 500 000 personnes sur une population de 9,5 millions d'habitants, et c'était le chiffre de Pappé d’il y a quelques mois. Il n'est pas difficile d'imaginer que l'Israël du futur proche sera substantiellement dépourvu de compétences, laissant des sionistes ultra-orthodoxes sans formation diriger ministères et services gouvernementaux. Un État en faillite, en somme.
Je ne sais pas ce qui se dit, Hassan Nasrallah étant parti, au sein des conseils politiques et militaires du Hezbollah. Il est impossible d'anticiper avec certitude la manière dont l'organisation réagira à ce qui s'apparente à une nouvelle ère de son histoire.
Mais les Israéliens n'ont rien gagné un an après le début de la guerre sur sept fronts menée par Netanyahu. C'est une certitude.
Le temps joue en faveur de ceux qu'Israël a transformés en adversaires : et ça aussi, c'est une certitude.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est chroniqueur, essayiste, conférencier et auteur, plus récemment de Journalists and Their Shadows, disponible auprès de Clarity Press ou sur Amazon. Parmi ses autres ouvrages, citons Time No Longer :Americans After the American Century. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré.
https://consortiumnews.com/2024/09/30/patrick-lawrence-nasrallah-is-dead-but-bibi-hasnt-won/
On avoisine le million d'expatriés début septembre et cela va s'accélérer avec la gestion des colons de 'judée' qui s'éternise...Soit plus de 10% de la population. Ces expatriés ne seront pas des donateurs d'Israël bien entendu et seront plutôt un poids mort pour les communautés occidentales (voire Russe) qui les accueillent...Cela ne va pas augmenter le moral juif ni la perception d'Israël par la public non-juif ! La faillite sera retardée par les subventions yankees mais jusqu'à quand ? Il semble que Malikovski ait bien flairé un adversaire dans Trump et a anticipé le plan de celui-ci de mettre fin à la poudrière en arrêtant les frais. Il met à profit le peu de temps qu'il lui reste pour allumer une guerre régionale de grande envergure qui depassera les enjeux électoraux us prochains...