👁🗨 Nécrologie d'Eric Levy, l'infatigable défenseur des droits de l'homme, un des plus fidèles soutiens de Julian Assange
"Les journalistes n'avaient guère d'autre choix que notre version des faits, et la diffuser. Le gouvernement est une machine à informer. S'ils ne nous soutenaient pas, nous les mettions à l'écart".
"Vous nous trouvez courageux, mais nous ne faisons que ce que nous avons à faire. Nous n'avons pas plus le choix de faire ce que nous faisons que le soleil n'a le choix de se lever chaque jour. C'est peut-être ça le courage".
👁🗨 Nécrologie d'Eric Levy, l'infatigable défenseur des droits de l'homme, un des plus fidèles soutiens de Julian Assange
📰 Par Stefan Simanowitz* 🐦@StefSimanowitz, le 20 novembre 2022
* Voir plus bas une suite de tweets de l'auteur de l'article, portant plus spécifiquement sur le courage et l'engagement des "boucliers humains" en Irak dont Eric Levy a fait partie.
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Mon ami Eric Levy, qui vient de mourir à l'âge de 94 ans, était un enseignant, un militant et un infatigable défenseur des dr*oits de l'homme.
Il faisait partie des plus de 500 "boucliers humains" qui se sont rendus à Bagdad en 2003 pour tenter d'arrêter la guerre et - en cas d'échec - pour tenter d'empêcher le ciblage des infrastructures civiles irakiennes. Il m'a dit plus tard qu'il ne regrettait rien.
"Nous n'avons peut-être pas réussi à arrêter l'invasion, mais en nous mettant en danger, nous avons envoyé un message clair au monde entier."
Né à Manchester de parents juifs-égyptiens - Theo, négociant en coton, et Violette (née Riches) - il déménage au Caire à l'âge de six ans mais, les nuages annonciateurs de la guerre assombrissant l'horizon, il est alors envoyé à l'école en Suisse. Après avoir fréquenté un petit pensionnat privé, il rejoint l'Angleterre mais, trouvant le système social britannique oppressant, il émigre aux Etats-Unis, débordant d'idéaux.
Le rêve américain d'Eric ne dure pas longtemps. Arrivé à l'époque du Maccarthysme, la seconde peur rouge, des lois Jim Crow [lois nationales et locales issues des Black Codes imposant la ségrégation raciale aux Etats-Unis et promulguées par les législatures des États du Sud de 1877 à 1964] et du déclenchement de la guerre de Corée, Eric se souviendra plus tard:
"Il m'a fallu un an et demi pour passer du statut de partisan de l'Etat américain à celui d'anti. La politique étrangère des Etats-Unis en Corée était inacceptable".
Son engagement dans les mouvements anti-guerre et pour les droits civiques en pleine effervescence allait marquer le départ de l'engagement de toute une vie dans la lutte pour la paix et la justice dans le monde. Alors qu'il vit à Los Angeles, Eric rencontre LaFlorya Gauthier. Ils se marient en 1958 et ont une fille, Susan. Après leur divorce, Eric s'est installé à Londres où il a exercé le métier de professeur.
Chanteur baryton-basse accompli, Eric est profondément touché par la musique de l'activiste et chanteur Paul Robeson. Il a rencontré Robeson à plusieurs reprises lorsqu'il vivait aux Etats-Unis, et se souvient qu'à une occasion, des militants ont dû l'entourer pour le protéger d'éventuels tireurs d'élite de la suprématie blanche.
C'est cet acte de courage - mettre son corps en danger pour un principe - qu'Eric allait imiter en 2003 lorsqu'il s'est rendu en Irak.
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Ces dernières années, après son retour à Londres, Eric est devenu l'une des figures les plus reconnaissables des manifestations en faveur de la libération de Julian Assange. En janvier 2021, il a fait la une des journaux lorsqu'il a été arrêté pour avoir enfreint les règles relatives aux covid-19 lors d'une manifestation devant le tribunal correctionnel de Westminster.
Toujours optimiste quant aux chances de changement, Eric a dit un jour :
"Si vous voulez un exemple de courage, regardez ce jour où, malgré les snipers sur la colline, Paul Robeson s'est tenu debout, protégé par un bouclier d'humanité, et a chanté St Louis Blues."
Il laisse à sa mort sa fille Susan, une petite-fille et une arrière-petite-fille.
https://www.theguardian.com/law/2022/nov/20/eric-levy-obituary
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🚩 STEFAN SIMANOWITZ 🐦@STEFSIMANOWITZ
Il y a 18 ans, alors que les bombes pleuvaient sur l'Irak au début de l'opération Shock & Awe, Eric Levy se trouvait à Bagdad dans une centrale électrique.
Il était parti en Irak avec des centaines de boucliers humains pour tenter d'arrêter une guerre illégale et protéger les civils irakiens en restant dans des sites d'infrastructure civile.
Eric était l'un des 80 boucliers humains qui sont restés pendant toute la durée de la guerre en Irak.
"La guerre était illégale et immorale. Nous n'avons peut-être pas réussi à arrêter l'invasion, mais en nous mettant en danger, nous avons envoyé un message clair au monde entier".
C'est ça le courage
En 2003, un convoi de 3 bus à deux étages a quitté Londres pour Bagdad. À bord se trouvaient plus de 50 boucliers humains, les premiers activistes occidentaux à se rendre en Irak.
Aucun ne savait ce qui les attendait.
Tous savaient qu'ils ne reviendraient peut-être pas.
"Alliant l'idéalisme et la solidarité des Brigades internationales aux principes gandhiens d'action directe non violente, les boucliers humains qui se sont rendus en Irak pour tenter d'arrêter la guerre étaient une nouvelle incarnation d'une longue tradition de protestation" [CNN, 24 janvier 2003]]
Les marches, les pétitions et les veillées aux chandelles restent des moyens importants, mais sont facilement ignorés par les politiciens.
De nouvelles formes de protestation apparaissent donc.
Le départ des boucliers de Londres est couvert par toutes les grandes chaînes d'information, et la couverture se poursuit lorsque des centaines d'autres boucliers s'envolent directement pour l'Irak.
Mais à mesure que la guerre se rapproche, les médias deviennent plus hostiles.
"Des boucliers humains ? Appelez-moi si l'un d'entre eux se fait tuer", a dit un journaliste.
Quelques années après la guerre en Irak, @JohnPilger a interviewé quelques journalistes clés, et @ragehomaar a admis:
"Je n'ai pas vraiment fait mon travail correctement. Nous n'avons pas poussé l'inconfortable assez loin".
@DanRather est allé plus loin :
"La guerre a fait de nous des sténographes".
"Si les gens connaissaient vraiment la vérité, la guerre finirait demain", disait CP Scott pendant la Première Guerre mondiale. "Mais bien sûr, ils ne savent pas, et ne peuvent pas savoir".
Il serait réconfortant de penser que des leçons ont été tirées de l'Irak et d'autres guerres. Mais j'en doute
"Vous nous trouvez courageux, mais nous ne faisons que ce que nous devons faire. Nous n'avons pas plus le choix de faire ce que nous faisons que le soleil n'a le choix de se lever chaque jour. C'est peut-être ça le courage" (E. Warner)
Eric ne se considère pas comme courageux
"Vous savez qui l'était ? Paul Robeson"
Aucun des boucliers humains en Irak n'a été tué ou blessé. Contrairement à la guerre du Golfe de 1991, aucun des sites qu'ils protégeaient n'a été visé.
Tragiquement, Tom Hurndall (21 ans), qui avait quitté Bagdad pour la Palestine avant la guerre, a été tué par un tireur d'élite israélien.
La guerre d'Irak n'a duré que 5 semaines, mais les retombées se font toujours sentir, 18 ans plus tard.
Nous savons que nos gouvernements et nos médias ne nous disent pas toujours toute la vérité, mais ils ne racontent jamais de mensonges plus gros, plus flagrants et plus évidents qu'avant, pendant et après les périodes de guerre.
En 2003, @JohnSimpsonNews, qui a été blessé par un "tir ami" alors qu'il était en reportage en Irak, a accusé les troupes américaines en Irak d'avoir la "gâchette facile".
Onze ans après la publication de "Collateral Murder" par @WikiLeaks, personne n'a été tenu de rendre des comptes.
Après la guerre en Irak, de nombreux journalistes ont admis qu'ils n'avaient pas fait leur travail comme ils auraient dû :
"Il y avait une peur dans toutes les salles de rédaction. La peur de perdre son emploi... la peur de se voir coller une étiquette, antipatriotique ou autre." Dan Rather
"Les journalistes n'avaient guère d'autre choix que d'accepter notre version des faits et de la transmettre plus ou moins telle quelle au public. Le gouvernement est une machine à informer. Si les journalistes ne nous soutenaient pas, nous les mettions à l'écart." [Ancienne fonctionnaire @carneross: fondatrice et directrice exécutive de Independent Diplomat, un groupe consultatif diplomatique.]
... Est-ce que ça vous parle..?