👁‍🗨 Netanyahou va-t-il risquer des combats dans les tunnels pour “éradiquer le Hamas” et se maintenir au pouvoir ?

La “résistance palestinienne dispose d'un avantage stratégique” dans la guerre des tunnels, passant d'un “conflit à 360 degrés” en surface à de “dangereux combats en 3D” pour les troupes israéliennes.

Un soldat israélien dans un tunnel sous la ville de Gaza, le 22 novembre 2023 [Ronen Zvulun/Reuters].

👁‍🗨 Netanyahou va-t-il risquer des combats dans les tunnels pour “éradiquer le Hamas” et se maintenir au pouvoir ?

Par Nils Adler, le 8 décembre 2023

Les forces israéliennes pourraient décider de se battre sous la bande de Gaza, alors que Netanyahou, en proie à des difficultés politiques, cherche à éliminer totalement le Hamas.

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La position de Benjamin Netanyahou au poste de Premier ministre d'Israël semble de plus en plus précaire.

De nombreux Israéliens le tiennent, ainsi que son cabinet, pour responsable des défaillances sécuritaires du 7 octobre, et il a fait l'objet de vives critiques au niveau national pour sa gestion de la guerre contre Gaza. À cela s'ajoute le fait qu'il est depuis longtemps embourbé dans des accusations de corruption et des critiques sur ses projets de modification du système judiciaire.

Plusieurs sondages montrent qu'il serait contraint de démissionner si des élections étaient organisées maintenant.

Aujourd'hui, alors que les forces israéliennes progressent dans le sud de la bande de Gaza, M. Netanyahou pourrait être confronté à une décision susceptible d'avoir d'énormes répercussions politiques sur sa carrière : l'envoi ou non de troupes israéliennes dans le réseau de tunnels de 500 km situé sous la bande de Gaza.

Chaque tunnel constitue à lui seul une sérieuse menace

Selon Philip Ingram, ancien officier du renseignement militaire britannique, si les Israéliens devaient pénétrer dans le réseau de tunnels de Gaza, cela marquerait le début d'une nouvelle phase de la guerre, en nivelant de manière significative le terrain de jeu entre les adversaires.

En surface, Israël a mené un bombardement aérien incessant et une invasion terrestre de l'enclave de 365 km², en s'appuyant sur sa supériorité en matière d'armement.

Sous terre, le Hamas pourrait s'appuyer sur un réseau sophistiqué de tunnels qui canaliserait les soldats israéliens à pied en file indienne.

Les difficultés pour les Israéliens seraient “énormes”, faute d'informations suffisantes sur l'emplacement des tunnels, leur longueur et les pièges potentiels posés par le Hamas en prévision de l'opération, a déclaré M. Ingram.

D'un point de vue militaire, les Israéliens voudraient “éviter d'avoir à combattre dans les tunnels”, a-t-il ajouté.

Compte tenu de l'expertise du Hamas en matière de pièges et d'embuscades, “chaque tunnel représente une menace importante” pour les troupes israéliennes, estime Elijah Magnier, un analyste militaire qui couvre le Moyen-Orient depuis plus de 30 ans.

La “résistance palestinienne semble disposer d'un avantage stratégique” en ce qui concerne la guerre des tunnels, a-t-il déclaré, faisant référence au nombre élevé de soldats israéliens tués ou blessés en cherchant les entrées du réseau de tunnels.

L'armée israélienne s'enorgueillit de compter dans ses rangs les Weasels, une unité spécialisée dans la lutte dans les tunnels, a indiqué M. Ingram, expliquant que ces troupes spécialisées disposent de “tous les gadgets” et de chiens entraînés pour les aider à s'orienter dans les tunnels.

Cependant, même si elles sont entraînées, la réalité des lieux reste largement inconnue, ce qui rend l'opération très risquée.

Les progrès réalisés par le Hamas et sa connaissance parfaite du réseau ramifié des tunnels feraient également passer les combats d'un “conflit à 360 degrés” en surface à un “conflit en 3D” pour les troupes israéliennes, qui pourraient être confrontées à des attaques sous n'importe quel angle, ajoute-t-il.

Quoi qu'il en soit, les experts estiment qu'un conflit potentiel dans les tunnels reste une issue probable en raison de la promesse de M. Netanyahu d'éliminer le Hamas et ses centres de commandement souterrains.

M. Magnier estime que la récente “trêve humanitaire” de sept jours à Gaza “a permis au Hamas et au Djihad islamique de restructurer leurs stratégies défensives et de se préparer au conflit en cours”.

Il y a quelques semaines, les médias ont rapporté qu'Israël envisagerait de prendre l'avantage en utilisant des gaz toxiques dans les tunnels pour tenter d'éradiquer les combattants du Hamas qui s'y trouvent. Cette idée a suscité un tollé international.

Le Wall Street Journal a récemment déclaré qu'Israël pourrait envisager d'inonder les tunnels avec de l'eau de mer comme alternative à l'entrée des troupes.

Citant des responsables américains, le média affirme que les forces israéliennes ont déjà assemblé un système de cinq pompes juste au nord du camp de réfugiés de Shati à la mi-novembre.

Ces pompes aspireraient l'eau de la Méditerranée vers les tunnels et seraient en mesure d'inonder le réseau en l'espace de quelques semaines, selon l'article.

Éradiquer le Hamas

M. Netanyahou s'est engagé à “détruire le Hamas”, ce qui constitue l'une des réponses à l'attentat du 7 octobre.

Et il pourrait finalement décider d'envoyer des troupes dans les tunnels pour sauver sa carrière politique, malgré le risque de pertes énormes, a déclaré Nader Hashemi, professeur associé de politique islamique et du Moyen-Orient à l'université de Georgetown.

M. Netanyahou, a-t-il ajouté, sait qu'à moins de pouvoir “éradiquer le Hamas et [...] revendiquer une victoire ultime, il n'a plus aucune chance de poursuivre sa carrière politique en Israël”.

Il ne s’agit pas seulement de la défaite du Hamas promise par Netanyahou, mais aussi de la libération des 125 prisonniers qui, selon Israël, se trouvent toujours à Gaza.

Israël pense que les captifs sont gardés dans les réseaux souterrains sous Gaza, ce qui signifie que l'accès aux tunnels sera considéré comme crucial par les forces israéliennes chargées de les libérer, selon M. Magnier.

Une opération militaire dans les tunnels pourrait également mettre ces captifs en danger, ce que M. Netanyahu pourrait être prêt à risquer pour assurer la défaite du Hamas.

M. Hashemi fait référence à la directive Hannibal, une obscure stratégie militaire israélienne qui autoriserait l'utilisation de la force maximale en cas d'enlèvement d'un soldat, même si cela entraîne sa mort, pour montrer qu'Israël pourrait “donner la priorité à ses objectifs militaires plutôt qu'à la sécurité des otages”.

Coûts militaires et avantages politiques

Selon M. Hashemi, même si M. Netanyahou envisage une opération dans les tunnels, la question qui se posera sera de définir le nombre de victimes qu'il est prêt à assumer publiquement pour atteindre son objectif.

M. Ingram estime que la décision sera prise après avoir pesé les risques et avantages, et qu'il est probable qu'Israël continue à cartographier le réseau depuis le ciel, en utilisant des radars à pénétration du sol et en cherchant à identifier les principaux centres de commandement qu'il pourra cibler spécifiquement en “pratiquant une brèche” dans le réseau.

Selon lui, bien que la guerre des tunnels ait existé dans de nombreux conflits antérieurs, la “ville souterraine” créée par le Hamas relève d'un “tout autre niveau”. L'armée israélienne est confrontée à une tâche sans précédent, dit-il, et devra faire preuve d'une extrême prudence.

La date à laquelle Israël pourrait tenter de pénétrer dans les tunnels reste incertaine.

Israël est sous pression, a déclaré M. Magnier, “face aux critiques mondiales croissantes et aux crimes de guerre et crimes contre l'humanité” et, bien que cela implique une exécution plus rapide de ses objectifs, “fixer un calendrier spécifique pour les opérations terrestres est un défi pour tout commandement militaire”.

Selon lui, l'avancée israélienne a été “étonnamment lente dans une zone résidentielle peu étendue mais densément peuplée”.

Les bombardements aveugles d'Israël sur les zones civiles leur ont fourni une couverture et un abri, aidant ainsi involontairement la résistance, explique-t-il.

Si les troupes israéliennes pénètrent dans le réseau de tunnels, le conflit risque de se prolonger et se dérouler sous terre, sans aucune information fiable.

Le Hamas pourrait être confronté à des pénuries de carburant et d'approvisionnement, tandis que les troupes israéliennes, elles, pourraient “être contraintes à ramper des semaines et des semaines pour progresser de 100 mètres”.

https://www.aljazeera.com/news/2023/12/8/will-netanyahu-risk-a-tunnel-conflict-to-eradicate-hamas-stay-in-power