đâđš Netanyahu rĂ©pond Ă la CPI en invoquant une rĂ©fĂ©rence biblique gĂ©nocidaire
Dans sa diatribe contre la CPI, Netanyahou cite un verset qui met en garde contre le danger dâĂ©pargner la sociĂ©tĂ© ennemie. On devine aisĂ©ment l'allusion Ă la guerre gĂ©nocidaire d'IsraĂ«l contre Gaza.
đâđš Netanyahu rĂ©pond Ă la CPI en invoquant une rĂ©fĂ©rence biblique gĂ©nocidaire
Par Jonathan Ofir, le 21 mai 2024
Les actualitĂ©s sur l'affaire de la CPI contre les plus hauts dirigeants d'IsraĂ«l sont omniprĂ©sentes. Le procureur gĂ©nĂ©ral de la Cour, Karim Khan, souhaite dĂ©livrer des mandats d'arrĂȘt Ă l'encontre du premier ministre Benjamin Netanyahou et du ministre de la dĂ©fense Yoav Gallant (ainsi que de trois responsables du Hamas), soupçonnĂ©s de crimes de guerre et de crimes contre l'humanitĂ©, mais le vrai scoop dans toute cette affaire est que l'impunitĂ© des dirigeants israĂ©liens semble s'Ă©roder.
Netanyahou, bien sûr, était furieux. C'est la comparaison morale avec le Hamas qui semble l'avoir le plus exaspéré, et il n'était, en fait, pas le seul - les dirigeants libéraux israéliens qui ont farouchement critiqué Netanyahu pour sa conduite pendant la guerre de Gaza se sont maintenant ralliés à sa cause, y compris le chef de l'opposition Yair Lapid, le ministre du cabinet de guerre Benny Gantz, et l'ancien Premier ministre Ehud Olmert.
Mais pour M. Netanyahou, les nouvelles de la CPI ont Ă©tĂ© l'occasion de faire une nouveau allusion Ă la guerre biblique d'extermination contre âAmalekâ. C'est cette mĂȘme rĂ©fĂ©rence biblique que M. Netanyahou a invoquĂ©e dans une dĂ©claration faite le 28 octobre au dĂ©but de l'invasion terrestre israĂ©lienne Ă Gaza. âSouvenez-vous de ce qu'Amalek vous a faitâ, a-t-il dĂ©clarĂ©, citant le verset biblique dans lequel Dieu a ordonnĂ© aux IsraĂ©lites d'exterminer la nation ennemie des AmalĂ©cites jusqu'Ă leurs bĂ©bĂ©s et leur bĂ©tail. L'Afrique du Sud a soumis la dĂ©claration de Netanyahu Ă la CIJ comme preuve de l'intention gĂ©nocidaire d'IsraĂ«l Ă Gaza.
Cette fois-ci, Netanyahou utilise la mĂȘme rĂ©fĂ©rence pour rallier la nation contre ses ennemis - ce qui inclut apparemment maintenant la CPI - en recourant Ă des propos codĂ©s dans la version hĂ©braĂŻque de sa diatribe contre la Cour. Apparemment, M. Netanyahou se dit que plus ses rĂ©fĂ©rences Ă Amalek sont vagues, plus elles passeront inaperçues.
La version du discours qu'il a prononcĂ©e en anglais (texte ici) Ă©tait Ă©galement dĂ©lirante, qualifiant la requĂȘte de la CPI de âdiffamation du sangâ et comparant le procureur gĂ©nĂ©ral de la CPI Ă un juge nazi. Mais le discours s'est arrĂȘtĂ© lĂ , avec une invocation de l'Holocauste pour affirmer que âplus jamais ça, c'est maintenantâ.
La version hĂ©braĂŻque est diffĂ©rente. Elle se terminait par une phrase en hĂ©breu - âNetzah Israel lo yeshakerâ - qui signifie âle Dieu Ă©ternel d'IsraĂ«l ne mentira pasâ. C'est cette phrase qu'il a prononcĂ©e Ă lâintention des âmensonges de La Hayeâ, comme il l'a exprimĂ© dans sa dĂ©claration. La signification de cette phrase ne sera pas Ă©vidente pour le grand public, car elle fait appel Ă des concepts chargĂ©s dans l'histoire et la mythologie biblique et sioniste.
La phrase elle-mĂȘme est tirĂ©e de Samuel I, 15:29. Le contexte est ici essentiel.
Le roi SaĂŒl a Ă©tĂ© blĂąmĂ© par le prophĂšte Samuel pour ne pas avoir complĂštement exterminĂ© les AmalĂ©cites - SaĂŒl avait Ă©pargnĂ© leur roi Agag et âle meilleur du petit et du gros bĂ©tailâ, que les IsraĂ©lites ân'Ă©taient pas disposĂ©s Ă anĂ©antir complĂštementâ. Selon la Bible, ce niveau d'anĂ©antissement n'Ă©tait pas suffisant et tĂ©moignait de la faiblesse supposĂ©e du roi SaĂŒl. C'est pourquoi le prophĂšte Samuel a rĂ©primandĂ© le roi biblique :
âPourquoi nâas-tu pas obĂ©i Ă la voix du Seigneur ? Il t'a envoyĂ© en campagne avec cet ordre prĂ©cis : âMaintenant donc, va ! Tu frapperas Amalec ; et vous devrez vouer Ă lâanathĂšme tout ce qui lui appartient. Tu mettras tout Ă mort : lâhomme comme la femme, lâenfant comme le nourrisson, le bĆuf comme le mouton, le chameau comme lâĂąne.ââ
SaĂŒl cherche Ă dĂ©fendre ses actes, mais Samuel dĂ©livre un message sans concession :
âTu as rejetĂ© les ordres de l'Eternel, c'est pourquoi l'Eternel te rejette aussi et te retire la royautĂ© sur IsraĂ«l.â
SaĂŒl cherche Ă se faire pardonner, mais Samuel lui adresse un message impĂ©nitent :
âC'est ainsi que l'Eternel t'arrache aujourd'hui la royautĂ© d'IsraĂ«l pour la donner Ă un autre qui est meilleur que toi. Sois-en certain : Celui qui est la gloire d'IsraĂ«l ne ment pas et ne se rĂ©tractera pas, car il n'est pas comme un ĂȘtre humain pour se rĂ©tracter.â
(souligné par l'auteur)
C'est la phrase que Netanyahou a utilisĂ©e Ă la fin de son discours en hĂ©breu en rĂ©action Ă la demande de la CPI. En d'autres termes, il fait savoir qu'il ne commettra pas la mĂȘme erreur que le roi SaĂŒl en n'Ă©radiquant pas complĂštement Amalek. Il ira jusqu'au bout Ă Gaza. Il continuera jusqu'Ă Rafah. Il âeffacera la semence d'Amalekâ, comme l'ont scandĂ© des soldats israĂ©liens en dĂ©cembre dernier.
Mais l'importance de ce verset ne réside pas seulement dans sa signification biblique : il a acquis une pertinence contemporaine dans l'histoire du sionisme, signifiant un défi contre les puissances en place. Les Israéliens le savent grùce à leurs cours d'histoire sioniste.
âNetzhah Israel lo yeshakerâ est l'acronyme de âNILIâ. Le NILI Ă©tait un rĂ©seau d'espionnage sioniste clandestin qui a fonctionnĂ© pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, entre 1915 et 1917. Ce groupe de collecte de renseignements travaillait pour les Britanniques contre les Ottomans, qui rĂ©gnaient encore sur la Palestine Ă l'Ă©poque. L'alliance du mouvement sioniste avec les Britanniques Ă ce moment critique de l'histoire a dĂ©bouchĂ© sur la tristement cĂ©lĂšbre dĂ©claration Balfour de 1917, qui promettait aux sionistes un âfoyer nationalâ en Palestine.
L'invocation par Netanyahou de âCelui qui est la gloire d'IsraĂ«l ne ment pasâ n'est pas seulement une rĂ©fĂ©rence biblique au danger de ne pas aller jusqu'au bout dans l'anĂ©antissement d'Amalek (qui, dans ce cas, sont les Palestiniens qui restent en Palestine), Il s'agit Ă©galement d'une rĂ©fĂ©rence historique Ă la dĂ©fiance du mouvement sioniste Ă l'Ă©gard du pouvoir lorsqu'il est dĂ©favorable Ă la cause sioniste, en suggĂ©rant qu'il peut ĂȘtre remplacĂ© d'une maniĂšre ou d'une autre (tout comme les Ottomans ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par les Britanniques, avec l'aide du NILI).
Netanyahou est passé maßtre dans l'art de la survie politique et de la manipulation rhétorique. Il sait comment s'adresser à son public, comment camoufler ses codes et tirer sur la corde sensible de ses partisans religieux-nationalistes en particulier, mais aussi de nombreux autres sionistes. Surtout, il a un sens aigu des échéances et sait exploiter l'opprobre international pour s'assurer un soutien local.
C'est ce qu'il semble faire aujourd'hui, avec le soutien de ses détracteurs habituels et de ses rivaux politiques. Rien n'unifie plus une nation que la guerre, et aujourd'hui, cette guerre est apparemment dirigée contre la CPI.
Quel individu terrifiant! La justice des hommes ne peut donc lâatteindreâŠIl est inutile dâattendre une quelconque foudre cĂ©leste, ceux qui lui succĂšderont seront peut-ĂȘtre pires que lui.
Ce que nous attendons, câest la fin du systĂšme que ces dĂ©mons servent.
Mais ça, câest pas demain la veille que cela se produiraâŠ.