👁🗨 Netanyahu passe à l'acte
Netanyahu a choisi son moment pour tenter le tout pour le tout et amener les États-Unis à se lancer dans une sorte de conflit consacrant une fois pour toute la suprématie d'Israël dans la région.
👁🗨 Netanyahu passe à l’acte
Par Patrick Lawrence, Spécial Consortium News, le 8 juillet 2024
Il est de notoriété publique que le projet sioniste a des visées territoriales étendues sur les terres connues sous le nom de Palestine depuis au moins le début du XXe siècle.
Comme d'autres l'ont affirmé, l'assaut ouvertement raciste des Israéliens contre les Palestiniens de Gaza ne doit pas être perçu comme une éruption soudaine de brutalité, un dérapage, mais comme la poursuite particulièrement barbare de la politique sioniste menée depuis plus d'un siècle.
Ainsi, l'invasion de Gaza depuis les événements du 7 octobre dernier ne doit pas être appréhendée de manière isolée. Les membres les plus pathologiquement détraqués du régime de Benjamin Netanyahu - notamment, mais pas seulement, Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Givr, les ministres des Finances et de la Sécurité nationale - n'ont jamais été frileux sur ce point.
Ils sont entièrement dévoués à la restauration d'Eretz Yisrael, la mystique Terre d'Israël, qui, diversement interprétée à travers les âges, pourrait s'étendre à l'extrême de la Mer Rouge jusqu'à la vallée de l'Euphrate.
Mais les ultras fanatiques auxquels Netanyahu doit sa survie politique ne sont pas encore allés assez loin pour concrétiser leurs visions en une politique structurée. Cette situation est-elle en train de changer ?
Telle est notre question, ainsi qu'une autre : le régime Biden - ou à ce stade son successeur - est-il prêt à “soutenir Israël”, comme les dirigeants américains aiment à le dire, si les rêves extrémistes de conquête violente se transforment en plans politiques et militaires réels et concrets ? Je suis convaincu depuis un certain temps, comme de nombreux Palestiniens, que lorsque les forces d'occupation israéliennes en auront fini avec Gaza, elles se tourneront ensuite vers la Cisjordanie. Sur ce point, je me corrige : les forces d'occupation israéliennes, en étroite collaboration avec les colons israéliens les plus brutaux, ont déjà commencé leur assaut en Cisjordanie.
Attaquer le Hezbollah
Ces derniers temps, les Israéliens ont également menacé ouvertement de lancer une attaque de grande envergure contre le Hezbollah, le courant politique et militaire qui contrôle le Sud-Liban. Cette menace doit elle aussi être analysée.
Douglas Macgregor, colonel à la retraite et commentateur avisé des affaires politico-militaires, n'a aucun mal à saisir que deux et deux font quatre. Il était la semaine dernière invité à “Judging Freedom”, l'émission d'Andrew Napolitano diffusée sur le web :
“Quoi qu'il se soit passé le 7 octobre, et je ne suis toujours pas convaincu qu'on n'ait pas voulu que cela se produise, [...] la décision d'attaquer Gaza n'a pas grand-chose à voir avec ce qui s'est passé le 7 octobre, mais tout à voir avec un plan stratégique à long terme visant à lancer le processus de nettoyage ethnique, d'expulsion ou d'assassinat, quel que soit le nom qu'on veuille lui donner, des Arabes de Gaza et, ensuite, des Arabes de Cisjordanie”.
Ces propos semblent justes, mais ne correspondent pas à la réalité émergente. Quelques minutes plus tard, lors de son échange avec Macgregor, Napolitano a diffusé un clip de Netanyahu s'adressant à une assemblée d'officiels, dont certains au moins sont américains, vendredi dernier :
“L'Iran nous attaque sur sept fronts. Évidemment, avec le Hamas et le Hezbollah. Les Houthis, les milices en Irak et en Syrie. La Judée et la Samarie en Cisjordanie. L'Iran lui-même.
“Ils aimeraient faire tomber la Jordanie. Leur objectif est de mener une offensive terrestre combinée à partir de leurs différents fronts, associée à des bombardements de missiles conjugués. Nous avons eu l'occasion de faire échouer ce projet. Et nous le ferons.
“Pour cela, il faut d'abord trancher cette main [il fait le geste de trancher son avant-bras droit], le Hamas. Ceux qui nous infligent ce genre de choses disparaîtront. La bataille sera longue, et je ne pense pas qu'elle dure si longtemps, mais nous nous en débarrasserons. Nous devons également faire obstacle aux autres éléments de l'axe terroriste iranien. Nous devons nous occuper de l'axe.
“L'axe ne menace pas que nous. Il vous menace vous aussi. Il est en train de conquérir le Moyen-Orient - conquérir le Moyen-Orient - le conquérir. Cela signifie conquérir l'Arabie saoudite, la Péninsule arabique, ce n'est qu'une question de temps. Et ce qui leur barre la route, c'est un petit Satan, c'est-à-dire nous, en route vers un Satan intermédiaire, c'est-à-dire les Européens - ils sont toujours offensés quand je leur dis cela - ‘C'est vous le grand Satan ! Et il nous faut y mettre un terme’”.
Pour autant que je sache - et il se peut que d'autres propos de ce type soient régulièrement tenus lors des réunions à huis clos du cabinet de M. Netanyahu - il s'agit là de la déclaration la plus explicite faite à ce jour par le Premier ministre israélien sur la manière dont l'Israël de l'apartheid conçoit le Moyen-Orient et la place qu'il y occupe. Le danger de cette vision saute aux yeux.
Dans un langage parfaitement clair, le gouvernement Netanyahu a effectivement annoncé que sa politique consiste à intensifier les agressions contre Gaza, les attaques croissantes de l'armée israélienne en Cisjordanie et les provocations d'Israël le long de la frontière méridionale du Liban. Même si ces déclarations reflètent la pression politique exercée par les extrémistes de son cabinet sur M. Netanyahou, la politique officielle va dans le même sens.
On observe déjà ce schéma dans les territoires de Cisjordanie. Comme l'a rapporté le New York Times la semaine dernière, les colons illégitimes, sous la protection de l'armée israélienne, ont déjà volé plus de terres aux Palestiniens que jamais depuis la signature des accords d'Oslo en 1993, généralement sous la menace des armes. Des sources cisjordaniennes rapportent que jusqu'à 9 000 Palestiniens ont été arrêtés depuis les événements d'octobre dernier - principalement de jeunes garçons et de jeunes hommes, ceux qui généralement sont susceptibles de former un mouvement de résistance armée.
C'est à mon avis la version cisjordanienne de l'assaut contre Gaza. Cette fois, pas de F-16, de chars ou d'artillerie lourde : le déploiement de ce type de moyens risquerait de générer une grave opprobre internationale. Non, la campagne de Cisjordanie sera menée de manière plus ou moins souterraine - une ferme ou une oliveraie par ci, un village ou un adolescent assassiné par là, bref, du grignotage d’un kilomètre de route après l’autre.
Les États-Unis et la suprématie israélienne
La guerre plus étendue, celle qui se déroule au-delà de la Cisjordanie, est bien sûr une autre paire de manches. Israël sait parfaitement qu'il est incapable de mener seul une “guerre sur sept fronts”, alors qu’il est actuellement en train d'échouer dans la bande de Gaza.
Netanyahu a choisi ce moment pour tenter d'entraîner les États-Unis dans une sorte de conflit unique qui ferait d'Israël le maître de la région - et menacerait donc instantanément d'être la guerre la plus dangereuse du monde - depuis Dieu sait quand.
Nous en arrivons à la deuxième des questions abordées précédemment. Si Netanyahu provoque sa guerre sur plusieurs fronts, le régime Biden ou l'administration qui le suivra continuera-t-il à offrir le “soutien inconditionnel” que les États-Unis ont accordé à Tel-Aviv pendant de nombreuses décennies ?
Cette question devrait en réalité être plus digne d'intérêt qu'elle ne l'est actuellement. Si Donald Trump récupère la Maison Blanche, les modestes restrictions de Washington aujourd'hui - alors que les barbaries à Gaza se poursuivent - disparaîtront. Mais qu'en est-il de Biden, dans l'hypothèse très improbable où il se présenterait en novembre, et dans l'hypothèse infiniment moins probable où il gagnerait ? Qu'en est-il d'un successeur démocrate qui battrait Trump ?
Il y a deux semaines, alors que les choses s'envenimaient à la frontière sud du Liban, Biden a dit à Netanyahu - ou dit qu'il a dit à Netanyahu - que si Israël envahit le Sud-Liban, il le fera sans le soutien des États-Unis. Une autre ligne rouge, semble-t-il. Biden en a tracé autant qu'il y a de rayures sur Old Glory [surnom donné au drapeau des États-Unis].
Netanyahu fait preuve d'une assurance scandaleusement décomplexée pour décrire une guerre de grande ampleur bien au-delà des capacités d'Israël. N’oublions pas non plus le pouvoir qu'exerce le lobby israélien à Washington, notamment sur M. Biden, qui a reçu plus de fonds de l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) - plus de 4 millions de dollars rien qu'au cours de ses années au Sénat - que n'importe quel autre élu.
À la fin du mois dernier, la marine américaine a procédé à l'une de ces opérations logistiques discrètes qui semblent parfois en révéler plus que voulu. Elle a dépêché un navire d'assaut amphibie, l'USS Wasp, dans les eaux de la Méditerranée orientale, au large des côtes libanaises. Parmi ses autres capacités, le Wasp est conçu pour gérer des évacuations à grande échelle.
Mais un responsable américain a déclaré à Associated Press, sur un ton légèrement défensif qu’“Il ne s'agit que de dissuasion”, laissant entendre que le déploiement fait partie des tentatives diplomatiques de Washington pour prévenir une guerre risquée entre Israël et le Hezbollah.
Mais attendez la suite. Qui le Wasp est-il censé dissuader au juste ? Ni le Hezbollah ni l'Iran ne veulent d'une guerre avec Israël, pas plus que les États-Unis ne la souhaitent. La dissuasion n'est donc pas nécessaire.
Et ce n'est pas un navire au large des côtes libanaises qui va dissuader Israël : ce navire est clairement destiné à encourager “l'État juif” dans ses tentatives d'entraîner les États-Unis dans la grande guerre qu'il souhaite déclencher.
Bien qu'un navire à proximité des eaux libanaises ne soit pas le signe d'un nouvel engagement grandiose dans une nouvelle guerre de grande envergure - ne surinterprétons pas - le message semble clair : nous ne voulons pas d'une nouvelle guerre, Bibi, mais si tu en provoques une, eh bien, nous devrons être là pour toi, “aux côtés d'Israël”.
Je l'ai déjà souligné, mais cela vaut toujours la peine d'être répété : Israël est aux prises avec un monstre à la Frankenstein, et il y a peu de chances que quelqu'un à Washington ait l'intelligence et le courage de se débarrasser de ce monstre et de le faire disparaître.
Washington n'aura ni l'intelligence ni le courage de débrancher.
Quel que soit le danger que le régime de Netanyahu fait courir au Moyen-Orient, les États-Unis risquent précisément de devoir y faire face.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est chroniqueur, essayiste, conférencier et auteur, plus récemment de Journalists and Their Shadows, disponible auprès de Clarity Press. Parmi ses autres ouvrages, citons Time No Longer : Americans After the American Century. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré.
https://consortiumnews.com/2024/07/08/patrick-lawrence-netanyahu-goes-for-broke/