👁🗨 “Nous reconstruirons nos vies à partir de zéro”
Retrouver un semblant de normalité est une tâche colossale après une guerre génocidaire. La détermination dont font preuve les gens sur la route du retour montre qu'ils sont déjà engagés dans ce défi.
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👁🗨 “Nous reconstruirons nos vies à partir de zéro”
Par Fedaa al-Qedra pour The Electronic Intifada, le 2 février 2025
Ahmad Ridwan pousse le fauteuil roulant de son grand-père Saadi, âgé de 88 ans, tout en portant un sac contenant des vêtements et quelques autres affaires.
Ils rentrent au camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza, après plus d'un an de déplacement forcé.
Ahmad, 27 ans, a l'air épuisé.
Ils sont partis de la zone de Nuseirat, au centre de Gaza, tôt le matin. Ahmad a dû marcher une quinzaine de kilomètres avant d'arriver à destination.
“La route est difficile et accidentée”, a déclaré Ahmad à The Electronic Intifada. “Les rues [le long du chemin] ont été détruites, et il y avait beaucoup de gravats et de cratères très profonds causés par les frappes aériennes”.
Mais “nous sommes bien décidés à poursuivre notre route et à rejoindre notre maison”, a-t-il ajouté.
Avant d'être déplacés, Ahmad et sa famille vivaient dans un immeuble de cinq étages. Israël ayant dévasté Jabaliya, ce bâtiment a été gravement endommagé.
“Je suis heureux parce que nous pouvons restaurer deux pièces pour y vivre”, a-t-il déclaré. “C'est tellement mieux que de vivre dans une tente”.
“La situation est vraiment très difficile”, a-t-il ajouté. “L'ampleur des destructions est inimaginable. On peut dire qu'il n'y a plus aucun service - pas d'eau, pas d'électricité, pas d'égouts. Mais pour nous, pouvoir retourner dans le nord du pays signifie beaucoup. Nous allons reconstruire nos vies à partir de zéro”.
Lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur le 19 janvier, Saadi, le grand-père d'Ahmad, a insisté pour que la famille rentre vite à Jabaliya. En retardant le voyage, ils prolongeraient leur déplacement, selon Saadi, car il craignait que le cessez-le-feu ne tienne pas.
Enfant, Saadi a été chassé de sa maison lors de la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine entre 1947 et 1949. Comme il n'a jamais été autorisé à y retourner, il était catégorique sur le fait que ce déplacement du XXIe siècle devait cesser.
Israël n'a autorisé les Palestiniens déplacés à retourner dans le nord de Gaza que plus d'une semaine après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. Depuis, des centaines de milliers de personnes sont rentrées chez elles à Gaza.
“Une peine immense”
Abu Qusay, un infirmier de 38 ans, est l'un d'entre eux.
“Je ne quitterai plus jamais ma maison, quoi qu'il arrive”, a-t-il déclaré. “Je préfère y rester et y mourir plutôt que d'être à nouveau déplacé, peu importe le danger”.
“Malgré les destructions massives à Gaza, le sentiment de revenir et de retrouver ses proches est indescriptible”, a-t-il ajouté.
Beaucoup ont entrepris le voyage alors que leurs maisons dans le nord de Gaza ont été détruites.
Muhammad al-Dali, 38 ans, a marché avec sa mère, sa femme et quatre de leurs filles.
“Nous n’avons plus de maison où revenir”, a-t-il déclaré. “Je ne sais pas quoi faire au milieu de tout ce chaos. Tout ce que nous voulons, tout ce qui nous préoccupe, c'est de retourner dans le nord”.
Si tous à Gaza ont vécu des horreurs au cours des 15 derniers mois, l'expérience d'Aya Hassouna a été particulièrement traumatisante.
Après avoir fui le nord de Gaza pour le sud, la tente dans laquelle sa famille s'est réfugiée a été attaquée par Israël. Le mari de Aya, Abdallah al-Susi, journaliste, et leurs enfants, Hamza et Raghad, âgés respectivement de 4 et 2 ans, ont été tués lors d'une attaque israélienne au mois d'août.
Aya est retournée seule dans le nord.
“Je suis bouleversée à l'idée de rentrer seule, sans mon mari et mes enfants”, a-t-elle confié.
Elle espère que les retrouvailles avec ses parents soulageront un peu sa détresse.
Gaza est en ruines. Plus de 50 millions de tonnes de décombres doivent être évacuées. Selon une estimation des Nations unies, cela pourrait prendre deux décennies.
Outre tous les dégâts qui devront être réparés, la population de Gaza doit essayer de faire face à un degré infini de souffrance et de stupeur.
Retrouver ne serait-ce qu'un semblant de normalité est une tâche gigantesque après une guerre génocidaire. La détermination dont font preuve les gens sur la route du retour indique qu'ils se sont déjà engagés dans ce défi.
* Fedaa al-Qedra est journaliste à Gaza.
https://electronicintifada.net/content/we-will-rebuild-our-lives-scratch/50356