đâđš Oreshnik, le scĂ©nario Ă 3 km/seconde
Il reste encore prÚs de deux mois d'une administration américaine complÚtement détraquée au pouvoir. Et la démence congénitale de l'OTAN laisse penser que l'escalade va se poursuivre.
đâđš Oreshnik, le scĂ©nario Ă 3 km/seconde
Par Pepe Escobar, le 22 novembre 2024
Il n'y a rien Ă voir. Juste une dĂ©monstration hypersonique. Enfin, pas vraiment. L'AmĂ©ricain moyen n'est capable de comprendre le monde (en quelque sorte) qu'Ă travers les films. Revenons donc Ă un classique : la sĂ©quence d'ouverture d'Apocalypse Now de Coppola - le pendant de la guerre du ViĂȘt Nam dâAu CĆur des tĂ©nĂšbres de Joseph Conrad, qui se dĂ©roule au Congo.
Dans ce film, le capitaine Willard (Martin Sheen) est Ă peine capable de bafouiller un soliloque d'ivrogne, seul dans sa chambre Ă Saigon. Il attend son affectation : une mission spĂ©ciale jusqu'au cĆur des tĂ©nĂšbres (reprĂ©sentĂ© dans le film par l'incursion amĂ©ricaine illĂ©gale et le bombardement aveugle du Cambodge).
Willard, dans la V.O., murmure Ă peine : âChaque minute passĂ©e dans cette piĂšce m'affaiblit et Charlie devient plus fortâ. Charlie, dans la jungle, c'est ainsi que les GI amĂ©ricains dĂ©signaient les ViĂȘt-congs.
De la âguerre amĂ©ricaineâ - comment les Vietnamiens s'y rĂ©fĂšrent - Ă la guerre par procuration des Ătats-Unis et de l'OTAN en Ukraine, il n'y a qu'un pas.
L'empire amĂ©ricain est dĂ©sormais un capitaine ivre qui fait face Ă la jungle (rĂ©organisĂ©e), comme l'a qualifiĂ© ce stupide Espagnol Borrell, le âchefâ sortant de la politique Ă©trangĂšre de l'UE. Chaque minute que le capitaine passe dans son jardin dĂ©crĂ©pit - l'Ă©quivalent d'une chambre miteuse Ă Saigon - Charlie, dans la jungle, devient plus fort.
Ce qui est encore plus inquiĂ©tant, c'est que Charlie n'est plus le ViĂȘt-cong. Charlie, c'est la Russie nuclĂ©aire et hypersonique.
Captain America pensait intimider Charlie le Russe en lui donnant l'âautorisationâ, Ă©manant directement de l'Ătat profond, d'attaquer des cibles Ă l'intĂ©rieur de la FĂ©dĂ©ration de Russie Ă l'aide d'ATACMS.
De telles attaques se sont dĂ©jĂ produites dans le passĂ© sur les nouveaux territoires de la Russie. NĂ©anmoins, deux nouvelles attaques ont Ă©tĂ© lancĂ©es aprĂšs l'âautorisationâ, contre Koursk et Briansk, l'une avec des ATACMS, et l'autre avec un Storm Shadows.
Puis vint l'inévitable réponse russe. Qu'est-ce que cela signifie ? De nouveaux missiles hypersoniques multiples ? Zeus ? Superman ?
Le vice-prĂ©sident du Conseil de sĂ©curitĂ©, Dimitri Medvedev âle dĂ©chaĂźnĂ©â, n'a pas pu rĂ©sister Ă un petit coup de troll concis: âAlors, c'est ce que vous vouliez ? Eh bien, vous l'avez sacrĂ©ment bien eu !â
Comme on pouvait s'y attendre, les rats de l'Occident collectif se sont prĂ©cipitĂ©s dans tous les sens aprĂšs avoir assistĂ© Ă ce qui a d'abord Ă©tĂ© interprĂ©tĂ© comme une dĂ©monstration d'un âlot d'ogives conventionnellesâ RS-26.
Puis le président Poutine s'est exprimé.
Principales observations : les armes occidentales Ă longue portĂ©e ont Ă©tĂ© utilisĂ©es contre la Russie, qui a ripostĂ© avec le nouveau systĂšme balistique hypersonique Ă moyenne portĂ©e âOreshnikâ contre l'usine Yuzhmash Ă Dnipropetrovsk. En outre, l'utilisation d'armes Ă longue portĂ©e par l'ennemi ne peut affecter le dĂ©roulement de l'OpĂ©ration Militaire SpĂ©ciale (OMS).
Mais voici le message clé que Poutine a transmis aux Américains, à l'OTAN et à l'ensemble de l'Occident :
âNous procĂ©dons Ă des essais au combat du systĂšme de missiles Oreshnik en rĂ©ponse aux actions agressives des pays de l'OTAN Ă l'encontre de la Russie. La question de la poursuite du dĂ©ploiement des missiles de moyenne et de courte portĂ©e sera dĂ©cidĂ©e par nous, en fonction des actions des Ătats-Unis et de leurs filiales. Les cibles Ă dĂ©truire lors des nouveaux essais de nos systĂšmes de missiles les plus rĂ©cents seront dĂ©terminĂ©es par nous en fonction des menaces qui pĂšsent sur la sĂ©curitĂ© de la FĂ©dĂ©ration de Russie. Nous nous considĂ©rons autorisĂ©s Ă utiliser nos armes contre les installations militaires des pays qui autorisent l'utilisation de leurs armes contre nos installations. Et en cas d'escalade des actions agressives, nous rĂ©pondrons Ă©galement de maniĂšre dĂ©cisive et en miroir. Je recommande aux Ă©lites dirigeantes des pays qui envisagent d'utiliser leurs contingents militaires contre la Russie d'y rĂ©flĂ©chir Ă deux foisâ.
Monsieur, prendrez vous de la salade de noisettes ?
L'interprétation initiale de cette action qui a de facto changé la donne est la suivante : la Russie a lancé un seul missile mobile de type RS-26 Rubezh contre l'usine de production de missiles Yuzhmash à Dnepropetrovsk, équipé de six ogives indépendantes, non nucléaires (les italiques sont de moi), chacune déployant à son tour d'autres ogives (appelons cela 6x6 = 36).
VoilĂ qui a changĂ© en soi lââessenceâ de la guerre en Ukraine, comme Poutine lui-mĂȘme l'a prĂ©cĂ©demment formulĂ© Ă propos de âl'autorisationâ des attaques par ATACMS.
Le discours de Poutine a Ă©tabli que la Russie utilise en fait un tout nouveau missile de moyenne portĂ©e (1 000 Ă 3 000 km), l'Oreshnik [Noisette en français]. MĂȘme les responsables amĂ©ricains ont admis qu'il s'agit d'un systĂšme âexpĂ©rimentalâ, ce qui implique qu'ils en connaissent l'existence.
Poutine lui-mĂȘme a Ă©galement parlĂ© de âtests de combatâ. Ce qui est Ă©tabli au-delĂ de tout test, selon les propres termes de Poutine, c'est que âNoisetteâ peut ĂȘtre expĂ©diĂ© en cadeau Ă n'importe quelle cible dans l'ensemble des pays de l'OTAN.
Oreshnik est un missile aussi redoutable que possible. Il peut atteindre le Royaume-Uni en 19 minutes seulement, Bruxelles en 14, Berlin en 11 et Varsovie en 8 minutes. Et, bien sĂ»r, se dĂ©plaçant Ă plus de Mach 10, il ne peut tout simplement pas ĂȘtre interceptĂ© par l'arsenal collectif de l'Occident. Y compris celui des Ătats-Unis.
Sa puissance destructrice considĂ©rable est une Ă©vidence - dĂ©jĂ garantie par le facteur surprise : on ne sait ce qui nous frappe qu'aprĂšs avoir Ă©tĂ© frappĂ© (peut-ĂȘtre). L'une des options possibles est qu'Oreshnik a ciblĂ© des ateliers souterrains secrets Ă Yuzhmash, oĂč l'OTAN a envoyĂ© des Ă©quipements et des piĂšces pour des missiles balistiques de courte portĂ©e (500 km Ă 1 500 km).
Dans ses quatre livres et sur son blog, le trĂšs incontournable Andrei Martyanov a clairement Ă©tabli que âla Russie dispose d'une supĂ©rioritĂ© Ă©crasante en matiĂšre d'escalade conventionnelleâ par rapport Ă l'HĂ©gĂ©mon. Alors, oui : ce test d'un IRCM (missile conventionnel) dotĂ© d'un MIRV (Multiple Independent Reentry Vehicle) hypersonique n'est peut-ĂȘtre qu'une dĂ©monstration, un avant-goĂ»t de ce qui nous attend.
Selon M. Martyanov, âl'OTAN n'a pas la moindre capacitĂ© d'arrĂȘter les tirs Ă longue portĂ©e de la Russieâ. Il se trouve que la âdĂ©monstrationâ est Ă©galement associĂ©e Ă une nouvelle tentative de faire de la guerre une affaire relativement civile : Moscou avertira les civils de l'imminence d'une frappe de l'Oreshnik. Ceux qui ne partiront pas le feront Ă leurs risques et pĂ©rils.
Comme l'a fait remarquer Martyanov, âil ne s'agit plus seulement dâOpĂ©ration militaire spĂ©cialeâ. En effet, depuis un certain temps, nous avons dĂ©passĂ© le stade de l'opĂ©ration militaire spĂ©ciale : il s'agit d'une guerre ouverte entre l'OTAN et la Russie. AggravĂ©e par le fait que les Ă©lites dirigeantes de l'HĂ©gĂ©mon sont congĂ©nitalement incapables d'arrĂȘter l'escalade.
MĂȘme la dĂ©monstration d'Oreshnik n'arrĂȘtera pas l'escalade. Selon le scĂ©nario plausible, les services de renseignements militaires amĂ©ricains ont appris l'imminence d'un tir de missile balistique russe de moyenne portĂ©e et en ont informĂ© Kiev et l'OTAN. Moscou a alors averti les Ătats-Unis 30 minutes avant la frappe (c'est la norme, pour Ă©viter les malentendus nuclĂ©aires). Les AmĂ©ricains l'ont non seulement confirmĂ©e, mais ont soulignĂ© qu'il n'y avait aucun risque d'attaque nuclĂ©aire russe contre Kiev, ni aujourd'hui ni dans un avenir prĂ©visible.
Oreshnik est en fait une démonstration tacite que la Russie se passe de la puissance nucléaire pour résoudre tout problÚme sur le théùtre de guerre ukrainien.
Partons donc du principe que l'escalade a été maßtrisée - pour l'instant. Pourtant, il reste encore prÚs de deux mois d'une administration américaine complÚtement détraquée au pouvoir. La démence congénitale de l'OTAN laisse penser que l'escalade se poursuivra. La différence est toutefois stratosphérique : désormais, ils ne savent pas si l'Oreshnik de la carte de visite portera ou non une charge nucléaire.
MalgrĂ© toute la dĂ©bilitĂ© intrinsĂšque de l'administration actuelle - sortante -, les AmĂ©ricains qui ne comprennent le monde qu'Ă travers des films ont peut-ĂȘtre oubliĂ© que c'est Trump 1.0 qui a retirĂ© les Ătats-Unis du traitĂ© sur les forces nuclĂ©aires Ă portĂ©e intermĂ©diaire (FNI), en 2019. Si les Ătats-Unis y Ă©taient restĂ©s, la Russie n'aurait pas pu dĂ©velopper ni utiliser l'Oreshnik.
Mais maintenant, c'est l'heure de la salade de noisettes pour tous. Un excellent moyen de réguler la tension artérielle.
Excellent Pepe Escobar, de « casse noisette » à « good mooooorning Ukrainia! » la course folle Ă la MAD Max se poursuit mais, lâHegemon persiste et signe! âŠ.đąđ đđ đđŁ!....