đâđš Parquer les Palestiniens de Gaza dans un camp Ă Rafah est un crime contre lâhumanitĂ©
Le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Eyal Zamir, chef d'Ă©tat-major des FDI, a dĂ©clarĂ© que ce plan ne sâinscrit pas dans les objectifs opĂ©rationnel de l'armĂ©e de dĂ©truire le Hamas et libĂ©rer les derniers otages.
đâđš Parquer les Palestiniens de Gaza dans un camp Ă Rafah est un crime contre lâhumanitĂ©
Par James Sweeney, Université de Lancaster, le 11 juillet 2025
Les Forces de dĂ©fense israĂ©liennes (FDI) refusent de mettre en Ćuvre un plan du gouvernement consistant Ă dĂ©placer des centaines de milliers de Palestiniens dans une âville humanitaireâ Ă Rafah, Ă la frontiĂšre sud de Gaza avec l'Ăgypte. Le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Eyal Zamir, chef d'Ă©tat-major des FDI, a dĂ©clarĂ© que ce plan ne sâinscrit pas dans les objectifs opĂ©rationnel de l'armĂ©e de dĂ©truire le Hamas et libĂ©rer les derniers otages.
Des rĂ©servistes de l'armĂ©e se sont Ă©galement plaints que ce plan constitue un crime de guerre. D'aprĂšs mon expertise en droit international, ces rĂ©servistes ont raison. Le transfert forcĂ© d'une population est interdit, mĂȘme en temps de guerre. Il s'agit Ă©galement d'un crime contre l'humanitĂ© qui, dans certaines circonstances, peut mĂȘme constituer un gĂ©nocide.
Certains éléments historiques importants doivent néanmoins retenir notre attention avant toute analyse juridique.
Les crimes contre l'humanité ont été jugés pour la premiÚre fois lors des procÚs de Nuremberg, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au cours desquels les principaux responsables nazis survivants ont été jugés. à cette époque, la notion de crime de guerre était clairement établie, mais elle concernait principalement les actes à ne pas commettre à l'encontre de la population civile ennemie.
Toutefois, les pires atrocités commises par les nazis ont été perpétrées contre leur propre peuple : les Juifs allemands (et beaucoup d'autres encore). La notion de crimes contre l'humanité a été créée pour pallier cette lacune et permettre de poursuivre en justice leurs auteurs.
Conditions requises Ă la qualification de âcrime contre l'humanitĂ©â
Les crimes contre l'humanitĂ© constituent une catĂ©gorie qui regroupe plusieurs crimes distincts. Si les conditions requises sont rĂ©unies, on peut parler de âcrime contre l'humanitĂ© pour meurtreâ ou de âcrime contre l'humanitĂ© pour violâ. Ces crimes doivent avoir lieu dans le contexte d'une attaque âgĂ©nĂ©ralisĂ©e ou systĂ©matiqueâ contre une population civile.
L'attaque n'a pas nĂ©cessairement lieu d'ĂȘtre une attaque armĂ©e au sens littĂ©ral : l'apartheid, par exemple, a Ă©tĂ© reconnu comme crime contre l'humanitĂ© en 1973, en rĂ©ponse aux politiques du gouvernement sud-africain. Il n'est pas non plus nĂ©cessaire qu'il y ait conflit armĂ© pour qu'un crime spĂ©cifique soit considĂ©rĂ© comme un crime contre l'humanitĂ©.
La catégorie des crimes contre l'humanité comprend notamment la « déportation et le transfert forcé » (voir l'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale).
C'est exactement ce Ă quoi risque de mener le projet du gouvernement israĂ©lien de dĂ©placer les Palestiniens vers une âville humanitaireâ. Si le projet se limitait Ă laisser les Palestiniens de Gaza Ă Rafah, il s'agirait d'un âtransfert forcĂ©â. S'ils Ă©taient dĂ©placĂ©s vers un autre pays, il s'agirait d'une âdĂ©portationâ.
La coercition est une composante essentielle du crime de transfert forcĂ©. Il est illusoire de croire que tous les habitants de Gaza aspirent Ă s'installer Ă Rafah, oĂč ils seraient soumis Ă des contrĂŽles de sĂ©curitĂ© Ă l'entrĂ©e et interdits de sortie par la suite.
Comment envisager la crĂ©ation d'une ville viable, dotĂ©e de toutes les infrastructures nĂ©cessaires ? Que deviendraient les dentistes, les mĂ©decins, les enseignants, les avocats, les mĂ©caniciens, les entrepreneurs et tous ceux qui gagnent honnĂȘtement leur vie ? Leur donnerait-on vraiment un environnement propice Ă l'exercice de leur mĂ©tier ?
Nettoyage ethnique
L'expression ânettoyage ethniqueâ est parfois utilisĂ©e pour dĂ©crire les agissements du gouvernement israĂ©lien. Je n'aime pas ce terme, car il n'a aucune valeur juridique. Il est devenu courant durant le conflit des annĂ©es 1990 en ex-Yougoslavie, lorsque les Serbes, et dans certains cas les Croates, ont expulsĂ© des centaines de milliers de personnes d'autres ethnies du territoire sous leur contrĂŽle.
Le prĂ©sident de l'ancienne Yougoslavie, Slobodan MiloĆĄeviÄ, ainsi qu'une sĂ©rie de dirigeants serbes et croates de Bosnie, ont Ă©tĂ© accusĂ©s de crimes contre l'humanitĂ© par le Tribunal pĂ©nal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) pour cette pratique.
MiloĆĄeviÄ est mort avant que le TPIY ne rende son verdict dans son procĂšs, mais de nombreux autres suspects ont Ă©tĂ© reconnus coupables. Les opĂ©rations des forces serbes bosniaques dans la ville de Srebrenica ont mĂȘme Ă©tĂ© qualifiĂ©es par le TPIY dâacte de gĂ©nocide, car elles ne se sont pas limitĂ©es Ă l'expulsion des non-Serbes, mais aussi Ă leur extermination : en juillet 1995, environ 8 000 hommes et garçons ont ainsi Ă©tĂ© tuĂ©s en l'espace de quelques jours.
Tout dĂ©pendra des conditions de vie des Palestiniens dans la âville humanitaireâ. Si les conditions de vie y sont telles que les habitants en sont rĂ©duits Ă mourir de faim ou de maladie, cela Ă©quivaudra Ă un acte de gĂ©nocide.
Justice et responsabilités
La rĂ©installation forcĂ©e des Gazaouis dans une âville humanitaireâ constituerait clairement une violation du droit international. En revanche, les modalitĂ©s de poursuite des instigateurs de cette mesure sont moins claires.
La Cour pĂ©nale internationale (CPI) a dĂ©jĂ Ă©mis des mandats d'arrĂȘt Ă l'encontre du Premier ministre israĂ©lien, Benjamin Netanyahu, et de son ancien ministre de la DĂ©fense, Yoav Gallant. Cependant, la CPI ne dispose pas de force de police internationale et dĂ©pend donc des Ătats participants pour arrĂȘter les suspects en son nom. La Hongrie a accueilli Netanyahu en avril dernier, tout en annonçant son retrait de la CPI.
Cette semaine, Netanyahu s'est rendu Ă Washington DC pour rencontrer Donald Trump, mais n'a pas Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, car les Ătats-Unis ne reconnaissent pas la CPI. Durant sa visite, Netanyahu a annoncĂ© la nomination de Trump au prix Nobel de la paix.
L'Afrique du Sud a Ă©galement tentĂ© de traduire l'Ătat d'IsraĂ«l devant la Cour internationale de justice, l'accusant de crime de gĂ©nocide. La Cour n'a pas encore statuĂ©, se contentant de dĂ©clarer que des actes de gĂ©nocide ont vraisemblablement Ă©tĂ© commis Ă Gaza.
Depuis l'attaque lancĂ©e par le Hamas contre IsraĂ«l le 7 octobre 2023, des violences constantes et des massacres ont lieu dans la rĂ©gion. Cependant, la âville humanitaireâ proposĂ©e ne me semble pas lĂ©gitime pour parvenir Ă la paix et Ă la stabilitĂ©. Quant Ă ceux qui doivent rĂ©pondre de leurs actes devant la justice, il n'existe tout simplement pas de consensus international en faveur de leur condamnation. Et rien n'indique qu'un tel consensus se dĂ©gagera dans un avenir proche, dans le climat actuel.
Traduit par Spirit of Free Speech
* James Sweeney, professeur Ă la Lancaster Law School, Lancaster University
https://www.juancole.com/2025/07/concentrate-palestinians-humanity.html
Un jour, je vengerai les morts de ce crime atroce!