đâđš Partie dâĂ©checs diplomatique avec le pion ukrainien
à Istanbul, une porte s'est ouverte aprÚs une série d'intrigues dignes d'un feuilleton entre Londres, Paris, Berlin & Kiev. Que va pouvoir faire Trump pour répondre aux préoccupations de la Russie ?

đâđš Partie dâĂ©checs diplomatique avec le pion ukrainien
Par Patrick Lawrence pour Consortium News, le 16 mai 2025
Comme on pouvait s'y attendre, les pourparlers d'Istanbul n'ont pas donnĂ© grand-chose cette semaine. Les dĂ©lĂ©gations ukrainienne et russe se sont rĂ©unies dans le but officiel d'explorer les possibilitĂ©s d'un rĂšglement nĂ©gociĂ© de la guerre par procuration provoquĂ©e par les Ătats-Unis il y a trois ans.
Les participants eux-mĂȘmes ne s'attendaient pas Ă ce que leurs discussions aboutissent Ă quoi que ce soit d'utile.
AprĂšs moins de deux heures de nĂ©gociation, les deux parties ont seulement convenu de poursuivre les discussions sur des questions secondaires : un Ă©change de prisonniers et un cessez-le-feu de 30 jours â un cessez-le-feu que Kiev et ses soutiens occidentaux ont refusĂ© pendant des annĂ©es, mais qu'ils sont dĂ©sormais prĂȘts Ă mettre en Ćuvre Ă tout prix.
Il n'y a pas eu de discussion sur un accord de fin à la guerre, ni d'accord final autre que celui de poursuivre les négociations. Et la rencontre n'a pas été sans moments d'acrimonie.
Des pourparlers pour nĂ©gocier d'autres pourparlers, c'est peu, mais ce n'est pas rien. Les deux parties se sont rencontrĂ©es pour la premiĂšre fois depuis mars 2022, lorsqu'un mois aprĂšs le dĂ©but de la guerre, elles se sont rĂ©unies Ă Istanbul et ont nĂ©gociĂ© un projet de document qui aurait mis fin aux combats â jusqu'Ă ce que Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, soit venu saboter l'accord afin de poursuivre la guerre.
On ne peut feindre la surprise ou la déception. Il était évident, durant une semaine de gesticulations incessantes, que le régime de Kiev et les puissances européennes qui se sont récemment chargées de le manipuler n'ont pas la moindre envie d'entamer des négociations substantielles avec la Fédération de Russie.
Non, pour les Britanniques, les Français, les Allemands et leur mandataire à Kiev, l'impératif avant la rencontre d'Istanbul vendredi était avant tout de se montrer sincÚrement attachés aux négociations autour d'une table en acajou, tout en entravant les prémices d'un rÚglement diplomatique.
Dans ce domaine, les Européens ont échoué, du moins pour l'instant.
Trump prend le relais
Le prĂ©sident Donald Trump les a en effet Ă©cartĂ©s lorsqu'il a rĂ©pondu, de maniĂšre positive et Ă©nergique, Ă l'offre inattendue du prĂ©sident Vladimir Poutine d'ouvrir des pourparlers. Trump a insistĂ©, en majuscules comme Ă son habitude, pour que Volodymyr Zelensky, le prĂ©sident ukrainien, oublie le cessez-le-feu et ouvre des nĂ©gociations âIMMĂDIATEMENT !â
Les Britanniques, les Français et les Allemands, qui ont pris le relais de Zelensky depuis l'arrivĂ©e au pouvoir de Trump en janvier, semblent avoir Ă©tĂ© Ă©cartĂ©s. Mais les pourparlers de vendredi ont peu de chances de marquer la fin de leurs efforts pour faire perdurer la guerre et empĂȘcher tout accord, mĂȘme s'ils prĂ©tendent exactement le contraire.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et l'Allemand Friedrich Merz ont donné le coup d'envoi le week-end dernier en se rendant à Kiev pour un sommet organisé à la hùte avec Zelensky. à leur arrivée, les dirigeants britannique, français et allemand ont lancé un ultimatum : Moscou doit accepter un cessez-le-feu de 30 jours avant le lundi 12 mai, sinon les Européens imposeront une série de nouvelles sanctions punitives à la Russie.
Ce fut le lever de rideau d'une piÚce de théùtre bien médiocre. Comme l'a fait remarquer John Whitbeck, avocat international résidant à Paris sur son blog privé, Moscou ne pouvait que refuser cette offre donnant l'impression que les Européens font tout pour la paix, mais que les Russes restent déterminés à faire la guerre.
C'est alors que le spectacle a commencĂ©. Poutine, dans une rĂ©ponse quasi immĂ©diate donnĂ©e tard dans la nuit depuis le Kremlin, a accordĂ© Ă l'ultimatum Starmer-Macron-Merz toute l'attention qu'il mĂ©ritait â c'est-Ă -dire aucune â et a pris les EuropĂ©ens et Kiev Ă contre-pied en proposant que Kiev et Moscou entament des nĂ©gociations Ă Istanbul le jeudi.
Ă ce stade â la chronologie a Ă©tĂ© largement rapportĂ©e â, Zelensky a poursuivi son manĂšge. La proposition russe n'Ă©tait que du vent : voici son coup d'envoi. (Vous voyez ce que je veux dire par âamusementâ ?) âBon, j'accepte les pourparlers Ă Istanbul, mais j'insiste pour un sommet avec Poutine en personneâ. Poutine a Ă©galement ignorĂ© cette demande, comme sây attendaient Zelensky et ses commanditaires. D'abord un cessez-le-feu, encore une idĂ©e que Kiev et ses commanditaires ont jetĂ©e aux orties.
C'est l'intervention de Trump qui a mis fin aux lubies européennes. AprÚs les déclarations du président américain à la presse et sur les réseaux sociaux, l'acteur ukrainien devenu président a finalement accepté d'envoyer une délégation de responsables de Kiev, conduite par le ministre de la Défense Rustem Umerov, pour rencontrer une délégation russe dirigée par Vladimir Medinsky, un éminent conseiller du président russe.
Vendredi en fin d'aprĂšs-midi, les dĂ©lĂ©gations russe et ukrainienne ont toutes deux annoncĂ© avoir convenu de reprendre les pourparlers, mais pour l'instant uniquement sur la question du cessez-le-feu. âNous sommes prĂȘts Ă poursuivre le dialogueâ, a dĂ©clarĂ© M. Medinsky lors d'une confĂ©rence de presse aprĂšs la rĂ©union.
On peut toutefois en dire un peu plus sur cette rencontre. Dans un article publié vendredi soir, The Telegraph cite Medinsky qui aurait déclaré aux Ukrainiens assis de l'autre cÎté de la table de négociation en forme de U :
âNous ne voulons pas la guerre, mais nous sommes prĂȘts Ă nous battre pendant un an, deux ans, trois ans, aussi longtemps qu'il le faudra. Nous avons combattu la SuĂšde pendant 21 ans. Combien de temps ĂȘtes-vous prĂȘts Ă vous battre ?â
Medinsky faisait référence à ce que les Russes appellent la Grande Guerre du Nord, que la Russie a menée contre l'Empire suédois durant le rÚgne de Pierre le Grand, de 1700 à 1721.
Et voilĂ , aprĂšs une sĂ©rie de manĆuvres dignes d'un feuilleton Ă Londres, Paris, Berlin et Kiev, la porte est enfin entrebĂąillĂ©e.
N'oublions pas les accords de Minsk

Mon analyse des événements de la semaine me ramÚne aux protocoles de Minsk, que Moscou a négociés il y a dix ans avec Kiev, Paris et Berlin.
Signés en septembre 2014 et février 2015, ces protocoles engageaient l'Ukraine à adopter une nouvelle constitution accordant une autonomie considérable aux provinces russophones de l'est du pays. Kiev et Moscou les ont signés, la France et l'Allemagne se portant cosignataires pour soutenir le premier.
Kiev a ignoré les accords de Minsk dÚs le premier jour. Et, comme cela a été largement rapporté à l'époque, les Français et les Allemands ont par la suite reconnu qu'ils n'avaient cosigné ces accords que pour laisser à l'Ukraine le temps de se réarmer afin de pouvoir continuer à attaquer les provinces orientales et préparer la guerre qui a finalement éclaté il y a trois ans.
Ce bref résumé historique permet de mieux comprendre les événements de cette semaine et ce qui les a précédés.
Poutine a été échaudé par les accords de Minsk, qu'il avait personnellement négociés. Je ne sais pas quand le président russe a décidé qu'il ne pouvait plus faire confiance aux puissances européennes, mais il est certain que depuis la débùcle de Minsk, il ne leur fait plus aucun crédit.
AprÚs Istanbul, il semble désormais que la meilleure chance d'un rÚglement du conflit ukrainien réside dans la perspective d'un sommet Trump-Poutine. Si celui-ci venait à se concrétiser, la crise ukrainienne serait alors considérée, à juste titre, comme un volet du projet de Trump visant à rétablir les relations avec Moscou.
Et les Européens, qui ont poussé le continent à soutenir le régime de Kiev et la guerre, seraient neutralisés, pour ne pas dire humiliés.
Deux mises en garde s'imposent ici. PremiĂšrement, comme suggĂ©rĂ© prĂ©cĂ©demment, il n'est pas du tout certain qu'on ait entendu le dernier mot du triumvirat europĂ©en qui a occupĂ© le devant de la scĂšne pendant quelques jours cette semaine. Starmer, Macron et Merz, ce dernier venant d'ĂȘtre nommĂ© nouveau chancelier allemand, sont fortement investis dans le projet ukrainien et la russophobie qui l'alimente.
DeuxiĂšmement, comme Poutine et d'autres responsables russes l'ont clairement indiquĂ© Ă maintes reprises, et de maniĂšre trĂšs explicite cette semaine, les nĂ©gociations de fond pour un rĂšglement de la crise ukrainienne doivent commencer par la reconnaissance mutuelle des âcauses profondesâ, pour reprendre l'expression privilĂ©giĂ©e actuellement par le Kremlin.
Voilà pourquoi Moscou a proposé Istanbul comme lieu de ces nouvelles discussions. Le projet que Boris Johnson a fait capoter il y a trois ans répondait à ces préoccupations.
âNous considĂ©rons ces pourparlers comme le prolongement du processus de paix d'Istanbul, qui a malheureusement Ă©tĂ© interrompu par la partie ukrainienne il y a trois ansâ, a dĂ©clarĂ© Medinsky lors d'une confĂ©rence de presse Ă son dĂ©part d'Istanbul jeudi. âL'objectif des nĂ©gociations directes avec la partie ukrainienne est en fin de compte d'assurer une paix durable en s'attaquant aux causes profondes du conflitâ.
Cette phrase est trop omniprĂ©sente dans le discours russe pour ĂȘtre ignorĂ©e. La question est maintenant de savoir si Donald Trump, lors d'un Ă©ventuel sommet avec Vladimir Poutine, sera en mesure de rĂ©pondre aux prĂ©occupations de la Russie.
S'il y parvient, il modifiera fondamentalement les relations entre les puissances occidentales et la Russie pour le mieux, réalisant ainsi un triomphe diplomatique. S'il échoue, il est peu probable qu'il obtienne davantage que ce que les négociateurs ont accompli à Istanbul cette semaine.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est chroniqueur, essayiste, conférencier et auteur. Son dernier ouvrage, Journalists and Their Shadows, est disponible chez Clarity Press ou via Amazon. Parmi ses autres livres, citons Time No Longer: Americans After the American Century. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré.
https://consortiumnews.com/2025/05/16/patrick-lawrence-diplomatic-chess-ukraine-the-pawn/
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