👁🗨 Pas d'eau, pas d'électricité, pas d'oxygène, nulle part où survivre
“À Gaza, un cancéreux meurt trois fois. La première fois du cancer. La seconde de la pénurie de médicaments. Et la troisième fois parce qu'il est pris pour cible par les avions de guerre israéliens”.
👁🗨 Pas d'eau, pas d'électricité, pas d'oxygène, nulle part où survivre
Par Helen McCue , le 14 novembre 2023
Des médecins, des infirmières, des patients et des milliers de Palestiniens déplacés à l'intérieur du pays sont bombardés, terrorisés et pris en otage à l'hôpital Al Shifa, l'un des plus grands hôpitaux de Gaza. Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité, pas d'oxygène et 37 bébés prématurés meurent lentement par manque d'oxygène.
L'hôpital Al Shifa est le principal hôpital de la bande de Gaza et dispose de tous les équipements d'un hôpital moderne, mais il accueille actuellement 5 000 patients, les quelques chanceux étant alités, les autres étant par terre dans les services, les couloirs, les cages d'escalier - partout où ils peuvent trouver de la place. À cela s'ajoutent environ 60 000 personnes qui cherchent à s'abriter dans et autour de l'hôpital. Les tireurs d'élite israéliens tirent délibérément sur les panneaux solaires de l'hôpital, détruisant toute source de courant, de sorte que les chirurgiens opèrent à la lampe de poche de smartphones. L'entrée principale de l'hôpital a été bombardée ainsi que les abords de l'hôpital. Depuis le 9 novembre, le quartier où se trouve l'hôpital Shifa a été bombardé cinq fois, faisant au moins sept morts, et la maternité a été endommagée.
Il n'y a plus rien à manger, ni eau, ni produits anesthésiants. Les opérations d'urgence sont pratiquées avec des analgésiques peu puissants ou sans anesthésie, et comme il n'y a plus de produits d'aseptie, les plaies sont nettoyées avec du vinaigre. Très souvent, vu le grand nombre de blessés qui ont afflué, aucune salle d'opération n'est disponible et les médecins sont obligés d'opérer à même le sol. Les médecins pratiquent également des césariennes sans anesthésie. De plus, de nombreuses femmes accouchent prématurément en raison de la forte pression qu'elles subissent en vivant dans une zone de guerre effroyable. Selon les Nations unies, 50 000 femmes doivent accoucher, dont 5 500 au cours des deux prochaines semaines. À l'heure actuelle, les soins prénatals et postnatals sont limités à Gaza et les femmes doivent couper le cordon ombilical de leur bébé avec des épingles à cheveux, au risque de contracter une infection, car il n'y a rien d'autre à disposition.
L'hôpital Al Shifa n'étant plus en mesure d'enterrer convenablement les morts, il a été décidé que les morts arrivant encore à l'hôpital seraient inhumés dans une fosse commune.
Le 10 novembre, le coordinateur des secours d'urgence, Martin Griffiths, a déclaré, à l'issue d'une série d'attaques contre l'hôpital Shifa,
qu’“en vertu du droit humanitaire international, les hôpitaux doivent être protégés”, ajoutant que “les actes de guerre dans les lieux de grâce doivent cesser”.
Outre l'hôpital Al Shifa, l'hôpital de l'Amitié turque, situé dans le centre de la bande de Gaza, est spécialisé dans le traitement du cancer et est le seul établissement qui, dans des circonstances normales, accueille des patients adultes atteints de cancer à Gaza. Mais aujourd’hui, il n'y a plus de carburant et l'électricité est coupée. L'hôpital est désormais hors service. Le directeur, le Dr Sobhi Skaik, a déclaré :
“À Gaza, un patient atteint d'un cancer meurt trois fois. La première fois à cause du cancer. La seconde à cause de la pénurie de médicaments. Et la troisième parce qu'il est pris pour cible par les avions de guerre israéliens alors qu'il se fait soigner”.
L'hôpital de l'amitié turque est l'un des 16 hôpitaux à avoir dû se résoudre à fermer à cause de la guerre, d'après le ministère de la santé de la bande de Gaza. Les autres sont l'hôpital Beit Hanoun, l'hôpital Al-Wafa et des établissements spécialisés comme l'hôpital international des yeux. Dans la soirée du 9 novembre, les bâtiments entourant l'hôpital Indonésien, à Beit Lahiya (nord de la bande de Gaza), ont été bombardés à plusieurs reprises par des tirs de missiles qui auraient fait 11 morts et des blessés. Jeudi 9 octobre, certaines parties de l'hôpital ont été partiellement détruites et l'hôpital vient de fermer en raison du manque de carburant.
L'hôpital pour enfants Naser, dans la ville de Gaza, a été touché par une frappe aérienne qui aurait fait trois morts et des dizaines de blessés. Le seul hôpital psychiatrique de Gaza a cessé de fonctionner. La vie de tous les patients atteints de maladies chroniques est en grand danger. Il y a des milliers de cancéreux et d'hémodialysés et des dizaines de milliers de femmes enceintes, certaines devant accoucher maintenant, d'autres le mois prochain.
L’hôpital Rantisi, dans la ville de Gaza, a été directement touché quasiment au même moment, provoquant des incendies et des dégâts considérables. Aux premières heures de la journée du 10, les abords de l'hôpital Al Awda à Jabalia et de l'hôpital Al Quds dans la ville de Gaza ont été bombardés, et l'unité de soins intensifs de ce dernier a été touchée.
Le personnel de santé et les institutions de Gaza ont été frappés par des centaines d'attaques israéliennes, qui ont tué des professionnels de santé et neutralisé hôpitaux et ambulances. Les patients partagent des lits ou sont allongés dans les couloirs de l'hôpital avec leurs plaies en sang, attendant ne serait-ce qu'une seconde d'attention. Les hôpitaux fonctionnent à 150 % de leur capacité alors qu'ils sont privés des besoins de fonctionnement fondamentaux tels que le carburant, l'électricité et l'eau. Dans les salles d'opération, il n'y a plus de matériel chirurgical et plus d'anesthésiants, et les stocks sont épuisés à cause du blocus.
Le chef de la sous-délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Gaza a déclaré aujourd'hui que
“le massacre des hôpitaux de Gaza est insupportable et doit impérativement cesser. La vie de milliers de civils, de patients et de personnel médical est en danger”.
Selon le ministère de la santé de Gaza, depuis le 7 octobre, au moins 192 membres du personnel médical ont été tués. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), au moins 16 d'entre eux étaient en service quand ils ont été tués. Parmi les victimes figurent également 101 membres du personnel de l'UNRWA C’est le plus grand nombre de membres du personnel de l'ONU tués lors d'un conflit de toute l'histoire de l'organisation. Dix-huit membres de la défense civile palestinienne et 44 journalistes palestiniens ont également été tués. Environ 2 700 personnes, dont quelque 1 500 enfants, sont portées disparues.
Dans son dernier rapport, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies pour le territoire palestinien occupé (OCHAOPT) indique que plus de 1,5 million de personnes sont déplacées à l'intérieur de la bande de Gaza. Parmi elles, 588 000 personnes déplacées à l'intérieur de la bande de Gaza vivent dans 94 abris de l'UNRWA dans le sud, où la surpopulation est un problème majeur. Le nombre moyen de personnes déplacées par abri de l'UNRWA est supérieur à 6 250, soit neuf fois plus que la capacité d'accueil prévue. En moyenne, 160 personnes hébergées dans les écoles de l'UNRWA partagent les mêmes et uniques toilettes et il n'y a qu'une douche pour 700 personnes. La dégradation des conditions sanitaires, ainsi que le manque d'intimité et d'espace, entraînent des risques pour la santé et la sécurité.
Gaza est plongée dans un black-out total depuis le 11 octobre, après la coupure de l'approvisionnement en électricité et en carburant par Israël, entraînant l'arrêt de l'unique centrale électrique de la bande de Gaza.
Le 8 novembre, l'OMS a mis en garde contre le risque de propagation accélérée de maladies infectieuses et d'infections bactériennes dues à la pénurie d'eau et à la consommation d'eau contaminée qui en découle. Depuis la mi-octobre, plus de 33 500 cas de diarrhée ont été signalés, principalement chez les enfants de moins de cinq ans ; la moyenne mensuelle des cas de diarrhée dans cette catégorie en 2021 et 2022 s'élevait à 2 000. Le transfert des ordures solides vers les décharges a pratiquement cessé dans toute la bande de Gaza, en raison du manque de carburant et de l'insécurité. Les déchets s'accumulent dans les rues et à l'extérieur des abris pour les personnes déplacées, ce qui crée un risque élevé de maladies transmises par l'air et d'infestation d'insectes et de rats. Depuis la mi-octobre, l'OMS a signalé près de 9 000 cas de gale et de poux, plus de 1 000 cas de varicelle, plus de 12 600 cas d'éruptions cutanées et plus de 54 800 cas d'infections des voies respiratoires supérieures à Gaza. Nombreux sont ceux qui développeront des affections respiratoires en raison de la pollution par les explosifs et des fumées de phosphore blanc. Certains de ceux qui ont survécu à la guerre souffriront de graves traumatismes psychologiques et d'innombrables autres affections pendant de nombreuses années.
L'International Rescue Committee a averti que des maladies comme le choléra et la typhoïde “se propageront inévitablement” en raison du manque d'eau potable et d'accès à des installations sanitaires et hygiéniques appropriées.
“Les souffrances à Gaza ont déjà atteint une ampleur catastrophique, et la situation ne fera qu'empirer si rien ne change immédiatement”, a déclaré Bob Kitchen, vice-président de l'IRC chargé des situations d'urgence, dans un communiqué de presse. “Bien que le principal facteur de mortalité reste la violence et la destruction, un cessez-le-feu humanitaire permettrait également aux organisations humanitaires de faire face à une crise de santé publique imminente dans le cadre d'une crise humanitaire déjà très grave”.
L'IRC a déclaré que 95 % des habitants de Gaza n'ont pas accès à l'eau potable et que 64 % des établissements de soins de santé primaires ont fermé leurs portes.
Le bilan des victimes rapporté par le ministère de la santé à Gaza depuis le début des hostilités s'élève à 11 078, dont 4 506 enfants et 3 027 femmes. Environ 2 700 autres personnes, dont quelque 1 500 enfants, sont portées disparues et pourraient être piégées ou mortes sous les décombres, dans l'attente d'être secourues ou dégagées. Vingt-sept mille quatre cent quatre-vingt-dix autres Palestiniens auraient été blessés.
Mads Gilbert, un médecin norvégien ayant de nombreuses années d'expérience dans les hôpitaux de Gaza, a également dit que, même si les Palestiniens survivent à leurs attaques, l'intention d'Israël est de les soumettre à la famine, à la soif, aux blessures physiques et aux souffrances psychologiques dans le but d'instiller la peur et, en fin de compte, d'éliminer la population.
“S'ils ne sont pas tués pendant les bombardements israéliens, ils vont les affamer, les assoiffer, les saigner et les terroriser à mort”.
Selon Save the Children, le nombre d'enfants tués est le plus élevé de tous les récents conflits. Bravo Israël, vous venez de faire de “Gaza un cimetière pour enfants”, comme décrit dans le communiqué de presse du directeur de l'OMS. Les parents qui ne savent pas si leurs enfants vont survivre ou s'ils seront eux-mêmes tués écrivent le nom de leurs enfants sur leurs bras et leurs jambes pour que l'on sache s'ils sont blessés, vivants ou morts. Selon MSF, il existe un nouvel acronyme, WCNSF, pour Well Child with No Surviving Family (enfant en bonne santé dont la famille n'a pas survécu).
La quatrième convention de Genève stipule clairement que les civils dans les conflits armés et dans les territoires occupés sont protégés contre le meurtre, la torture, la brutalité et la discrimination fondés sur des critères de race, de nationalité, de religion et d'opinion politique. Les châtiments collectifs sont également interdits. Les hôpitaux et le personnel de santé sont également protégés par cette convention.
Le CICR a souligné : “Les règles de la guerre sont claires. Les hôpitaux sont des installations jouissant d'une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire. Le CICR lance un appel urgent à la protection immédiate de tous les civils, y compris les travailleurs humanitaires et le personnel médical. Cette protection n'est pas seulement une obligation légale mais un impératif moral pour préserver la vie humaine en ces heures sombres”.
Il est évident qu'Israël viole tous les aspects de la quatrième convention de Genève ainsi que les règles de la guerre et le droit humanitaire international. Et les dirigeants du monde occidental, y compris les nôtres (à l'exception de la France), appellent à des “pauses” au lieu d'un cessez-le-feu immédiat. Leur incapacité à mettre fin à ce massacre et ces destructions catastrophiques et extrêmes, ainsi qu'à la misère et à la souffrance humaines accablantes, est parfaitement résumée par les mots d'un habitant de Gaza qui a demandé : “Où sont le monde civilisé et ses discours sur l'humanité ?”.
Où, en effet, en est le monde civilisé et ses discours sur l'humanité ?
https://johnmenadue.com/no-water-no-electricity-no-oxygen-no-way-to-stay-alive/