đâđš Pas facile de se projeter sur la fin du monde.
Câest si facile de se distraire avec une perspective plus simple Ă digĂ©rer, comme l'Ă©lection prĂ©sidentielle. Mais la question est urgente, car ceux qui dirigent notre monde roulent Ă l'aveuglette.

đâđš Pas facile de se projeter sur la fin du monde.
Par Caitlin Johnstone, CaitlinJohnstone.com.au, le 13 septembre 2023
Tony Blinken, le plus haut diplomate amĂ©ricain, vient de faire des commentaires sur les missiles Ă longue portĂ©e fournis par les Ătats-Unis qui augmentent encore les risques d'une confrontation directe entre les deux superpuissances nuclĂ©aires du monde, Ă©crit Caitlin Johnstone.
Lors d'une apparition dans l'Ă©mission This Week with Jonathan Karl sur ABC, le secrĂ©taire d'Ătat amĂ©ricain Tony Blinken a explicitement dĂ©clarĂ© que les Ătats-Unis ne s'opposeraient pas Ă ce que l'Ukraine utilise des missiles Ă plus longue portĂ©e fournis par les Ătats-Unis pour attaquer l'intĂ©rieur du territoire russe, une action que Moscou a prĂ©cĂ©demment qualifiĂ©e de âligne rougeâ et qui ferait des Ătats-Unis un acteur Ă part entiĂšre du conflit.
âNous comprenons que les Ătats-Unis envisagent d'envoyer ces missiles Ă longue portĂ©e que l'Ukraine rĂ©clame depuis longtempsâ, a dĂ©clarĂ© M. Karl dans l'interview. âIl s'agit de missiles Ă longue portĂ©e, d'une portĂ©e de 200 miles. Ătes-vous d'accord pour que ces missiles permettent Ă l'Ukraine d'attaquer en profondeur le territoire russe ?â
âEn ce qui concerne leurs dĂ©cisions de ciblage, c'est leur dĂ©cision, pas la nĂŽtreâ, a rĂ©pondu Blinken aprĂšs quelques blablas.
âNous avons constatĂ© un nombre croissant d'attaques de drones ukrainiens sur le territoire russe, dont certaines Ă Moscou et Ă Rostov-sur-le-Don il y a quelques jours. En avez-vous parlĂ© ?â, demande Karl.
âNonâ, rĂ©pond Blinken.
âĂtes-vous d'accord avec le fait que la guerre s'Ă©tende maintenant Ă la Russie?â demande Karl.
âJon, nous n'avons pas encouragĂ© et nous n'avons pas permis l'utilisation d'armes en dehors du territoire ukrainienâ, a dĂ©clarĂ© M. Blinken.
âCela dit, prenons un peu de recul. Pratiquement tous les jours, les Russes attaquent sans discernement sur l'ensemble du territoire ukrainien. Au cours des 48 heures oĂč je me suis trouvĂ© sur place, d'autres missiles ont Ă©tĂ© lancĂ©s sur des cibles civiles, y compris Ă Kiev pendant ma visite ; une attaque horrible sur un marchĂ©, oĂč des gens allaient simplement acheter de la nourriture, des civils, qui n'avaient rien Ă voir avec cette guerre, a tuĂ© 17 personnes. Telle est la vie quotidienne des Ukrainiens. C'est ce Ă quoi ils sont confrontĂ©s chaque jour. Ils doivent donc prendre des dĂ©cisions fondamentales sur la façon dont ils vont dĂ©fendre leur territoire et sur la façon dont ils vont s'y prendre pour reprendre ce qui leur a Ă©tĂ© confisquĂ©. Notre rĂŽle, ainsi que celui des dizaines d'autres pays du monde qui les soutiennent, est de les aider Ă y parvenir. En fin de compte, ce que nous voulons tous, c'est la fin de l'agression russe, une fin qui, je le rĂ©pĂšte, soit juste et durable. C'est ce que les Ukrainiens souhaitent plus que quiconque. C'est ce Ă quoi nous travaillonsâ.
L'interview s'est achevĂ©e sans que Karl ait eu l'occasion de rĂ©agir. En rĂ©ussissant Ă faire tourner l'horloge en babillant sur ce que l'Ukraine a le droit de faire, Blinken a Ă©vitĂ© de discuter de la vraie question, Ă savoir ce Ă quoi s'emploient les Ătats-Unis eux-mĂȘmes.
Personne ne conteste que l'Ukraine a le droit d'attaquer le territoire russe ; la Russie attaque le territoire ukrainien, alors bien sĂ»r l'Ukraine a le droit de riposter. Ce point n'est sĂ©rieusement dĂ©battu nulle part. Ce qui est dĂ©battu, c'est la question de savoir si les Ătats-Unis doivent soutenir ces attaques, car cela pourrait mener Ă une guerre nuclĂ©aire.
Il y a un an, lorsque l'Ukraine a exhortĂ© les Ătats-Unis Ă lui envoyer le systĂšme de missiles tactiques de l'armĂ©e (ATACMS) - dont la portĂ©e est prĂšs de quatre fois supĂ©rieure Ă celle des armes HIMARS [systĂšme de roquettes d'artillerie Ă grande mobilitĂ©] fournies par les Ătats-Unis -, la porte-parole du ministĂšre russe des affaires Ă©trangĂšres, Maria Zakharova, a immĂ©diatement rĂ©agi en avertissant que leur utilisation sur le territoire russe ferait des Ătats-Unis un participant direct au conflit, et que la Russie rĂ©agirait en consĂ©quence.
âSi Washington dĂ©cide de fournir des missiles de plus longue portĂ©e Ă Kiev, il franchira une ligne rouge et deviendra partie prenante au conflitâ, a dĂ©clarĂ© Mme Zakharova, ajoutant que la Russie âse rĂ©serve le droit de dĂ©fendre son territoireâ.
Comme Michael Tracey l'a fait remarquer sur Twitter, M. Blinken a dĂ©clarĂ© l'annĂ©e derniĂšre que l'Ukraine avait donnĂ© aux Ătats-Unis l'assurance qu'elle n'utiliserait pas les autres systĂšmes d'armes fournis par les Ătats-Unis âcontre des cibles situĂ©es sur le territoire russeâ.
Si l'on en croit les dĂ©clarations actuelles de M. Blinken et les attaques que nous avons constatĂ©es de la part de l'Ukraine Ă l'intĂ©rieur de la FĂ©dĂ©ration de Russie, cet accord ne semble plus avoir cours. M. Blinken a dĂ©jĂ exprimĂ© son soutien Ă l'utilisation par les Ukrainiens d'armes fournies par les Ătats-Unis en CrimĂ©e, et il dĂ©clare maintenant que les Ătats-Unis sont d'accord pour que des armes fournies par les Ătats-Unis soient utilisĂ©es sur n'importe quel territoire russe.
Il semble donc qu'il y ait une nouvelle escalade massive entre les superpuissances nucléaires, dont la presse occidentale ne rend pas compte de maniÚre satisfaisante.
Dans un article publiĂ© dans Antiwar en juillet, âATACMS : Un acronyme qui fait froid dans le dosâ, Walt Zlotow, prĂ©sident de la West Suburban Peace Coalition, Ă©crivait que ce systĂšme de missiles âpourrait entraĂźner les Ătats-Unis et l'OTAN dans une guerre totale avec la Russieâ. Il poursuit :
"Les ATACMS sont des missiles amĂ©ricains Ă longue portĂ©e qui peuvent frapper jusqu'Ă 290 km. De hauts responsables amĂ©ricains, dont probablement le prĂ©sident Biden, envisagent sĂ©rieusement de fournir des ATACMS Ă l'Ukraine dans sa lutte pour reprendre tous les acquis russes en Ukraine, y compris la CrimĂ©e. Ces missiles peuvent atteindre Ă la fois la CrimĂ©e et le continent russe.â
S'ils sont utilisĂ©s par l'Ukraine pour attaquer la Russie, il pourrait s'agir du missile de trop, susceptible de mettre Ă feu les armes nuclĂ©aires tactiques russes en Ukraine. L'escalade vers une confrontation nuclĂ©aire entre la Russie et l'alliance Ătats-Unis/OTAN, qui cherche Ă vaincre la Russie, devient de plus en plus probableâ.
Les Ătats-Unis et leurs alliĂ©s continuent de fournir Ă l'Ukraine de plus en plus d'armes offensives qu'ils refusaient auparavant de fournir par crainte d'ĂȘtre entraĂźnĂ©s dans la guerre et de provoquer un conflit nuclĂ©aire.
L'annĂ©e derniĂšre, Oleksii Reznikov, alors ministre ukrainien de la dĂ©fense, a prĂ©dit Ă juste titre que les Ătats-Unis finiraient par fournir les chars, les F-16 et les ATACMS qu'ils avaient prĂ©cĂ©demment jugĂ©s trop agressifs, car c'Ă©tait dĂ©jĂ la tendance depuis le dĂ©but de la guerre.
âLorsque j'Ă©tais Ă Washington en novembre, avant l'invasion, et que j'ai demandĂ© des Stingers, on m'a dit que c'Ă©tait impossibleâ, a dĂ©clarĂ© Reznikov au New Yorker l'annĂ©e derniĂšre. âMaintenant, c'est possible. Lorsque j'ai demandĂ© des canons de 155 millimĂštres, la rĂ©ponse a Ă©tĂ© non. Les HIMARS, non. HARM [missile antiradiation Ă grande vitesse], non. Aujourd'hui, tout cela est possibleâ. Il a ajoutĂ© : âJe suis donc certain que demain, il y aura des chars, des ATACMS et des F-16â.
Comme l'a expliquĂ© Branko Marcetic au dĂ©but de l'annĂ©e dans un article pour Responsible Statecraft intitulĂ© âLa mission dĂ©gĂ©nĂšre : Comment le rĂŽle des Ătats-Unis en Ukraine s'est lentement intensifiĂ©â, ce modĂšle d'escalade permanente incite en fait la Russie Ă commencer Ă prendre des mesures agressives contre les puissances occidentales afin que ses avertissements et ses lignes rouges cessent d'ĂȘtre ignorĂ©s.
âEn intensifiant leur soutien Ă l'armĂ©e ukrainienne, les Ătats-Unis et l'OTAN ont créé une structure incitant Moscou Ă prendre des mesures drastiques et agressives pour montrer le sĂ©rieux de ses propres lignes rougesâ, Ă©crit M. Marcetic. âCela serait dangereux dans le meilleur des cas, mais plus particuliĂšrement lorsque les responsables russes indiquent clairement qu'ils considĂšrent de plus en plus cette guerre comme un conflit contre l'OTAN dans son ensemble, et pas seulement contre l'Ukraine, tout en menaçant d'une rĂ©ponse nuclĂ©aire Ă l'escalade des livraisons d'armes de l'allianceâ.
âMoscou ne cesse de rĂ©pĂ©ter que l'escalade dans la livraison d'armes est inacceptable et qu'elle pourrait entraĂźner une guerre plus Ă©tendue ; les responsables amĂ©ricains affirment que puisque Moscou n'a pas donnĂ© suite Ă ces menaces, ils peuvent librement procĂ©der Ă l'escalade. On dit en fait Ă la Russie de procĂ©der Ă une escalade pour montrer son sĂ©rieuxâ, a ajoutĂ© M. Marcetic sur Twitter.
Il est Ă©trange que ce ne soit pas le sujet dont tout le monde discute en permanence. Le fait que nous nous rapprochions de plus en plus d'un conflit nuclĂ©aire devrait faire la une des journaux au quotidien, et la question de savoir comment Ă©viter un dĂ©sastre planĂ©taire devrait ĂȘtre au cĆur du discours politique dominant. Mais ce n'est pas le cas, car cela interfĂ©rerait avec les grandes manĆuvres de l'Ă©chiquier d'un empire qui domine le monde et s'efforce d'assurer une domination planĂ©taire unipolaire en fragilisant les nations dĂ©sobĂ©issantes comme la Russie et la Chine.
Pas facile de se projeter sur la fin du monde. Il est difficile de se faire à l'idée, et encore plus d'affronter la lumiÚre blanche et crue de la réflexion fondamentale autour de ce qu'elle recouvre et de ce qu'elle impliquerait. Des dissonances cognitives et des malaises apparaissent, et il est tellement plus simple de détourner son attention vers quelque chose de plus facile à digérer, comme la course à l'élection présidentielle.
Mais il est urgent de se pencher sur la question. Car ceux qui dirigent notre monde aujourd'hui semblent rouler Ă l'aveuglette.
https://consortiumnews.com/2023/09/13/its-hard-to-think-about-the-end-of-the-world/