đâđš Patrick Boylan: Lâextradition de Julian Assange, combien de temps encore ?
Tant de choses peuvent ĂȘtre dĂ©cidĂ©es au cours de ce mois. La pression de lâopinion publique doit donc ĂȘtre Ă son plus haut niveau.
đâđš Lâextradition de Julian Assange, combien de temps encore ?
đ° Par Patrick Boylan, le 29 septembre 2022
Dans le cadre de la campagne « 24 heures pour Assange« , de nombreuses personnes ont demandé quelle était la situation juridique du journaliste australien. Patrick Boylan, de « Free Assange Italy » tente de résumer la situation.
âȘïž SI TOUT VA MAL
Le 26 aoĂ»t, les avocats de Julian dĂ©posaient leur dernier recours devant un tribunal britannique. En substance, ils demandent Ă la High Court de rouvrir le dossier en premiĂšre instance. En effet, le juge Baraitser a passĂ© sous silence tous les motifs invoquĂ©s pour contester la lĂ©gitimitĂ© de la demande dâextradition. Au lieu de cela, la juge a fondĂ© son interdiction dâextradition uniquement sur le risque de suicide de Julian en raison des conditions inhumaines dâemprisonnement qui lâattendent.
En premiĂšre instance les avocats de Julian nâavaient pas fait appel du verdict de Baraitser en raison de sa rĂ©ticence. En effet, ils avaient obtenu ce quâils voulaient: une interdiction dâextradition. Mais cette interdiction a Ă©tĂ© levĂ©e (sur la base des garanties de traitement humain, bien que tardives, offertes par le ministĂšre amĂ©ricain de la justice). Puis lâordre dâextradition a Ă©tĂ© signĂ© par le ministre de lâIntĂ©rieur britannique le 17 juin. Câest pourquoi ce nâest que maintenant que les avocats demandent Ă contester les omissions du juge Baraitser lors du procĂšs initial.
La High Court va-t-elle confirmer lâappel et rouvrir lâaffaire ? Nous verrons, peut-ĂȘtre mĂȘme le mois prochain.
Pour lâinstant, lâordre dâextradition, aussi signĂ© soit-il, reste lettre morte: le ministre est obligĂ© dâattendre la dĂ©cision de la High Court avant de lâexĂ©cuter.
Si la High Court autorise la rĂ©ouverture du dossier, lâordre dâextradition restera non exĂ©cutĂ© pour permettre aux juges dâĂ©valuer la cohĂ©rence des omissions dĂ©noncĂ©es par les avocats de Julian. Cela signifie que Julian disposera dâun «bouclier» pendant au moins six mois, le temps minimum pour rĂ©examiner la dĂ©cision de premiĂšre instance. Pas dâextradition avant mars 2023, donc.
Mais si le tribunal refuse de rouvrir le dossier â et nous le saurons probablement dans un mois ou deux â Julian pourrait ĂȘtre extradĂ© dĂšs le lendemain. Cela signifie que mĂȘme vers la fin du mois prochain, Julian pourrait ĂȘtre dans un avion pour les Ătats-Unis.
«Pourrait», au conditionnel, car les avocats de Julian ont une toute derniĂšre carte Ă jouer. Lorsquâils nâauront plus de possibilitĂ©s de recours au Royaume-Uni, ils pourront faire appel de leur extradition devant la Cour europĂ©enne des Droits Humains (CEDH), dont le siĂšge est Ă Strasbourg. Ils ont sans doute dĂ©jĂ prĂ©parĂ© tous les documents et dĂšs que la High Court britannique se prononcera contre la rĂ©ouverture du dossier, ils dĂ©poseront leur recours auprĂšs de la CEDH â ce qui donnerait Ă Julian une protection (europĂ©enne cette fois) contre lâextradition jusquâĂ lâarrĂȘtĂ© de la Cour, probablement Ă lâautomne prochain. Il est probable que la Cour interdira lâextradition, comme dans des cas similaires dans le passĂ© ; la protection deviendrait ainsi permanente.
«Deviendrait», au conditionnel car il nâest pas certain que les Britanniques nâinventent pas une astuce pour mettre Julian dans un avion immĂ©diatement aprĂšs lâĂ©ventuelle dĂ©cision nĂ©gative de la High Court, et avant que les avocats de Julian aient le temps de dĂ©poser leur recours auprĂšs de la CEDH et dâinvoquer le bouclier.
«Devrait», car il nâest pas certain que le Royaume-Uni respecte la protection europĂ©enne, pour la durĂ©e des audiences. Ni quâelle respecte un Ă©ventuel jugement dĂ©finitif de la CEDH en faveur de Julian et contre lâextradition.
En effet, si le gouvernement britannique fait preuve de respect pour ses propres tribunaux, il en a beaucoup moins pour les décisions des tribunaux internationaux.
Le 22 juin, le gouvernement de Boris Johnson a prĂ©sentĂ© un projet de loi (en vĂ©ritĂ©, dĂ©jĂ Ă lâĂ©tude depuis un certain temps) visant à «rendre le parlement souverain et non plus soumis aux âdiktatsâ des juges de Strasbourg». Il sâagit du British Bill of Rights (BBR), destinĂ© Ă remplacer la Convention europĂ©enne des droits de l'homme et, avec elle, la Cour de Strasbourg.
Ce projet de loi nâa pas encore Ă©tĂ© dĂ©battu et votĂ© au Parlement parce que le gouvernement Johnson est tombĂ©. Maintenant que la nouvelle PremiĂšre ministre Truss a pris ses fonctions, il est tout Ă fait possible quâelle rĂ©introduise la DĂ©claration des droits britannique, mĂȘme en octobre prochain. Et ce, non seulement pour priver Julian de la protection de la CEDH, mais aussi pour priver de cette protection les immigrants vivant au Royaume-Uni que le gouvernement Johnson a tentĂ© dâexpulser vers le Rwanda. Le 14 juin, la CEDH a interdit le vol dâexpulsion, mais le gouvernement Truss pourrait tenter Ă nouveau cette expulsion, ayant soustrait le Royaume-Uni Ă la juridiction de la CEDH.
Si la British Bill of Rights est proposĂ©e et votĂ©e en octobre prochain, alors une protection europĂ©enne nâexisterait plus pour Julian. Et si la High Court, Ă nouveau en octobre prochain, devait refuser de rouvrir le dossier, alors lâextradition pourrait avoir lieu, comme dĂ©jĂ mentionnĂ©, Ă la fin du mois dâoctobre.
Câest pourquoi le mois dâoctobre â et peut-ĂȘtre mĂȘme novembre â sâannonce crucial pour le sort de Julian Assange. Tant de choses peuvent ĂȘtre dĂ©cidĂ©es au cours de ce mois. La pression de lâopinion publique doit donc ĂȘtre Ă son plus haut niveau.
âȘïžSI TOUT VA BIEN
Dans le meilleur des cas, la Haute Cour dĂ©cidera le mois prochain de rouvrir lâaffaire et le tribunal de premiĂšre instance rendra un jugement vers le mois de mars reconnaissant lâillĂ©galitĂ© dĂšs le dĂ©part de la demande dâextradition formulĂ©e par le MinistĂšre amĂ©ricain de la Justice. Par consĂ©quent, vers PĂąques 2023, Julian serait un homme libre.
Mais mĂȘme si, vers le mois de mars de lâannĂ©e prochaine, la Cour britannique juge le recours des avocats de Julian irrecevable, on peut toujours supposer que les avocats dĂ©poseront Ă temps leur recours devant la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme et que, par consĂ©quent, Ă lâautomne 2023, la CEDH interdira dĂ©finitivement lâextradition de Julian vers les Ătats-Unis. (En supposant que le British Bill of Rights ne sera pas adoptĂ©e par le Parlement britannique et que le Royaume-Uni respectera donc le verdict de la CEDH). Cela signifie que, pour NoĂ«l 2023, Julian serait un homme libre.
Cette chronologie est mon Ă©valuation personnelle: je lâai prĂ©sentĂ©e en avril dernier et jusquâĂ prĂ©sent, elle semble tenir la route. Mais elle est trĂšs optimiste en ce qui concerne le calendrier des diffĂ©rents procĂšs et appels. Je compte sur le fait que lâaffaire Assange, Ă©tant trĂšs mĂ©diatisĂ©e, soit donc traitĂ©e en prioritĂ© par les juges. Mais ce nâest pas certain.
Une derniÚre considération:
la durĂ©e dâemprisonnement de Julian est encore, mĂȘme dans le scĂ©nario le plus favorable, trĂšs longue. Il nâest donc pas juste quâil soit emprisonnĂ© dans les conditions psychologiquement stressantes dâun isolement total dans une prison de haute sĂ©curitĂ© pendant une telle durĂ©e. Il nâa fait lâobjet dâaucune condamnation pĂ©nale et nâest dĂ©tenu que par mesure de prĂ©caution. Cela ne justifie pas une telle sĂ©vĂ©ritĂ©, qui cause des dommages physiques et psychologiques. Puisquâil sâagit purement dâune dĂ©tention provisoire en attendant lâachĂšvement des procĂ©dures lĂ©gales, nous devons nous battre pour une libertĂ© - sous caution - mĂȘme supervisĂ©e.
https://www.pressenza.com/fr/2022/09/lextradition-de-julian-assange-combien-de-temps/