👁🗨 Patrick Lawrence : "Criminalisation de la dissidence".
Biden : "Notre message est que le journalisme n'est pas un crime.” Qui s'est levé pour dire : "Monsieur le Président, vous avez volé le slogan de la défense mondiale de Julian Assange." Personne.
👁🗨 "Criminalisation de la dissidence".
Avec complicité des journalistes.
Par Patrick Lawrence, le 1er mai 2023
30 AVRIL - Depuis que Fox News a démis Tucker Carlson de ses fonctions de premier présentateur du journal télévisé du soir à la fin du mois dernier, j'ai lu beaucoup de calomnies. Comment aurais-je pu ne pas le faire ? Il y en avait partout, et de nouvelles déjections sont projetées sur Carlson à l'heure où nous parlons. Mon article préféré dans ce domaine est celui de The American Prospect. L'article de la semaine dernière s'intitulait "Adieu à un fanfaron néo-nazi". Carlson, voyez-vous, est un "néofasciste", veut nous faire savoir la TAP.
Quelle hyperbole creuse ! Ces jours-ci, les médias grand public ne comptent que bien peu de têtes pensantes. Avec quelle désinvolture nos médias libéraux avilissent la langue anglaise. Il est difficile de prendre au sérieux des journalistes qui attaquent un autre journaliste parce que ses opinions ne correspondent pas aux leurs.
Que pouvons-nous apprendre de toutes ces dénonciations désordonnées publiées chaque jour ? Que nous apprennent-elles sur la situation difficile des esprits indépendants dans le journalisme - et quoi que vous pensiez de Carlson, il en est doté - et, par extension, sur le journalisme indépendant dans son ensemble?
À mon avis, les médias indépendants subissent un état de siège qui s'est considérablement aggravé ces derniers temps. Bien qu'il ait travaillé pour une chaîne câblée détenue par une entreprise, je considère que le sort de Carlson est symptomatique de l'intensification des attaques contre tous les médias qui s'écartent de l'orthodoxie de plus en plus rigoureusement appliquée par l'État de sécurité nationale.
La semaine écoulée a apporté de sinistres nouvelles sur la détermination des élites politiques et des médias grand public en proie à une profonde insécurité à étouffer la dissidence de toutes parts. Il convient d'être extrêmement vigilant. Il ne s'agit plus seulement de la grogne de quelques journalistes indépendants comme votre chroniqueur. Tout est en jeu, jusqu'à notre façon de vivre et de penser.
Si l'on fait abstraction de toutes les saletés qui font de Carlson le Belzébuth de notre profession, les remarques que je garde à l'esprit sont d'un autre ordre. Diana Johnstone, l'éminente européiste qui correspond depuis Paris depuis des décennies, a envoyé un bref message après l'annonce de Fox, qualifiant Carlson de "dernière voix libre de la télévision grand public". Je me suis demandé si j'étais d'accord, puis j'ai décidé que je l'étais.
"L'animateur de télévision a payé le prix fort parce qu'il a tenté l'impossible : faire le grand écart entre médias d'entreprise et journalisme critique", a écrit la semaine dernière sur son blog Jonathan Cook, pour qui j'ai la même estime que pour M. Johnstone. “Il a exposé les Américains ordinaires à des points de vue critiques, en particulier sur la politique étrangère des États-Unis, qu'ils n'avaient aucun espoir d'entendre ailleurs - et certainement pas dans les médias d'entreprise dits "libéraux" comme CNN et MSNBC. Et il l'a fait tout en ridiculisant constamment la collusion crapuleuse des médias avec ceux qui sont au pouvoir".
Johnstone et Cook partagent un point essentiel. Il ne s'agit pas d'être d'accord avec tout ce que Tucker Carlson a dit dans "Tucker Carlson Tonight", son émission du soir sur le câble. Ils ne sont pas d'accord, et je ne le suis pas non plus. Il s'agit de la présence de voix indépendantes dans le journalisme américain. Et c’est la voix que Carlson a fait entendre depuis que Fox lui a donné un créneau en prime time en 2016.
Force est de constater que ceux qui célèbrent le plus bruyamment le licenciement de Carlson sont d'autres journalistes. Ils le font en le qualifiant de néofasciste, de crypto-nazi ou autre. Et ceci a pour effet de transformer l'affaire Carlson en une question gauche-droite. Je ne connais pas Carlson, mais je connais des gens qui le connaissent. Les épithètes mentionnées n'appellent aucun commentaire. La seule façon de s'en tirer en le traitant de raciste - autre accusation courante - est d'adhérer à l'idée absurde que tous les Blancs sont racistes parce qu'ils sont Blancs.
Non, les innombrables larbins qui travaillent pour les médias d'entreprise en veulent à Tucker Carlson d’avoir adopté des positions qui leur sont interdites. Parmi celles-ci, Carlson s'oppose à la guerre en Ukraine, au complexe militaro-industriel, aux opérations secrètes de coup d'État à Cuba et ailleurs, aux subterfuges de Washington aux Nations unies, et au projet impérialiste américain dans son ensemble. Carlson a pris le rapport de Seymour Hersh sur l'opération secrète du régime de Biden visant à détruire les gazoducs Nord Stream pour ce qu'il est : un tour de force réalisé par le meilleur journaliste d'investigation de notre temps. Les journalistes payés par les entreprises détestent Carlson pour ce genre de choses. Et jj'imagine qu'il y a beaucoup d'envies subliminales liées aux performances professionnelles de Tucker Carlson au fil des ans.
Il ne s'agit pas d'une question gauche-droite. Il n'y a plus grand-chose qui le soit, principalement parce qu'il n'y a plus de gauche en Amérique pour permettre des questions droite-gauche . Je ne considère pas Carlson comme un idéologue. Je le vois comme un esprit indépendant qui fait son chemin, qui a raison sur beaucoup de choses, et tort sur beaucoup d'autres.
Jonathan Cook, Glenn Greenwald et d'autres ont dit tout ce qu'il y avait à dire sur le sort de Tucker Carlson à Fox News. Je m'y intéresse avant tout pour motif de crime entre journalistes. Il ne s'agit pas non plus d'une question droite-gauche. C'est une question de pensée indépendante et de perspectives dissidentes, et de ceux qui sont totalement responsables de leur suppression. Le cas de Tucker Carlson est très médiatisé et rendu complexe par la place qu'occupe Fox News parmi les médias détenus par les entreprises. Observons d'autres développements pour une image plus complète de ce qui s'apparente à une guerre de plus en plus intense pour le contrôle du "récit" et, plus avant, pour celui de nos esprits.
"Le licenciement de Tucker Carlson révèle à quel point les médias ont peur des journalistes indépendants", a titré Jonathan Cook sur son blog la semaine dernière. Entièrement vrai, mais les médias (un nom pluriel, d'ailleurs) ne sont pas les seuls à avoir peur aujourd'hui.
■
Depuis qu'Elon Musk a commencé à publier les Twitter Files en décembre dernier, je me suis demandé comment l'État chargé de la sécurité nationale - et, par extension, la presse et les organismes de radiodiffusion grand public, étant donné que la frontière entre les deux est désormais pratiquement inexistante - parviendrait à détourner les révélations extraordinaires que contiennent les Twitter Files. Nous avons maintenant une plateforme de réseaux sociaux de la Silicon Valley prise en flagrant délit de collaboration avec le F.B.I., le département de la sécurité intérieure, et la C.I.A. pour faire taire les voix dissidentes dans le marécage putride qu'était devenu Twitter. L'intervention secrète du gouvernement constitue une violation flagrante du Premier Amendement, et je suis sûr que ce soit la seule violation de la loi.
La National Public Radio a tenté de transformer l'affaire en une revanche de la droite de Musk sur les libéraux - une affaire gauche-droite, encore. Le New York Times a adopté une position par défaut et a ignoré la nouvelle du mieux qu'il a pu. D'autres médias lui ont emboîté le pas. Bien que j'aie de très nombreux amis libéraux à ne pas avoir la moindre idée de l'existence des Twitter Files, ou qui n'ont qu'une vague idée de ce qu'ils contiennent, ces satanées choses continuent d'arriver.
À la mi-avril, c'est Mehdi Hassan qui est venu à la rescousse. Hassan, qui a l'habitude de ce genre de choses, a pris l'antenne sur MSNBC pour (1) déformer les reportages de Matt Taibbi sur les Twitter Files, nombreux à ce jour, et (2) dénoncer Taibbi sur la base de déformations, celles de Hassan. Puis une obscure députée des îles Vierges américaines, Stacey Plaskett, reprend le (mauvais) reportage de Hassan, et demande que Taibbi soit jugé pour parjure, pour faux témoignage à propos des Twitter Files lors de sa comparution sous serment devant le Congrès le 9 mars dernier.
Certains détails sont difficiles à croire. Mme Plaskett affirme que M. Taibbi s'est parjuré sur la base d'une erreur mineure contenue dans un tweet envoyé après son témoignage. L'erreur ne se trouvait pas dans le témoignage lui-même, mais peu importe : nous voulons que Taibbi soit accusé de parjure, et nous l'aurons. Lee Fang, le journaliste perspicace qui a récemment quitté The Intercept (une sage décision) pour lancer sa propre lettre d'information Substack, a depuis révélé que la lettre de Plaskett à Taibbi, dans laquelle elle le menaçait de passer jusqu'à cinq ans en prison, avait été rédigée par du personnel travaillant pour Hakeem Jeffries, le chef de la minorité de la Chambre des représentants, et Jerry Nadler, un démocrate de toujours qui a déjà présidé la commission judiciaire de la Chambre des représentants.
Il s’agit d'une affaire d’importance, semble-til.
Le plus difficile à croire est le comportement de Mehdi Hassan lorsqu'il a déclenché cette mascarade. Un vrai voyou. Mais que peut-on attendre d'un jeune homme qui s'est frayé un chemin dans le courant dominant, se présentant comme le musulman mascotte des libéraux orthodoxes, parfaitement prêt à accomplir la sale besogne ? Le relais entre Hassan et Plaskett me pousse à croire que nous venons d'assister à une collusion à peine camouflée. J'aurais trois choses à dire à ce sujet. Non, quatre.
Premièrement, ce que font Hassan et Plaskett correspond au même type de scénario que les fuites de courrier du Parti démocrate en juillet 2016 : Traquer le messager, s'attarder sur lui sans relâche dans les articles, et ignorer au maximum ce que le messager rend public. Des fonctionnaires et des journalistes - de hauts fonctionnaires comme le secrétaire d'État Antony Blinken, des journalistes chevronnés comme David Sanger du Times - participent aujourd'hui à des jeux de rôle à l'Institut Aspen, où les premiers apprennent aux seconds à centrer leur couverture sur l'auteur de la fuite, et non sur ce qui a été divulgué.
Le cas de Tucker Carlson s'inspire directement de ce modèle. Vous ne verrez rien sur les opinions qu'il a exprimées à l'antenne, mais seulement qu'il est raciste. Avez-vous lu beaucoup de choses sur le contenu des Twitter Files ? Pas plus. Je m'interroge donc : lirons-nous bientôt que Matt Taibbi a des penchants racistes ?
Deuxièmement, Hassan et Plaskett, ainsi que les cliques démocrates qui les soutiennent, en veulent aux fesses de Matt Taibbi pour avoir dénoncé la collusion entre réseaux sociaux et diverses composantes du gouvernement - et nous donnent ainsi un exemple éloquent, mais précis, de collusion entre un média et le gouvernement. Vous voulez savoir comment fonctionne la corruption révélée dans les Twitter Files ? (Hassan, Plaskett et l'establishment démocrate viennent de vous le montrer.
Troisièmement, Medhi Hassan travaille pour MSNBC, mais bon sang, j'aimerais bien savoir pour qui d'autre il travaille. Il est temps de leur poser ce genre de questions. Tous ceux qui savent comment les médias américains ont collaboré pendant la guerre froide avec le pouvoir politique et administratif apprécieront cette démarche.
Quatrièmement, et le pire pour la fin. Le Congrès menace Matt Taibbi d'une peine de prison pour son travail parfaitement honorable : rien n'est plus grave si l'on considère les implications pour la liberté d'expression, la pratique d'un journalisme respectueux des principes, et l'avenir de notre débat public dans son ensemble. Voilà ce qui résulte du refus de la presse traditionnelle de défendre Julian Assange contre les accusations tout aussi bidon qui ont été portées contre lui.
■
J'étais à l'étranger lorsque l'éditeur de ScheerPost, Bob Scheer, m'a écrit pour m'informer de "la croisade hystérique du New York Times contre ce lanceur d’alerte de l'armée de l'air", faisant référence à Jack Teixeira, le garde national de l'armée de l'air actuellement jugé pour espionnage, pour avoir partagé des documents classifiés du Pentagone avec un groupe d'accros aux jeux vidéo dont il fait partie. "C’est la même tactique que celle utilisée par les détracteurs d'Ellsberg, que le Times a publié il y a un demi-siècle, qui consiste à tirer sur le messager, à dénigrer un lanceur d'alerte tout en ignorant son message. Ils ont déraillé".
Dérailler, façon de parler. Et la référence à Daniel Ellsberg illustre bien la distance à laquelle le journal de référence s'est éloigné de ce que l'on peut légitimement appeler le journalisme. L'infortuné Teixeira est apparemment un lanceur d'un genre particulier, d'accord. Mais alors qu'autrefois le Times (ainsi que le Washington Post) travaillait en secret avec l'homme qui a offert au monde les Pentagon Papers, ces deux quotidiens viennent d'affecter des journalistes non pas à la rédaction d'analyses exhaustives des documents qu'il a divulgués, mais à la recherche de l'auteur de la fuite, et à la collaboration effective avec la chasse à l'homme menée par le FBI.
Le Boston Globe nous donne un bon aperçu du rôle du Times dans la chasse au messager dans cette affaire. Naturellement, nous lisons maintenant que Teixeira s'avère être un raciste enclin à la violence. Mais bien sûr. Que ferait le régime Biden si des "extrémistes de droite" ne se cachaient pas sous chaque lit américain ?
Les documents que Teixeira a rendus publics concernaient la vision pessimiste du Pentagone sur la guerre en Ukraine et sur d'autres sujets. Nous n'en avons lu que des bribes et seulement des bribes, rien de plus. Des personnes qui ont analysé l'affaire m'ont dit que le Times avait pris soin de sélectionner tous les documents reflétant une image négative de la Chine, tout en laissant de côté beaucoup d'autres.
Le coupable dans cette affaire est la conférence de presse diffusée par PBS depuis le Pentagone après l'arrestation de Teixeira. Un pur et simple show. Les journalistes présents, qui s'adressaient au porte-parole du ministère de la défense, ne voulaient pas savoir grand-chose sur le contenu des documents de Teixeira, ni sur ce que le ministère de la défense avait à dire à leur sujet. Non, ils ont demandé avec insistance ce que l'armée allait faire pour empêcher de telles fuites à l'avenir.
Pensez-y. Les fuites doivent être stoppées, disent ces robots dans la salle. Qu'allez-vous faire pour les arrêter ?
Glenn Greenwald met à disposition un montage soigné de l'enregistrement de la conférence de presse via son programme System Update. Vous pouvez le visionner ici.
Stacey Plaskett a eu le culot de qualifier Matt Taibbi de "soi-disant journaliste". Voilà ce que sont ces gens. Des crapules à deux balles qui peuplent les bas-fonds de la deuxième guerre froide, à mesure que notre discours se réduit, pour s'adapter à une monoculture de l'information.
Les journalistes - c'est ce que j’en retiens ici - ont fondamentalement changé la fonction de la profession. Ils n'ont même plus la prétention d'être indépendants des pouvoirs qu'ils sont censés couvrir. Ils sont désormais ouvertement les commis des cliques politiques et administratives dont ils "parlent". Ils donnent l'impression de penser que c'est là leur rôle propre.
Sachez-le, chers lecteurs. Réfléchissez à ce que cela signifie pour le monde dans lequel vous vivez, et vous vous déplacez.
■
Et vous qui pensiez que le Russiagate avait enfin disparu.
C'est ce que j'ai écrit en août dernier, lorsque le Parti socialiste du peuple africain, l'APSP, s'est retrouvé pour la première fois en difficulté avec le ministère de la Justice pour avoir agi au nom de la Russie en tant qu'"agent étranger", ce qui est une prétention grotesque. À l'époque, le ministère de la Justice avait signalé un certain Aleksandr Viktorovich Ionov, un Russe de 32 ans, dont il semble qu'il ait rencontré des membres de l'APSP et de son organisation connexe, le "Uhuru Movement", basés en Floride et dans le Missouri et vivant très modestement, pour ne pas dire pire. Aucun des deux groupes n'a été formellement inculpé l'été dernier, mais le ministère de la justice a néanmoins affirmé qu'ils étaient coupables de "semer la discorde", "d'exacerber les griefs" et "de créer dissensions et divisions".
Je pense qu'il n'est pas nécessaire de rappeler aux lecteurs que semer la discorde, accroître les griefs et créer dissensions et divisions sont des actes tout à fait légaux au regard de la Constitution. Pour ma part, je pense qu'il s'agit de trois excellentes initiatives - patriotiques, en fait - compte tenu de l'état de notre république délabrée. Quoi qu'il en soit, semer la discorde en Amérique en 2023, c'est comme transporter du sable au Sahara.
À la fin du mois dernier, le procureur général Merrick Garland a étendu les accusations portées contre Ionov - une cible symbolique, après tout - à quatre membres de l'APSP, dont Omali Yeshitela, le fondateur virulent du groupe. Ils sont accusés d'avoir "instrumentalisé nos droits au Premier Amendement", selon les termes de l'assistant du procureur général Matthew Olsen, "pour diviser les Américains et interférer dans les élections aux États-Unis ". Qu'en est-il ? Le Premier Amendement a été rédigé pour servir d'arme, M. Olsen - et contre des gens comme vous.
Si vous n'êtes pas encore épouvanté, lisez la suite. Vous allez y arriver.
Avant d'aller plus avant, une chose doit être clairement énoncée. J'ai cru comprendre que l'APSP et le "Uhuru Movement" acceptaient de temps à autre de petites sommes de la part de Ionov et les investissaient - des centaines de dollars dans certains cas, des milliers dans d'autres - dans leurs divers programmes en faveur des Afro-Américains. Si tel est le cas, ces groupes ont commis une grave erreur. Aussi désespéré que l'on puisse être, aussi nettes que soient les interférences dans les contributions, on ne les accepte pas si elles proviennent d'une puissance étrangère - et certainement pas de la Russie, étant donné la frénésie de russophobie qui s'empare actuellement de nous. Ce serait non seulement faire preuve de manque de discernement, mais cela fragiliserait également ces groupes dans leur lutte contre le gouvernement.
Cette affaire empeste la répression illégale, mais depuis quand cela signifie-t-il que le ministère de la Justice n'obtiendra pas gain de cause ? "Le ministère n'hésitera pas à dénoncer et à poursuivre ceux qui sèment la discorde et corrompent les élections américaines au service d'intérêts étrangers hostiles", a déclaré M. Olsen dans le communiqué de presse du ministère, "que les coupables soient citoyens américains, ou ressortissants étrangers résidant à l'étranger".
Les nouvelles accusations portées contre des citoyens américains sont passibles d'une peine maximale de 10 ans ; trois des membres de l'APAP inculpés pourraient écoper de cinq ans supplémentaires s'ils sont reconnus coupables d'avoir agi en tant qu'"agents étrangers" et de ne pas s'être déclarés en tant que tels.
Il y a plusieurs façons de considérer cette affaire. La première est de considérer le recours cynique de la Justice à un petit groupe d'activistes plus ou moins impuissants à se défendre contre une force aussi puissante que le gouvernement fédéral. Pour vous donner une idée de l'identité de ces personnes, voici un extrait de ce que j'ai écrit dans le commentaire de l'été dernier :
Le Parti socialiste populaire africain et le "Uhuru Movement" célèbrent cette année [2022] leur demi-siècle d'existence et reflètent la pensée qui prévalait à l'époque de leur fondation : le panafricanisme, une perspective internationaliste sur la race et la géopolitique, le non-alignement, une ligne politique marxiste. Uhuru signifie liberté en swahili. ... Parmi les principaux représentants du socialisme africain figurait Julius Nyerere, l'âme la plus tendre parmi les dirigeants imposants de l'"ère de l'indépendance" - Nyerere, N'Krumah, Nasser et Nehru, ainsi que Sukarno, Lumumba et bien d'autres encore. ...
Ces personnes agiraient-elles soudainement pour le compte des Russes ? Lâchez l'affaire. Ce cas relève de la cruauté pure et simple, quel que soit le nom qu'on veuille bien lui donner.
L'autre façon de réfléchir à la dernière décision du procureur général Garland est de prendre en compte les implications plus larges. Je ne pense pas que Garland et ses assistants se soucient de l'APSP ou du "Uhuru Movement". Ils ont choisi de s'en prendre à eux précisément parce qu'ils sont insignifiants. Le ministère de la Justice est à l'affût de toutes les implications, c'est-à-dire des précédents juridiques. Garland et Olsen utilisent ces deux groupes pour établir qu'il est possible de poursuivre en justice le fait de semer la discorde et tout le reste, une fois cette affaire terminée, en tant qu'acte illégal.
À première vue, il ne s'agit pas d'une affaire concernant les journalistes et leurs éditeurs. Mais ce que cela implique pour les journalistes indépendants et le journalisme indépendant est évident, après brève réflexion.
Je lis des articles sur cette affaire dans divers médias indépendants - sur le site web de Caitlin Johnstone, sur le site web de Monthly Review (ce bon vieux MR), et j'en entends parler sur le System Update de Glenn Greenwald. Greenwald, qui a suivi une formation de juriste constitutionnel, est très compétent sur ce type de sujets.
Je ne lis rien à ce sujet dans la presse grand public, à l'exception d'un article du Washington Post qui se garde bien d'évoquer les conséquences de l'affaire pour la liberté d'expression et le journalisme. Ce silence est indéfendable. Il rend les médias détenus par des entreprises complices, rien de moins, alors que les autorités chargées de faire respecter le Premier Amendement le profanent au motif ridicule que semer la discorde dans notre nation discordante serait en quelque sorte un crime.
Est-ce que je sème la discorde dans ces paragraphes ? La question semble absurde, mais il y a maintenant des raisons de la poser - ce qui est également absurde.
Greenwald qualifie le procès intenté par le ministère de la Justice contre l'APSP de "criminalisation de la dissidence". C’est ainsi que nous devrions le comprendre. Je suis toujours favorable à ce que les choses soient correctement identifiées, à ce que la nomenclature soit correcte, car c'est le premier pas vers une bonne compréhension. La dissidence pour le plaisir n'est pas l'objectif. La dissidence pour la nécessité de la dissidence est le but.
Note de bas de page : Joey Biden a du culot ces derniers temps. Lors du dîner des correspondants de la Maison Blanche, samedi soir dernier, le président a demandé aux Russes de libérer Evan Gershkovich, le journaliste du Wall Street Journal arrêté dans une ville industrielle de fabrication d'armes dans l'Oural, au début du mois dernier. La chute de Biden : "Notre message est que le journalisme n'est pas un crime.” Comme me l'a demandé quelqu'un qui m'est cher, "un seul de ces correspondants s'est-il levé pour dire : 'Monsieur le Président, vous avez volé le slogan de la défense mondiale de Julian Assange, et qu'en est-il d'Assange'?” Pas même un seul : les correspondants ne font plus ce genre de choses.
Recherches et informations complémentaires par Cara Marianna.