đâđš Patrick Lawrence : âInnocents israĂ©liensâ.
Qui est responsable des morts de Re'im ? RĂ©pondre âle Hamasâ n'est pas inexact, mais bien trop superficiel. Qui a fait du Hamas le Hamas ? Assumons nos responsabilitĂ©s & retrouvons notre humanitĂ©...
đâđš âInnocents israĂ©liensâ.
Dans un désert d'indifférence.
Par Patrick Lawrence, le 11 octobre 2023
Qui est responsable des morts de Re'im ? RĂ©pondre âle Hamasâ n'est pas inexact, mais bien trop superficiel. Qui a fait du Hamas le Hamas ? De quoi nous amener Ă assumer nos responsabilitĂ©s & Ă retrouver notre humanitĂ©.
Parmi toutes les images macabres et les reportages à vous retourner l'estomac qui nous parviennent d'Israël depuis que le Hamas a lancé son attaque de choc à travers la frontiÚre de Gaza samedi dernier, un incident reste obstinément gravé dans ma mémoire. Il s'est produit tÎt le matin de l'assaut, prÚs d'un kibboutz appelé Re'im, situé dans le désert du Néguev, juste à la frontiÚre entre Israël et Gaza.
Selon la presse, un groupe important de jeunes gens - des centaines, semble-t-il - faisait la fĂȘte toute la nuit, lorsqu'un nombre indĂ©terminĂ© de soldats palestiniens ont traversĂ© la frontiĂšre en parapente et atterri au beau milieu des festivitĂ©s. Selon un tĂ©moin, 50 militants supplĂ©mentaires sont arrivĂ©s dans des camionnettes. La mort, la pagaille et la panique ont suivi lorsque les forces de Gaza ont tirĂ© sur la foule, puis ont continuĂ© Ă tirer alors que les raveurs couraient pour sauver leur vie. Cet incident, qui a fait couler beaucoup d'encre, est l'un des plus sanglants des premiĂšres heures de cette nouvelle phase de la longue guerre entre Gaza et IsraĂ«l, bien que ce dernier ait dĂ©jĂ commencĂ© Ă faire pire. Les survivants et une agence de secours locale ont estimĂ© le nombre de morts Ă 260 et ont parlĂ© d'un massacre.
Une rave, si vous ne connaissez pas la nomenclature sociale, est un rassemblement de fĂȘtards parmi lesquels il est entendu que tout est plus ou moins permis. D'aprĂšs mon expĂ©rience trĂšs limitĂ©e, lors d'une rave sĂ©rieuse, la pensĂ©e collective est que personne n'a plus de prĂ©occupations : on laisse derriĂšre soi sa raison, ses obligations, tout lien avec ce que nous appelons pudiquement le monde rĂ©el. Vous vous perdez, en quelque sorte, au moins jusqu'Ă ce que votre fantasme d'Ă©vasion s'Ă©puise.
Qu'est-ce qui fait que les Ă©vĂ©nements de Re'im restent gravĂ©s dans ma mĂ©moire ? AprĂšs y avoir rĂ©flĂ©chi, j'en conclus que cela a quelque chose Ă voir avec la vieille rencontre archĂ©typale entre candeur et rĂ©alitĂ©. L'imagerie n'aurait pas pu ĂȘtre plus directe Ă cet Ă©gard : des fĂȘtards qui ne se soucient de rien et s'apprĂȘtent Ă faire la fĂȘte pendant on ne sait combien de temps, et des troupes lourdement armĂ©es qui se soucient de bien des choses, surgissant du ciel. La scĂšne de la fĂȘte devient la scĂšne de l'horreur. Des jeunes innocents, des militants endurcis avec des intentions mortelles : il Ă©tait difficile de passer Ă cĂŽtĂ© de la mĂ©taphysique.
Les comptes rendus mĂ©diatiques de l'attaque de Re'im sont nombreux, mais sommaires et trop dĂ©pendants des sources officielles israĂ©liennes. La premiĂšre vidĂ©o que j'ai vue, publiĂ©e sans source dans le New York Post, dure 47 secondes et est de mauvaise qualitĂ©. Le New York Times en a publiĂ© une autre, de meilleure qualitĂ©, lundi soir. L'abondante couverture mĂ©diatique et les images de la scĂšne, qu'elles soient bien ou mal faites, sont suffisantes pour que l'on puisse examiner trĂšs attentivement ce que l'on nous dit et nous projette avec exactitude sur l'incident de Re'im et, par consĂ©quent, sur le conflit israĂ©lo-palestinien dans son ensemble. Cette question n'est pas nouvelle. Elle se pose chaque fois que le conflit qui oppose depuis 75 ans l'Ătat d'IsraĂ«l Ă la population palestinienne qu'il a dĂ©placĂ©e lors de sa fondation Ă©clate au grand jour, comme cela vient d'ĂȘtre le cas. Aujourd'hui, nous devons Ă nouveau poser cette question : nous devons une rĂ©ponse appropriĂ©e aux Palestiniens, aux IsraĂ©liens et Ă nous-mĂȘmes.
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L'interprĂ©tation que les gouvernements et les mĂ©dias occidentaux ont imposĂ©e aux images diffusĂ©es depuis samedi dernier a Ă©tĂ© aussi uniforme et prĂ©visible que simpliste. Elle est aussi facile Ă dĂ©crire qu'elle est tout Ă fait standard : des IsraĂ©liens vertueux, respectables, s'occupant de leurs affaires, croisent le chemin de âterroristesâ, d'âhommes armĂ©sâ, de âtueursâ de Gaza. La puissance de cette interprĂ©tation des Ă©vĂ©nements est incontestable, puisqu'elle prĂ©vaut depuis de nombreuses dĂ©cennies. Avec des variations mineures, elle survit, intacte, quoi qu'il advienne entre IsraĂ«l et les Territoires palestiniens. Elle est impermĂ©able, pour ainsi dire, Ă l'histoire.
Si l'on considĂšre l'attentat de Re'im comme un Ă©vĂ©nement historique, il me semble qu'il y a quelque chose de trĂšs Ă©trange dans le fait qu'un groupe de jeunes IsraĂ©liens privilĂ©giĂ©s passe un week-end insouciant dans le sable, Ă proximitĂ© d'un pays oĂč la souffrance est quotidienne et incessante, un endroit oĂč l'innocence de ses enfants et de ses jeunes a Ă©tĂ© volĂ©e par l'Ătat dans lequel les fĂȘtards s'adonnent Ă leurs activitĂ©s. Il y a quand mĂȘme quelque chose de trĂšs bizarre : il me semble que les fĂȘtards se sont eux-mĂȘmes trahis en se montrant profondĂ©ment irresponsables. Peut-ĂȘtre inconsciemment, peut-ĂȘtre pas, ils ont fait preuve de cette indiffĂ©rence Ă l'Ă©gard de la vie d'autrui qui a malheureusement fait la rĂ©putation de la nation israĂ©lienne.
Pendant quelques jours, aprÚs l'explosion de violence de samedi dernier, j'ai été frappé par l'absence, dans la couverture médiatique générale, de toute explication sur les raisons qui ont poussé le Hamas à lancer une attaque contre une puissance qu'il ne peut espérer vaincre. Pourquoi les dirigeants de Gaza ont-ils décidé d'agir de la sorte ? J'ai fini par tomber sur des documents indiquant que le gouvernement Netanyahou avait de nouveau provoqué le Hamas, probablement mais certainement avec intention, en autorisant des ultranationalistes à pénétrer dans l'enceinte de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, un site sacré pour les musulmans.
DĂ©roulement : le 1er octobre, le Hamas a mis en garde le gouvernement israĂ©lien contre de telles opĂ©rations. Il s'agissait lĂ de la ligne rouge du Hamas. Trois jours plus tard, des dizaines de colons intentionnellement provocateurs ont pĂ©nĂ©trĂ© de force dans le site de la mosquĂ©e, alors que des milliers d'autres colons s'y Ă©taient rendus depuis l'avertissement lancĂ© par le Hamas le 1er octobre. Pour autant que j'aie pu le constater, les tĂ©moignages sur ces Ă©vĂ©nements n'ont Ă©tĂ© publiĂ©s que dans Al Jazeera et dans d'autres publications non occidentales. Vous chercherez longtemps et en vain dans les mĂ©dias occidentaux le âpourquoiâ de l'offensive du Hamas, son motif.
Les Ă©vĂ©nements d'Al-Aqsa ont peut-ĂȘtre mis le feu aux poudres, mais si c'est le cas, il est douteux qu'ils expliquent Ă eux seuls les attaques du Hamas. Il faut prendre en compte trois quarts de siĂšcle de persĂ©cutions et de harcĂšlements sporadiques, de confiscations de terres, de raids sur les villes palestiniennes, d'arrestations et d'assassinats et, en dĂ©finitive, d'humiliation psychologique punitive d'un peuple durant 75 ans. Les habitants de Gaza sont aussi conscients que n'importe qui d'autre du fait qu'IsraĂ«l a aujourd'hui le gouvernement d'extrĂȘme droite le plus extrĂȘme de son histoire. MĂȘme Ă distance, il semble que les lignes de l'apartheid vont se dessiner de plus en plus nettement.
C'est difficile Ă croire, mais face Ă ce bilan indĂ©fendable, l'offensive du Hamas est qualifiĂ©e de ânon provoquĂ©eâ - ce nouveau terme favori que les Ătats-Unis et leurs alliĂ©s occidentaux dĂ©ploient pour s'expliquer sur telle ou telle situation. La Russie s'est illustrĂ©e par son absence de provocation lorsqu'elle est intervenue en Ukraine l'annĂ©e derniĂšre. La Chine n'a pas Ă©tĂ© provoquĂ©e alors qu'elle renforce son armĂ©e et se prĂ©pare Ă un conflit dans le dĂ©troit de TaĂŻwan. Et maintenant, le Hamas rejoint la liste. C'est peut-ĂȘtre ridicule, mais on ne peut pas dire que ce soit surprenant. L'AmĂ©rique n'a jamais agi Ă l'Ă©tranger qu'au nom des principes les plus nobles. Depuis 1776, elle a toujours Ă©tĂ© un acteur innocent, celui qui est provoquĂ© et non celui qui provoque.
Caitlin Johnstone a publiĂ© dimanche une chronique bien faite sous le titre âIls reprennent l'expression ânon provoquĂ©eâ, cette fois-ci pour dĂ©fendre IsraĂ«lâ. L'inimitable Johnstone y cite une liste farfelue d'hommes politiques amĂ©ricains de premier plan qui ont immĂ©diatement dĂ©clarĂ© que le Hamas avait agi sans avoir Ă©tĂ© provoquĂ©. La lecture de cette litanie d'affirmations, l'une aprĂšs l'autre, est briĂšvement humoristique mais surtout choquante. âQualifier la violence palestinienne contre IsraĂ«l de ânon provoquĂ©eâ est tout simplement encore plus ridicule que de qualifier l'invasion russe de non provoquĂ©eâ, Ă©crit Johnstone, âcar les abus de l'apartheid israĂ©lien sont dĂ©sormais bien connus du grand publicâ.
Nous devons comprendre l'usage qui est fait de ce terme en toutes circonstances, mais restons-en pour l'instant aux événements qui ont éclaté à Gaza et en Israël le week-end dernier. La fiction selon laquelle les attaques du Hamas n'ont pas été provoquées est absolument inhérente à la revendication de l'innocence israélienne, tel qu'évoqué plus haut. J'en viens maintenant aux questions qui se sont accumulées dans mon esprit depuis que j'ai pris le journal samedi matin dernier et lu les événements survenus dans le désert prÚs de Re'im.
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Personne Ă Re'im ne mĂ©ritait d'ĂȘtre tuĂ©, cela ne fait aucun doute. Mais les fĂȘtards des sables du NĂ©guev pouvaient-ils prĂ©tendre Ă l'innocence ? Dans l'affirmative, sur quoi cette revendication reposerait-elle ? Pour aller plus loin, des personnes manifestement indiffĂ©rentes Ă la souffrance d'autres personnes Ă quelques kilomĂštres de lĂ peuvent-elles ĂȘtre en mĂȘme temps des personnes innocentes ? Qu'en est-il de ceux qui semblent fondamentalement irresponsables ? Notez dans les vidĂ©os toutes les voitures abandonnĂ©es que les fĂȘtards ont laissĂ©es derriĂšre eux : ce sont des gens qui ont manifestement atteint l'Ăąge de raison. Peut-on Ă juste titre les considĂ©rer comme innocents ?
Vous avez peut-ĂȘtre remarquĂ© les remarques de Yoav Gallant lundi. Le ministre israĂ©lien de la dĂ©fense est allĂ© jusqu'au bout de la logique des terroristes, des tueurs et des assassins en annonçant un âblocus completâ de la bande de Gaza : les vivres, l'eau, l'Ă©lectricitĂ©, le carburant et les mĂ©dicaments seront tous suspendus. âNous combattons des animaux, et agissons en consĂ©quenceâ, a dĂ©clarĂ© M. Gallant. Il a choisi de paraphraser le Reich plutĂŽt que de le citer, mais il est difficile de ne pas comprendre ce qu'il veut dire : les Palestiniens sont des Untermenschen, des sous-hommes, comme l'auraient dit les idĂ©ologues nazis.
ConsidĂ©rons cette remarque sur les sous-hommes dans le contexte de nos prĂ©occupations. Que signifie vivre dans un pays oĂč quelqu'un comme Yoav Gallant occupe des fonctions Ă©levĂ©es et influentes, exprime les opinions qu'il exprime et planifie les actions qu'il planifie ? Comment peut-on ĂȘtre innocent dans de telles circonstances ? Et si c'est le cas, en vertu de quoi ?
Mardi, l'hebdomadaire britannique The Spectator a citĂ© un survivant de l'attaque du Hamas Ă Re'im, qui a dĂ©clarĂ© : âJe veux juste vivre !â. Il faut un certain culot Ă un IsraĂ©lien pour dire une telle chose - culot, ignorance de l'histoire et, je dirais, indiffĂ©rence et irresponsabilitĂ©. Combien d'images avons-nous vues de Palestiniens fuyant devant la gueule des fusils israĂ©liens ? Combien de fois devons-nous lire que les Palestiniens sont privĂ©s d'eau, que leurs fermes ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©es, que leurs hĂŽpitaux ne peuvent fonctionner faute de matĂ©riel et de mĂ©dicaments ? En gardant Ă l'esprit cette personne si sensible Ă la vie humaine, examinons ce que signifie ĂȘtre innocent. Je pense d'emblĂ©e qu'il est bien difficile d'ĂȘtre innocent Ă notre Ă©poque, dans le monde tel que nous l'avons fait - d'Ă©viter la complicitĂ©, en somme. Si l'on met de cĂŽtĂ© les trĂšs jeunes et les autres impuissants, qui parmi nous n'est pas complice, qui est vraiment innocent ?
Il mâest arrivĂ© dâaborder cette question, lors de l'inauguration du mĂ©morial et du musĂ©e du 11 septembre, en mai 2014, sur le site des tours du World Trade Center, dans le sud de Manhattan. Tous ceux qui ont perdu la vie ont Ă©tĂ© commĂ©morĂ©s comme des victimes innocentes dans des prĂ©sentations hautement individualisĂ©es - l'individualisation Ă©tant essentielle Ă toute revendication d'innocence. Aucun de ceux qui sont morts ne mĂ©ritait de mourir, bien sĂ»r. Mais Ă©taient-ils innocents ? C'Ă©tait une question difficile mais incontournable.
Ceux qui se trouvaient dans les tours du World Trade Center travaillaient pour JPMorgan Chase, Cantor Fitzgerald, Marsh and McClennan, des rĂ©seaux de tĂ©lĂ©vision, des agences de publicitĂ© et une grande variĂ©tĂ© d'autres banques, assureurs, agences de presse, etc. Le New York Times, qui a publiĂ© un bref profil de chacune des victimes, les a prĂ©sentĂ©es comme des papas footballeurs, des cuisiniers amateurs, des bricoleurs, de bons pĂšres et de bonnes mĂšres, des maris et des femmes - des gens innocents qui gagnent leur vie. Mais beaucoup de ces personnes, peut-ĂȘtre la plupart, ont Ă©galement servi dans le systĂšme du capital mondial qui Ă©tait et reste la cause d'une grande partie de l'exploitation et de la privation. Ils ont choisi de travailler pour ces entreprises, de servir dans ce systĂšme. Ils n'Ă©taient pas Ă©trangers aux diverses formes de violence de ce systĂšme. En dĂ©tournant les yeux de cette rĂ©alitĂ©, ils ont abdiquĂ© une partie de leur humanitĂ© au profit du systĂšme qu'ils servaient.
La responsabilitĂ© personnelle au sens oĂč les existentialistes français utilisaient ce terme : voilĂ ce que je voulais dire lorsque j'ai Ă©voquĂ© le MĂ©morial du 11 septembre. Nous sommes tous responsables de ce que nous choisissons de faire ou de ne pas faire Ă chaque instant de notre vie. C'est ce que Sartre entendait par libertĂ© : nous sommes libres de faire ce que nous voulons et sommes responsables de nos choix.
Cette question de la responsabilitĂ©, et celle de l'indiffĂ©rence qui lui est liĂ©e, m'amĂšnent Ă Ă©voquer Emmanuel LĂ©vinas, penseur d'origine lituanienne qui a marquĂ© la scĂšne parisienne de l'aprĂšs-guerre. LĂ©vinas Ă©tait prĂ©occupĂ© par nos relations Ă l'autre. Il Ă©tait nĂ©cessaire, selon lui, non seulement de reconnaĂźtre et Ă©ventuellement accepter les autres en nous, mais aussi de nous comprendre nous-mĂȘmes comme Ă©tant d'autres, et - et c'est lĂ le plus important - nous sommes responsables envers et pour l'autre qui est en nous et avec qui nous vivons. Il s'agit de rĂ©aliser notre pleine humanitĂ©, comme le pensait LĂ©vinas.
Assumer les responsabilitĂ©s qui nous incombent, c'est prĂ©server une certaine innocence, me semble-t-il. DĂ©velopper en nous le sens de l'empathie, ou ce qui Ă l'opposĂ© de l'indiffĂ©rence, c'est aussi prĂ©server ou retrouver notre innocence. Encore une fois, il n'est pas question de dĂ©fendre la fusillade de Re'im. Mais seuls ceux qui, parmi les fĂȘtards, ont compris et assumĂ© leur responsabilitĂ© dans la conduite d'IsraĂ«l et tous les Yoav Gallant qui dirigent l'Ătat d'apartheid peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme innocents de ce que nous devons reconnaĂźtre comme un rĂ©gime criminel. Il existe un mouvement respectable de ces personnes en IsraĂ«l, ne l'oublions pas. Il est difficile d'imaginer que l'un de ses membres fasse la fĂȘte Ă la frontiĂšre de Gaza, mais admettons cette possibilitĂ©. Pour le reste, ils doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme complices.
J'Ă©cris sur les IsraĂ©liens, mais en vĂ©ritĂ© nous sommes tous des IsraĂ©liens, en particulier nous, les AmĂ©ricains. Je ne dis pas cela uniquement en raison du soutien politique, militaire et de propagande spectaculaire que les Ătats-Unis apportent Ă l'Ătat d'apartheid. C'est Ă©galement le cas parce que nous sommes confrontĂ©s aux mĂȘmes difficultĂ©s. Le cas israĂ©lien est extrĂȘme, mais notre cas, Ă nous AmĂ©ricains, l'est-il beaucoup moins ? Nikki Haley, qui, Dieu merci, est une femme politique qui ne gagnera jamais rien, est apparue sur Fox News lundi soir et, au milieu de divers Ă©lĂ©ments de postures absurdes, elle a dit ceci :
âPrenons un peu de recul, car je veux que le peuple amĂ©ricain prenne le temps de rĂ©flĂ©chir. Les IsraĂ©liens se sont rĂ©veillĂ©s et leurs familles ont Ă©tĂ© assassinĂ©es, des femmes et des enfants ont Ă©tĂ© pris en otage, traĂźnĂ©s dans les rues - tout cela s'est passĂ© sous le regard de tous. Cela devrait toucher personnellement chaque femme et chaque homme en AmĂ©rique.... Je dirai ceci au Premier ministre Netanyahu : Achevez-les. C'est le Hamas qui a fait ça. Vous savez que l'Iran est derriĂšre eux. Finissez-en avec eux.â
Enfin, je suis d'accord avec Mme Haley sur un point : les AmĂ©ricains doivent comprendre que ce qui se passe en IsraĂ«l, Ă Gaza et dans les territoires occupĂ©s est trĂšs personnel. Nous voyons une personnalitĂ© politique malheureusement Ă©minente prĂŽner publiquement des crimes de guerre - et elle est loin d'ĂȘtre la seule. Nous en sommes lĂ . Les AmĂ©ricains peuvent soit prendre leurs responsabilitĂ©s, soit rester complices. Il n'y a pas d'alternative possible.
Il y a la question du Hamas, bien sûr, et ne prétendons pas qu'elle soit simple. La légitimité des attaques du Hamas contre des non-combattants ne se discute pas : c'est indiscutable. Les rapports indiquent que de nombreux morts étaient des soldats des forces de défense israéliennes, ce qui est une toute autre affaire. Si l'on fait abstraction des pertes subies par les Forces de défense israéliennes, l'offensive lancée par le Hamas contre les civils le week-end dernier était, dans le désordre, tactiquement, stratégiquement, moralement et éthiquement condamnable. La seule motivation était la vengeance, et la vengeance n'est jamais productive, elle ne se produit jamais à bon escient. Le Hamas a laissé sur le terrain une grande partie de sa prétention à l'innocence lorsqu'il a dévasté Re'im et d'autres zones du sud d'Israël : cela ne fait aucun doute, malgré tous les décÚs de civils dont Israël est responsable.
Mais j'insiste pour que nous fassions une distinction nette entre ce que je considĂšre comme des attaques irrationnelles, probablement engendrĂ©es par une frustration fataliste, et le droit de tous les Palestiniens Ă rĂ©sister, par les armes, aux agissements permanents et inhumains perpĂ©trĂ©s par IsraĂ«l, qui enferme les habitants de Gaza dans ce qu'on appelle communĂ©ment une prison Ă ciel ouvert. La rĂ©sistance aux abus de l'Ătat d'apartheid est un droit lĂ©gal - voir la rĂ©solution 37/43 du Conseil de sĂ©curitĂ© - ainsi qu'un droit moral. Je dirais qu'il s'agit Ă©galement pour les Palestiniens d'une forme de responsabilitĂ© vis-Ă -vis d'eux-mĂȘmes et des principes qui font de nous - parfois, de temps en temps - des ĂȘtres humains. Ainsi, la rĂ©sistance Ă l'oppression est Ă©galement un devoir des opprimĂ©s Ă l'Ă©gard du reste d'entre nous.
Qui est responsable des morts de Re'im ? C'est la question ultime, qui n'en est qu'Ă sa premiĂšre phase. RĂ©pondre âle Hamasâ n'est pas inexact, mais c'est une rĂ©ponse bien trop superficielle. Elle est trop loin d'ĂȘtre complĂšte. S'en tenir Ă cela revient Ă une autre forme de complicitĂ©. Qui doit ĂȘtre tenu pour responsable du climat d'abus et de violence qui caractĂ©rise les relations israĂ©lo-palestiniennes depuis 75 ans ? Qui, peut-on mĂȘme dire, a fait du Hamas le Hamas ? Ce sont lĂ des variantes de la deuxiĂšme partie de la question, celles qui peuvent nous amener Ă assumer nos responsabilitĂ©s, et Ă retrouver notre humanitĂ©.
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