👁🗨 Patrick Lawrence : Le viol de Lady Justice
L'offensive menée contre le principal candidat républicain est très certainement dictée par un esprit de vengeance. Les démocrates ne se sont jamais remis du triomphe de Trump sur Clinton il y a 7 ans
👁🗨 Patrick Lawrence : Le viol de Lady Justice
Par Patrick Lawrence* pour Consortium News, le 13 juin 2023
Les démocrates ne se sont jamais remis du triomphe de Trump sur Hillary Clinton il y a sept ans
Cette affaire est un cas flagrant d'utilisation abusive du pouvoir judiciaire pour tenir Trump à l'écart du processus politique. Contrairement aux années du Russiagate, les autoritaires libéraux savent qu'ils opèrent cette fois au grand jour.
Il est de plus en plus difficile de suivre les accusations portées contre Donald Trump depuis son inculpation la semaine dernière à Miami pour avoir prétendument conservé des documents classifiés dans sa propriété de Mar-a-Lago après son départ de la Maison-Blanche en janvier 2021.
Il n'est en revanche pas vraiment compliqué de suivre la destruction du système de justice américain, qui est le véritable sujet, celui dans lequel nous sommes tous impliqués et pour lequel nous paierons tous le prix fort.
Commençons par un décompte des nœuds juridiques dans lesquels les tribunaux américains lient déjà Trump - un décompte jusqu'à présent, car il semble qu'il y en ait d'autres en cours.
Le procureur de Manhattan a inculpé l'ancien président en avril pour 34 chefs d'accusation de falsification de documents comptables liés à sa campagne présidentielle de 2016. Il s'agit de l'affaire Stormy Daniels, la star du porno qui a été payée 130 000 dollars pour garder le silence sur une brève rencontre qu'elle a eue (selon elle) ou n'a pas eue (selon Trump) dans une chambre d'hôtel de Las Vegas il y a 17 ans.
Aujourd'hui, un grand jury de Miami a prononcé des actes d'accusation pour 37 chefs d'inculpation liés à l'affaire des documents. Il convient de noter que 31 de ces chefs d'accusation relèvent de la loi sur l'espionnage de 1917.
Cela aggrave considérablement la situation. Un ancien président et un candidat actuel à la présidence sont désormais confrontés à l'accusation la plus grave prévue par le droit américain.
M. Trump rejoint ainsi, entre autres, Eugene Debs, Emma Goldman, Alexander Berkman, Julius et Ethel Rosenberg, Daniel Ellsberg, Chelsea Manning, Julian Assange et Edward Snowden - d'autres personnes inculpées en vertu de l'Espionage Act depuis que l'administration Wilson a adopté cette loi inconstitutionnelle sans équivoque pour faire taire ceux qui critiquaient l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale, il y a plus d'un siècle de cela.
Le procureur d'Atlanta enquête actuellement, en vue d'éventuelles inculpations, sur les allégations d'ingérence de Trump en Géorgie lors de l'élection présidentielle de 2020.
Jack Smith, le procureur spécial chargé de l'enquête sur Mar-a-Lago, en mène une autre à Washington, où un grand jury envisage d'inculper Donald Trump pour avoir incité les libéraux à qualifier les manifestations du 6 janvier 2021 de coup d'État, d'émeute, d'insurrection... On ne sait plus où donner de la tête.
Il s'agit d'affaires pénales. Au civil, il y a le cas grotesque d'E. Jean Carroll, une écrivaine dont on n'a jamais entendu parler et qui a obtenu le mois dernier un jugement de 5 millions de dollars parce qu'elle affirme que Donald Trump l'a agressée dans une cabine d'essayage de Bloomingdale's au début des années 1990 (êtes-vous bien assis ?), c'est-à-dire 15 ans avant que saine Stormy ne prétende avoir eu son aventure avec The Donald. Mme Carroll, qui continue sur sa lancée, réclame à présent 10 millions de dollars de dommages et intérêts supplémentaires.Le principal candidat républicain
Je n'utiliserai plus l'expression "l'ancien président" pour décrire l'ancien président. À partir de maintenant, il s'agira du "principal candidat républicain" qui se présentera l'année prochaine contre un candidat démocrate affaibli. Il s'agira plutôt du "principal candidat républicain qui bat largement le président sortant fragilisé dans tous les sondages réalisés jusqu'à présent". Que diriez-vous d'une deuxième mention succincte ?
Cette offensive juridique contre le principal candidat républicain qui gagne largement ... est très certainement dictée par un esprit de vengeance. Les démocrates ne se sont jamais remis du triomphe de Trump sur Hillary Clinton il y a sept ans, lorsque l'histoire était censée toucher au but, et que le néolibéralisme orthodoxe devait régner sans partage, comme c'est le cas aujourd'hui et comme ce le sera à l'avenir, amen.
En bref, le "Trump Derangement Syndrome" est toujours d'actualité.
Mais il faut regarder vers l'avant pour comprendre les événements survenus sur le plan juridique au cours des deux derniers mois. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui est un cas flagrant d'utilisation abusive du pouvoir judiciaire par les autoritaires libéraux pour écarter Donald Trump du processus politique parce qu'ils ne sont pas certains, à juste titre, de pouvoir le vaincre par ce biais.
Je suis pratiquement convaincu que le ministère de la Justice de M. Biden se fiche éperdument de savoir si les affaires contre M. Trump aboutissent ou non à des condamnations.
Si j'ai raison, l'objectif est de le maintenir prisonnier des filets de la justice jusqu'à ce que l'élection de l'année prochaine soit jouée, et gagnée. On peut déjà entendre les commentateurs les plus bornés, dont Rachel Maddow, mais pas qu'elle, dire qu'il serait bon que la justice renonce aux poursuites à condition que Trump s'engage à ne pas se présenter aux élections l'année prochaine.
En d'autres termes, les autoritaires libéraux sont en train de priver les citoyens américains d'un pouvoir judiciaire indépendant, qui est l'une des institutions médiatrices essentielles au bon fonctionnement de tout État. La situation ne peut pas être plus grave si nous parlons de la dévastation finale de notre république malmenée, un point sur lequel je m'étendrai bientôt.
Opérer au grand jour
Les autoritaires libéraux sont bien conscients que, contrairement à une bonne part de leurs manigances durant les années du Russiagate, ils opèrent cette fois-ci au grand jour. Trop d'Américains persistent à ne pas voir ce qu'ils ont sous les yeux, avec autant de netteté qu'un écran en technicolor dans un cinéma.
Comme on pouvait s'y attendre, le contrôle préventif du "récit" a été manifeste depuis que les inculpations de Miami ont été rendues publiques jeudi dernier.
Voyons comment les événements se transforment, comment ceux qui subvertissent nos institutions s'érigent en sauveurs. Voici ce qu'en dit Peter Baker, correspondant du New York Times à la Maison Blanche :
"La première inculpation fédérale de l'histoire à l'encontre d'un ancien président pose l'un des plus graves défis à la démocratie que le pays ait jamais connu. Elle représente soit une validation du principe de l'État de droit selon lequel même les plus puissants doivent répondre de leurs actes, soit le moment où une grande partie de la population va se rendre compte que le système a été irrémédiablement corrompu par l'esprit de parti".
Une validation de l'État de droit ? Même les plus puissants doivent rendre des comptes ? Ces personnes essaient-elles de me faire rire, ou l'inverse ? Je ne sais plus trop.
Hillary Clinton, James Comey, James Clapper, John Brennan, Joe Biden, ce dernier en tant que vice-président et maintenant président : Il s'agit d'une liste extrêmement tronquée de ceux qui, depuis l'élection de Trump en 2016, n'ont fait l'objet d'aucune enquête, d'aucun procès et d'aucune condamnation en tant que criminels, et j'utilise ce terme à dessein.
La violation de la sécurité par Clinton était bien pire que le pire dont Trump est accusé. Clapper et Brennan ont menti au Congrès sous serment. Même selon le dossier incomplet dont nous disposons, une enquête sur les relations d'affaires ukrainiennes et chinoises de Biden lui vaudrait très certainement une combinaison orange.
Ce ne sont là que quelques-unes des innombrables réponses dont nous disposons lorsque nous examinons l'argument de l'égalité devant la loi que l'establishment démocrate cultive aujourd'hui et que Peter Baker résume.
Les actes d'accusation en cours
Examinons très brièvement les actes d'accusation qui pèsent actuellement sur Trump.
L'affaire du procureur de Manhattan repose sur l'affirmation qu'un paiement à une star du porno effectué par l'un des avocats de Trump aurait dû être comptabilisé comme une dépense de campagne. L'affaire Mar-a-Lago porte sur la date à laquelle Trump a fait déclassifier des documents et sur la question de savoir si cela est pris en compte comme il se doit par la Constitution. Rappel : tout président, quelles que soient les circonstances, peut légalement déclassifier des documents sans l'assentiment d'aucune autre institution gouvernementale.
Au pire, ou au mieux selon votre point de vue, nous nous retrouvons avec une erreur comptable dans le premier cas, et une question secondaire d'ambiguïté bureaucratique dans le second.
Le sous-titre de l'article de Baker précise : "Les efforts de l'ancien président pour se défendre contre de multiples chefs d'accusation en discréditant les forces de l'ordre posent un grave défi à la démocratie". Il laisse entendre qu'il est dangereux pour notre démocratie d'affirmer que nos forces de l'ordre se sont elles-mêmes discréditées : voilà ce que j'entends par "la tête en bas".
Depuis le week-end dernier, le bourbier Trump a acquis une nouvelle dimension, une dimension qu'on ne peut pas ignorer si l'on veut comprendre le moment présent. Dans tout le pays, des personnalités politiques de divers horizons ont réagi à la dernière série d'inculpations en brandissant la menace de ce que nous appellerons poliment des actes extraparlementaires.
"Œil pour œil", a averti Andy Biggs, un républicain de l'Arizona au Congrès, dans une note publiée sur Twitter vendredi. Voici Kari Lake, une conservatrice moyennement influente, qui s'est exprimée samedi lors de la convention de l'État républicain en Géorgie :
"J'ai un message ce soir pour Merrick Garland, Jack Smith et Joe Biden - et les gars derrière dans les médias bidons, vous devriez écouter aussi, ce message est pour vous. Si vous voulez atteindre le président Trump, vous allez devoir passer par moi, et vous allez devoir passer par 75 millions d'Américains comme moi. Et laissez-moi vous dire que la plupart d'entre nous sont membres de la N.R.A. [National Rifle Association, le premier porte-voix des partisans des armes aux Etats-Unis] Ce n'est pas une menace. C'est un message d'intérêt public".
Qu'avons-nous entendu ici ? Je ne saurais prédire jusqu'où iront ces menaces de "représailles" - terme utilisé par un membre de la famille Trump. Quelle est la pensée qui se cache derrière cette rhétorique incendiaire ? C'est là la question clé.
Ma réponse : c'est ce à quoi ressemble une société qui a perdu la plus essentielle de ses institutions publiques. Cette société est très, très violente. Elle semble anarchique. On dirait plutôt un échec.
Le système judiciaire américain n'a pas été d'une indépendance irréprochable depuis si longtemps qu'on ne peut même pas s'en souvenir. N'importe quel Noir américain peut vous en parler. Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à la dégradation et à la corruption de l'ensemble de nos institutions. La principale d'entre elles est le pouvoir judiciaire.
Effondrement des institutions
Je me souviens avoir pensé, après que la Cour suprême eut volé les élections de 2000 pour faire gagner George W. Bush, que cette société avait perdu sa capacité à "s'auto-corriger". J'aurais préféré que les confirmations qui ont suivi ne soient pas si nombreuses. Le cas de Citizens United en 2010, lorsque les entreprises se sont vues attribuer le statut de personnes - la formulation demeure tellement étrange - a marqué une étape décisive.
Dernièrement, la Cour suprême a statué que les entreprises avaient le droit de demander des dommages et intérêts aux syndicats qui menaient des grèves pour défendre les droits de leurs membres.
Ces décisions judiciaires ne signifient pas seulement la disparition de l'espace public dans la société américaine, phénomène déjà alarmant. Elles nous indiquent également qu'en tant que citoyens, nous ne pouvons pas compter sur les tribunaux pour rendre des décisions impartiales, désintéressées, voire rationnelles. À un moment donné, le pouvoir judiciaire a arraché le bandeau des yeux de Dame Justice. Sa fameuse balance s'est mise à pencher.
Je me dois d'expliquer la gravité que j'attache aux inculpations de Trump et à l'usurpation éhontée du pouvoir judiciaire américain par des autoritaires libéraux obsédés par le pouvoir.
Il y a de nombreuses années, j'ai passé du temps au Sri Lanka en tant que rapporteur principal pour une commission asiatique des droits de l'homme. Le bref ouvrage qui a résulté de ce séjour s'intitule "Conversations in a Failing State : Sri Lankan Encounters.” (C'est difficile de le trouver aujourd'hui, sauf en allante dans ma cave).
La guerre entre la majorité cinghalaise et la minorité tamoule faisait alors rage dans le nord de l'île. Je ne m'en suis pas approché. Je m'intéressais aux causes profondes du conflit, et je les ai trouvées assez facilement à Colombo, la capitale, dans les villes côtières, dans les hautes terres centrales autour de Kandy, dans les plantations de thé et à Nuwara Eliya, la station balnéaire britannique en ruine.
La fonction publique, le pouvoir législatif, l'armée, les institutions du secteur public : Ils étaient depuis longtemps gangrenés par la pourriture de la corruption. C'est à partir du moment où le pouvoir judiciaire a commencé à disparaître que la notion d'"État en faillite" s'est imposée.
À l'époque, le président de la Cour suprême s'appelait Sarath da Silva. Sarath, comme on l'appelait, avait tout du terroriste dans sa quête du pouvoir total par le biais d'un contrôle absolu du système judiciaire. Ses ennemis étaient morts.
Il avait des juges en exil et des juges qui se cachaient à Nuwara Eliya, pétrifiés à l'idée qu'il puisse les trouver. Les Sri Lankais ordinaires, en particulier les Tamouls, pouvaient alors oublier une justice administrée par l'État. Le recours à la police ou aux tribunaux ne leur venait même pas à l'esprit. Ils s'occupaient eux-mêmes de leurs affaires du mieux qu'ils pouvaient.
Et c'est l'effondrement du système judiciaire, médiateur de dernier recours, qui est à l'origine de la guerre dans le nord et de l'effondrement presque total de la société sri-lankaise.
Non, Merrick Garland n'est pas Sarath da Silva et le désordre qui règne dans nos tribunaux n'est pas comparable, en termes d'ampleur, au désordre que j'ai vu dans ceux de Colombo : pas d'accusations excessives, s'il vous plaît. Mais les leçons sont bien là pour être tirées.
Les déséquilibres judiciaires et les tribunaux au service d'intérêts privés ou politiques ne datent pas d'hier en Amérique, c'est vrai. Ce qui se passe actuellement au ministère de la justice et les divers grands jurys qu'il a convoqués sont les conséquences directes de l'utilisation corrompue du ministère et de ses agences chargées de l'application de la loi pendant les années criminelles du Russiagate.
Ce détournement du pouvoir judiciaire, notamment par le biais de l'Espionage Act, est remonté jusqu'au sommet de la hiérarchie la semaine dernière. Voilà l'urgence de l'époque que nous vivons. Les autoritaires libéraux se servent désormais des tribunaux et des extrêmes du droit américain pour éliminer un candidat politique au profit d'un président démocrate peu compétent, c'est-à-dire pour déterminer l'issue probable d'une élection.
Nos médias dominants s'apparentent de plus en plus à la Pravda au fur et à mesure que les turpitudes s'accumulent, publiant des mensonges parfaitement flagrants à la manière de l'empereur nu. Je me moque du nombre de bouffons que les grands quotidiens abritent, du genre Peter Baker ou Maggie Haberman, qui passent leurs journées de labeur à produire ces trucs idiots mais effrayants. Il fait toujours noir la nuit et clair le jour. Les corrompus et les corrupteurs sont toujours corrompus.
Ce qui est infligé à notre système judiciaire se déroule tel que nous le voyons. Et ces pratiques nous plongent dans les pires difficultés que j'ai pu rencontrer au cours de ma vie.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son dernier ouvrage s'intitule Time No Longer : Americans After the American Century. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré sans explications.
https://consortiumnews.com/2023/06/12/patrick-lawrence-the-rape-of-lady-justice/