👁🗨 Patrick Lawrence : Les démocrates au cœur de la tourmente.
Du mensonge en direct. Une absence quasi totale d'obligation de rendre des comptes. L'anarchie au nom de la loi. La glace sur laquelle ces gens patinent devient terriblement fine...
👁🗨 Les démocrates au cœur de la tourmente.
Par Patrick Lawrence pour ScheerPost, le 2 août 2023
À l'heure où j’écris ces lignes, nous sommes à 16 mois et 5 jours de l'élection présidentielle de 2024. Si une semaine signifie beaucoup en politique, il y a de fortes chances pour que la période transitoire qui s'ouvre à nous soit terriblement mouvementée. Selon moi, le risque d'une anarchie éhontée dans les hautes sphères du pouvoir et, par conséquent, d'une crise constitutionnelle, est aujourd'hui plus élevé qu'il ne l'a jamais été dans la période d'après-guerre. Il est temps de nous préparer à cette éventualité.
Existe-t-il une autre conclusion plausible dans l'état actuel des choses ? Je n'en vois pas. Deux raisons à cela :
Premièrement, les démocrates passent, depuis la défaite d'Hillary Clinton en 2016, pour un parti d'autoritaires libéraux déterminés à imposer leur hégémonie politique sur notre république par tous les moyens requis par ledit projet. Rien n'est hors limites, comme ces gens l'ont déjà démontré. Deuxièmement, dans ce qui ressemble à l'une des plus grandes erreurs politiques de mon époque, les démocrates sont déterminés à présenter en 2024 un candidat dont la sénilité a été publiquement exposée au cours des deux dernières années et plus.
Il s'agit là de deux réalités qui se combinent de manière explosive. La seconde, à savoir l'état mental défaillant du président Biden, rend la première, celle de la culture de la moralité autoritaire au sein du courant démocrate, très inquiétante. La hiérarchie du parti a déjà déclaré que Biden n'affronterait aucun adversaire lors d'un débat primaire - une régression ouvertement antidémocratique sans précédent depuis que les débats télévisés sont devenus essentiels au processus politique lors de la compétition Kennedy-Nixon en 1960. Il convient de se demander ce qu'il va advenir ensuite. À mon avis, la volonté des démocrates de laisser Biden se représenter ne suggère que trop bien les dangers et désordres qui pourraient survenir d'ici au mardi 5 novembre 2024. Ils semblent déterminés, d'une manière ou d'une autre, à maintenir cet homme à la Maison-Blanche. Et ce n'est pas une idée qui rassure.
Les choses ont très mal tourné pour Joe Biden depuis qu'il s'est installé à la Maison-Blanche il y a deux ans et demi. Certes, il continue de se cacher derrière ce sourire carnavalesque dont il s'est affublé à des fins politiques il y a une cinquantaine d'années. Mais si le président et tous ceux qui l'entourent ne sont pas au bord du désespoir à ce stade, c'est qu'ils sont en train de sombrer dans l'insensibilité. Dans sa lettre d'information Substack d'il y a quelques semaines, Seymour Hersh citait l'une de ses sources internes qui affirmait que l'administration américaine était un véritable asile de fous à huis clos. Rien ne permet d'en douter.
Passons brièvement en revue les personnes concernées.
Biden, qui a géré le dossier de l'Ukraine pendant ses années de vice-présidence avec Barack Obama, a cherché à provoquer une guerre entre l'Ukraine et la Russie - une guerre par procuration, bien sûr - dès son entrée en fonction. Mieux encore, il a intensifié ses efforts dans ce sens après sa victoire à la Maison-Blanche. Voici ce qu'en dit John Mearsheimer, éminent spécialiste des relations extérieures, dans une interview publiée dimanche par The Grayzone :
Je pense qu'il s'agit de stupidité. Je crois qu'il ne faut pas sous-estimer la stupidité de l'Occident en ce qui concerne la question de l'Ukraine - et toutes sortes d'autres questions. Mais il me semble que l'Occident croyait - et nous parlons ici principalement des États-Unis - que si une guerre devait éclater entre l'Ukraine et la Russie, l'Occident et l'Ukraine l'emporteraient, et que les Russes seraient vaincus. Nous pensions que c'était le cas.
Il est aujourd'hui évident que le projet ukrainien, pièce maîtresse d'un président qui a longtemps surfé sur le mythe de son expertise en matière de politique étrangère, est un fiasco. Il n'y aura pas de retrait ou de défaite russe, et le régime de Kiev s'est avéré être un rassemblement d'escrocs compulsifs de droite. La proposition cosmique de Biden d'organiser le 21e siècle, démocrates contre autoritaires, va de pair : en dehors de l'Occident et de ses filiales, personne ne veut s'en mêler. Les Américains, soulignons-le d'emblée, paient cher ces dérives - en dépenses personnelles et en perte d'opportunités, soit une catégorie de coûts plus vaste - et ils semblent enfin s'en être rendu compte.
Sur le plan intérieur, ces gens ne font qu'enchaîner les erreurs. Nous avons maintenant droit à la notion de "Bidenomics". Même Biden ne sait pas de quoi il s'agit. Cela se résume à citer des chiffres sur l'emploi qui ne signifient rien si l'on ne tient pas compte des salaires, et ces derniers ne sont pas pris en compte dans l'équation de Bidenomics. Vous vous souvenez de Build Back Better ? Oh, allez, vous devez bien vous en souvenir, aussi lointain que soit ce souvenir. [Build Back Better : cadre législatif proposé par le président américain Joe Biden entre 2020 et 2021, un plan à 1 800 milliards de dollars qui prévoit(yait) de nombreuses réformes en matière de santé, d'éducation et d'écologie ainsi que des investissements pour lutter contre la fraude fiscale.]
Enfin, il y a le dossier sur la censure, pour lequel le régime Biden est accusé d'avoir violé le Premier Amendement pour s'être entendu avec la Silicon Valley afin d'étouffer toute opinion divergente. Comme cela a été largement rapporté, un juge fédéral a émis une injonction préliminaire à l'encontre du régime Biden et de plusieurs de ses agents il y a quelques semaines. Ce faisant, il a clairement laissé entendre que le jugement définitif, actuellement en instance, irait probablement aux plaignants, les procureurs généraux du Missouri et de la Louisiane, ainsi qu'à cinq particuliers.
L'affaire Hunter Biden, qui se développe comme une mauvaise herbe grotesque à l'heure où nous parlons, pourrait maintenant s'avérer être la plus grande vulnérabilité de Biden - et donc du parti démocrate. La commission de surveillance de la Chambre des représentants examine des documents impliquant directement le président dans des systèmes de corruption qui ont rapporté 17 millions de dollars à la famille Biden à l'époque où Joe était le vice-président d'Obama. Un juge fédéral du Delaware a rejeté l'accord honteux conclu par Hunter, en écartant la disposition absurde selon laquelle le fils du président serait à l'abri de tout nouveau constat de corruption. "Le bouclier généralisé contre toute autre accusation basée sur une mauvaise conduite antérieure était si déplacé", a écrit Michael Goodwin dans le New York Post au cours du week-end, "que la seule explication possible est que l'objectif était de mettre un terme définitif à l'enquête sur la famille".
Non, ils ne sont pas insensibles. Ils sont désespérés.
Enfin, il y a le ministère de la justice de Biden sous la direction de Merrick Garland, et le FBI avec Christopher Wray. Ce dernier, poursuivant la pratique observée pendant les années Russiagate, a, ouvertement et secrètement, transformé l'agence en outil politisé à la disposition du Parti démocrate, en retenant notamment pendant plusieurs années des documents exposant l'implication directe de Joe Biden dans les manœuvres de trafic d'influence de Hunter. Ceux qui ne comprennent pas les motivations politiques de la campagne de Garland pour faire emprisonner Donald Trump et, d'un autre côté, son orientation en faveur de l'accord de Hunter Biden, lisent trop d'articles de Gail Collins [journaliste de presse américaine, éditorialiste et essayiste, connue pour ses articles d'opinion au sein du quotidien américain The New York Times].
Regardez ce gâchis. Un président sénile - les médecins appellent l'état de Biden "trouble neurocognitif", mais "sénile" ou "dément" sont des termes appropriés - brigue un nouveau mandat à son actif une guerre par procuration ruineuse et ratée, sans grand résultat sur le plan intérieur, avec des preuves de plus en plus nombreuses d'une corruption personnelle à grande échelle, et d'une défaillance institutionnelle de la même ampleur : il n'y a qu'une seule façon d'expliquer cette pagaille : chacune de ces crises a pour origine l'obsession du parti démocrate de conquérir et conserver le pouvoir plus ou moins indéfiniment afin de satisfaire son prétentieux "discours" de fin des temps, celui d'un triomphe libéral vertueux.
Je n'approuve pas les chroniqueurs qui s'autoréférencent, mais je vais enfreindre ma propre règle à cette occasion.
J'ai mis en garde, lorsque tout cela a commencé en 2016-2017, contre les dangers de l'autoritarisme libéral, pires encore que l'arrivée de Trump sur la scène politique. Et nous y sommes. Cela me rappelle mes années passées à Tokyo, lorsque nous avions l'habitude de dire que le parti libéral démocrate au pouvoir n'était ni libéral, ni démocratique, ni un parti. Le Parti démocrate s'est reconstitué en réaction à la défaite de Clinton il y a sept ans, et il n'est ni démocratique ni, compte tenu de son mode de fonctionnement, un parti à proprement parler. Il s'agit d'une machine infernale conçue pour s'emparer du pouvoir et le conserver, sans référence à la loi ou à l'intégrité institutionnelle.
L'article de Michael Goodwin mentionné plus haut contient des chiffres suggestifs sur les sondages. La moitié des personnes interrogées par Reuters/Ipsos en juin, alors que l'accord de Hunter Biden prenait forme, pensaient que le fils du président bénéficiait d'un traitement privilégié. Ce chiffre inclut un tiers de l’ensemble des démocrates, et plus de 40 % des indépendants de l'un ou l'autre parti. Traduction : la moitié du pays reconnaît que la Maison Blanche et le Ministère de la justice sont corrompus.
Dans le même ordre d'idées, un sondage de l'université Quinnipiac, réalisé à peu près au même moment, a révélé que près de deux tiers des personnes interrogées pensent que les inculpations de Donald Trump par le Ministère de la justice sont motivées par des considérations politiques. Traduction : la plupart des gens reconnaissent que A-G Garland a corrompu le Ministère de la justice en tant qu'institution impartiale chargée d'appliquer la loi sans favoritisme.
Je ne prétends pas que la partie est terminée pour le régime Biden. Beaucoup d'autres manœuvres sont à venir sur ce dangereux échiquier où tout serait joué d'avance. Les grands médias tiennent jusqu'à présent le cap, mais à ce stade, ils pourraient tout aussi bien nous dire que le ciel n'est pas bleu et qu'il ne fait pas noir la nuit. Quelque part, il y a des limites, et un dénouement d'un autre genre se profile à l'horizon, assurément.
Terminons par une réflexion sur ce qui pourrait survenir au cours de ces 16 mois et 5 jours d'incertitude.
La procédure de destitution est une possibilité évidente à ce stade, et semble beaucoup plus proche qu'elle ne l'était il y a encore quelques semaines. Ce qui sera décisif, c'est le sérieux avec lequel la commission de contrôle de la Chambre des représentants va suivre les pistes d'enquête à sa disposition. Je ne peux pas consulter ce document pour l'instant. En effet, même pour les personnes animées d’un sentiment purement partisan, mettre en accusation un président dont on sait qu'il est en danger est une affaire très grave. Les mises en accusation de Trump n'étaient qu'un show, et ont été conçues comme tel. Les éléments qui remontent à la surface contre Joe Biden sont bien plus sérieux.
Un de mes lecteurs a suggéré dans un récent fil de commentaires que, si les accusations de corruption s'accumulent au point que le déni et les faux-semblants ne suffisent plus, Biden pourrait avoir recours à une escalade majeure et sans précédent en Ukraine, de sorte que le désordre national soit relégué à l'arrière-plan et - résultat le plus favorable - ne revienne jamais à la une des journaux. Des choses plus perverses et inhumaines se sont déjà produites. Deux semaines après avoir voté pour la première et dernière fois de ma vie - pour Bill Clinton en 1998 - ce dernier a envoyé un missile de croisière sur l’unique usine pharmaceutique du Soudan pour que les gens cessent de penser à ses ébats avec Monica Lewinsky. Un cas mineur parmi tant d'autres.
Dans ses scandales de corruption, Biden est au bord d'un moment Nixonien, de type "je ne suis pas un escroc". Il se défile déjà de façon ridicule. Interrogé sur les pots-de-vin, il a répondu à un journaliste : "Mais où est donc l'argent ?". Lorsque Miranda Devine, la chroniqueuse du New York Post, lui a demandé récemment pourquoi Hunter avait été nommé à un poste bien rémunéré en Ukraine en 2014, Joe a répondu : "Parce que c'est un gars très brillant." Joe Biden marche sur des œufs à ce stade. Je ne vois pas comment il pourra s'en tirer plus longtemps.
La situation de Joe Biden est simple. Peu de temps après son discours "sans tabou", Nixon a été contraint de démissionner. Biden connaîtra-t-il le même sort ? Le problème est de savoir à qui Biden va passer la main. À ce stade de l'histoire américaine, l'État profond, ou quel que soit le qualificatif qu'on lui donne, semble préférer les occupants semi-compétents ou incompétents de la Maison-Blanche, qui restent à l'écart pendant qu'ils dirigent l'imperium. Mais Kamala Harris ? eh bien, une fois de plus, les limites sont là.
La plus grande menace qui pèse sur nous est que, si le désespoir des démocrates se propage comme c'est très probable aujourd'hui, ils seront tentés de corrompre le processus politique encore plus qu'il ne l'est déjà, et nous serons confrontés à différents stades de désordre civique. J'estime qu'il s'agit d'une grande probabilité. Les libéraux autoritaires, dont le rêve d'hégémonie domestique n'est plus qu'un château de sable emporté par la mer, n'ont nulle part où aller, comme nous le rappelle amèrement le cas de Devon Archer.
Archer, anciennement en affaires avec Hunter Biden, a été reconnu coupable d'une sorte d'escroquerie impliquant des obligations frauduleuses, et attendait la date à laquelle il devait commencer à purger une peine d'un an et un jour. Aucune échéance n'avait été fixée.
Et maintenant, la suite : Archer devait comparaître en début de semaine devant une commission de surveillance de la Chambre des représentants, au cours de laquelle il était censé déclarer sous serment qu'il était présent à diverses occasions lorsque Joe et Hunter Biden menaient leurs activités de trafic d'influence. Ce week-end, le ministère de la justice lui a ordonné de se présenter séance tenante à la prison où il doit purger sa peine. On a même dit qu'Archer se cachait, qu'il se dérobait aux autorités judiciaires chargées de faire respecter la loi. Et, le tollé immédiat - James Comer, qui préside l'Oversight, a dénoncé cette manœuvre comme une obstruction pure et simple à la justice - semble avoir contraint le ministère de la Justice à céder. Archer a témoigné lundi pendant plusieurs heures à huis clos.
On ne sait pas exactement tout ce qu'il a dit, et son avocat, qui entretient des liens étroits avec la hiérarchie démocrate, lui a peut-être conseillé de répondre par "Je ne me souviens pas" à de nombreuses questions. Mais Archer semble néanmoins avoir dit beaucoup de choses. Joe Biden a travaillé intimement et régulièrement avec Hunter pendant que son fils construisait "son image de marque", a témoigné M. Archer. Hunter a mis le "grand homme" sur haut-parleur lors de plus de 20 appels dans le cadre de ses projets de trafic d'influence. Il y a eu des dîners avec Hunter, et ceux à qui il vendait l'accès à "mon pote".
Depuis le témoignage de M. Archer, le quadrant démocrate ne cesse de tourner autour du pot, ce qui dépasse l'entendement. Hunter ne vendait pas l'accès à Joe : ce n'était qu'une ruse pour tromper ceux avec qui il traitait. Tous ces appels téléphoniques n'étaient que des relations père-fils. Oui, il a rencontré certains "associés" de Hunter et, oui, il y a eu des dîners dans des restaurants de Georgetown, mais tout cela relevait de "conversations informelles". Ils parlaient du "temps qu'il fait".
La glace sur laquelle ces gens patinent devient terriblement fine, selon moi.
Des mensonges énoncés en direct. Une absence plus ou moins totale d'obligation de rendre des comptes. L'anarchie au nom de la loi. C'est ce que j'appelle des actes de désespoir. D’où ma suggestion de nous préparer aux évènements à venir.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, principalement pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son dernier ouvrage s'intitule Time No Longer : Americans After the American Century. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré sans explication.
https://scheerpost.com/2023/08/02/patrick-lawrence-reading-the-mess-the-democrats-have-made/