đ© Patrick Lawrence: L'Occident â des technocrates, des incompĂ©tents, des idĂ©ologues...
La morale qui nous tombe dessus cet automne est le déclin critique de l'Occident. Notre crise n'est que la nÎtre, une pourriture interne inhérente aux tyrannies, à l'incompétence et l'aveuglement.
đ© L'Occident : des technocrates, des incompĂ©tents, des idĂ©ologues
đ° Par Patrick Lawrence đŠ@thefloutist / Original Ă ScheerPost, le 2 octobre 2022
Lorsque le SĂ©nat italien nommera le chef du parti Giogia Meloni premier ministre Ă la fin du mois d'octobre, comme cela est largement attendu, l'Italie sera le premier membre fondateur de l'Union europĂ©enne Ă ĂȘtre gouvernĂ© par une coalition farouchement nationaliste.
Domenico Stinellis/AP Photo
Nous ne sommes qu'Ă quelques semaines de l'automne, et dĂ©jĂ la nouvelle saison a quelque chose d'important Ă nous dire. Les leçons tirĂ©es de la semaine derniĂšre ne pourraient ĂȘtre plus rĂ©vĂ©latrices de la situation difficile dans laquelle se trouve l'Occident, alors que ceux qui prĂ©tendent nous diriger s'Ă©garent dans un avenir de la teinte d'un crĂ©puscule d'octobre.
Une lucidité terrible s'impose soudain à nous. Nous approchons de la fin de la fable, à mon sens.
Dimanche dernier, les Ă©lecteurs italiens se sont rendus aux urnes et ont trĂšs largement adoptĂ© un parti populiste d'extrĂȘme droite, Fratelli Italia, les FrĂšres d'Italie. Lorsque le SĂ©nat italien nommera le chef du parti Giogia Meloni premier ministre Ă la fin du mois d'octobre, comme cela est largement pressenti, l'Italie sera le premier membre fondateur de l'Union europĂ©enne Ă ĂȘtre gouvernĂ© par une coalition farouchement nationaliste.
Les marchĂ©s financiers britanniques - actions, obligations, devises - ont sombrĂ© dans une atmosphĂšre proche du chaos cette semaine en rĂ©ponse aux projets de Liz Truss de rĂ©duire les impĂŽts de â€45 milliards, soit 48 milliards de dollars, sans aucune disposition pour financer les allĂšgements ni aucune rĂ©flexion apparente sur les effets inflationnistes de cette politique. Alors que la livre a atteint un niveau record face au dollar et que les fonds de pension britanniques ont Ă©tĂ© pris la main dans le sac, la Bank of England a Ă©tĂ© contrainte d'intervenir mercredi pour protĂ©ger l'Ă©conomie contre l'imprudence Ă©vidente du premier ministre.
Ă la suite des rĂ©fĂ©rendums organisĂ©s cette semaine dans l'est et le sud de l'Ukraine, Moscou a annoncĂ© jeudi que les quatre rĂ©gions oĂč ils se sont tenus seront officiellement rĂ©intĂ©grĂ©es dans la FĂ©dĂ©ration de Russie par le biais de traitĂ©s qui seront signĂ©s vendredi au Kremlin. Cela fait quatre nouveaux Ă©vĂ©nements sur le terrain Ă destination du rĂ©gime de Kiev et de ses soutiens occidentaux, auxquels Washington doit rĂ©pondre.
Qu'est-ce que ces trois faits nouveaux ont Ă voir les uns avec les autres? Heureux que vous posiez la question. Ces dĂ©veloppements ne sont pas aussi disparates qu'ils peuvent sembler l'ĂȘtre Ă premiĂšre vue. Il s'agit de relier les points entre eux. Nous aurons alors, comme dans les livres d'exercices de l'Ă©cole primaire, une image schĂ©matique des rĂ©alitĂ©s.
Je dois m'Ă©merveiller de la culture politique italienne. Elle me rappelle ces huit balles avec lesquelles les enfants jouaient: faites-les rouler et un message surprise apparaĂźt Ă travers une petite fenĂȘtre, venant de la pĂ©nombre intĂ©rieure. La lignĂ©e politique de Fratelli Italia remonte aux vestiges des fascistes de Mussolini. Le gouvernement de coalition de Meloni devrait comprendre deux variations sur ce thĂšme: la Liga, l'opĂ©ration naturaliste de Matteo Salvini, et Forza Italia, le parti dirigĂ© par l'homme aux neuf vies politiques, Silvio Berlusconi.
Ces trois partis partagent diverses positions. Ils sont résolument anti-immigration et s'opposent à toute forme de politique d'accueil: c'est l'Italie aux Italiens, comme le conçoivent Meloni, Salvini et Berlusconi. Ils critiquent le régime de sanctions imposé à la Russie et remettent en question le soutien de l'Union européenne au régime de Kiev. Mais surtout, ils s'opposent avec véhémence aux diktats que Bruxelles impose aux membres de l'UE, notamment, mais pas seulement, aux limites strictes et néolibérales qu'elle fixe aux budgets et à la dette publique en proportion du produit intérieur brut.
Vous lisez beaucoup sur le caractĂšre d'extrĂȘme-droite de Fratelli Italia et de ses partenaires de coalition. Il ne faut pas y voir un tournant dans la politique europĂ©enne, mais je ne pense pas que ce soit ce qui fait trembler Bruxelles et les cliques politiques des capitales occidentales. C'est l'euroscepticisme que Meloni partage avec ses partenaires qui inquiĂšte le plus les Ă©lites politiques des deux cĂŽtĂ©s de l'Atlantique.
Meloni signale dĂ©jĂ qu'elle va modĂ©rer certaines des positions qui lui ont valu le soutien des Ă©lecteurs. Elle est maintenant d'accord avec l'OTAN, contre laquelle elle s'Ă©tait autrefois Ă©levĂ©e, et elle acceptera, mĂȘme Ă contrecĆur, par opportunisme, temporairement, ou les trois, le soutien de l'UE Ă l'Ukraine. Elle ne propose plus de sortir l'Italie de l'euro, comme elle l'a fait par le passĂ©.
Mais le nĂ©olibĂ©ralisme dominant de l'UE et les politiques d'austĂ©ritĂ© qui le reflĂštent sont une autre affaire. Meloni a beau parler de ces questions avec plus de rĂ©serve qu'auparavant, il s'agit lĂ d'une question de rĂ©alisme, de deux et deux font quatre: l'U.E. dispose dĂ©sormais d'une autre voix qui s'exprimera au nom des intĂ©rĂȘts nationaux au nom des Ă©lecteurs. Les autres, pour l'instant, sont la Pologne et la Hongrie, mais les Polonais et les Hongrois sont des membres de l'aprĂšs-Mur de Berlin; l'Italie est un membre de l'Europe centrale, du cercle intĂ©rieur. Qu'elle en ait ou non l'intention, Mme Meloni soulĂšve la question de la cohĂ©rence Ă long terme de l'UE. Et c'est une excellente chose.
Il est intéressant d'écouter les acteurs des think tanks [groupes de réflexion] qui reflÚtent l'orthodoxie occidentale lorsqu'ils considÚrent l'arrivée au pouvoir de Meloni. Ils s'inquiÚtent que Meloni "perturbe le processus politique à Bruxelles". Ils craignent qu'elle ne "gùche le travail". Charles Kupchan du Conseil des relations étrangÚres: "La direction de l'élan politique est en train de changer. Nous avons eu une vague de centrisme, mais maintenant on a l'impression que le tableau politique bascule à nouveau en direction des populistes de droite. Et c'est un gros problÚme."
Quant Ă la question de l'Ukraine, Kupchan voit le premier ministre Meloni de cette façon: "Le rapport de force en Europe va pencher davantage vers la diplomatie et un peu moins vers la poursuite du combat." En effet, les partis Ă©tiquetĂ©s populistes ont tendance Ă favoriser un rĂšglement nĂ©gociĂ© de la crise ukrainienne plus que les "partis traditionnels"." NĂ©gociations, pas bien. La guerre, bien: voilĂ ce que semblent penser les partis traditionnels de Kupchan. "En ce qui concerne la question de l'Ukraine, Kupchan voit le premier ministre de Meloni de cette façon: "L'Ă©quilibre des forces en Europe penchera davantage vers la diplomatie et un peu moins vers la poursuite du conflit." En effet, les partis qualifiĂ©s de populistes ont tendance Ă favoriser un rĂšglement nĂ©gociĂ© de la crise ukrainienne plus que les "partis traditionnels"." NĂ©gociations, mauvais. La guerre, bien: Cela semble ĂȘtre le point de vue des partis traditionnels de Kupchan.
Quel est le message? Pourquoi tant d'inquiétude?
Revenons à 2015 pour répondre à ces questions. à l'époque, la GrÚce était plongée dans une crise profonde: l'économie s'était effondrée sous le poids de l'austérité de l'UE; les gens vivaient dans des camps de rue, et fouillaient les poubelles pour dßner. Ils ont ensuite voté par référendum en faveur d'une austérité supplémentaire de la part de l'UE en échange d'un renflouement. Lorsqu'ils ont voté contre, Bruxelles et Francfort, siÚge de la Banque centrale européenne, ont tout simplement ignoré le résultat, mis le gouvernement d'AthÚnes au pied du mur, et imposé le nouveau régime malgré tout.
Détenteurs d'obligations et technocrates, oui ! La démocratie, non ! Voilà ce que l'UE avait à dire aux Grecs à l'époque.
Je suis descendu du bus de l'UE à ce moment-là . Il fallait qualifier l'un des magnifiques idéaux de la moitié d'aprÚs-guerre du 20e siÚcle d'échec corrompu. Il est clair depuis que l'UE n'est guÚre plus que l'instrument avec lequel des idéologues intolérants imposent les rigueurs sans exceptions de l'orthodoxie néolibérale aux Européens qui, quelle que soit leur couleur, défendent les institutions médiatrices et démocratiques par lesquelles ils peuvent exprimer leur volonté. Il y a une continuité entre la conduite antidémocratique de Bruxelles et l'ascension de Meloni et de ses partenaires de coalition sur la scÚne politique italienne.
Il faut ici faire une distinction importante. On peut s'opposer aux idées et politiques de droite des soi-disant populistes de Budapest, et maintenant de Rome. Mais il est impératif de reconnaßtre que, quelle que soit la maniÚre dont ils abordent leur situation, ils défendent quelque chose de valable qui est en péril.
Un exemple concret s'est produit juste avant que les Italiens ne se rendent aux urnes. Ursula von der Leyen, qui outrepasse sans cesse son mandat de présidente de la Commission européenne, a prévenu que Bruxelles avait des "outils" à sa disposition pour faire rentrer les Italiens dans le rang si un gouvernement Meloni engageait la nation dans une "direction difficile".
Il s'agissait d'une suggestion audacieuse selon laquelle Bruxelles pourrait priver l'Italie d'une partie ou de la totalité des quelque 20 milliards de dollars de fonds de l'UE qu'elle est actuellement censée recevoir chaque année. Cela équivaudrait à AthÚnes 2015, une fois de plus.
Bien des choses chez Matteo Salvini ne sont pas recommandables, mais certaines le sont. "Qu'est-ce que c'est, une menace ?" a-t-il demandé en réponse. Il a ensuite accusé von der Leyen d'"arrogance honteuse et d'intimidation institutionnelle" tout en insistant pour qu'elle "respecte le vote libre, démocratique et souverain du peuple italien."
Je suis avec la coalition entrante Ă Rome sur ce point, si ce n'est sur plusieurs autres. Quoi qu'ils fassent d'autre, ils mĂšnent une guerre contre les tyrannies des technocrates qui doit ĂȘtre combattue si nous voulons nous dĂ©barrasser de l'autoritarisme libĂ©ral qui nous envahit aujourd'hui. Vous n'apprĂ©ciez pas leurs positions? D'accord, mais n'oubliez pas que c'est prĂ©cisĂ©ment cette intolĂ©rance libĂ©rale qui les a encouragĂ©s.
Une rĂ©flexion pour terminer. Quand avez-vous lu pour la derniĂšre fois un article avec une rĂ©fĂ©rence Ă Strasbourg? Inutile de rĂ©pondre. Le Parlement europĂ©en est censĂ© ĂȘtre le troisiĂšme pilier de la structure de l'U.E.: l'administration Ă Bruxelles, la banque centrale Ă Francfort, et le processus dĂ©mocratique Ă Strasbourg. Oubliez cela: Le P.E. n'est pour l'instant rien de plus qu'un pitoyable spectre annexe sans consĂ©quence, malgrĂ© la prĂ©sence d'une minoritĂ© de membres de principe.
Si j'ai parlé un peu longuement de l'élection italienne et de ses implications, c'est en partie parce que cela nous est utile, à nous Américains, à l'approche de nos élections de mi-mandat, et que nous essayons de comprendre ce qui est le plus fondamentalement en cause. à notre maniÚre et avec nos nombreuses variantes, la lutte contre les tyrannies des technocrates est aussi notre combat.
En toute honnĂȘtetĂ©, je ne pense pas que Liz Truss s'Ă©lĂšve mĂȘme au niveau d'un technocrate. Les technocrates pensent au moins, mĂȘme si c'est de façon perverse. De toute Ă©vidence, le Premier ministre britannique ne le fait pas, probablement parce qu'elle ne le peut pas.
Certains commentaires amusants ont été émis par l'establishment britannique, notamment mais pas uniquement par les Conservateurs, en réponse aux plans économiques incroyablement mal évalués - ou non évalués, mieux encore - annoncés par Mme Truss la semaine derniÚre. "Folie inepte" était un bon mot. "Un boulet de plomb", c'était pas mal. Dans la catégorie "droit au but", il y a eu "un spectacle de merde absolue". J'aime la litote des Britanniques.
Au moment oĂč j'Ă©cris ces lignes, un chĆur grandissant dans les hautes sphĂšres demande Ă Mme Truss de renoncer Ă son programme, qui se rĂ©sume Ă une Ă©conomie de l'offre rĂ©chauffĂ©e, la vieille, trĂšs vieille arnaque du "ruissellement" datant de la fin des annĂ©es 1980: allĂ©gez les impĂŽts des riches et des sociĂ©tĂ©s, et tout le monde recevra quelques miettes du gĂąteau. J'espĂšre pour notre bien Ă tous qu'elle le fera, car si elle persiste, elle pourrait creuser un gouffre dans la courbe de l'Ă©conomie mondiale.
Mais qu'est-ce qui a bien pu pousser le nouveau Premier ministre à cette irrationalité?
Si vous suivez l'ascension de Truss dans la politique britannique, il n'est pas difficile de déceler une obsession - pas trop forte - pour Margaret Thatcher. Thatcher a réduit les impÎts, audacieusement. Je vais audacieusement réduire les impÎts. Thatcher était dure avec les Russes. Je serai dure avec les Russes. Thatcher a posé héroïquement sur un char britannique en Europe de l'Est. Je le ferai aussi. Thatcher portait une élégante chapka de fourrure sur la Place Rouge. J'en porterai une aussi.
Je ne trouve pas une seule caractĂ©ristique de la posture publique de Truss qui ne dĂ©rive pas d'une reconstitution de ce type. Imiter la Dame de fer est devenu pour Truss un substitut Ă la rĂ©flexion. Cette façon de faire de la politique constitue un dĂ©crochage d'avec les Ă©vĂ©nements et les difficultĂ©s du moment. Des dĂ©cisions peuvent ĂȘtre prises, mais nul besoin de se confronter Ă la rĂ©alitĂ©.
Et ce que vous avez entendu outre-Atlantique la semaine derniĂšre, c'est Liz Truss se heurtant Ă la rĂ©alitĂ©. La Bank of England augmentait les taux d'intĂ©rĂȘt Ă un rythme effrĂ©nĂ© pour resserrer l'argent et Ă©viter l'inflation, quand soudain, mercredi, elle a annoncĂ© son intention d'injecter â€65 milliards de liquiditĂ©s d'urgence dans le systĂšme pour sauver la Grande-Bretagne du danger que reprĂ©sente son premier ministre. C'est ce que les Britanniques appellent, un peu grossiĂšrement, un coup bas.
Truss me semble ĂȘtre un cas extrĂȘme de tĂȘte vide, mais elle reste typique de sa cohorte de prĂ©tendus leaders politiques - et de beaucoup de gens ordinaires, d'ailleurs. . C'est une question de "vision", comme l'a si bien dit George H.W. Bush, qui n'en avait pas lui-mĂȘme non plus. Les hommes politiques pensent toujours Ă eux et Ă leur ascension dans la hiĂ©rarchie, bien sĂ»r. Mais Ă notre Ă©poque, il semble que ce soit la seule chose Ă laquelle ils pensent. Peu d'entre eux, et il est vraiment rare d'en trouver, ont une vision des questions plus larges auxquelles sont confrontĂ©s les gens qu'ils prĂ©tendent diriger.
Je ne peux penser Ă aucun autre moment de l'histoire moderne oĂč les nations comprenant l'Occident ne peuvent si peu se permettre un tel aveuglement, une telle indiffĂ©rence, et une telle irresponsabilitĂ©. Liz Truss vient de nous faire la faveur de nous montrer oĂč cela peut facilement mener.
La mention de l'irresponsabilité m'amÚne - comment pourrais-je penser à autre chose - aux référendums de la semaine derniÚre dans l'est et le sud de l'Ukraine et à ces nouveaux faits sur le terrain. Cette crise semble ne jamais cesser d'aller de mal en pis. Washington et Moscou s'échangent des accusations de chantage nucléaire. Nous assistons à un redécoupage des cartes politiques.
Je ne peux m'empĂȘcher de penser que, quels que soient les objectifs militaires et politiques du prĂ©sident Poutine lorsqu'il rĂ©intĂšgre certaines parties de l'Ukraine dans la FĂ©dĂ©ration de Russie, il a Ă©galement l'intention de mettre un bĂąton dans les roues Ă Washington: Vous pensez que vous pouvez agir de maniĂšre aussi irresponsable en rĂ©ponse Ă mes efforts pour nĂ©gocier un ordre de sĂ©curitĂ© en Europe qui profite Ă toutes les parties sans qu'il y ait de consĂ©quences? En voici quatre Ă votre intention.
Y a-t-il un parallÚle entre l'incapacité de Liz Truss à réfléchir et la détermination de Washington à prolonger les combats et à écarter toute idée de rÚglement diplomatique? Rien de trÚs précis, mais j'en vois un. Ce que Margaret Thatcher est au Premier ministre britannique, l'idéologie américaine de la vertu invincible l'est au Président Biden. Ce dernier ne semble pas plus réfléchir aux circonstances toujours changeantes que la premiÚre. L'une des caractéristiques des idéologies, aprÚs tout, est qu'elles écartent la rigueur du raisonnement.
On entend dire ici et lĂ ces jours-ci que la politique Ă©trangĂšre de Biden est la plus agressive et la plus guerriĂšre de l'aprĂšs-guerre. C'est peut-ĂȘtre vrai. Dans la mesure oĂč c'est le cas, j'y vois l'indication d'une paralysie - une sclĂ©rose, peut-ĂȘtre - manifeste parmi les cliques politiques depuis un certain temps, mais qui va en crescendo aujourd'hui.
Ces gens n'ont pas eu à réfléchir aprÚs les victoires de 1945. L'Amérique avait gagné, et la tùche consistait simplement à maintenir le cap. La situation a changé aprÚs le démantÚlement du mur de Berlin par les Allemands, et la naissance d'une nouvelle communauté de nations plus fluide. Elle a encore évolué avec l'émergence de nouvelles puissances telles que la Chine et la Russie post-soviétique, post-Eltsine.
Mais personne à Washington n'avait l'habitude de réagir à des mutations aussi radicales que celles-ci. L'acte de penser a été mis aux oubliettes. On a eu recours à l'idéologie et à la nostalgie d'un temps perdu.
Le malheur de Biden, outre l'ineptie des personnes qu'il a nommĂ©es secrĂ©taire d'Ătat et conseiller Ă la sĂ©curitĂ© nationale, est que la musique s'est plus ou moins arrĂȘtĂ©e lorsqu'il a pris ses fonctions. Il lui incombait de gĂ©rer le passage de la primautĂ© amĂ©ricaine dans l'histoire et d'accueillir une nouvelle Ă©poque avec de nouvelles idĂ©es quant Ă la place de l'AmĂ©rique dans le monde. La fin de la mascarade a dĂ©butĂ© sous sa fĂ©rule. Biden n'est manifestement pas Ă la hauteur de ce moment, mĂȘme si, pour ĂȘtre honnĂȘte, il est difficile d'imaginer un prĂ©sident amĂ©ricain qui le serait, Ă©tant donnĂ© le type de personnes que notre processus politique met en avant.
La nostalgie d'une prĂ©dominance incontestĂ©e est plus Ă©vidente de l'autre cĂŽtĂ© du Pacifique; c'est l'idĂ©ologie qui guide les politiques nous ayant entraĂźnĂ©s dans la crise ukrainienne et nous y maintiennent. Ni l'une ni l'autre n'ont plus le dessus. Dans les deux cas, l'AmĂ©rique se dirige vers la catastrophe Ă un rythme que je ne pouvais mĂȘme pas croire possible il y a quelques annĂ©es.
Les tyrannies des technocrates anti-démocratiques, l'incompétence des hauts fonctionnaires, l'aveuglement des idéologues: la leçon qui nous tombe dessus cet automne est que le leadership de l'Occident est aujourd'hui en déclin critique. Cela n'a rien à voir avec la Russie, la Chine ou tout autre bouc émissaire. Notre crise n'est que la nÎtre, une pourriture interne qui me rappelle la lente disparition de l'Union soviétique par le biais de la décomposition interne. C'est la réalité des faits de la semaine derniÚre qui se présente à nous dans une lucidité féroce.
* Patrick Lawrence, correspondant à l'étranger pendant de nombreuses années, notamment pour l'International Herald Tribune, est critique des médias, essayiste, auteur et conférencier. Son dernier livre est Time No Longer : Americans After the American Century. Son site web est Patrick Lawrence. Soutenez son travail via son site Patreon. Son compte Twitter, @thefloutist, a été définitivement censuré sans explication.
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