đâđš PĂšres & fils
Parents & enfants sont détruits par les bombardements aveugles. En toile de fond, les dirigeants du monde pontifient sur le droit international. Mais la machine à tuer d'Israël continue à frapper.
đâđš PĂšres & fils
Par Sahar Qeshta*, le 18 janvier 2024
Kamel
Kamel travaillait comme technicien de laboratoire à l'hÎpital européen de Gaza à Khan Younis.
PÚre de famille apprécié de ses collÚgues, il souhaitait si désespérément un garçon que ses amis l'appelaient Abu Bilal bien avant qu'il n'ait d'enfants.
Il a fallu cinq filles et 12 années de patience avant de voir enfin naßtre son Bilal.
Kamel, un collÚgue de ma mÚre avant qu'elle ne soit transférée dans un autre hÎpital, était trÚs heureux et joyeux. Ma mÚre a décrit Kamel comme la personne la plus paisible qu'elle ait jamais rencontrée.
Ils ne s'étaient pas vus depuis 17 ans, jusqu'à ce que ma mÚre le rencontre par hasard à l'hÎpital al-Helal al-Emirati de Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza.
Elle a eu du mal Ă le reconnaĂźtre. Alors qu'elle avait connu un homme avenant, au visage et au corps ronds, elle ne voyait plus que l'ombre de l'homme qu'elle avait connu.
Les brûlures avaient défiguré son visage, emporté ses sourcils, ses cils et laissé son cou et sa gorge profondément marqués.
Il Ă©tait maigre comme un clou, pĂąle et fragile, tourmentĂ© par la perte d'un ĂȘtre cher.
Une frappe aérienne israélienne a touché sa maison.
Sa fille aßnée a été tuée. Bilal a été tué.
Kamel Ă©tait lui-mĂȘme donnĂ© pour mort lorsque les secouristes l'ont trouvĂ©. Ils ont mĂȘme enveloppĂ© son corps dans du papier d'aluminium et l'ont dĂ©posĂ© parmi les cadavres.
Il a montré à ma mÚre les photos de son fils et de sa fille sur son téléphone. Des larmes coulaient sur ses joues creuses.
Il a murmurĂ© : âJ'aurais prĂ©fĂ©rĂ© mourirâ.
Kamel est désormais sans abri. Il séjourne à l'hÎpital émirati, le seul endroit qui lui reste.
Ashraf
Ashraf travaillait dans un pressoir à olives à Rafah. Chaque année, la saison des olives commence à Gaza en octobre.
MĂȘme l'annĂ©e derniĂšre, malgrĂ© les circonstances, des gens ont risquĂ© leur vie pour rĂ©colter les olives et les amener au pressoir pour produire de l'huile.
Pour certains, l'huile d'olive est l'unique source de revenus.
Ashraf travaillait au pressoir tandis que son fils unique Ahmad allait chercher du bois pour que sa grand-mÚre puisse préparer le déjeuner.
Israël a interdit le gaz domestique à Gaza et sa rareté est devenue un problÚme récurrent. Les gens brûlent tout ce qu'ils trouvent pour préparer à manger.
On peut Ă peine marcher sur la route sans suffoquer Ă cause de la fumĂ©e qui s'Ă©chappe de partout : des maisons, des tentes, voire des rues elles-mĂȘmes.
Les arbres de notre parc local sont presque morts, car les gens manquent cruellement de bois de chauffage.
La bombe a frappé sur la maison proche du pressoir à olives. C'était en plein jour. Des dizaines de personnes faisaient la queue pour presser leur récolte.
Douze personnes ont été tuées et plus de 60 blessées. Ahmad fait partie des morts.
Le pressoir d'Ashraf - pour les Palestiniens, les olives sont traditionnellement un symbole de résilience face aux épreuves - est devenu à son tour le témoin d'un bombardement insensé qui a coûté la vie à son fils unique.
Voilà ce que signifie le génocide israélien. Parents et enfants sont tous détruits par les bombardements aveugles.
Ceux qui survivent n'y trouvent aucun réconfort. L'espoir a disparu.
Deux pÚres ont vu leurs espoirs brisés, leurs enfants assassinés, leur foi mise à l'épreuve.
Aucune guérison possible. Seule la mort compte.
Et en toile de fond, les dirigeants du monde entier pontifient sur le droit international.
Mais la machine à tuer d'Israël continue de frapper.
* Sahar Qeshta est Ă©crivain Ă Gaza.
https://electronicintifada.net/content/tale-two-fathers/43981