đâđš Peut-ĂȘtre est-il trop tard. Le dernier plaidoyer d'Assange est dĂ©sormais entre les mains de la High Court.
AprÚs avoir contribué à donner de Julian Assange l'image d'un cyberterroriste et d'un déviant, certains médias britanniques risquent de voir l'assassinat du fondateur de WikiLeaks revenir les hanter.
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Par Ian Burrell, le 18 juin 2023
La premiÚre diffusion de données de WikiLeaks, en 2010, a produit ce que Vanity Fair a décrit comme "l'un des plus grands scoops journalistiques de ces 30 derniÚres années".
AprÚs avoir contribué à donner de Julian Assange l'image d'un cyberterroriste et d'un déviant, certains médias britanniques risquent de voir l'assassinat du fondateur de WikiLeaks revenir les hanter.
Julian Assange est sur le point d'ĂȘtre extradĂ© vers les Ătats-Unis. Il fait face Ă des poursuites sans prĂ©cĂ©dent au titre de lâEspionage Act, qui pourraient le condamner Ă 175 ans de prison et permettre Ă Washington de poursuivre les journalistes d'investigation du monde entier, rĂ©putĂ©s avoir rĂ©vĂ©lĂ© des secrets amĂ©ricains.
Les mĂ©dias de la onziĂšme heure ne condamnent pas cette affaire manifestement politique, malgrĂ© ses consĂ©quences dĂ©sastreuses pour la libertĂ© d'information. Et mĂȘme si M. Assange est dĂ©tenu sans inculpation depuis quatre ans Ă la prison de haute sĂ©curitĂ© de Belmarsh, Ă Londres, ce qui a coĂ»tĂ© des centaines de milliers de livres au contribuable britannique, la sympathie du public Ă son Ă©gard est Ă©moussĂ©e parce qu'il a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme un rĂ©prouvĂ©.
M. Assange se décrit comme "un rédacteur en chef qui aime ce que les journalistes sont capables de faire", mais il n'a jamais été accepté par la classe médiatique comme l'un des siens. En fait, il a été perçu comme une menace en raison du défi que WikiLeaks pose au rÎle d'arbitre de l'information joué par les médias établis.
Pourtant, la premiÚre fuite de données de WikiLeaks en 2010 a produit ce que Vanity Fair a décrit comme "l'un des plus grands scoops journalistiques de ces 30 derniÚres années".
Cette fuite massive de cùbles diplomatiques comprenait une vidéo montrant des hélicoptÚres de combat de l'armée américaine abattant 18 civils à Bagdad, dont deux journalistes de Reuters. Elle a mis à nu les échecs de la guerre en Afghanistan, et révélé que des centaines de civils avaient été tués par les forces de la coalition.
Nous avons également appris que Vladimir Poutine accumulait des richesses considérables et que l'Argentine avait de nouvelles visées sur les ßles Malouines. Les révélations sur la corruption du président tunisien sont considérées comme le déclencheur du printemps arabe.
L'establishment amĂ©ricain ne lui a jamais pardonnĂ© cette rĂ©vĂ©lation de ses activitĂ©s secrĂštes. Hillary Clinton, alors secrĂ©taire d'Ătat, a qualifiĂ© la fuite d'"attaque contre la communautĂ© internationale". Depuis lors, l'AmĂ©rique veut que M. Assange se retrouve derriĂšre les barreaux. Sa source, Chelsea Manning, a purgĂ© une peine de sept ans, plus une annĂ©e supplĂ©mentaire pour ne pas avoir tĂ©moignĂ© contre le fondateur de WikiLeaks, qui a passĂ© la plupart des treize derniĂšres annĂ©es enfermĂ© Ă Belmarsh ou Ă l'ambassade d'Ăquateur Ă Londres.
Lorsque Joe Biden est entrĂ© Ă la Maison Blanche en 2020, annonçant un "engagement Ă faire progresser les droits de l'homme", les partisans d'Assange ont espĂ©rĂ© que les poursuites seraient abandonnĂ©es. La loi sur l'espionnage a Ă©tĂ© promulguĂ©e en 1917 par le prĂ©sident de l'Ă©poque, Woodrow Wilson, et utilisĂ©e pour emprisonner les dissidents politiques, notamment les manifestants contre l'appel Ă la participation des Ătats-Unis Ă la Grande Guerre.
Il est choquant de constater que, dans un pays dont la constitution protĂšge la libertĂ© d'expression, cette loi ne s'accompagne d'aucune dĂ©fense de l'intĂ©rĂȘt public.
"C'est la premiĂšre fois que les Ătats-Unis tentent de poursuivre un Ă©diteur en vertu de l'Espionage Act", dĂ©clare Rebecca Vincent, de Reporters sans frontiĂšres.
"Cette loi pourrait ĂȘtre utilisĂ©e contre n'importe quel Ă©diteur, journaliste ou source dans n'importe quelle partie du monde. C'est pourquoi elle est si dangereuse".
M. Assange, qui a Ă©tĂ© diagnostiquĂ© comme souffrant du syndrome d'Asperger, est souvent son pire ennemi. "Travailler avec Assange a toujours Ă©tĂ© difficile", Ă©crit Alan Rusbridger, ancien rĂ©dacteur en chef du Guardian, qui, avec le New York Times, s'est associĂ© Ă WikiLeaks en 2010. "CâĂ©tait un mĂ©tamorphe, un anarchiste libertaire, un provocateur apatride.â
En novembre dernier, ces journaux ont fait partie des cinq organisations de presse qui ont signĂ© une lettre ouverte adressĂ©e Ă l'administration de M. Biden pour demander l'abandon des poursuites, estimant qu'il s'agissait d'un "prĂ©cĂ©dent dangereux" pour la libertĂ© de la presse. Leur requĂȘte n'a pas Ă©tĂ© facilitĂ©e par le fait qu'Assange a nui aux perspectives des dĂ©mocrates lors de l'Ă©lection de 2016 en divulguant les courriels de John Podesta, prĂ©sident de la campagne de Clinton.
La classe politique britannique n'est guĂšre plus sympathique. L'ordre d'extradition d'Assange a Ă©tĂ© signĂ© par l'ancienne ministre de l'intĂ©rieur Priti Patel. Rishi Sunak cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă s'entendre avec Washington. En tant que directeur des poursuites publiques, Keir Starmer a supervisĂ© le soutien apportĂ© par le Crown Prosecution Service aux tentatives suĂ©doises d'extrader Assange dans le cadre d'une affaire dâinconduite sexuelle abandonnĂ©e par la suite.
En Australie, pays natal de M. Assange et partenaire diplomatique clĂ© des Ătats-Unis dans la rĂ©gion indo-pacifique, la situation offre un certain espoir au fondateur de WikiLeaks : le gouvernement, l'opposition et 79 % de l'opinion publique sont unanimes pour demander l'abandon des charges retenues contre lui.
La plupart des mĂ©dias britanniques ont progressivement accordĂ© une certaine absolution Ă M. Assange. âLes choses ont commencĂ© Ă changer lorsqu'il a Ă©tĂ© emmenĂ© Ă Belmarshâ, explique John Rees, organisateur national de la campagne Don't Extradite Assange.
Mais peut-ĂȘtre est-il trop tard. Ce mois-ci, un juge a rejetĂ© un appel contre l'extradition. Le dernier plaidoyer d'Assange est dĂ©sormais entre les mains de la High Court.
https://inews.co.uk/opinion/julian-assange-wikileaks-founder-extradition-threat-media-2420594