👁🗨 Plus d'austérité = plus de protestations en 2023
Les affrontements risquent de s'intensifier si les gouvernements continuent à ne pas répondre aux demandes des populations, et persistent à mettre en œuvre des politiques d'austérité néfastes.
👁🗨 Plus d'austérité = plus de protestations en 2023
Par Isabel Ortiz & Sara Burke / Inter Press Service, le 17 janvier 2023
On demande aux gens de supporter les coupes d'austérité tout en subissant une crise du coût de la vie, écrivent Isabel Ortiz et Sara Burke.
Les dirigeants du monde entier ont commencé à se réunir à Davos pour discuter de la coopération en vue de faire face à des crises multiples, allant du Covid-19 au surendettement et aux chocs climatiques en passant par l'inflation galopante et le ralentissement de la croissance économique,
Trois mois plus tôt, les ministres des finances s'étaient réunis à Washington, D.C. pour la même raison. L'ambiance était sombre. La nécessité d'actions ambitieuses ne pouvait être plus grande; cependant, aucun accord n'a été conclu, ce qui témoigne de la fragilité du multilatéralisme et de la coopération internationale.
Pire encore, les décideurs politiques - conseillés par le Fonds monétaire international - ont recours à de vieilles politiques régressives qui ont échoué, telles que l'austérité (désormais appelée "restriction fiscale" ou "consolidation fiscale"), au lieu de mettre en place des initiatives de réduction de la dette et d'imposition des entreprises et du patrimoine, qui sont indispensables pour garantir une reprise équitable pour tous.
Un récent rapport mondial alerte sur les dangers d'une vague d'austérité post-pandémique, bien plus prématurée et sévère que celle qui a suivi la crise financière mondiale il y a dix ans.
Alors que les gouvernements ont commencé à réduire les dépenses publiques en 2021, un tsunami de coupes budgétaires est attendu dans 143 pays en 2023, ce qui aura un impact sur plus de 6,7 milliards de personnes, soit 85 % de la population mondiale.
Des dommages avérés
L'analyse des mesures d'austérité envisagées ou déjà mises en œuvre par les gouvernements du monde entier montre leurs impacts négatifs importants sur les personnes, nuisant en particulier aux femmes.
Ces politiques d'austérité sont: cibler la protection sociale, exclure les populations vulnérables qui ont besoin de soutien en réduisant les programmes destinés aux familles, aux personnes âgées et aux personnes handicapées (dans 120 pays); réduire ou plafonner la masse salariale du secteur public, réduire le nombre et les salaires des fonctionnaires, y compris des travailleurs de première ligne comme les enseignants et les personnels de santé (dans 91 pays); supprimer les subventions (dans 80 pays); privatiser les services publics ou réformer les entreprises d'État dans des domaines tels que les transports publics, l'énergie et l'eau; réformer les pensions durement gagnées en ajustant les prestations et les paramètres, ce qui entraîne une baisse des revenus des retraités (dans 74 pays); réformer la flexibilisation du travail (dans 60 pays); réduire les cotisations patronales de sécurité sociale, ce qui rend la sécurité sociale non viable (dans 47 pays), et même réduire les dépenses de santé alors que le Covid-19 n'a pas disparu.
L'austérité et toutes les souffrances humaines qu'elle provoque sont évitables, il existe des alternatives. Il existe au moins neuf options de financement, disponibles même dans les pays les plus pauvres, pleinement approuvées par les Nations unies et les institutions financières internationales, allant de l'augmentation de la fiscalité progressive à la réduction de la dette. Les décideurs politiques doivent les examiner de toute urgence. De nombreux pays les ont déjà mises en œuvre.
Des protestations dans le monde entier
Ces dernières années, les citoyens ont protesté contre l'austérité dans le monde entier. Une étude récente sur les protestations dans le monde montre que près de 1 500 protestations au cours de la période 2006-2020 étaient dirigées contre l'austérité.
Les citoyens réclament, entre autres, de meilleurs services publics, une protection sociale, des emplois assortis de salaires décents, la justice fiscale et budgétaire, une répartition équitable des terres et un meilleur niveau de vie. Les protestations contre les réformes des retraites et les prix élevés des denrées alimentaires et de l'énergie ont également été nombreuses.
Récemment, les crises de l'emploi et du coût de la vie ont été accentuées par la pandémie du Covid-19, ce qui a donné lieu à davantage de protestations malgré les lockdowns.
La majorité des protestations mondiales contre l'austérité et pour la justice économique ont manifesté l'indignation des gens face aux inégalités flagrantes. L'idée du "1 % contre les 99 %", apparue il y a dix ans lors des manifestations contre la crise financière de 2008, s'est répandue dans le monde entier, alimentant les griefs contre les élites et les entreprises qui manipulent les politiques publiques en leur faveur, tandis que la majorité des citoyens continuent de subir un faible niveau de vie, aggravé par les coupes d'austérité.
N'oublions pas que des trillions de dollars ont été utilisés pour soutenir les entreprises pendant la pandémie et pour soutenir les dépenses militaires. Aujourd'hui, on demande aux gens de subir des coupes d'austérité, alors qu'ils souffrent d'une crise du coût de la vie. Les réunions de 2023 à Davos ont été confrontées à de nouvelles protestations et à des demandes de taxation des riches.
À moins que les responsables politiques ne changent de cap, il ne faudra pas s'étonner de voir enfler les vagues de protestations dans le monde entier.
Les affrontements dans la rue risquent de s'intensifier si les gouvernements continuent à ne pas répondre aux demandes des populations, et persistent à mettre en œuvre des politiques d'austérité néfastes. Les gouvernements doivent être à l’écoute des demandes des citoyens qui protestent légitimement contre le déni des droits sociaux, économiques et civiques.
Qu'il s'agisse d'emplois, de services publics, de sécurité sociale, de justice fiscale ou climatique, la majorité des revendications des manifestants est en totale conformité avec les propositions des Nations unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les dirigeants et les responsables politiques ne feront que générer davantage de troubles s'ils ne donnent pas suite à ces demandes légitimes.
* Isabel Ortiz est directrice du Global Social Justice Program à l'Initiative for Policy Dialogue de Joseph Stiglitz à l'université de Columbia, ancienne directrice à l'Organisation internationale du travail (OIT) et à l'UNICEF.
Sara Burke est analyste politique senior à la Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) New York.
Cet article est tiré d'Inter Press Service.
Les opinions exprimées sont uniquement celles des auteurs et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.
https://consortiumnews.com/2023/01/17/more-austerity-means-more-protests-in-2023/