đâđš Plus de Titanic Ă Gaza
âMa mĂšre va me laisser faire un master au Qatarâ. Nous avons ri. Nous savions toutes deux qu'il Ă©tait impossible de quitter Gaza avec le contrĂŽle draconien exercĂ© par IsraĂ«l sur nos allĂ©es & venues.
đâđš Plus de Titanic Ă Gaza
Par Donya Ahmad Abu Sitta, le 13 mars 2024
L'annĂ©e derniĂšre, la vie semblait ĂȘtre encore un merveilleux voyage fait de souvenirs prĂ©cieux et d'amitiĂ©s sincĂšres.
Baraa est mon amie la plus proche. L'année derniÚre, sur le coup de minuit, alors que le 24 février passait au 25 - mon anniversaire -, elle m'a envoyé une vidéo et un message de félicitations.
Elle avait fait un montage avec des membres de sa famille, des amis et des professeurs, qui me prĂ©sentaient tous leurs vĆux. C'Ă©tait trĂšs touchant.
Une fois levée, j'ai fait ce que je fais habituellement pour mon anniversaire.
J'ai passé du temps avec Baraa, que j'avais retrouvée pour un café dans la matinée.
Nous avons discutĂ©. Nous avons plaisantĂ© sur nos rĂȘves, nos aspirations, nos espoirs, nos projets.
Nous avons plaisanté sur notre vie.
âJe suis en train de convaincre ma mĂšre de me laisser faire un master au Qatarâ, dit Baraa, impassible.
âJe vais suivre mon master Ă Ramallah, Ă l'universitĂ© de Birzeitâ, ai-je rĂ©pondu.
Nous avons ri. Nous savions toutes les deux qu'il était pratiquement impossible de sortir de Gaza en raison du contrÎle draconien exercé par Israël sur nos allées et venues.
AprÚs le café, nous sommes allés en cours.
Nous étions toutes deux sur le point de terminer nos études de premier cycle en anglais. Nos amis m'ont accueillie avec des livres, le genre de cadeaux qui a toujours eu ma préférence.
Comme tout bon groupe d'amis, nous n'Ă©tions pas d'accord sur l'endroit oĂč aller dĂ©jeuner, mais nous avons finalement dĂ©cidĂ© de passer la journĂ©e au Capital Mall Ă Khan Younis, dans le sud de Gaza, en dĂ©gustant une tasse de cafĂ© chaud Ă l'arĂŽme trĂšs particulier de chez Mazaj avant de passer Ă table.
La journĂ©e s'est poursuivie ainsi. Ma sĆur aĂźnĂ©e Lubna m'a appelĂ©e et m'a dit de ne pas rentrer Ă la maison aprĂšs mes cours, mais de la rejoindre, ainsi que nos autres sĆurs Jannah et Saja, au restaurant Le Titanic.
Situé au 17e étage de la tour al-Farra, le plus haut immeuble résidentiel de Khan Younis, le Titanic offre une vue imprenable sur Khan Younis et les villes alentour.
Nous avons passé la soirée avec parents et amis. On m'a coiffée d'une chéchia de Noël, et les serveurs ont apporté un gùteau avec des bougies.
Ma sĆur Lubna avait prĂ©vu de tourner une vidĂ©o, et ils ont chantĂ© pour moi. Mais la camĂ©ra n'a rien enregistrĂ©.
Faites que ça s'arrĂȘte
Avec le recul, je me suis dit que c'Ă©tait peut-ĂȘtre un signe avant-coureur.
Peut-ĂȘtre que la camĂ©ra a refusĂ© d'enregistrer des souvenirs qui ne pourraient bientĂŽt plus ĂȘtre.
Peut-ĂȘtre que le Titanic Ă©tait condamnĂ© Ă couler.
Sans doute.
Ce que je sais, c'est que cette annĂ©e, nous n'avons fĂȘtĂ© aucun anniversaire.
Il n'y a plus aucune universitĂ© oĂč aller. La machine militaire gĂ©nocidaire d'IsraĂ«l les a dĂ©truites.
Il n'y a plus de Capital Mall. Les bombardements aveugles d'Israël l'ont rasé.
Le restaurant Le Titanic nâexiste plus, la tour al-Farra non plus. LâarmĂ©e israĂ©lienne dĂ©chaĂźnĂ©e les a rĂ©duits en miettes.
Tant dâamis ont Ă©tĂ© tuĂ©s. Je ne sais mĂȘme pas exactement combien, parce qu'il est quasiment impossible de rester en contact avec qui que ce soit.
Cette année, je n'ai pas fait de liste de voeux pour la nouvelle année, ni plaisanté à ce sujet avec Baraa. Aucune motivation pour commencer une nouvelle année alors que ma ville, ma famille et mon peuple sont victimes d'un génocide.
Ă chaque seconde qui passe, je perds un ĂȘtre cher, ou un rĂȘve qui sâenvole.
Nous ne respirons plus que les cadavres, et ne mangeons que rarement.
Mes amis nâont pas pu me souhaiter mon anniversaire.
Mon seul souhait ? Que tout cela s'arrĂȘte.
Maintenant.
* Donya Ahmad Abu Sitta vit Ă Gaza.
https://electronicintifada.net/content/destruction-gazas-titanic/45056