👁🗨 Pourquoi je démissionne du département d'État
“Si les États-Unis ferment le robinet, nous ne pouvons plus nous battre. Tout le monde sait que nous ne pouvons pas mener cette guerre sans les États-Unis, un point c'est tout”.
👁🗨 Pourquoi je démissionne du département d'État
Par Quds News Network, le 28 mars 2024
Annelle Sheline, PhD, a travaillé pendant un an en tant que responsable des Affaires étrangères au Bureau des affaires du Proche-Orient au sein du Bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail du Département d'État.
Depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre, Israël a utilisé des bombes américaines dans sa guerre à Gaza, tuant plus de 32 000 personnes - dont au moins 15 000 enfants. D'innombrables autres ont été ensevelies sous les décombres, selon le ministère de la santé de Gaza. Israël est accusé à juste titre d'affamer les deux millions de personnes survivantes, selon le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à se nourrir. Un groupe de responsables d'organisations caritatives avertit que sans une aide adéquate, des centaines de milliers de personnes supplémentaires rejoindront bientôt les défunts.
Pourtant, Israël prévoit toujours d'envahir Rafah, où la majorité des habitants de Gaza ont fui. Des fonctionnaires de l'ONU ont qualifié le carnage qui devrait s'ensuivre de “dépassant l'imagination”. En Cisjordanie, des colons armés et des soldats israéliens ont tué des Palestiniens, y compris des citoyens américains. Ces actions, qui, selon les experts sur la question, relèvent du génocide, sont menées avec le soutien diplomatique et militaire du gouvernement américain.
L'année dernière, j'ai travaillé pour le Bureau chargé de promouvoir les droits de l'homme au Moyen-Orient. Je crois fermement à la mission et au travail essentiel de ce Bureau. Cependant, en tant que représentante d'un gouvernement qui soutient ouvertement ce que la Cour internationale de justice a qualifié de génocide à Gaza, ce travail m'est devenu presque impossible. Incapable de servir une administration qui permet de telles atrocités, j'ai décidé de démissionner de mon poste au département d'État.
La crédibilité dont jouissaient les États-Unis en tant que défenseurs des droits de l'homme a presque entièrement disparu depuis le début de la guerre. Les membres de la société civile ont refusé de répondre à mes tentatives de dialogue. Notre bureau cherche à soutenir les journalistes au Moyen-Orient, et pourtant, lorsque des ONG m'ont demandé si les États-Unis pouvaient aider les journalistes palestiniens détenus ou tués à Gaza, j'ai été choquée que mon gouvernement ne fasse rien pour les protéger. Selon le Comité de protection des journalistes, 90 journalistes palestiniens ont été tués à Gaza au cours des cinq derniers mois. C'est le nombre le plus considérable enregistré au cours d'un conflit depuis que le CPJ a commencé à collecter des données en 1992.
En démissionnant publiquement, je suis attristée de devoir renoncer à un avenir au sein du département d'État. Au départ, je ne prévoyais pas de donner ma démission publiquement. En raison de la brièveté de mon séjour au département d'État - j'ai été engagée pour un contrat de deux ans - je ne pensais pas être suffisamment influente pour annoncer publiquement ma démission. Cependant, lorsque j'ai commencé à informer mes collègues de ma décision de démissionner, la réponse que j'ai entendue à plusieurs reprises a été : “Merci de parler en notre nom”.
Depuis des mois, des fonctionnaires fédéraux comme moi tentent d'influencer la politique, en interne et, en cas d'échec, en public. Mes collègues et moi-même avons assisté avec horreur à la livraison par cette administration de milliers de munitions à guidage de précision, de bombes, d'armes légères et d'autres formes d'aide létale à Israël, et à l'autorisation de milliers d'autres, en contournant même le Congrès pour ce faire. Nous sommes consternés par le mépris flagrant de l'administration pour les lois américaines qui interdisent de fournir une assistance aux armées étrangères se livrant à des violations flagrantes des droits de l'homme, ou qui restreignent l'acheminement de l'aide humanitaire.
La politique de l'administration Biden stipule que
“la légitimité et le soutien public aux transferts d'armes de la part des populations des États-Unis et des pays bénéficiaires se basent sur la protection des civils, et les États-Unis se démarquent d’autres sources potentielles de transferts d'armes en mettant l'accent sur l'importance de la protection des civils”.
Pourtant, cette noble déclaration de politique est en contradiction flagrante avec les actions du président qui l'a promulguée.
Le président Joe Biden lui-même admet indirectement qu'Israël ne protège pas les civils palestiniens. Sous la pression de certains Démocrates du Congrès, l'administration a adopté une nouvelle politique visant à garantir que le transfert de matériel militaire à l'étranger ne viole pas les lois nationales et internationales en vigueur.
Pourtant, tout récemment, le département d'État a affirmé qu'Israël se conforme au droit international dans le cadre de sa guerre et de l'aide humanitaire qu'il fournit. Cette affirmation, alors qu'Israël bloque l'entrée de l'aide humanitaire et que les États-Unis ont largué des produits de première nécessité par avion aux habitants de Gaza affamés, bafoue les prétentions de l'administration à se préoccuper de la loi ou du sort d’innocents Palestiniens.
Certains ont affirmé que les États-Unis n’avaient plus d'influence sur Israël. Pourtant, le général de division israélien à la retraite Yitzhak Brick a fait remarquer en novembre que les missiles, les bombes et les avions d'Israël proviennent tous des États-Unis.
“S’ils ferment le robinet, nous ne pouvons plus nous battre”, a-t-il déclaré. “Tout le monde sait que nous ne pouvons pas mener cette guerre sans les États-Unis, un point c'est tout”.
Aujourd'hui encore, Israël envisage d'envahir le Liban, augmentant ainsi le risque d'un conflit régional dévastateur. Les États-Unis ont cherché à prévenir cette éventualité, mais n'ont pas l'intention de priver Israël d'armes offensives afin de lui imposer une plus grande retenue dans ce pays ou dans la bande de Gaza. Le soutien de M. Biden au gouvernement israélien d'extrême droite risque donc de déclencher une conflagration plus large dans la région, qui pourrait bien mettre les troupes américaines en danger.
Nombre de mes collègues se sentent trahis. J'écris en mon nom personnel, mais je parle au nom de beaucoup d'autres, notamment Feds United for Peace, un groupe qui se mobilise en faveur d'un cessez-le-feu permanent à Gaza et représente des travailleurs fédéraux à titre personnel dans tout le pays, ainsi que dans 30 agences et départements fédéraux. Après quatre années de paralysie du département par le président Donald Trump, les employés du département d'État ont accueilli favorablement la promesse de M. Biden de reconstruire la diplomatie américaine. Pour certains, le soutien des États-Unis à l'Ukraine contre l'occupation illégale et les bombardements de la Russie a semblé rétablir le leadership moral de l'Amérique. Pourtant, l'administration continue de permettre l'occupation illégale et la destruction de Gaza par Israël.
Je suis hantée par le dernier message publié sur les réseaux sociaux par Aaron Bushnell, le militaire de l'armée de l'air américaine âgé de 25 ans qui s'est immolé devant l'ambassade d'Israël à Washington le 25 février :
“Nous sommes nombreux à nous poser la question suivante : ‘Que ferais-je si j'étais encore en vie à l'époque de l'esclavage ? Ou du temps de Jim Crow dans le Sud ? Ou de l'apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ?’ La réponse est que vous êtes en train de le faire. En ce moment même’.
Je ne peux plus poursuivre mes activités. J'espère que ma démission pourra contribuer aux nombreux efforts visant à pousser l'administration à renoncer à son soutien à la guerre d'Israël, dans l'intérêt des deux millions de Palestiniens dont la vie est menacée, et celui de la posture morale de l'Amérique dans le monde.