đâđš Pourquoi les fĂ©dĂ©raux m'ont-ils interrogĂ© ?
Dans le cadre des Five Eyes, des journalistes comme Richard Medhurst ont subi des descentes de police, ont Ă©tĂ© emprisonnĂ©s & mĂȘme Ă©tĂ© poursuivis au pĂ©nal pour leurs opinions sur IsraĂ«l & la Palestine.

đâđš Pourquoi les fĂ©dĂ©raux m'ont-ils interrogĂ© ?
Par Max Blumenthal, le 26 février 2025
Un agent fĂ©dĂ©ral mâattendait peu aprĂšs ma descente d'un vol international. Jâai alors eu droit Ă une brĂšve, mais inquiĂ©tante sĂ©ance de questions-rĂ©ponses.
Alors que je m'approchais de la file d'attente des douanes Ă l'aĂ©roport international de Dulles, tĂŽt dans la matinĂ©e du 24 fĂ©vrier, un homme m'a interpellĂ© : âM. Blumenthal ?â. Il s'est prĂ©sentĂ© comme un agent des douanes et de la protection des frontiĂšres et m'a emmenĂ© dans une salle de contrĂŽle annexe immense, oĂč il m'a soumis Ă une sĂ©ance d'interrogatoire aussi bizarre que dĂ©routante.
Je venais de rentrer d'un voyage en famille au Nicaragua, au cours duquel je n'avais participĂ© Ă aucun Ă©vĂ©nement politique. Mais les questions de l'agent laissaient entendre que les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales ne s'intĂ©ressaient guĂšre Ă ma visite au Nicaragua, un pays qui se trouve ĂȘtre gouvernĂ© par un systĂšme de type socialiste figurant sur la liste des cibles de Washington.
Alors que ma famille et moi suivions l'agent le long d'un interminable couloir, il s'est tournĂ© vers moi et m'a dit : âJ'ai vu votre derniĂšre apparition dans l'Ă©mission Judge Napolito [sic]â. Il faisait rĂ©fĂ©rence Ă Andrew Napolitano, ex-animateur de Fox News et ancien juge fĂ©dĂ©ral, qui anime une Ă©mission quotidienne en direct Ă laquelle participent d'anciens hauts gradĂ©s de l'armĂ©e et des services de renseignement, ainsi que des journalistes qui, comme moi, s'opposent aux rĂ©cits officiels sur la sĂ©curitĂ© nationale. Presque toutes mes apparitions dans l'Ă©mission de Napolitano, âJudging Freedomâ ont portĂ© sur les guerres meurtriĂšres d'IsraĂ«l Ă Gaza, au Liban et au-delĂ , au cours des 16 derniers mois.
Lorsque j'ai demandĂ© Ă l'agent s'il avait apprĂ©ciĂ© mon entretien avec le juge, il a haussĂ© les Ă©paules et refusĂ© de donner son avis. Essayait-il simplement de me prĂ©parer Ă notre sĂ©ance de questions-rĂ©ponses, ou me signalait-il officieusement que Big Brother Ă©tait en train de me regarder ? âCe nâest quâun Ă©change amicalâ, a-t-il insistĂ© lorsque nous sommes entrĂ©s dans la vaste salle de contrĂŽle annexe. âVous n'ĂȘtes pas ciblĂ©, ou quoi que ce soit d'autreâ.
Debout devant un bureau mĂ©tallique, l'agent m'a demandĂ© de remplir un questionnaire avec des informations personnelles et des dĂ©tails sur mon voyage. Une fois le formulaire rempli, il a retournĂ© le document et m'a montrĂ© une liste manuscrite de quelques noms. âConnaissez-vous l'une ou l'autre de ces personnes ?â
Deux d'entre elles Ă©taient des noms anglophones : Nicole Smith et Susan Benjamin. Les trois autres Ă©taient des noms musulmans extrĂȘmement courants. Comme l'agent ne m'a pas autorisĂ© Ă photographier la liste, je n'ai pu en retenir qu'un seul : Muhammad Khan. Je ne connaissais aucun des noms de cette liste. Et la seule Nicole Smith qui me venait Ă l'esprit Ă©tait le mannequin dĂ©cĂ©dĂ© dans des circonstances Ă©tranges Ă l'Ăąge de 39 ans. J'ai donc dit Ă l'agent que ces noms ne m'Ă©voquaient rien.
Je n'aurais Ă©videmment pas aidĂ© l'agent mĂȘme si j'avais eu un lien personnel avec l'un des noms de la liste. Des militants et des journalistes qui ont subi des interrogatoires similaires m'ont appris que les agents fĂ©dĂ©raux posent souvent des questions ineptes ou fallacieuses pour faire parler leur interlocuteur, puis tentent de le manipuler ou de le piĂ©ger afin de l'impliquer dans un dĂ©lit.
[ John Kiriakou : Sachez vos droits. Ne parlez pas aux policiers des l'aéroports]
En fait, la Cour suprĂȘme des Ătats-Unis a statuĂ© que la police est habilitĂ©e Ă mentir pour obtenir des aveux de la part de suspects. Si des agents du gouvernement veulent soumettre des citoyens amĂ©ricains comme moi Ă un interrogatoire prolongĂ©, ils doivent respecter les procĂ©dures constitutionnelles et nous permettre d'ĂȘtre assistĂ©s d'un avocat.
Libre de partir
AprĂšs avoir passĂ© plusieurs minutes dans un petit bureau, l'agent est revenu pour nous informer que nous pouvions partir. Alors que nous sortions de la salle de contrĂŽle et que nous nous dirigions vers la zone de retrait des bagages, un employĂ© de l'aĂ©roport originaire d'Afrique de l'Ouest s'est approchĂ© de moi Ă bord de sa voiturette-laveuse, m'a serrĂ© la main et m'a demandĂ© de prendre un selfie. Comme l'agent fĂ©dĂ©ral, il Ă©tait apparemment au courant de ma contribution journalistique, mais la voyait d'un Ćil beaucoup plus favorable.
En attendant nos bagages, ma femme, Anya Parampil, a pris conscience d'un élément troublant. Elle a découvert que Susan Benjamin est le nom de naissance de notre amie Medea Benjamin, cofondatrice de Code Pink, et l'une des militantes anti-guerre les plus connues de la planÚte.

Le lendemain, j'ai informĂ© Medea de ma mĂ©saventure Ă Dulles et lui ai demandĂ© si elle avait vĂ©cu quelque chose de similaire. Elle m'a dit qu'Ă une Ă©poque, elle Ă©tait harcelĂ©e par les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales chaque fois qu'elle sortait du pays. Le F.B.I. a envoyĂ© un agent pour l'accueillir Ă l'aĂ©roport Ă son retour d'un voyage Ă l'Ă©tranger et l'a appelĂ©e Ă plusieurs reprises pour tenter, en vain, de solliciter un ârendez-vousâ. Elle a dĂ©clarĂ© que le harcĂšlement avait cessĂ© aprĂšs qu'elle ait dĂ©posĂ© une sĂ©rie de plaintes, mais mon expĂ©rience lui a fait craindre que cela ne recommence.
Bien que j'aie été autorisé à retourner dans mon pays aprÚs une brÚve séance de questions-réponses avec un agent fédéral poli, je considÚre que cet incident est un acte de harcÚlement politique et semble indiquer une aggravation du harcÚlement à l'encontre des journalistes et des activistes ayant exprimé des points de vue anti-guerre et antisionistes.
Je ne peux que spéculer sur l'objectif ultime des fédéraux, mais je connais plusieurs militants anti-guerre qui ont vu des agents du F.B.I. se présenter à leur porte au cours des derniers mois pour leur poser des questions sur l'Iran et sur des personnes portant des noms musulmans ou arabes. Juste à cÎté de Dulles, le F.B.I. a perquisitionné le domicile d'une famille palestinienne américaine dont la fille est une militante de la solidarité avec la Palestine à l'université George Mason.
Plus largement, dans le cadre des Five Eyes, dans les Ătats europĂ©ens vassaux qui ne bĂ©nĂ©ficient pas des mĂȘmes protections que les AmĂ©ricains en matiĂšre de libertĂ© d'expression, des journalistes comme Ali Abunimah, Asa Winstanley et Richard Medhurst ont fait l'objet de descentes de police, ont Ă©tĂ© emprisonnĂ©s et ont mĂȘme Ă©tĂ© poursuivis au pĂ©nal pour les opinions qu'ils ont exprimĂ©es sur IsraĂ«l et la Palestine.
Mon collĂšgue de The Grayzone, Kit Klarenberg, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par des policiers britanniques chargĂ©s de la lutte contre le terrorisme et interrogĂ© pendant des heures au sujet de son travail journalistique sur les machinations de Londres en Ukraine et au-delĂ .
Un autre de nos collaborateurs, Jeremy Loffredo, a passĂ© plusieurs jours dans une prison israĂ©lienne et a Ă©tĂ© expulsĂ© aprĂšs que les autoritĂ©s l'ont abusivement accusĂ© d'âassistance Ă un ennemi en temps de guerreâ pour son journalisme en territoire occupĂ©.
Au Canada, le militant Yves Engler vient d'ĂȘtre libĂ©rĂ© aprĂšs avoir passĂ© cinq jours en prison aprĂšs qu'une militante sioniste fanatique, Dahlia Kurtz, l'a accusĂ© d'âincitation Ă la haineâ pour l'avoir qualifiĂ©e de âfascisteâ. Pendant ce temps, le premier ministre israĂ©lien Benjamin Netanyahu voyage sans aucune difficultĂ© de Berlin Ă Washington, malgrĂ© un mandat d'arrĂȘt de la Cour pĂ©nale internationale (CPI) pour avoir organisĂ© des crimes de guerre effroyables dans la bande de Gaza assiĂ©gĂ©e.
L'expĂ©rience que j'ai vĂ©cue Ă l'aĂ©roport international de Dulles n'est rien en comparaison de ce qu'un nombre croissant de journalistes et de militants ont endurĂ© dans les Ătats de l'OTAN sous gestion sioniste. NĂ©anmoins, il est essentiel de documenter des Ă©vĂ©nements comme ceux-lĂ et de se prĂ©parer Ă de futures confrontations qui pourraient ne pas ĂȘtre aussi âamicalesâ.
* Rédacteur en chef de The Grayzone, Max Blumenthal est un journaliste primé et l'auteur de plusieurs livres, dont les best-sellers Republican Gomorrah, Goliath, The Fifty One Day War et The Management of Savagery. Il a produit des articles pour un grand nombre de publications, de nombreux reportages vidéo et plusieurs documentaires, dont Killing Gaza. Blumenthal a fondé The Grayzone en 2015 pour mettre en lumiÚre l'état de guerre perpétuelle de l'Amérique et ses dangereuses répercussions intérieures.
https://consortiumnews.com/2025/02/26/max-blumenthal-why-did-the-feds-question-me/